Mission accomplie : le peuple français, mobilisé comme jamais dans l’histoire, a envoyé à ses agresseurs un message d’une force incomparable. « Nous n’avons pas peur », ont dit d’une seule voix deux à trois millions de Français et les représentants de nombreux pays amis ; « Vous ne nous ferez pas taire ; vous n’imposerez pas vos valeurs, votre dictature de la pensée, votre antisémitisme ; vous ne gagnerez pas ».
Ce succès est exceptionnel, enthousiasmant. Tant mieux. Mais il ne règle évidemment aucune des questions qui nous ont explosé au visage pendant ces jours terribles. Prenons garde, alors, qu’il ne soit trompeur. On peut en effet se saouler de mots, s’enivrer de concepts – laïcité, République, vivre ensemble – en croyant que cela nous protégera. Il n’en est rien. Ce serait d’ailleurs une erreur de penser que toute la France a défilé, ce week-end : une partie d’entre elle ne se reconnaît pas dans cette mobilisation. Une partie d’entre elle se sent exclue et, sans approuver un seul instant la violence des terroristes, sait bien que les bons sentiments et l’unanimisme des réactions ne régleront pas les immenses problèmes que notre société doit affronter.
C’est l’autre message venu des millions de manifestants et des autres. Il s’adresse à nos dirigeants, actuels et futurs, à ceux-là même qui défilaient au premier rang. Ce n’est pas un message de soutien, c’est un message d’exigence. Il les oblige. Dans l’immédiat, quelles réformes mettre en place, quelle prévention, quel durcissement des conditions de circulation des hommes, quelle surveillance aux frontières ? Et puis, plus largement, que faire pour remettre nos valeurs au centre, quelle éducation, quelle façon de vivre, quel monde du travail, quel arbitrage entre libertés et contrôles, entre droits de l’homme et répression ? C’est bien tout l’équilibre de notre société qui est en jeu. 
Et toute sa manière de construire l’avenir.