Le modèle républicain ? Depuis des années, c’est une République abstraite, aussi idéalisée qu’irréelle, que l’on convoque à tout bout de champ. Et un citoyen rêvé – forcément libre, égal et fraternel – que l’on invoque pour mieux masquer notre impuissance à freiner la désintégration sociale. Comme si à la montée patente du communautarisme, il suffisait d’opposer la tradition de l’intégration par assimilation. Comme si la fabrique d’inégalités sociales qu’est devenu notre système scolaire pouvait être sauvée à force d’égalitarisme forcené.
 
Comme si face à l’inquiétante invasion du fait religieux à l’école ou dans l’entreprise, répéter « laïcité, laïcité, laïcité » réglait pour partie la question. Fort sur les principes, faible sur leur application, aveugle à leur violation : telle a été la règle.
Bien sûr, il faudra du temps pour donner du sens à l’immense mouvement de fraternité du 11 janvier. L’émotion passée, la tentation sera pourtant grande pour les uns et les autres d’appliquer la grille de lecture qui prévalait avant l’effroyable drame pour expliquer comment rénover – ou non - le modèle républicain. Sur le service militaire, sur la loi de 1905, sur la liberté d’expression ou sur l’intégration, déjà le débat s’engage. Rien de plus naturel.
Mais face à la dignité et à la maturité dont a fait preuve la nation, il serait dommage (pour ne pas dire dangereux) que cette confrontation des idées repose sur des a priori biaisés, des clichés éculés, les dénis habituels plutôt que sur la réalité.
Sans vrai diagnostic sur les failles et les faillites du système, la réinvention d’un « modèle » devenu inefficace ne mènerait à rien.