TOUT EST DIT

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dimanche 14 septembre 2014

Qui veut se charger des djihadistes ?

Alors que l’Amérique tout entière rendait jeudi un hommage solennel aux 3 000 victimes des attentats du 11 septembre 2001, le président Obama a confirmé son intention de lancer une vaste opération militaire contre l’Etat islamique en Irak et en Syrie, passant notamment par une extension des frappes aériennes au sol syrien et la formation d’une « coalition arabe ». Une intensification de la guerre contre l’islamo-terrorisme qui, même si la Maison Blanche s’y refuse toujours, ne pourra malheureusement pas se faire sans l’intervention de troupes au sol.

« Nous ne céderons jamais »

Lors d’une cérémonie devant le Pentagone, au cours de laquelle il a déclaré que les Etats-Unis « ne céderont jamais à la peur » que tentent d’inspirer les islamo-terroristes à l’Occident, Barrack Obama a en effet rappelé que Washington était prête à étendre ses frappes aériennes en Syrie pour « détruire » l’EI. Une annonce qui a, bien sûr, suscité la colère du régime syrien, mettant aussitôt en garde la Maison Blanche contre d’éventuelles frappes opérées sur son territoire sans son accord.
En même temps, on apprenait que le chef de la diplomatie américaine, John Kerry, actuellement en tournée au Moyen-Orient et en Europe afin de constituer une coalition pour lutter contre les djihadistes, avait obtenu d’une dizaine de pays arabes leur engagement « à se tenir unis contre la menace que pose pour la région et le monde le terrorisme » et à « se joindre, le cas échéant, à une campagne militaire coordonnée ». Toutefois, soulignait Kerry, « aucun pays ne parle de placer des troupes au sol et nous ne pensons pas qu’il y en ait besoin ».

« Les attaques aériennes ne suffiront pas »

Or, cet engagement au sol est aujourd’hui inévitable. Si les frappes aériennes ont bien permis de freiner la progression de l’EI, les troupes kurdes comme l’armée fédérale irakienne ont montré leurs limites. Les drones comme les frappes, aussi nécessaires soient-ils, ne remplaceront jamais la présence de troupes compétentes sur le terrain. Ainsi que le rappelait jeudi John Boehner, président républicain de la Chambre des représentants, « un F-16, ce n’est pas en soi une stratégie. Et les attaques aériennes ne suffiront pas à mener à bien ce que nous tentons de faire. Le président a clairement dit qu’il ne voulait pas de troupes au sol. Mais il faudra bien que quelqu’un envoie des troupes au sol ». En martelant qu’il n’y aura pas d’intervention terrestre, Obama se leurre lui-même : 475 conseillers militaires supplémentaires devraient rejoindre l’Irak dans les prochains jours, portant à environ 1 600 le nombre (officiel) de militaires américains dans le pays. Et il est clair qu’il en faudra beaucoup d’autres pour éradiquer l’EI. 

Alzheimer : un gros pavé dans la mare

Il ressort très clairement d’une nouvelle étude que la prise de benzodiazépines augmente significativement l’apparition de la maladie d’Alzheimer.

