TOUT EST DIT

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mercredi 2 avril 2014

Nantes : un Ayrault très discret


Sa nomination avait surpris. Son départ était attendu. Jean-Marc Ayrault n'est plus le Premier ministre de la France. Chacun y va de son analyse et je ne ferai pas de commentaire politique. Enfin, presque pas.
Il se trouve que je connais Jean-Marc Ayrault, qu'il est le maire deNantes quand je passe par la case FC Nantes, qu'il vient parfois au stade de La Beaujoire encourager les jaunes, accompagné de Brigitte, son épouse. Je le rencontre. Nous échangeons. Ayrault s'exprime peu, manifeste encore moins durant le match, quitte à s'effacer dans la tribune protocolaire où sa présence devient discrète. Question de caractère, sans doute.
Il me semble que cette nature freine la réussite de Jean-Marc Ayrault à Matignon. Ce goût du retrait handicape un chef de gouvernement. Ayrault ne multiplie pas les interviews, les voyages en province, les prises de parole pour un oui ou pour un non. Ayrault ne brasse pas d'air, parle gris et garde ses distances. Paris Match lui fiche la paix. Il ne squatte pas la télévision, refuse le service après-vente pour expliquer et convaincre. Bref, l'anti-Sarkozy. Or, l'ancien président de la République a changé la com'. Il faut paraître pour exister. L'effacement est un suicide. 

Pour vivre heureux, vivons cachés

Jean-Marc Ayrault est nommé Premier ministre et sa parole ne varie pas. Il reste le maire de Nantes. Les Nantais ont aimé cette retenue, passeport pour séduire la bourgeoisie locale. Nantes affiche ses foulards Hermès dans les rues, inscrit ses enfants dans les écoles catholiques et fuit le bling-bling comme la peste. On part le samedi ou le dimanche pour Noirmoutier ou pour La Baule, comme bon-papa ou bonne-maman l'ont fait au XXe siècle. Pour vivre heureux, vivons cachés. Ayrault, l'homme de gauche, répond à cet ADN.
De 1989 à 2012, la presse locale épargne le premier magistrat de la ville. Ouest-France et Presse-Océan, les deux quotidiens locaux, apprécient ce maire de proximité, pas bégueule et toujours disponible, qui transforme la belle endormie - le surnom de Nantes - en une ville ouverte et moderne. Ayrault parie sur la culture. Elle colore ses quatre mandats à coups de folles journées ou d'éléphant géant.
"Petit lapin ne vient pas à Paris", chante Henri Salvador. "Les gens d'ici ne sont pas tous gentils." La presse parisienne matraque Jean-Marc Ayrault. Il le regrette en off. C'est sa principale surprise, dit-il volontiers, la dureté des journalistes de la capitale. Remarque intéressante, mais fausse. Jean-Marc Ayrault n'est plus le maire d'une ville de 250 000 habitants. Il dirige la France. Un changement de braquet s'impose. Impossible de se planquer. Hélas, par honnêteté ou par nature, par choix ou par conviction, Jean-Marc Ayrault reste Jean-Marc Ayrault, affable et réservé. Mauvais casting. Le premier rôle n'a pas la gueule de l'emploi, pas le charisme qu'il faut. Le film ne fonctionne pas. Le metteur en scène remplace sa vedette. Plus jeune, plus beau, cheveux noirs et dents blanches. Manuel Valls occupe l'espace. Il prend la lumière. Il affiche sa détermination. Il pousse des coups de gueule. Il existe, quoi. Appelons cela la présence ou le charme. A-t-il des résultats ? Peu importe. Il parle. Il communique. On le voit. On l'entend. En 2014, ça suffit ? À votre avis ?

Hollande, ses pactes, notre enfer

Hollande, ses pactes, notre enfer


Il y eut d'abord, en octobre 2012, le "pacte de compétitivité" entre l'État et les PME, qui devaient chacun "prendre leurs responsabilités". Ce pacte, avait précisé le chef de l'État, ne "laissera rien de coté". Las ! Il y eut un "pacte de responsabilité" en janvier dernier. Attention, ce pacte reposait sur deux éléments : d'un côté, la simplification et les baisses d'impôts pour les entreprises, de l'autre, des "contreparties". François Hollande avait même théorisé cette subtile articulation peu après : "Les contreparties forment un tout avec le pacte ; elles sont le pacte." Et dimanche dernier, laFrance émerveillée a appris qu'elle entrait dans un nouveau pacte, "de solidarité" cette fois, qui "correspond" (sic) au pacte de responsabilité.
Gardons la tête froide et posons les bonnes questions : le pacte de solidarité fait-il partie des contreparties du pacte de responsabilité ou lui tient-il lieu de miroir inversé, avec donc ses propres contreparties, qu'on attend de découvrir avec impatience ? Les pactes se superposent-ils ou se substituent-ils les uns aux autres ? Quelle confrérie mystérieuse signe ces fameux pactes, toujours annoncés d'un ton martial par un homme seul derrière son pupitre ? Et surtout : y a-t-il encore non pas 10 %, non pas 1 %, mais un seul Français dans le pays qui accorde encore le moindre crédit à ces expressions usées et grotesques ? Flatus vocis, comme disaient les philosophes : "un souffle de voix", envolé aussitôt qu'exprimé. 

