TOUT EST DIT

TOUT EST DIT
ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

mardi 18 novembre 2014

Le déficit dérape (encore), mais rassurez-vous, des solutions existent.

Ça y est, la France est à nouveau sur les rails de la réussite, et les réformes sont en cours. Bien sûr, il faut s’accrocher, mais il apparaît certain qu’avec les efforts immenses consentis jusqu’à présent, et les efforts monstrueux qui ne manqueront pas de s’ajouter à ceux déjà réalisés, le résultat sera grandiose et le succès, certain, sera au bout de la route.
Bien sûr, le chômage n’est toujours pas résorbé. Mais ça, c’est su, connu, lu et relu. Passons. Bien sûr, la croissance est en berne, mais c’est déjà intégré dans toutes les feuilles Excel de Bercy. Passons. Bien sûr, l’inflation, sur laquelle l’État compte énormément pour étouffer doucement sa dette, n’en finit pas de bouder, malgré lesannonces fracassantes de Draghi – c’est même la déflation qui est constatéeactuellement. Bon, soit. Mais tout ceci est contrôlé. N’allez pas imaginer que les élites qui nous gouvernent, qui ont fait plein d’écoles importantes avec plein de diplômes compliqués et qui ont passé des concours (dont ceux de circonstance), n’ont pas tout prévu et n’ont pas tout préparé pour tenir compte de ces éléments.
Ne vous inquiétez pas : la trajectoire est connue. Bon. En attendant, il y a des petits nids de poule.
Par exemple, dans les petits chiffres dont la presse discute très peu, et le gouvernement encore moins, on découvre que la vacance des centres commerciaux augmente régulièrement depuis deux ans. Si les experts du milieu se chamaillent pour savoir à combien cette vacance s’établit précisément (on évoque de 3 à 6%), il n’en reste pas moins que le constat, dressé par différents acteurs du marché, n’est pas rose, notamment en ce qui concerne la stratégie employée actuellement par les centres pour se maintenir en vie :
« Une enseigne est obligée de grossir, répond Jean-Luc Bret, président de la Croissanterie. Nous compensons la baisse de rentabilité des points de vente en achetant moins cher et en regardant de près nos frais de personnel. »
Comme quoi, pour baisser la rentabilité d’une société, il n’y a pas besoin de faire appel à Manu Macron. On notera au passage le lien étroit entre cette rentabilité et la masse salariale, ce qui pourrait fournir une piste de réflexion pour ceux qui, au plus haut niveau de l’État chuchote-t-on, entendent combattre le chômage.
socialisme magique
Par exemple, les défaillances des très petites entreprises explosent actuellement. Ces très petites entreprises (un ou deux salariés) ont le plus souffert au troisième trimestre 2014 puisque 4.861 d’entre elles – sans compter les auto-entrepreneurs – ont été placées en redressement ou en liquidation judiciaire, soit une hausse de 30% par rapport à la même période de l’an passé. L’explication de ces mauvais chiffres est fournie par Thierry Millon, du cabinet Altares qui a réalisé l’étude aboutissant à ces résultats pas trop folichons :
« Pour ce type d’entreprises, vu la volatilité des affaires et la fragilité des sociétés, il suffit d’une météo défavorable pour la restauration par exemple, ou d’arbitrages de la part des consommateurs à certains moments de l’année pour que les comptes tombent dans le rouge. Une entreprise de un ou deux salariés doit avoir une activité qui lui permette de faire face aux charges fixes. Sinon, tout coup dur peut très vite se traduire par une défaillance. »
oh filocheBien sûr, la notion de « coup dur » est vaste, mais comment ne pas penser à ces petits artisans, ces petites entreprises subitement embringués dans un gentil redressement fiscal, une triviale poursuite de l’URSSAF ou du RSI (dont l’amour de la gestion taillée au cordeau est maintenant proverbiale), ou la visite impromptue et gracieuse de l’un ou l’autre collègue de Gérard Filoche, avec la délicatesse et la compréhension qui les caractérisent. N’oubliez pas que l’État et ses administrations ont actuellement un grand besoin de trésorerie, et ratisser les petites entreprises est une méthode efficace : les victimes n’ont pas le temps ni les moyens financiers de traiter les demandes consternantes, ubuesques et kafkaïennes de ces administrations, et finiront assez vite par cracher au bassinet, quitte à calancher. Mieux que ça : ces milliers de petites entreprises sont éparpillées, pas du tout coordonnées et, au contraire de grosses entreprises, ne font pas de bruit lorsqu’elles disparaissent. Politiquement, c’est du velours.
