TOUT EST DIT

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dimanche 5 octobre 2014

Haute fonction publique : ceux qui en vivent et ceux qui la font vivre

Comme le faisait remarquer judicieusement Clemenceau, à l’instar des étagères, plus un fonctionnaire est haut placé, moins il sert.

On pourrait croire qu’il est doux d’être haut fonctionnaire en France, mais il n’en est rien. Certes, la haute fonction publique a ses avantages, mais comme le faisait remarquer judicieusement Clemenceau, à l’instar des étagères, plus un fonctionnaire est haut placé, moins il sert. Ceci entraîne inévitablement deux effets pervers que tout individu à leur place ressentirait naturellement.
D’un côté, les hauts fonctionnaires, sentant confusément mais de façon répétée que leur utilité est plus que discutable, s’ennuient parfois et se perdent souvent dans des considérations ou des projets ineptes, d’autant plus facilement d’ailleurs qu’ils sont pilotés par une caste politique pour laquelle l’ineptie est devenue, au fil du temps, un modus operandi.
De l’autre côté, la hauteur de leurs fonctions leur interdit mécaniquement de prendre part à la vie du petit peuple qu’ils administrent avec un bonheur disons… fluctuant. En conséquence, le peuple ne les connaît pas et les considère comme une caste de privilégiés, de par leurs salaires, leurs avantages, leurs réseaux ou leurs connaissances. De cette façon, ces hauts fonctionnaires se sont lentement mais sûrement rapprochés dans l’imagerie populaire du clergé de l’Ancien Régime. Après tout, ce sont eux qu’on retrouve derrière les discours des élus et des politiciens d’importance. Ils jouent le rôle d’éminences grises et dirigent les domaines que la caste élue s’est octroyés.
Cette proximité métaphorique est renforcée par le fait qu’ils ont tous reçu la même formation, l’ENA étant à ce sujet devenu une véritable caricature de Xerox, où chaque promotion est la reproduction mécanique de la promotion précédente, avec tous les soucis que comporte une copie de copie : affadissement, perte de contraste, bavures, impuretés qui grossissent. Or, ce formatage est autant idéologique qu’intellectuel, et ajoute au caractère « doctrinaire » de ces corps et des individus qui en sont issus : une même école de pensée (étatiste, centralisatrice, jacobine, républicaine, dans laquelle toutes les solutions passent par l’État d’une façon ou d’une autre) et une même façon de concevoir le monde, au début tendrement décalée, maintenant outrageusement ridicule où la France est encore une puissance majeure, baignant dans la richesse et les opportunités, œuvrant pour le bien de toute l’Humanité (au moins) et éclairant le monde de sa lumière philosophique et culturelle.
Comme on le voit, le constat est sans appel : la France souffre d’une fracture nette entre sa haute administration et le peuple qui la fait vivre. Ce problème est fort gênant : on ne conduit pas un peuple qui regarde ailleurs, écoute peu et se méfie de ses leaders. Pas de doute : si l’on veut sortir la France de l’ornière autiste dans laquelle elle est tombée, il faut rapidement contourner cet écueil.
Pour cela, on peut commencer par décloisonner ces pauvres hauts fonctionnaires. Leur faire prendre l’air et découvrir le monde réel sera une excellente démarche qui rafraîchira les idées qui circulent encore dans les corps d’élite. On pourrait ainsi les envoyer en stage pendant un ou deux ans dans différentes entreprises privées, pas grandes, pas connues, pas au service de l’État. Les exemples abondent, mais avouez qu’imaginer Pepy, actuellement chargé de la SNCF, faisant un stage chez un artisan-tailleur pour lequel la prise des mesures est une seconde nature, ça ne manquerait pas de sel. De même, Mongin, le haut fonctionnaire chargé de la RATP, pourrait gagner à passer plusieurs mois chez un horloger, qui lui apprendrait sans doute l’importance de la précision chronométrique qui fait cruellement défaut au service public parisien.
Inversement, histoire de mesurer à la fois l’écart entre le réel et leur vision du monde et la nécessité d’avoir des gens si qualifiés pour faire leur travail, on pourrait envisager de placer à leurs postes ces petits patrons de PME qu’ils remplaceraient, dans une version vitaminée de « Vis ma vie de haut fonctionnaire » pour les uns et « Vis ma vie de patron de PME » pour les autres. Difficile d’imaginer que leurs remplaçants feraient pire puisqu’en matière d’administration (comme en matière de législation ou de fiscalité, d’ailleurs), ne rien faire du tout est, bien souvent, le gage d’une amélioration sensible et mesurable. Et ce rafraîchissant changement de têtes dans les hautes sphères de l’État entraînerait sans doute un renouvellement salutaire des idées, ces petites choses rigolotes qu’on n’a plus vues à ces endroits-là depuis près d’un demi-siècle…
En réalité, cette expérience, purement intellectuelle, ne sera jamais possible. D’une part, on ne peut pas écarter complètement le fait que des patrons de PME, même sans les diplômes prestigieux de nos hauts fonctionnaires, fassent aussi bien voire mieux qu’eux, ce qui engendrerait inévitablement des problèmes pour justifier l’existence même de ce corps si particulier.
D’autre part, rien n’interdit d’imaginer que les hauts-fonctionnaires, une fois en place dans ces entreprises, ne prennent goût à la réalisation d’un travail réellement productif, proche des clients et loin des magouilles et compromis politiques permanents que les grandes administrations leur réservent.
Pourquoi ne pas imaginer que ces individus, intellectuellement bien dotés, ne trouveraient pas dans le travail dans le privé et dans le secteur concurrentiel un vrai sens à leur vie ? Et au pire, découvrant tout l’abrutissant mépris dans lequel les administrations tiennent les PME françaises, nos si importants personnages prendraient toute la mesure des vexations qu’ils font subir aux entreprises, indirectement et par le truchement des entités qu’ils dirigent…
À n’en pas douter, la stupeur et l’effroi qu’engendreraient ces constats interdisent une telle expérience au pays du principe de précaution, même si elle pourrait produire une administration plus fine, plus juste et plus efficace. Ce serait trop beau, et on est en France. Un peu de sérieux, que diable !