Coût du travail

Pourtant, si l'on reprend les mesures détaillées dans ces trois pactes, on s'aperçoit qu'elles ont un substrat commun et très précis. Pacte de compétitivité : 20 milliards de baisses de charges. Pacte de responsabilité : 30 milliards de baisses de cotisations patronales. Pacte de solidarité : baisse des cotisations salariales, pour un montant encore indéfini.
Ainsi, notre leader éclairé aurait donc compris, après vingt ans de rapports unanimes, qu'il faut baisser le coût du travail en France (rappelons que, selon la Banque mondiale, le taux de taxation sur les profits d'une entreprise française est de 65 % en moyenne, contre 41 % dans les pays de l'OCDE). Et de fait, les conseillers que l'on peut rencontrer à l'Élysée sont tout aussi libéraux que vous et moi. Quant à notre nouveau Premier ministre, il ressemble davantage à Matteo Renzi qu'à Michel Sapin

"Solidarité"

Mais François Hollande noie sa découverte dans son filet de pactes. Le pacte de responsabilité feint d'exiger des "contreparties en termes de créations d'emplois", comme si les entreprises étaient assez vicieuses pour croître sans embaucher. Le pacte de solidarité frappe encore plus fort, puisque "solidarité" devient synonyme de baisse d'impôts, un raccourci que même Alain Madelin hésiterait à prendre.
Cette incapacité à assumer une ligne somme toute réformiste est en soi un drame. On ne comprend rien, on s'énerve, on vote FN. Pourquoi ne pas dire simplement, comme Blair, Schröder et aujourd'hui Renzi, que baisser les impôts, couper les dépenses et simplifier l'administration constituent en eux-mêmes des objectifs politiques, permettant de dynamiser l'activité des entreprises et de libérer les individus d'un sentiment pesant d'extorsion et d'injustice ?
Mais non. Faust continue son baratinage. Il aurait dû écouter l'avertissement de Méphistophélès : "Où les idées manquent, un mot peut être substitué à propos ; on peut avec des mots discuter fort convenablement..." Mais cela vous conduit en enfer.

Les socialistes doivent-ils renoncer au socialisme ?

Les socialistes doivent-ils renoncer au socialisme ?


Paul Ricoeur, dont l'un des principaux conseillers de François Hollande, Emmanuel Macron, fut l'assistant, écrit ceci dans Le Juste: "La sagesse du jugement consiste à élaborer des compromis fragiles où il s'agit de trancher moins entre le bien et le mal, entre le blanc et le noir qu'entre le gris et le gris, ou, cas hautement tragique, entre le mal et le pire." La liberté du président de la République dans le choix de son Premier ministre était une liberté contrainte. Il aurait pu continuer son délire et satisfaire les dingues de l'aile gauche de la majorité, il a préféré tenter de se reconnecter au réel et a nommé pour cela Manuel Valls, qui passe pour être l'un des seuls, à gauche, à admettre que la politique doit être adaptée à l'époque au cours de laquelle elle est mise en oeuvre.
Tactiquement, il y a une habileté connue, qui consiste à remanier juste après la défaite électorale, pour que l'on parle des chaises musicales plutôt que de la sanction des urnes. Ce Waterloo municipal ne doit tout de même pas être oublié : il est la démonstration que, depuis 2012, le socialisme s'est écrasé sur le mur de la réalité. Il prouve que les Français rejettent ce modèle de société qui aboutit à l'égale répartition de la misère. Il est la sanction de la spoliation fiscale orchestrée depuis deux ans par des gens pour qui il n'est d'argent sain que celui qui a transité par les caisses publiques. Il est le rejet du clientélisme local que la gauche avait sans vergogne installé à tous les étages de la démocratie décentralisée, recrutant des milliers d'agents ici pour s'assurer le suffrage de leurs familles, arrosant là toutes sortes d'associations servant uniquement les intérêts des élus PS.