Ce qui est d’ailleurs confirmé par la tendances des petites boutiques à, elles aussi, passer l’arme à gauche. On apprend ainsi que 4.500 magasins d’habillement indépendants ont fermé au premier semestre. Si une partie de ces fermetures doit certainement à la concurrence des grandes chaînes nationales ou internationales, la fragilité du secteur doit aussi beaucoup… à une trésorerie tendue et un chiffre d’affaires en berne. Tensions et rétrécissements d’ailleurs provoqués par les petites giboulées d’impôts et de taxes, tant sur les entreprises que sur leurs clients, et par l’onctuosité naturelle des administrations lorsqu’il s’agit de bien faire comprendre à tout ce petit monde qui commande, qui encaisse, et qui tabasse.
Las.
ministère des petites économiesMalgré ces petites corrections fiscales d’arrière-cour, le budget peine toujours autant à se boucler avec élégance. Alors que le mois d’octobre sera passé assez difficilement, sur fond de bisbilles avec la Commission européenne pas franchement heureuse d’apprendre que les déficits français continuaient de grimper, le mois de novembre se place douloureusement sous les mêmes auspices, alors qu’à nouveau, le déficit budgétaire dérape et affiche un gros 88,2 milliards d’euros joufflu au compteur. Et c’est à l’occasion de la présentation du second projet de budget rectificatif pour 2014 qu’a donc été acté le nouveau dérapage du déficit de l’État, avec 4,3 milliards d’euros de plus que ce qui était prévu cet été.
Les explications de ce petit détour par les zones humides du bas côté routier sont intéressantes : c’est la faute au méchant « contexte macroéconomique qui pèse de façon conséquente sur les recettes fiscales du budget général », façon pudique pour le ministère des (toutes) petites économies de nous dire que les sous ne rentrent pas aussi bien que prévu (oh, zut alors). La croissance est faible, ma bonne dame, et avec toutes ces entreprises qui refusent de lâcher des thunes, voire qui clabotent en silence, et ces particuliers qui décident bêtement d’être ruinés, même si les taux augmentent, ça nous fait une assiette de plus en plus petite (oh, zut derechef).
courbe de laffer
Pour contrer ces petits problèmes, rassurez-vous : des solutions existent, elles sont d’une innovation fulgurante, elles ont été testées, elles sont planifiées et seront bientôt appliquées. Respirez un bon coup, tout va bien se passer puisqu’il s’agit de vous taxer à nouveau : et en avant la hausse (de 20% tout de même) de la taxe d’habitation dans les zones tendues (qui vont, vous allez voir, se multiplier généreusement dans les prochaines semaines), et en avant pour la disparition de la déductibilité de certaines taxes ce qui viendra donc alourdir les frais de certains secteurs (bancaire notamment). Franchement, ce serait dommage de ne pas tenter ces augmentations de taxes et ces modifications pas trop subreptices d’assiettes et de taux alors que la conjoncture s’y prête si agréablement, ne trouvez-vous pas ?
L’idée, d’après les petits calculs de Sapin, serait de réduire le déficit public de 3,6 milliards d’euros en 2015. Il faudra bien le croire sur parole, d’autant qu’en matière économique, les performances passées ne présagent en rien des performances futures (même si la constance avec laquelle le petit Michel se fourre le doigt dans l’œil inquiète de plus en plus son ophtalmo).
Vous voyez, pas de souci : à chaque problème politique, on trouvera sa solution dilatoire, et à chaque problème budgétaire, on trouvera sa solution taxatoire, quitte àimposer les impôts.
Le socialisme, vraiment, c’est magique™.

Des jeux-vidéos incompréhensibles pour les vieux leaders collectivistes

Je suis toujours surpris des innovations stupéfiantes que le marketing parvient à dénicher sur le marché. Ces jours-ci, c’est Ubisoft qui démontre une rafraîchissante capacité à vendre son dernier produit phare, Assassin’s Creed Unity, en utilisant le levier de la politique et, très habilement, les éructations d’un débris politicien suffisamment médiatique en France pour transformer l’essai en brillante réussite mercatique.
