Que, dans un accès de plénitude satisfaite, François Hollande ait pu déclarer : « Le pays a changé, le regard qu’il porte sur ma présidence aussi », peut se comprendre. La séquence des attentats et leurs suites immédiates ayant été parfaitement gérées, la cote de popularité du chef de l’Etat a naturellement bondi et son optimisme atavique aussi. Mais de là à croire que tout ce qui était échec va se transformer en succès, il y a un pas qu’il serait hasardeux de franchir. Il en va de même pour l’esprit de concorde nationale : que ce petit miracle impose à tous une forme de retenue dans l’expression de ses différences et oblige à repenser ses priorités est naturel. Mais qu’il soit invoqué en toute occasion pour faire taire ses désaccords et imposer un vrai-faux consensus est un non-sens.
 
C’est pourtant le danger qui guette : s’adressant aux « forces vives de la Nation », le président de la République a ainsi formé le vœu d’une conclusion rapide des négociations entre patronat et syndicats sur le droit du travail. Ce serait, a-t-il expliqué, montrer de la part de chaque acteur du social « un sens élevé de ses devoirs et de son unité ». En somme, pour se mettre en symbiose avec l’air du temps, chaque négociateur devrait en rabattre sur ses exigences. Pour répondre au climat de l’instant, chaque partie devrait sacrifier sa vision de l’avenir. Au risque de traîner pour des années les conséquences d’un mauvais accord entre partenaires sociaux pour le seul effet d’image qu’une signature pourrait produire.
L’union nationale ne peut pas devenir l’unanimité nationale, encore moins l’unanimisme. Et la défense de grandes valeurs de la République comme la liberté d’expression ne peut se faire au détriment de la diversité des opinions.