Le pays de l'impossible

Il faudra tout de même arrêter, un jour, avec cette politique du mensonge, du blocage et de l'entre-soi. Il faudra cesser de s'étonner que tant de gens s'abstiennent de participer à une vie démocratique dans laquelle il est si difficile d'entrer, et dont les responsables rendent si peu de comptes, où tout est si opaque. La France est le pays où il est presque impossible de se présenter à une élection si l'on n'est pas né dans une mairie, où l'on a sciemment créé un faux référendum d'initiative populaire impossible à mettre en oeuvre, où l'on a à dessein rendu impossible de poursuivre par une "class action", enfin existante en droit français, ceux contre qui cette procédure aurait été utile1 : l'impossible, la France est devenue, en dépit du dicton, le pays de l'impossible. Il faut changer les règles du jeu : si la France n'est pas un pays où l'on a le sentiment que tout est possible, elle n'est rien.
Dans son allocution de lundi, François Hollande a reconnu qu'il y avait "trop d'impôts" en France, découvert que "ce sont les entreprises qui créent des emplois" (il faudrait faire passer cette information rue de Solférino), exprimé la volonté de "transformer notre État". Chiche ! Il devra, pour cela, aller à rebours de quarante ans de carrière, faire le contraire de ce que ses camarades et lui ont toujours préconisé et décidé quand ils étaient au pouvoir aussi bien nationalement que localement, démentir la littérature de la fondation Jean-Jaurès ou de la revue Esprit, reconnaître qu'on ne peut pas être d'accord avec Thomas Piketty quand on gouverne, et qu'il a toujours considéré Marie-Noëlle Lienemann, Jérôme Guedj ou Emmanuel Maurel comme de simples bouffons destinés à calmer les ardeurs des assoiffés de l'égalitarisme. 
Il devra admettre que la puissance publique n'a pas vocation à prendre en charge tous les aspects de la vie des citoyens, à moins d'être dans le totalitarisme. Il devra renoncer à laisser Najat Vallaud-Belkacem et à travers elle tous les lobbys les plus fous, faire des lois dont l'objectif avoué, sans que cela ne choque personne, est de "changer les mentalités". Cela signifie qu'il lui faudra, sans doute, changer lui-même de mentalité, mais après tout, impossible n'est pas français.

1. Circonscrite au contentieux de consommation, l'action ne couvre pas les domaines de la santé, des finances et de l'environnement.

Peut-on être sourd à ce point ?

Peut-on être sourd à ce point ?


On doute fort que l'intervention télévisée du président de la République, hier soir, soit de nature à dissiper le "mécontentement" et la "déception" qu'il a cru percevoir dans le vote des Français ces deux derniers dimanches. Son discours n'était ni à la hauteur des circonstances ni à la mesure de la colère populaire que ce vote a traduite. D'abord la forme. En huit minutes expéditives, François Hollande a égrainé un chapelet de banalités sur le ton d'un commissaire-priseur pressé d'en finir avec sa corvée, sous un air d'indifférence totalement inexpressive. Pas un soupçon de sentiment, pas un effort d'empathie, pas une ombre de lyrisme comme savait faire Mitterrand, aucun regret, aucune exhortation à l'espérance. Cet homme-là est décidément aussi froid qu'un colin. 
Dimanche, la France a voté majoritairement pour le changement. Pour une autre politique, plus juste - chacun voyant la justice à l'aune de ses intérêts, ce qui rend le problème très complexe -, pour une politique plus efficace, plus cohérente, plus lisible. Et accessoirement pour le renouvellement du gouvernement. Or Hollande répond à cette aspiration en annonçant qu'il maintient le cap qu'il s'était fixé, à quelques ajouts près qui ne mangent pas de pain, tel ce "pacte de solidarité qui devrait correspondre au pacte de responsabilité".

"Différemment ?"