Depuis la mise sur le marché du Valium (Diazepam) en 1963, toute une série de benzodiazépines a vu le jour. Elles sont utilisées pour de nombreuses applications, depuis les troubles du sommeil jusqu’aux crises d’épilepsie en passant par des relaxants musculaires et des antidépresseurs, l’une des principales applications pharmacologiques de cette classe de produits. Les benzodiazépines agissent sur le cerveau par synergie avec le récepteur de l’acide gamma-aminobutyrique (GABA), un important neurotransmetteur qui a pour rôle de réduire l’excitabilité neuronale. Alors que l’on connait très bien les effets négatifs de cette classe de produits sur la mémoire et les facultés cognitives, peu d’études sur le long terme et en fonction de la nature et de la posologie des benzodiazépines prescrites ont été entreprises avec un échantillon suffisamment large pour valider la présence effective d’une relation de cause à effet entre la prise de ces médicaments et l’apparition de démence type maladie d’Alzheimer.
C’est ce genre d’étude qui vient d’être publiée dans le British Medical Journal du 9 septembre. Cette étude réalisée en collaboration entre les Universités de Bordeaux et de Montréal porte sur 1796 personnes diagnostiquées comme souffrant de la maladie d’Alzheimer. Celles-ci ont été comparées à 7184 autres personnes indemnes de cette maladie, toutes originaires de la Province du Québec, sur la période 2000-2009, en regard de l’utilisation ou non de benzodiazépines, de leur nature et des durées de traitement.
Dans cette étude, le premier point important était de classer les personnes étudiées selon les benzodiazépines prescrites, qu’elles soient des anxiolytiques, des relaxants ou des hypnotiques, en fonction de leur temps de persistance dans le sang ou demi-vie, celle-ci pouvant varier de quelques heures, comme le Temazepam, à une semaine comme le Flurazepam.
contrepoints 672 alzheimerLe deuxième critère important considéré était la durée des traitements qui ont été homogénéisés à des fins de comparaison en doses journalières prescrites faisant ressortir au moins trois types de traitements sur la durée, 3 mois, de 3 à 6 mois, et plus de 6 mois. Toutes les personnes à qui il n’avait jamais été prescrit une quelconque benzodiazépine ont servi de contrôle. Au cours de l’étude 894 personnes diagnostiquées comme souffrant de la maladie d’Alzheimer sur les 1796 (49,8%) avaient été ou étaient toujours traitées avec des benzodiazépines et 2873, parmi les 7184 servant de contrôles utilisaient des benzodiazépines. Toutes ces personnes étudiées étaient âgées de plus de 66 ans.
Il ressort très clairement de cette étude que, quelle que soit la méthode d’analyse statistique utilisée, la prise de benzodiazépines, quelle que soit également leur nature, augmente significativement le risque d’apparition de la maladie, ce risque augmente linéairement en fonction des doses quotidiennes prescrites et également en fonction des durées de vie des produits dans le sang. Pour des traitements ayant duré plus de 6 mois, le risque est doublé ! Pour les benzodiazépines à longue demi-vie, ce risque est accru de 70%. En moyennant tous les résultats, il ressort que la prise de benzodiazépines, en agrégeant leur nature et la durée de traitement, augmente de 50% le risque d’apparition de la maladie d’Alzheimer.
Reste à trouver une explication à cette découverte carrément alarmante sur des modèles animaux : la seule observation qui a pu être avancée est que l’usage prolongé de benzodiazépines induit une baisse du nombre de récepteurs de l’acide gamma-aminobutyrique du système nerveux central.
Source : British Medical Journal

Pauvres banques centrales ?

Les banques centrales disposent-elles de puissants pouvoirs ou au contraire de pouvoirs illusoires ?

