On a cru un moment que la gauche se divisait désormais en deux camps : ceux qui aiment les entreprises, et ceux qui ne les aiment pas ; ceux qui ont compris que la croissance et les emplois ne se feraient pas sans elles, et ceux qui imaginent encore que le collectif et l’étatique ont une légitimité et une efficacité supérieures à tout.
 
On sait maintenant que la gauche, qu’elle aime ou pas les entreprises, se retrouve unie sur un point : elle n’aime pas les patrons. Elle les suspecte de geindre, de quémander, de pleurnicher toujours et d’être un bloc d’ingratitude. Elle pense que le gouvernement cajole les entreprises (on retrouve alors les deux camps : ceux qui l’admettent et ceux qui combattent cette trahison de classe). Et elle s’exaspère donc de voir que les patrons ne s’en contentent pas. C’est une curieuse malédiction française que cette relation de méfiance ou pire, d’hostilité, entre le monde de la production et l’univers de la politique. Ça ne date évidemment pas d’hier. Mais rarement la tension a été aussi forte entre un gouvernement qui attend des patrons une contrepartie aux milliards d’euros qui se déverseraient sur les entreprises, et le patronat qui attend du pouvoir que les discours se traduisent en actes et que la majorité cesse de se servir de lui comme d’un punching-ball politique.
Chez tous nos voisins, les gouvernements ont compris que leur rôle était de créer un contexte de confiance et un environnement économique favorable aux entreprises. En France, le pouvoir en est encore à croire habile d’opposer les petits patrons aux grands PDG, les start-up aux multinationales, l’industrie à la finance, les chefs d’entreprise au patronat. Et refuse de comprendre que leur volonté commune de se développer sans étouffer sous les contraintes est ce qu’il peut arriver de mieux pour la croissance et l’emploi.