TOUT EST DIT

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dimanche 4 mai 2014

Pourquoi Keynes a gagné et ce que nous y avons perdu


Le 20ème siècle aurait pu être le siècle de la liberté et de la prospérité, mais il aura été marqué par l’interventionnisme et le triomphe des idées keynésiennes. Le maître à penser de nos politiciens est en partie responsable des déséquilibres qu’ils cherchent aujourd’hui à combattre, en vain ; combattre le mal par le mal ne fait qu’étendre le mal.
Les critiques du libéralisme et du capitalisme authentique (capitalisme de laissez-faire, donc libéralisme) dénoncent la recherche du profit à court terme, et ses conséquences sur l’homme et l’environnement ; la société de consommation, poursuite vaine, consommatrice de ressources et polluante ; la finance sans visage, sans cœur et sans âme, voire sans cerveau. Qui sont tout sauf libérales, et sont en cohérence avec le keynésianisme.
Pour Keynes,
Le long terme est un mauvais guide pour les affaires courantes. À long terme, nous sommes tous morts.
Et c’est parce que pour lui, le long terme n’a aucune importance, que Keynes se moque des déséquilibres et autres conséquences des politiques inspirées par ses idées. L’endettement, la fiscalité confiscatoire, la faiblesse des investissements ne sont pas importants pour lui.
Pire : il appelle de ses vœux le sacrifice du long terme pour le court terme. L’épargne, c’est le mal. L’inflation n’est pas bien grave. L’investissement privé et productif affaibli sera compensé par une dépense publique financée par l’impôt et la dette. À la décharge de Keynes, l’endettement actuel des États est lié certes à sa théorie, mais aussi à la bêtise des politiciens : au lieu de déficits en période de crise compensés par des surplus en période de croissance, les politiciens font des déficits en toutes circonstances. Pour eux aussi, à long terme, nous sommes tous morts.
Il n’y a pas, pour Keynes, d’ajustement par la crise ; il y a un cercle vicieux dans lequel les ménages et entreprises manquent de confiance, épargnent plus qu’ils ne consomment, et font donc ralentir l’économie, confirmant ainsi leurs craintes. L’auto-réalisation des croyances est un concept intéressant, à n’en pas douter. Mais les agents économiques sont-ils si irrationnels ? Faut-il, quand ils dépensent moins pour préparer des temps plus rigoureux où l’économie s’assainit, dépenser leur argent à leur place, au risque d’entretenir et amplifier les déséquilibres ?
C’est l’idée d’une croissance permanente qui rend nos économies fragiles. L’État-providence est une pyramide de Ponzi, la création monétaire est décorrélée de toute création de richesse et génère des bulles colossales dont la plus grande jamais vue poursuit gentiment sa croissance jusqu’à son explosion inéluctable. Là encore, c’est Keynes :
Il n’y a pas de limite au montant de monnaie bancaire que les banques peuvent créer pourvu qu’elles marchent toutes d’un même pas.
Et, pour Keynes, l’or est une relique barbare ; la monnaie peut être créée à volonté, sans aucun lien avec la richesse. La voie est ouverte pour une création monétaire inconsidérée, comme aujourd’hui, qui permettra aux banques de gagner de l’argent sans risques et acquérir avec de la monnaie sans valeur des richesses bien réelles. Keynes est sans doute à bien des égards au cœur de la finance sans visage. Notons que l’idée selon laquelle l’or est une relique barbare justifie pour les États la fin de l’étalon or, mais que ceux qui détiennent le pouvoir de création monétaire (États et banques) aiment toujours autant leurs coffres remplis d’or. À moins que politiciens et banquiers n’aientvidé les coffres, mais c’est une autre histoire.
La consommation est pour lui au cœur de l’économie. Il aurait sans doute adoré le concept d’obsolescence programmée, sur lequel beaucoup fantasment aujourd’hui ; l’essentiel est que l’on consomme, la quantité est ici reine.
Le tour de force des keynésiens, c’est d’avoir fait passer les échecs de l’interventionnisme pour des excès du capitalisme dont eux, fins maîtres de l’équilibre quantitatif, pouvaient nous guérir. Selon Keynes lui-même,
Je pense que le capitalisme, sagement aménagé, peut être rendu probablement plus efficient pour atteindre les fins économiques que tout système alternatif pour l’instant, mais je pense que ce système était, à bien des égards, extrêmement critiquable.
Mais pourquoi, ou comment, un système de pensée aussi contraire aux aspirations affichées des citoyens et politiciens (long terme, environnement, qualité…) s’est-il imposé ?
Le keynésianisme s’est imposé d’abord parce qu’il semble constituer une voie médiane. Nous préférons les raisonnements aux principes ; « le capitalisme est le meilleur système » ne suffit pas, et devient « le capitalisme est le meilleur système qui soit, mais génère des excès que nous pouvons et devons réguler ». Et voici les économistes appelant les politiciens à la rescousse pour relancer l’économie, éviter la crise et sauver la veuve et l’orphelin de la misère.