Les banques centrales ont dû leur pouvoir, durant des décennies, à la prédominance de la monnaie fiduciaire. Au début de la IVe République, les billets de la Banque de France représentaient plus que la monnaie scripturale. Dans ces conditions, les banques « de second rang » dépendaient largement, pour leur activité de crédit, du refinancement que voulait bien leur accorder la Banque Centrale. Mais aujourd’hui, les billets ne font plus recette. Malgré une importante détention de billets en euros par des étrangers à la zone euro, fin juin 2014 il n’y avait « en circulation », expression qui inclut les bas de laine, que 935 milliards d’euros.
En revanche, les dépôts des agents non financiers dans les institutions monétaires de la zone euro atteignaient à la même époque, en données consolidées, 11 150 milliards. Les banques centrales européennes étaient des géants par rapport aux banques commerciales durant la première moitié du XXe siècle ; les banques centrales nationales membres du système européen de banques centrales, et leur chef de file, la BCE, sont, non pas des nains, mais de grandes banques parmi d’autres en ce qui concerne leurs ressources clientèle.
Dans ces conditions, comment la BCE et le système européen de banques centrales (SEBC) pourraient-ils apporter des liquidités au marché ? Le SEBC ne peut prêter, au-delà de ses maigres émissions fiduciaires (ce qui lui sert à emprunter aux ménages le peu qu’ils veulent bien lui prêter), que ce que lui prêtent les banques de second rang.
Autrement dit, les fameuses « liquidités » ne peuvent être distribuées que si elles sont en même temps pompées auprès des banques commerciales. Pour cela, la BCE dispose d’une pompe efficace : la réglementation des réserves obligatoires, qui l’autorise à obliger les banques commerciales à lui prêter des sommes calculées en fonction de certains éléments de leurs bilans. Malheureusement, augmenter les taux de réserves obligatoires est plutôt mal vu des banques commerciales ; cela ne les encourage pas à prêter aux entreprises et aux ménages.
La BCE dispose donc d’un bon frein en cas d’emballement du crédit, mais son accélérateur est défaillant. Elle n’est vraiment utile que lorsque le marché interbancaire fonctionne mal, comme cela est arrivé il y a quelques années. En effet, certaines banques ont trop de dépôts relativement à leurs prêts, tandis que d’autres sont en situation inverse ; si les banques ont confiance les unes dans les autres, les premières prêtent aux secondes et tout va bien.
Mais quand survient une crise de confiance, alors la banque centrale peut efficacement y remédier en empruntant à celles qui ont trop de dépôts pour prêter à celles qui n’en ont pas assez. C’est ce que le SEBC a fait à la fin des années 2000, et cela a évité que la récession ne soit trop catastrophique. Mais aujourd’hui, ce n’est pas le problème. L’économie européenne est atone parce que les entreprises ont peu de projets, ce à quoi la BCE ne peut rien.
Dans ces conditions, les banques centrales peuvent encore se charger des mauvais risques pour inciter les banques commerciales à prêter pour des projets en lesquels elles ne croient qu’à moitié. Les banques commerciales peuvent être d’accord pour accorder des prêts à haut risque puis céder ces crédits à la banque centrale, qu’elles refinancent pour lui en donner la possibilité.
Bien entendu, cela ne marche que si la Banque centrale accepte le risque de crédit : si elle le laisse aux banques de second rang, le quantitative easing est inutile, car c’est le risque qui dissuade les banques, pas l’absence de ressources : la création monétaire fonctionne toujours ; au niveau du système bancaire dans son ensemble les prêts continuent à faire les dépôts, et donc les banques commerciales n’ont aucun besoin d’être globalement refinancées par la banque centrale, qui de toute façon ne peut le faire que si les unes lui prêtent ce qu’elle prêtera à d’autres.
On se fait donc beaucoup d’illusions sur la capacité de la BCE et de la Fed à relancer l’économie. Les Banques centrales ont à leur disposition essentiellement un frein ; leur aide à la relance de l’économie, c’est de lever un peu le pied de la pédale de frein. Mais quand elles ont levé le pied totalement, elles ne peuvent pas faire grand-chose de plus, sauf à se charger des mauvais risques. Se bercer d’illusions ne sert à rien.