Un monde sous morphine

Un monde sous morphine

Si les choses étaient normales, nous devrions vivre une période… anormale!
Comment expliquer que le pétrole soit si bas – sous les 100 $ le baril – alors qu'une coalition internationale est en train de frapper en Irak, le deuxième pays exportateur de l'Opep?
Comment expliquer que les taux d'intérêt soient à leur plus bas niveau historique – à peine 1,3 % – alors que les agences de notation sermonnent la France, mettant en doute notre capacité à rembourser notre dette?
Comment expliquer que la Bourse de Paris évolue sur ses plus hauts niveaux depuis six ans – autour des 4.400 points – alors que l'économie française flirte avec la récession et que le Premier ministre irakien évoque des risques d'attentat dans le métro parisien?
Explication : les marchés sont sous l'emprise de la morphine monétaire. Ils sont totalement shootés par les milliers de milliards de dollars qui coulent dans leurs veines. Les drug dealers sont les banques centrales. Depuis 2008, pour soutenir l'économie, elles prêtent à tout va des dollars, euros, yens, livres sterling… Tout cet argent – initialement destiné aux entreprises – se retrouve investi en actions, en obligations d'État ou sur les marchés pétroliers.
Mais attention, l'Amérique s'apprête à retirer la morphine. L'économie américaine repart, le taux de chômage est tombé à 6,1 %, la Banque centrale américaine estime qu'il est temps de mettre fin à cette politique monétaire ultra-accommodante.
Le choc s'annonce violent et il sera mondial : l'argent va brutalement se retirer. Les marchés vont se réveiller et voir le massacre : guerre, terrorisme, déflation… Tout le monde va déguster : l'automobiliste qui paiera plus cher son essence, l'épargnant qui verra chuter les cours de Bourse, mais aussi l'État ou le propriétaire immobilier vont souffrir de la remontée des taux d'intérêt. Pas très gai comme programme… 
Bon dimanche quand même!

