Il a donc fallu 110 heures pour examiner cette loi Macron que le chef de l’Etat lui-même assure ne pas être « la loi du siècle ». Pourquoi tant de temps ? Version positive : parce que le ministre de l’Economie s’est livré à un exercice inédit de « coproduction législative », qui trouvera une majorité. Version plus alarmante : parce qu’Emmanuel Macron a dû affronter corporatistes, conservateurs et idéologues de tous poils. Des députés au parcours de parfaits apparatchiks ont ainsi pu faire la leçon à un ministre qui cumulait le double « handicap », selon eux, de s’être colleté au monde économique et de ne pas être élu...
C’était assez pour le taxer de libéralisme outrancier, le suspecter de consumérisme débridé, l’accuser de liquider le modèle français et, au final, de détruire des emplois au prétexte d’en créer.
Voilà sans doute le plus inquiétant. A rebours de toutes les réformes votées en Europe et malgré 5,5 millions de chômeurs, les frondeurs ont trouvé des relais, jusqu’au sein de la droite, pour reprendre leur logorrhée passéiste. Comme si la France restait persuadée que le travail, denrée rare, doit être réglementé, contingenté, contrôlé, surprotégé et surtaxé. Comme si la concurrence, l’innovation, la prise de risque et le succès devaient être considérés avec suspicion car échappant au carcan égalitariste de l’Etat.
Cette vision obsolète a poussé le ministre à la prudence. Trop, bien sûr. Mais si elle ne va pas assez loin, la « loi croissance » a eu au moins le mérite de raconter une réalité différente du déni habituel. En filigrane de ses articles, on comprend qu’à trop protéger, on asphyxie ; qu’à trop complexifier, on bride ; qu’à trop légiférer, on étrangle. Une loi Macron II, vite !