Misère de l’occidentalisme

Les Européens de l’Ouest ne veulent rien savoir de la Russie

Cette nation qui a donné Pouchkine et Guerre et Paix, Nijinsky et le Lac des Cygnes, qui a l’une des plus riches traditions picturales au monde, qui a classé les éléments de la nature, qui fut la première à envoyer un homme dans l’espace (et la dernière à ce jour), qui a produit des pelletées de génies du cinéma, de la poésie, de l’architecture, de la théologie, des sciences, qui a vaincu Napoléon et Hitler, qui édite les meilleurs manuels — et de loin — de physique, de mathématiques et de chimie, qui a su trouver un modus vivendi séculaire et pacifique, sur fond de respect et de compréhension mutuelle, avec ses Tatars et ses indénombrables musulmans, khazars, bouddhistes, Tchouktches, Bouriates et Toungouzes, qui a bâti la plus longue voie de chemin de fer au monde et l’utilise encore (à la différence des USA où les rails légendaires finissent en rouille), qui a minutieusement exploré et cartographié les terres, usages, ethnies et langues de l’espace eurasien, qui construit des avions de combat redoutables et des sous-marins géants, qui a reconstitué une classe moyenne en moins de quinze ans après la tiers-mondisation gorbatcho-eltsinienne, cette immense nation, donc, qui gouverne le sixième des terres émergées, est soudain traitée, du jour au lendemain, comme un ramassis de brutes qu’il s’agit de débarrasser de leur dictateur caricatural et sanglant avant de les éduquer à servir la «vraie» civilisation!
L’Occident ressort la même guignolerie haineuse à chaque crise, depuis Ivan le Terrible à “Putler”-Poutine, en passant par le tsar Paul, la guerre de Crimée, le pauvre et tragique Nicolas II, et même l’URSS où tout succès était dit «soviétique» et tout échec dénigré comme «russe».
Des nations serviles qui accordent aux Américains un crédit illimité de forfaiture et de brigandage «parce-qu’ils-nous-ont-libérés-en-45» n’ont pas un mot, pas une pensée de gratitude pour la nation qui a le plus contribué à vaincre l’hydre national-socialiste… et qui en a payé le prix le plus lourd. Ses élus sont traités en importuns, son président caricaturé avec une haine obsessionnelle, la liberté de mouvement et de commerce de ses citoyens, savants, universitaires et hommes d’affaires est suspendue au bon vouloir d’obscures commissions européennes dont les peuples qu’elles prétendent représenter ne connaissent pas le nom d’un seul membre, ni pourquoi il y siège plutôt qu’un autre larbin des multinationales.
Mais tout ceci n’est encore rien. C’est dans l’ordre des choses. L’Occident et la Russie ne font que jouer les prolongations, à l’infini, du conflit Rome-Byzance en l’étendant aux continents voisins voire à l’espace interplanétaire. La vraie guerre des civilisations, la seule, est là. Barbare comme le sac de Constantinople, apocalyptique comme sa chute, ancienne et sournoise comme les schismes théologiques masquant de perfides prises de pouvoir. Tapie dans les replis du temps, mais prête à bondir et à mordre comme un piège à loups. C’est le seul piège, du reste, que l’empire occidental n’ait pas posé tout seul et qu’il ne puisse donc désamorcer. (Etant entendu que la menace islamique n’est que le produit des manoeuvres coloniales anglo-saxonnes, de la cupidité pétrolière et de l’action de services d’Etat occupés à cultiver des épouvantails pour effrayer leurs propres sujets, puis à les abattre pour les convaincre de leur propre puissance et de leur nécessité.)
La menace russe, elle, est d’une autre nature. Voici une civilisation quasi-jumelle, ancrée sur ses terres, consciente d’elle-même et totalement ouverte aux trois océans, à l’Arctique comme à l’Himalaya, aux forêts de Finlande comme aux steppes de Mongolie. Voici des souverains qui — depuis la bataille de Kazan remportée par ce même Ivan qui nous sert de Père Fouettard — portent le titre de Khans tatars en même temps que d’Empereurs chrétiens siégeant dans l’ultime Rome, la troisième, Moscou, qui fleurit au moment où Byzance gémissait sous l’Ottoman et le pape sous la verge de ses mignons. Voici une terre aux horizons infinis, mais dont les contours sont gravés dans l’histoire du monde, inviolables bien que diffus. Voici des gens, enfin, et surtout, aussi divers qu’on peut l’imaginer, mêlant au sein d’un même peuple le poil blond des Vikings aux yeux obliques et aux peaux tannées de l’Asie. Ils n’ont pas attendu le coup de départ du métissage obligé, les Russes, ils l’ont dans leur sang, si bien assimilé qu’ils n’y pensent plus. Les obsédés de la race au crâne rasé qu’on exhibe sur les chaînes anglo-saxonnes ont la même fonction que les coucous suisses: des articles pour touristes.