Vers la banqueroute…

Le scénario noir prédit une dévaluation qui conduirait à un appauvrissement du pays.
Il est prédit dans plusieurs ouvrages, tels ceux de Gaspard Kœnig (La Nuit de la faillite, Grasset) ou de Philippe Jaffré et Philippe Riès (Le jour où la France a fait faillite, Grasset). Celui d'une France soudainement incapable d'emprunter et de rembourser sa dette. Une hypothèse que le chiffre de 2.000 milliards, rendu public par l'Insee, a réveillée. Le déclencheur serait le coût de l'argent. "En France, contrairement au Japon par exemple, l'État emprunte principalement à l'étranger. Nous sommes à la merci d'une décision qui ne nous appartient pas : l'augmentation des taux d'intérêt", s'est alarmé cette semaine Jacques Attali, auteur en 2010 de Tous ruinés dans dix ans? (Fayard).
Aux États-Unis, la reprise économique conduit la Banque centrale à changer sa politique. Les taux américains vont devenir plus attractifs pour les créanciers. Autrement dit, les fonds, assurances et banques qui doivent chaque jour placer l'épargne de leurs clients vont être incités à l'envoyer ailleurs qu'en Europe. "Ce qui nous mettrait en danger, c'est un basculement des flux de financement en direction de la zone dollar et un sentiment antieuropéen", renchérit l'économiste Christian Saint-Étienne, professeur aux Arts et Métiers et auteur de
 La Fin de l'euro (François Bourin Éditeur).
En outre, l'Allemagne, dont l'économie ralentit, risque aussi d'avoir à nouveau besoin d'argent. Quant à l'Italie, elle a un programme d'emprunts supérieur à celui de la France. La compétition des États pour capter l'épargne mondiale se durcira. Paris va devoir payer plus cher pour s'endetter. Jusqu'où? "La hausse conjointe des taux et des déficits peut changer le regard des agences de notation et provoquer un effet boule de neige sur le refinancement. Il y a un match entre l'Italie et la France pour ne pas être le prochain domino", estime Pierre-François Gouiffès, maître de conférences à Sciences-Po Paris et auteur de L'Âge d'or des déficits (La Documentation française).

Une mise sous tutelle

Or, 1% supplémentaire sur les taux d'intérêt représente une facture de 20 milliards d'euros pour le Trésor. Si le loyer de l'argent revenait à son niveau de 2007, c'est-à-dire 4%, le coût supplémentaire atteindrait 50 milliards d'euros par rapport aux conditions actuelles – certes étalés dans le temps. Soit l'équivalent de l'impôt sur les sociétés et de la taxe sur les carburants réunis.
Une envolée des taux d'intérêt au-delà de 8% et un mouvement de défiance des créanciers obligeraient le gouvernement à trouver des fonds en urgence. Comme, en leur temps, la Grèce, la Russie ou l'Argentine. Hausse des impôts, baisse des retraites, suppression de postes de fonctionnaires, cession de patrimoine public… Les remèdes basiques poussent les épargnants à retirer leurs avoirs des banques, menaçant celles-ci d'effondrement, et aggravant la difficulté de l'État à se financer. Dans le cas ultime, des pans du patrimoine sont concédés à l'étranger, comme le port du Pirée ou certaines îles en Grèce.

Pour limiter la casse, la France devrait se tourner vers le FMI et faire appel au dispositif du mécanisme européen de stabilité, son équivalent européen, donc obtenir un plan de sauvetage de l'Allemagne. Ce qui correspondrait à une mise sous tutelle avec application d'un programme d'austérité. Que ferait Berlin? La crise politique et le poids de notre économie mettrait en question l'unité franco-allemande. L'autre voie est celle de la sortie de la monnaie unique. "Les pays ne se suicident pas! Si on doit choisir entre l'euro qui a 15 ans et la France qui a 1.500 ans… ce sera vite vu", tranche Christian Saint-Étienne. La conséquence serait alors une dévaluation qui provoquerait, elle, une poussée d'inflation, autre forme d'appauvrissement.