Pour rappel (et à l’attention de mes quelques lecteurs qui ne se tiennent pas trop au courant de l’actualité des jeux vidéos), Assassin’s Creed est une franchise du français Ubisoft (franco-canadien, puisque c’est en l’occurrence produit dans les studios montréalais), qui en est maintenant à son cinquième principal opus (la liste complète comprend des douzaines de titres), qui relate les aventures d’une série d’assassins opposés aux Templiers à travers les époques (depuis les croisades jusqu’aux pirates des Caraïbes) et différentes localisations (Moyen-Orient, Amérique…). Le dernier chapitre paru il y a quelques jours est campé dans une France en proie aux troubles de la Révolution et à son basculement dans la Terreur.
Et c’est ce cadre révolutionnaire qui aura déclenché l’opération marketing habile de la part d’un Jean-Luc Mélenchon remonté comme un coucou qui n’avait plus fait parler de lui depuis trop longtemps dans les médias et qui aura donc choisi l’angle improbable d’un long couinement contre le jeu pour exprimer son agacement face à ce qu’il appelle de la propagande. Pour notre brave Jean-Luc, le jeu auquel il fait donc une publicité assez retentissante, est, je cite :
« … de la propagande contre le peuple. Le peuple, c’est des barbares, des sauvages sanguinaires. Et celui qui est notre libérateur à un moment de la Révolution, Robespierre, est présenté comme un monstre. On dénigre pour dénigrer ce qui nous rassemble, nous les Français. C’est une relecture de l’histoire en faveur des perdants et pour discréditer la République une et indivisible. »
Mélenchon, sympathique et jovialJ’avoue que le coup de Robespierre, présenté comme libérateur au moment de la Révolution, on ne me l’avait pas fait. Oh, l’antienne habituelle du « personnage controversé », de l’être pétri de bons sentiments, incorruptible, et si délicatement favorable à la justice sociale, ça, oui. Mais en général, on admet sans grands problèmes que la figure de proue des Jacobins n’était pas spécialement un tendre, et que la période de la Terreur, si elle ne doit pas tout à cette figure de la Révolution française, n’y est pas complètement étrangère. En tout cas, ce personnage pour le moins complexe et controversé, considéré par de nombreux historiens comme le principal théoricien de la Terreur, participa à l’instauration d’un gouvernement révolutionnaire fondé à la fois sur les principes de vertu et de terreur, selon ses propres termes. Difficile, dès lors, de le considérer comme un Libérateur, surtout lorsqu’on voit le bilan franchement sanglant de la Révolution et de la Terreur qui la suivit.
Mais voilà : le jeu d’Ubisoft, dont la Révolution française n’est essentiellement qu’une toile de fond, présente Robespierre comme un tyran sanguinaire, ce qui est probablement caricatural, mais qui ne mérite certainement pas, en tant que jeu, les petites saillies courroucées du leader collectiviste, qui estime que ce jeu « donne une image de la haine de la Révolution, la haine du peuple, la haine de la République qui parcourt les milieux d’extrême droite. »
Oui, vous avez bien lu : les vilains qui ont produit ce jeu distillent les mêmes idées que les milieux d’estrême-drouate, et chacun sait qu’une telle propagande, laissée dans les mains de jeunes à l’esprit malléable, c’est courir le risque de créer des factions entières d’anti-républicains farouches.