Cela ressemble tellement à l’Europe. Et c’en est tellement loin! Tellement loin que les infatigables arpenteurs des mers — gênois, anglais, néerlandais, espagnols —, qui connaissent l’odeur de la fève de tonka et la variété des bois de Sumatra, ne savent rien de la composition d’un borchtch. Ni même de la manière dont on prononce le nom de cette soupe. Ce n’est pas qu’ils ne pourraient pas l’apprendre. C’est qu’ils n’en ont pas envie. Pas plus qu’ils ne veulent connaître, vraiment, l’esprit, les coutumes et la mentalité des immigrants exotiques qu’ils accueillent désormais par millions et qu’ils laissent  s’agglutiner en ghettos parce qu’ils ne savent comment leur parler.
J’ai dû, moi, petit Serbe, apprendre deux langues et deux alphabets pour entamer ma vie d’immigré. J’en ai appris d’autres pour mieux connaître le monde où je vis. Je m’étonne sincèrement de voir que mes compatriotes suisses ne savent pas, pour la plupart, les deux autres grandes langues de leur pays. Comment connaître autrui si vous ne savez rien de la langue qu’il parle? C’est le minimum de la courtoisie. Et cette courtoisie, désormais, se réduit de plus en plus à des rudiments d’anglais d’aéroport.
De même font les Russes, dont l’éducation intègre la culture ouest-européenne en sus de la leur propre. Où voit-on la réciproque, à l’ouest du Dniepr? Depuis Pierre le Grand, ils se considéraient européens à part entière. Les artistes de la Renaissance et les penseurs des Lumières sontles leurs. Leontiev, le père Serge Boulgakov, Répine, Bounine, Prokofiev et Chestov sont-ils pour autant les nôtres? Non, bien entendu. Parler français fut deux siècles durant la règle dans les bonnes maisons — et le reste encore parfois. Ils se sont intensément crus européens, mais l’Europe s’est acharnée à leur dissiper cette illusion. Quand les jeunes Russes vous chantent Brassens par coeur, vous leur répondez en évoquant «Tolstoïevsky». L’Europe de Lisbonne à Vladivostok n’aura été réelle qu’à l’Est. À l’Ouest, elle ne fut jamais que la projection livresque de quelques visionnaires.
L’Europe de Lisbonne à Vladivostok! Imagine-t-on la puissance, la continuité, le rayonnement, les ressources d’un tel ensemble? Non. On préfère «definitely» se mirer dans l’Atlantique. Un monde vieillissant et ses propres «outlaws» mal dégrossis s’étreignant désespérément par-dessus la mer vide et refusant de voir dans le monde extérieur autre chose qu’un miroir ou un butin. Leur derniers échanges chaleureux avec la Russie remontent à Gorbatchev. Normal: le cocu zélé avait entrepris de démonter son empire sans autre contrepartie qu’une paire de santiags au ranch de Reagan. Vingt ans plus tard, les soudards de l’OTAN occupaient toutes les terres, de Vienne à Lviv, qu’ils avaient juré de ne jamais toucher! Au plus fort de la Gorbymania, Alexandre Zinoviev lançait son axiome que tous les Russes devraient apprendre au berceau: «Ils n’aimeront le tsar que tant qu’il détruira la Russie!»
«Ah, vous les Slaves!» — ouïs-je souvent dire — «Quel don pour les langues!» Je me suis longtemps rengorgé, prenant le compliment pour argent comptant. Puis, ayant voyagé, j’ai fini par comprendre. Ce n’est pas «nous les Slaves» qui avons de l’aisance pour les langues: c’est vous, les «Européens» qui n’en avez pas. Qui n’en avez pas besoin, estimant depuis des siècles que votre package linguistique (anglais, français, allemand, espagnol) gouverne le monde. Pourquoi s’escrimer à parler bantou? Votre langue, étendard de votre civilisation, vous suffit amplement, puisqu’au-delà de votre civilisation, c’est le limes (comme au temps de César), et qu’au-delà du limes, mon Dieu… Ce sont les terres des Scythes, des Sarmates, des Marcheurs Blancs, bref de la barbarie. Voire, carrément, le bord du monde où les navires dévalent dans l’abîme infini.
Voilà pourquoi le russe, pour vous, c’est du chinois. Et le chinois de l’arabe, et l’arabe de l’ennemi. Vous n’avez plus même, dans votre nombrilisme, les outils cognitifs pour saisir ce que les autres — qui soudain commencent à compter — pensent et disent, réellement, de vous. Ah! Frémiriez-vous, si vous pigiez l’arabe des prédicateurs de banlieue! Ah! Railleriez-vous si vous entraviez des miettes de ce que les serveurs chinois du XIIIe dégoisent sur vous. Ah! Ririez-vous s’il vous était donné de saisir la finesse de l’humour noir des Russes, plutôt que de vous persuader à chacun de leurs haussements de sourcil que leurs chenilles sont au bord de votre gazon.
