TOUT EST DIT

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mardi 17 février 2015

Prostitution : chacun son corps ou corps d’État ?

Les politiciens ont un certain talent pour le timing. Alors qu’on s’émeut des excès que certains d’entre eux commettent derrière des portes fermées, ils se décident à légiférer une fois de plus sur la prostitution pour, justement, fermer la porte aux excès.
Et alors que sont révélées au grand jour leurs parties fines, force est de constater que leurs analyses, elles, manquent de finesse : l’amalgame est fait entre la prostitution et tous les maux qui l’entourent, au point qu’on parle de la « proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel ». L’objectif est simple : « en finir avec le plus vieux métier du monde ». Pour un monde plus bisou, il faut en finir avec les bisous tarifés.
L’objectif est simple, voire simpliste : il est illusoire de penser faire disparaître le plus vieux métier du monde. La prostitution existerait dans le règne animal, notamment chez le pingouin et le chimpanzé. C’est une activité simple, demandant relativement peu de compétences, et répondant à une demande abondante générée par un instinct que tous n’ont pas l’envie ou la force de maîtriser ou la possibilité de satisfaire autrement.
Cette difficulté à satisfaire un instinct naturel chez certaines populations a d’ailleurs conduit Jérôme Guedj, président du Conseil Général de l’Essonne, à proposer l’étude d’une « assistance sexuelle »pour les personnes handicapées. Malgré toutes les précautions langagières pour ne pas apparenter l’assistance sexuelle à de la prostitution, il s’agit de rémunérer des prestations sexuelles pour favoriser « l’éveil et l’accompagnement à la sexualité » de personnes dépendantes. Ne parlons donc plus de prostitution, mais d’assistance sexuelle à personnes non handicapées, et le problème est réglé.
Enfin, pas tout à fait réglé : il faut veiller à ce que la prostitution demeure un échange librement consenti. Et pour cela, il n’y a rien de pire que de confiner la prostitution à l’illégalité. Si les prostituées sont vulnérables aux violences, les empêcher d’être protégées en interdisant le proxénétisme les rend plus vulnérables. Si les prostituées sont victimes de filières de traite d’êtres humains, rendre leur activité illégale renforce la menace et les moyens de pression qu’utilisent ces réseaux pour empêcher leurs victimes de les quitter. On ne peut faire disparaître la prostitution, et le meilleur moyen de protéger celles qui l’exercent est de leur permettre d’exercer cette activité librement. Si elles ont la possibilité de proposer leurs services en toute transparence, les prostituées seront plus en sécurité.
Pour les mêmes raisons, criminaliser la consommation et la vente de produits stupéfiants génère plus de risques pour leurs consommateurs et accroît le pouvoir des réseaux criminels. Demeurent les craintes et jugements moraux.
Notamment la crainte d’une « marchandisation du corps », dans l’idée qu’une activité qui n’a rien de mal en soi deviendrait mauvaise si elle est exercée contre rémunération. Idée qui touche aussi bien la gestation pour autrui que le don d’organes ou la prostitution, et que l’on pourrait tout aussi bien étendre au travail : en utilisant pendant un temps donné mon corps contre rémunération, ne serais-je pas chaque jour en train de m’adonner à la marchandisation de mon propre corps ?
La prostitution serait également immorale. Un client lubrique, le regard plein de vice, ayant pour seul but d’assouvir ses pulsions malsaines auprès d’une victime y perdant sa dignité dans un grand dévoiement de l’amour.
On pourra toujours arguer que les prostituées n’ont pas d’autre choix, et que leurs clients abusent de cette position comme un chef d’entreprise abuserait de ses employés en leur proposant de travailler les soirs et week-ends. Mais si les prostituées n’ont pas d’autre choix, à quoi bon leur interdire le seul choix dont elles disposent, et avec quelles conséquences ?
Et la victime n’en est pas une si elle est consentante. Le caractère dégradant de la prostitution, pour le consommateur ou le prestataire, est un jugement moral, et subordonner la légalité à la moralité est dangereux. 
Ne pourrait-on d’ailleurs pas arguer que l’État-providence, qui transforme un bel et noble acte en contrainte, est un dévoiement de la solidarité ? Qu’il est profondément immoral ?
L’État-providence est à la solidarité ce que le viol est à l’amour. – @Jabial
On ne change pas les gens en leur interdisant certains comportements et en leur en imposant certains autres. Les hommes ne deviennent pas vertueux parce qu’on les y oblige, mais par choix. Encore faut-il qu’ils aient le choix.
Interdire et imposer, c’est réduire les choix disponibles pour chaque individu. Pornographie, drogues, prostitution : les citoyens sont responsables de leurs choix, qu’ils en soient fiers, en rougissent ou n’en aient rien à faire. Et ils doivent être libres.

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