Bien sûr, comme le fait judicieusement remarquer Philippe Fabry dans un article deContrepoints paru à ce sujet, Mélenchon, en sortant ainsi ses petites aigreurs au sujet du jeu, montre surtout qu’il est un vieux ringard réactionnaire, qui prend le pari assez étrange de se mettre les joueurs à dos en s’accrochant à une sorte de lubie révolutionnaire, baignée d’égalitarisme rousseauiste, dont on se demande ce qu’elle vient faire exactement au vingt-et-unième siècle, et le tout pour protéger la mémoire d’un personnage qui n’a pourtant pas hésité à déclarer, en son temps :
« Et, afin qu’il ne reste aucun doute sur mon système, je déclare qu’il faut non seulement exterminer les rebelles de la Vendée, mais encore tout ce que la France renferme de rebelles contre l’humanité et contre le peuple. »
citoyen's creed bbr flagBref, le syndrome du vieux dépassé a encore frappé. Ce syndrome, méconnu mais fort présent en France, ossifie de façon rapide et sans retour possible certaines personnes dont les discours deviennent vite remplis de poncifs ridicules et de vues qui sont au conservatisme ce que la superglue est à la colle blanche des écoliers, c’est-à-dire une version si puissante de l’aversion à la nouveauté et au changement qu’une fois en place, il devient impossible de s’en dépatouiller sans s’arracher des bouts. On se souvient par exemple de l’avalanche de facepalms qu’avait pu déclencher une Claire Gallois pas du tout en forme lorsqu’elle s’était mise à analyser l’impact des jeux vidéos sur les tueries diverses et variées.
Ici, le vieux collectiviste et Alexis Corbière, son copain officiellement communiste (oui, il ose tout, c’est à ça qu’on le reconnaît), tombent dans le même panneau que d’autres avant eux en croyant voir de l’abhominhable propagande là où il y a surtout quelques évidences, une toile de fond et, surtout, avant tout, un jeu vidéo. En fait, cela fait des années que les jeux vidéos sont parés de mille et un vices, et dans cette course à la dénonciation des méchantes conséquences vidéoludiques, ce sont toujours un peu les mêmes profils qui s’érigent en père la morale et en détenteurs de la vérité.
À ce titre, la collision des délires réactionnaires du pauvre Mélenchon et de ses coreligionnaires avec les sulfureux sous-entendus de certains analystes mérite largement d’être mentionnée, ne serait-ce que pour faire se rencontrer les uns et les autres dans une espèce de Clash des Piteux qui mériterait d’être filmé, pour l’aspect documentaire et édification des générations futures.
Parce que pendant que Jean-Luc est tout vexé contre un jeu anti-révolutionnaire, d’autres estiment que ces jeux, tout comme les chatons mignons et les écrits ô combien subversifs de Tolkien, sont en réalité des portes d’entrée au djihadisme (oui, vous avez bien lu, certains trouvent des bouts de djihad dans les jeux vidéos).
Bref, tout ceci laisse, au moins un peu, perplexe : ces jeux sont-ils de la propagande contre l’État et ses élites, sont-ils réactionnaires contre la Saine & Belle Révolution Française idéalisée par un leader communiste qui a oublié les massacres abominables perpétrés au nom d’un idéal crapuleux d’égalité à tout prix, sont-ils un nouveau vecteur de culture, ou pire encore, sont-ils responsables de l’engagement de certaines têtes de linottes dans des combats absurdes ?
On hésitera à ne pas voir dans les analyses de ces gens plus un symptôme de leurs propres problèmes qu’une explication de la société dans laquelle ils vivent et qu’ils ne comprennent manifestement plus. Et cette déconnexion s’explique sans doute par l’image faussée que ces gens ont des fameux joueurs auxquels ils n’accordent décidément pas beaucoup de jugeote (non, le joueur n’est pas si jeune, puisqu’il a 38 ans en moyenne, n’est pas plus un homme qu’une femme, les deux sexes étant représentés de façon égale, et n’est pas marginal puisqu’il touche 50% des foyers français, par exemple).
Enfin, tout comme la collision du délire djihadiste avec le délire révolutionnaire permet de saisir le grotesque des deux analyses, le rapprochement des lubies égalitaristes et totalitaires de Mélenchon avec le crédo des assassins du jeu vidéo qu’il décrie est assez éclairant. Dans le jeu d’Ubisoft, ces derniers sont d’ardents défenseurs de la liberté et de la vérité, et s’opposent donc aux égalitaristes de tous crins dont la Révolution enfanta par douzaines.
Pas étonnant, dès lors, de voir le petit Jean-Luc vitupérer contre une vision de la société qui lui est totalement antinomique. En tout cas, une chose est sûre : ces rodomontades risibles donnent à la fois une bonne publicité au jeu, et une très mauvaise au collectiviste excité. Et ça, c’est très bien.
mélenchon swag meluche plus