Les politiciens n’ont jamais hésité à enfiler leur costume de super-héros interventionniste. Qu’il s’agisse de changer le tracé d’un cours d’eau ou sauver Florange, ils seront toujours là pour nous. Pour nous imposer leur volonté, pour nous dire quoi faire, pour nous serrer la main et nous vider les poches. Mais l’important n’est pas là ; l’important, c’est de laisser son nom dans l’histoire, et pour cela, rien de tel qu’un plan de relance.
Giscard d’Estaing, c’est en effet un assez joli nom d’emprunt. – Charles de Gaulle
Keynes offre donc aux politiciens une raison d’intervenir, donc d’exister ; et, puisque le « fine-tuning » de l’économie requiert de savants calculs, il offre aussi aux économistes du travail. Gagnant-gagnant : l’économiste justifie l’existence du politicien, le politicien justifie l’existence de l’économiste. Le seul perdant, c’est le contribuable, mais qu’importe ? Il est une fraction d’agrégat, un petit c dans le grand Y collectif.
Le keynésianisme peut tout expliquer. Croissance, épargne, consommation. Et comme Jésus, Keynes multiplie les pains. Voyons plutôt, et éclairons nous de Wikipedia :
100 euros dépensés par l’État donnent lieu à une commande du même montant, qui va accroître le revenu du bénéficiaire. Revenu qui sera à son tour utilisé en dépense ou en épargne. Si le taux d’épargne des bénéficiaires est de 20%, ces 100 euros vont générer une nouvelle dépense de (100 – 20) = 80 euros. Cette somme est aussi utilisée par son bénéficiaire, qui peut aussi – après avoir épargné 20% – dépensé (80 – 16) = 64 euros. Il y a à ce stade, 20 euros d’épargne pour le premier bénéficiaire, 16 euros d’épargne et 64 euros dépensés pour le second, soit une somme totale de 100 euros. Et ainsi de suite jusqu’à épuisement de l’effet : les sommes redistribuées à chaque stade s’amenuisent pour tendre vers zéro.
À la quatrième itération, la somme est ainsi répartie : 20 euros de placements pour le premier bénéficiaire, 16 pour le second, 12,8 pour le troisième et 10,24 pour le quatrième, plus une dépense du quatrième de 40,96 euros. La somme totale est toujours 100.
Le total des sommes reçues est de 100 (1er bénéficiaire) + 80 (2ème) + 64 (3ème) + 51,2 (4ème) + 40,96 (correspondant à la dépense du 4ème bénéficiaire mais non utilisées pour le moment), soit une somme de 336,16 euros.
Le total des sommes dépensées est de 80 (1er) + 64 (2ème) + 51,2 (3ème) + 40,96 (4ème), soit 236,16 euros. La différence provient des 100 euros initialement versé par l’état.
Au bout du compte, on constate que 100 euros de dépense publique provoquent un accroissement du revenu national plus important (d’où l’idée de multiplication) que la dépense initiale.
Donc, selon l’exemple (qui suit fidèlement le principe du multiplicateur keynésien), l’État dépense 100 euros et pouf ! 236,16 euros apparaissent dans le « revenu national ». On peine alors à comprendre l’échec du New Deal (à l’encontre des croyances populaires) et la situation actuelle du Japon ; on dépense, mais la situation ne s’améliore pas. Les économistes libéraux ont la réponse, ou plutôt, comprennent l’erreur : le revenu national est une notion fictive. Les agrégats sont bidons. Pour comprendre l’erreur keynésienne, il faut sans doute s’intéresser au cas particulier des catastrophes naturelles.
Pour un keynésien, une catastrophe naturelle est une bénédiction. On déplore, certes, quelques victimes ici ou là ; mais l’économie est relancée par la reconstruction. De ce point de vue, la guerre est magique : on produit de quoi détruire, et on reconstruit ce qu’on a détruit.
Frédéric Bastiat, bien avant Keynes, expliquait l’erreur de Keynes par la parabole de la vitre cassée, « ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas ».
Par où, en généralisant, nous arrivons à cette conclusion inattendue : « la société perd la valeur des objets inutilement détruits, » — et à cet aphorisme qui fera dresser les cheveux sur la tête des protectionnistes : « Casser, briser, dissiper, ce n’est pas encourager le travail national, » ou plus brièvement : « destruction n’est pas profit. »
Et, d’une façon plus générale, il faut s’intéresser à la richesse, non à sa mesure. Voilà l’erreur de Keynes : penser que la richesse est autre chose que ce qu’elle est, qu’on peut en créer à partir de rien. Et qu’on peut considérer l’individu comme une petite partie d’un agrégat.
L’économie est organique. Le marché est une abstraction, certes, mais pas seulement ; il est la somme des préférences individuelles. La richesse est concrète (mais la valeur est subjective), elle n’est pas un chiffre ; il n’existe pas plus de multiplicateur que de création ex nihilo. Si le multiplicateur semble exister, c’est parce que la mesure est mauvaise, comme l’explique Guillaume Nicoulaud.
Nous avons donc, avec Keynes, perdu beaucoup d’argent dans d’inutiles et contre-productifs plans de relance. Nous avons perdu beaucoup de temps à repousser les ajustements qui, bientôt, s’imposeront à nous comme la pesanteur s’impose à la pomme. Nous avons perdu, aussi, beaucoup de libertés économiques, car des politiciens et économistes jugent bon de multiplier les pains pour gonfler le PIB et inverser les courbes.
Mais nous n’avons pas tout perdu ; les pirouettes intellectuelles de Krugman et la bêtise de Montebourg n’ont pas de prix et, sans Keynes, rien de tout cela n’aurait été possible.