Mais vous ne riez pas. Vous ne riez plus jamais. Même vos vaudevilles présidentiels sont désormais commentés avec des mines de fesse-mathieu. Vous êtes graves comme des chats qui caquent dans votre quiétude de couvre-feu, alors qu’eux, là-bas, rient, pleurent et festoient dans leurs appartements miniatures, leur métro somptueux, sur leur banquise, dans leurs isbas et jusque sous les pluies d’obus.
Tout ceci n’est rien, disais-je, parlant du malentendu historique qui nous oppose. La partie grave, elle arrive maintenant. Vous ne leur en voulez pas pour trois bouts d’Ukraine dont vous ignoriez jusqu’à l’existence. Vous leur en voulez d’être ce qu’ils sont, et de ne pas en démordre! Vous leur en voulez de leur respect de la tradition, de la famille, des icônes et de l’héroïsme — bref, de toutes les valeurs qu’on vous a dressés à vomir. Vous leur en voulez de ne pas organiser pour l’amour de l’Autre la haine du Soi. Vous les enviez d’avoir résolu le dilemme qui vous mine et qui vous transforme en hypocrites congénitaux: Jusqu’à quand défendrons-nous des couleurs qui ne sont pas les nôtres?
Vous leur en voulez de tout ce que vous avez manqué d’être!
Ce qui impressionne le plus, c’est la quantité d’ignorance et de bêtise qu’il vous faut déployer désormais pour entretenir votre guignolerie du «ramassis de brutes qu’il s’agit de débarrasser de leur dictateur caricatural et sanglant avant de les éduquer à servir la «vraie» civilisation». Car tout la dément: et les excellentes relations de la Russie avec les nations qui comptent et se tiennent debout (BRICS), et le dynamisme réel de ce peuple, et l’habileté de ses stratèges, et la culture générale du premier Russe venu, par opposition à l’inculture spécialisée du «chercheur» universitaire parisien qui prétend nous expliquer son obscurantisme et son arriération. C’est que ce ramassis de brutescroit encore à l’instruction et au savoir quand l’école européenne produit de l’ignorance socialisée; croit encore en ses institutions quand celles de l’UE prêtent à rire; croit encore en son destin quand les vieilles nations d’Europe confient le leur au cours de la Bourse et aux banquiers de Wall Street.
Du coup, la propagande a tout envahi, jusqu’à l’air qu’on respire. Legouvernement d’Obama prend des sanctions contre le régime de Poutine: tout est dit! D’un côté, Guantanamo, les assassinats par drones aux quatre coins du monde, la suspension des droits élémentaires et le permis de tuer sans procès ses propres citoyens — et, surtout, vingt-cinq ans de guerres coloniales calamiteuses, sales et ratées qui ont fait du Moyen-Orient, de la Bosnie à Kandahar, un enfer sur terre. De l’autre, une puissance qui essaie pas à pas de faire le ménage à ses propres frontières, celles justement dont on s’était engagé à ne jamais s’approcher. Votre gouvernement contre leurrégime
Savez-vous de quoi vous vous privez en vous coupant ainsi, deux fois par siècle, de la Russie?
Du refuge ultime des vos dissidents, en premier lieu du témoin capital Snowden. Des sources d’une part considérable de votre science, de votre art, de votre musique, et même, ces jours-ci, du dernier transporteur capable d’emmener vos gens dans l’espace. Mais qu’importe, puisque vous avez soumis votre science, votre art, votre musique et votre quête spatiale à la loi suicidaire du rendement et de la spéculation. Et qu’être traqués et épiés à chaque pas, comme Snowden vous l’a prouvé, ne vous dérange au fond pas plus que ça. À quoi bon implanter une puce GPS à des chiens déjà solidement tenus en laisse? Quant à la dissidence… Elle n’est bonne que pour saper la Russie. Tout est bon pour saper la Russie. Y compris les nazis enragés de Kiev que vous soutenez sans gêne et n’hésitez pas à houspiller contre leurs propres concitoyens. Quelle que soit l’issue, cela fera toujours quelques milliers de Slaves en moins…
Que vous a-t-il donc fait, ce pays, pour que vous en arriviez à pousser contre lui les forces les plus sanguinaires enfantées par la malice humaine: les nazis et les djihadistes? Comment pouvez-vous vouloir contourner un peuple étendu sur onze fuseaux horaires? Destituer de l’extérieur un chef d’Etat plus populaire que tous vos polichinelles réunis? Etes-vous déments? Ou la Terre est-elle trop petite, à vos yeux, pour que l’«Occident» puisse y cohabiter avec un Etat russe?
C’est peut-être cela, tout compte fait. La Russie est l’avant-poste, aujourd’hui, d’un monde nouveau, de la première décolonisation véritable. Celle des idées, des échanges, des monnaies, des mentalités. À moins que vous, atlantistes et eurocrates, ne parveniez à entraîner la nappe dans votre chute en provoquant une guerre atomique, le banquet de demain sera multipolaire. Vous n’y aurez que la place qui vous revient. Ce sera une première dans votre histoire: mieux vaut vous y préparer.