Sapin : "Les 2.000 milliards de dette sont le reflet du passé"

Michel Sapin, ministre des Finances, estime que la responsabilité de l’endettement du pays incombe à la droite. Il s’en prend à François Fillon, qu’il qualifie de "recordman de l’endettement annuel". Et promet d’empêcher le fardeau de dépasser 100% du PIB.
La dette de la France a atteint 2.000 milliards d’euros. Le candidat Hollande avait promis de la réduire. Vous y avez renoncé?
Les 2.000 milliards de dette sont le reflet du passé. Ce n’est pas le bilan de deux ans de gouvernement socialiste. Je conseille aux donneurs de leçons de se souvenir de leurs responsabilités, en particulier ceux qui ont alourdi la dette de 1000 milliards entre 2002 et 2012. Notre volonté est de baisser le déficit, pour stabiliser la dette en-dessous de 100% du PIB puis pour la réduire. Nous le faisons à un rythme adapté. Diminuer la dette sans tenir compte de la santé de l’économie française serait la meilleure façon de ne pas y arriver.
Mr j'y peut rien, c'est les autres
(…)
François Fillon estime que la France est "à la veille d’un accident financier grave". Que répondez-vous?
Monsieur Fillon devrait maîtriser son langage. Il ne sert à rien de faire peur. La brutalité de ses propos aujourd’hui ne peut pas occulter ses responsabilités d’hier. Il avait dit avoir trouvé un Etat en faillite mais qu’en a t-il fait?! Il l’a endetté de 600 milliards d’euros supplémentaires. Le recordman de l’endettement annuel, c’est monsieur Fillon, sans commune mesure avec ce qui s’est passé depuis.
La France ne réduit pas son déficit comme prévu. Avez-vous l’assurance que Bruxelles valide le budget sans demander de modification?
La Commission n’a pas encore entamé l’examen de notre budget. Notre politique lui a été signifiée au printemps, et elle n’a pas changé depuis. C’est la conjoncture qui a changé. Nous sommes dans un dialogue avec Bruxelles.
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Juppé, non renouvelable

Juppé, non renouvelable

Il était « droit dans ses bottes », en 1995, face aux manifestants qui le défiaient. En 2014, il sort sa… botte secrète, le quinquennat non renouvelable, qu'il s'appliquerait à lui-même s'il était élu à l'Élysée en 2017, à 71 ans. Alain Juppé ou l'art de transformer un possible handicap (l'âge) en atout ?
C'est l'un de ses lieutenants, l'ancien ministre Benoist Apparu, qui est monté au créneau pour expliquer que le président Juppé, en s'interdisant de postuler à un second mandat, pourrait « faire ce qui est nécessaire pour la France et non ce qui est nécessaire pour assurer sa réélection ».
L'argument ne manque pas de poids. Mais pourquoi serait-il valable seulement lorsqu'un septuagénaire est en cause ? Et seulement lorsqu'il s'agit de la magistrature suprême ? Tout élu – du moins ceux qui se sont « professionnalisés » – travaille naturellement à sa réélection, qu'il ait 30 ou 70 ans…
Qu'il le veuille ou non, Alain Juppé remet donc sur le tapis le débat sur le cumul des mandats. Non pas le cumul dans l'espace (plusieurs mandats à la fois), affaire qui semble réglée sauf pour quelques sénateurs modèle « Jurassic Park », mais le cumul dans le temps (plusieurs mandats successifs dans la même fonction), qui n'est pas un sujet tabou. Jadis, les Athéniens se posaient déjà la question.
En toute logique, si ce qui est bon pour lui l'est aussi pour les autres, Alain Juppé devrait prôner le septennat – qui laisse plus de temps pour agir – présidentiel non renouvelable.