Les professions médicales ont ceci de commun avec les commerçants, artisans et autres indépendants que ce ne sont pas des forcenés de la protestation. On ne les voit qu’assez rarement défiler dans les rues, et encore moins faire grève : pour les uns, personnels médicaux, arrêter le travail est une entorse à leur sens de la déontologie ; pour les autres, les équilibres sont souvent tellement précaires que perdre un ou plusieurs jours de revenu serait suicidaire. Et pourtant, les voilà derrière des banderoles. Les uns contre le RSI (le Régime social des indépendants), les autres contre la loi Touraine. Les uns contre les dysfonctionnements administratifs, la lourdeur bureaucratique, l’autisme des grands systèmes à l’égard des individus. Les autres contre la menace d’être soumis au Léviathan étatique, à une administration toute-puissante qui deviendrait leur source principale (unique ?) de rémunération.
On pourra objecter qu’une fois de plus, des lobbies cherchent à bloquer toute tentative de réforme. Ce serait une erreur : ceux qui battent le pavé ne le font pas pour défendre un privilège, une rente, un statut exorbitant du lot commun, mais pour éviter un enfermement dans le système, parfois même un étranglement par celui-ci. Tout, dans la loi Touraine, est pensé au nom du dogme d’une médecine gratuite mais rien n’est fait pour améliorer la croissance ou l’emploi, pourtant priorité du gouvernement. Tout, dans le fonctionnement abracadabrantesque du RSI, aboutit à pressurer les cotisants, mais rien ne parvient à simplifier, alléger, fluidifier leurs rapports avec cette bureaucratie. Dans une France profondément déboussolée, prête à s’en remettre au Front national, attiser les foyers de mécontentement au cœur de la médecine et laisser pourrir le dossier du RSI est une folie. Marisol Touraine en porte une large responsabilité.