Service public et redistribution : l’utile confusion

Comment peut-on avoir un réel débat sur les politiques de redistributions en France quand personne n’est capable d’en connaitre le montant précis ?


Jouons à un petit jeu : je mets quiconque au défi de me dire combien coûtent exactement les politiques de redistributions en France. Facile, allez-vous me répondre, il suffit d’additionner le RSA, la CMU, les allocations familiales et autres aides financières. Oui, mais ce n’est pas tout : il faut aussi (et surtout) compter la part de redistribution distillée dans chacun des services publics que l’État fournit.
le bonneteau....
L’État ne se contente jamais de fournir simplement un service, derrière chacune de ses actions, il ajoute un peu de redistribution, et souvent avec les meilleures intentions du monde. Du coup, il faut ajouter les tarifs étudiants des transports en commun, il faut distinguer dans l’assurance chômage ce qui est de la réelle assurance et ce qui est de l’aide aux plus pauvres et il faut mesurer la différence que chacun paie pour profiter des services dits « gratuits », que ce soit par le biais de la TVA ou des cotisations sociales.
Vous allez me dire que je chipote, mais comment peut-on avoir un réel débat sur les politiques de redistributions en France quand personne n’est capable d’en connaitre le montant précis ? Je peux vous dire combien nous coûtent la retraite ou la santé, mais ce ne sont pas des politiques de redistribution en théorie, ce sont des services publics. La confusion vient du fait qu’ils soient fournis à tous, riches comme pauvres, mais favorisent ces derniers qui ne paient pas le même tarif pour y accéder.
Ce qui est, comme je l’ai dit, fait avec les meilleures intentions du monde, mais c’est un énorme mélange des genres. Le but d’une assurance n’est pas de redonner l’argent des riches aux pauvres, mais de se prémunir contre un risque. On assure une voiture pour ne pas avoir à payer plein pot en cas d’accident. Idem pour la santé – nous payons la sécurité sociale pour ne pas avoir à payer le plâtre d’un os cassé. Idem pour l’école – l’argent de la TVA est utilisé pour fournir une éducation aux enfants.
Mais je ne suis pas ici en train de remettre en cause les services publics – je pense que c’est là une autre discussion. J’aimerais juste poser une simple question à ceux qui se considèrent comme démocrates et défendent les services publics et la redistribution d’État : peut-on décemment avoir un débat démocratique quand il est aussi difficile de mesurer le coût et l’impact réel de la redistribution ?
L’INSEE est capable de donner la différence entre les inégalités de revenus avant et après transferts, mais la tâche est très difficile et l’explication est complexe.
Pourquoi, alors, entretenir cette confusion ? Si les transferts (sous forme monétaire ou en nature) cumulés représentent 230 milliards d’euros comme le décompte l’INSEE, pourquoi ne pas avoir un impôt sur le revenu qui lève ces 230 milliards (au lieu de 75 comme nous avons aujourd’hui) et qui ensuite le redistribue de façon directe et transparente sous forme de chèques ?
contrepoints 674 service publicLe problème avec la confusion actuelle est que l’on voit qu’il est impossible de changer quoi que ce soit sans priver quelqu’un de son revenu. Pourquoi ne peut-on pas ouvrir la santé ou la retraite à la concurrence ? Parce que quelqu’un pourrait ne pas avoir les moyens de se soigner. C’est se tromper de problème : si quelqu’un n’a pas assez de revenus pour payer une assurance santé, alors mettons le sujet sur la table et parlons de redistribution directe pour compléter son revenu au lieu de socialiser l’intégralité d’un secteur. Cette logique semblerait absurde pour les voitures ou la nourriture, pourquoi la santé ferait exception ici ?
Nous avons des services qui sont d’une affligeante inefficacité. Je ne parlerai pas de l’école tant c’est évident. Je n’aborderai pas la façon dont l’université gratuite redistribue autant du riche vers le pauvre qu’inversement. Sans évoquer la santé publique qui est la plus chère d’Europe, ni notre système de retraite qui est une véritable Pyramide de Ponzi. On ne peut rien changer, dans aucun de ces domaines, car chacun a sa petite part de redistribution qui interdit de la remettre en cause.
Tant que l’on ne posera pas de réforme claire pour distinguer politique sociale et service fourni par l’État, nous ne pourrons réformer aucun de ces domaines, qui pourtant en ont cruellement besoin.