Rendez-vous le 15 du mois

Cela fait des années que le 1er-Mai n’est plus ce qu’il était. Certes, le muguet fleurit toujours, mais les militants communistes ne tiennent plus le marché des vendeurs à la sauvette, et les militants syndicaux ne tiennent plus le pavé aussi nombreux qu’autrefois. Déclin des uns, fatigue des autres, résignation de tous.
Il ne faudrait pas pour autant en conclure que la France est désormais prête à ces réformes qu’elle a si longtemps repoussées. Si les Français, à en croire les sondages, comprennent de plus en plus la nécessité de faire des efforts, c’est le plus souvent pour les autres : oui à la maîtrise des dépenses de santé, sauf pour mes propres remboursements… Et si l’opinion publique intègre peu à peu la notion de rigueur, ce n’est évidemment pas au point de trouver désirable ce qui s’annonce douloureux.
On en aura une idée assez précise le 15 mai prochain, jour de grève de toutes les fonctions publiques organisée par tous les syndicats. Beaucoup plus que lors des manifs du 1er-Mai, ce sera l’occasion d’une grand’messe sociale comme savent encore en célébrer les purs, les durs : les camarades fonctionnaires syndiqués. C’est là que se concentre ce qu’il reste de vraie puissance aux syndicats ; c’est là que se trouve la sourde menace sociale.
C’est l’autre défi de Manuel Valls, plus dangereux que le « groupe des 41 », plus imprévisible, plus difficile à gérer : le défi de la rue. On l’a vu en 1995, avec le phénomène spontané des grèves par procuration : ceux du privé qui ne pouvaient pas prendre le risque d’arrêter le travail avaient en quelque sorte confié leur colère aux bons soins des fonctionnaires et agents publics en grève. C’est ce genre de mouvement hautement inflammable qui peut rapidement faire basculer une opinion publique démoralisée, et que le gouvernement doit maintenant surveiller.