On garde la banane

On garde la banane


Comme la quenelle d'Anelka est devenue le moyen d'expression des imbéciles, le lancer de bananes est celui des racistes des stades de foot. Manipulation, récupération, coup de pub… Peu importe, le phénomène n'est pas nouveau et à chaque fois la tristesse le dispute à la colère. Dani Alves, le footballeur du Barça, a répondu par l'humour, que les réseaux sociaux ont relayé. Reste que depuis un match à Liverpool en 1988, les bananes sur la pelouse et les cris de singe pour humilier les joueurs noirs sont insultes courantes partout en Europe. Que de violence et de médiocrité, que de ressentiments rances il faut avoir dans le c'ur pour laisser l'indignité et la haine dominer la raison et bafouer les luttes de ceux qui ont inscrit Liberté, Égalité, Fraternité avec leur sang au fronton de nos mairies.
Le billettiste François Morel avait lui aussi choisi l'humour sur France Inter pour fustiger « la petite conne » qui attendait Mme Taubira avec une banane à Angers. Une belle et talentueuse indignation qui, hélas, pourrait être renouvelée chaque jour. Le père de la « petite idiote », plus coupable que sa gamine, va sans doute au foot dans les travées proches des lanceurs de banane ou des copains de Dieudonné.
Et à coup sûr, il est d'accord avec le propos colonialiste, passé presque inaperçu, de Michel Platini demandant aux Brésiliens des favelas de différer leur révolte de la faim pour ne pas perturber la Coupe du monde. Et si les ouvriers qui construisent les stades au Qatar pouvaient arrêter de se tuer sur les chantiers, ce serait bien aussi. Un comble de la stupidité qui mériterait bien un de ces coups de pied ajustés dont il avait le secret. Le mal est profond dans le football et dans la société. Les croix celtiques des ultras et autres skinheads infiltrés dans les virages des tribunes par les groupuscules ultranationalistes sont les témoins de la gangrène raciste qui ronge la tolérance et crache sur la tombe de Victor Schoelcher au Panthéon.
Le manger de banane d'Alves a mis les rieurs et l'intelligence de son côté. Le lanceur a été exclu à vie, le propriétaire des Los Angeles Clippers banni pour propos racistes… Alors, même si elle ne doit pas cacher la forêt des tribunes indignes, allez, on garde la banane !