Pour l'essentiel, on ne relève pas une once de nouveauté dans ce qu'il a dit par rapport à ce qu'il disait en janvier dernier, rien qui démente ni ne corrige sa récente conversion à la social-démocratie : redonner de la force à notre économie, compter à cet effet sur les entreprises, assurer la transition énergétique, faire des économies, défendre la justice sociale, bref l'exacte répétition de ce que l'on sait, c'est-à-dire la négation du changement, alors que le pays vient de lui demander de changer. Peut-on être sourd à ce point ? Pas un mot pour préciser ou développer ses intentions et sa pensée. Il a prononcé cette phrase qui est un modèle d'inanité : "Produire plus, mieux, en France, différemment..." Qu'est-ce que cela veut dire : "différemment" ? Est-ce cela, une politique ? Est-ce ce langage qu'attendait le peuple qui vient de voter contre lui ?
Alors il est allé au plus facile, à l'accessoire, il a désavoué l'équipe gouvernementale qui s'employait depuis deux ans à gérer ses décisions et ses absences de décision, il s'est défaussé de ses responsabilités en répudiant son personnel, se croyant quitte ainsi de toute réponse légitime à la revendication populaire. Il a chassé Ayrault et refilé la patate chaude à Valls, qui, il est vrai, n'espérait que cela. Valls, parce que Valls est réputé l'homme le plus à droite de la gauche, donc le mieux placé pour répondre à la droitisation de l'électorat. Comme si le vote de dimanche avait une signification idéologique, alors qu'il s'est agi d'une réaction de protestation contre une politique incohérente ? Le limogeage d'Ayrault relève d'un calcul à courte vue. Passons sur l'inélégance du geste : en annonçant un "gouvernement de combat", Hollande ne dénonce-t-il pas la faiblesse de l'ancienne équipe ? 

Désordre politique

On souhaite beaucoup de courage à Manuel Valls. Il va lui falloir mener une politique qui sera l'exacte réplique de celle que les Français viennent de condamner, s'il est vrai que Hollande maintient le cap. Il va lui falloir le faire dans un contexte plus difficile que celui où pataugeait son prédécesseur, si l'on sait que déficit et dette s'alourdissent encore et que les quelques généreuses promesses faites hier par le président ne vont pas simplifier les problèmes. Il va lui falloir gérer les exigences des Verts et celles de la gauche de la gauche, au risque, s'il leur résiste, d'une crise parlementaire, à l'heure où la majorité donne au lendemain du vote de dimanche des signes de fragilité. Il va lui falloir affronter en juin prochain l'épreuve des élections européennes, dont l'issue est incertaine.
Il eût été plus simple de recourir à la dissolution, qui aurait permis d'ajuster le droit à la réalité telle que celle-ci vient de sortir des urnes. Faute de quoi le pays risque de vivre, au cours des trois années qui viennent, dans un désordre politique qui finira par exténuer son énergie.

Hollande, deux années perdues

Hollande, deux années perdues


Après la déroute socialiste de dimanche dernier qui semble avoir enfin ouvert les yeux de François Hollande sur la réalité du discrédit qui le frappe, lui et sa majorité, la question du remaniement du gouvernement Ayrault est dans tous les esprits. Deux questions se posent : quand et jusqu'où ?
Quand ? Rapidement et avant les élections européennes, ou au lendemain de celles-ci ? Les résultats du second tour des municipales ne devraient pas influer sur la décision du président de la République, sauf s'ils corrigeaient dans des proportions importantes les tendances révélées par le premier tour, hypothèse improbable. Les enseignements que celui-ci a livrés sur l'état de l'opinion sont trop clairs pour que Hollande tergiverse : il y a urgence à remanier. Encore faut-il que l'opération soit assez habilement menée pour qu'elle n'augmente pas le désarroi de l'opinion au point d'influencer un peu plus négativement encore son vote de juin prochain. On voit mal un remaniement succéder à un autre en l'espace de trois mois. Ce serait le comble de la maladresse.
Jusqu'où ira la portée du remaniement qu'on attend dans les jours qui viennent ? La gravité du moment, l'attente générale et la raison exigent qu'il soit significatif, donc important voire radical, ce qui suppose d'abord l'éviction de Jean-Marc Ayrault, et son remplacement par un homme d'expérience et d'autorité - dont le profil correspond à Laurent Fabius, donné pour l'instant comme l'un des favoris - qui s'entourerait de ministres compétents rassemblés autour d'un projet clair. Cette dernière condition est à nos yeux aussi impérieuse que la personnalité des hommes qui composeront la prochaine équipe.

Incessant louvoiement

Car l'échec spectaculaire de François Hollande trouve ses causes - plus encore que dans la faiblesse de l'actuel gouvernement, plus encore que dans sa direction, plus encore que dans les méthodes utilisées - dans la confusion de la politique menée depuis deux ans. Quelle politique, c'est la bonne question ! Des promesses non tenues, une hiérarchie des priorités incohérente, et surtout une ligne hasardeuse, oblique et illisible. Toutes fautes dont la responsabilité première incombe au président de la République. Au point qu'on peut douter de l'efficacité du gouvernement à venir tant que François Hollande ne se remettra pas lui-même en question. Ayrault porte un chapeau qui revient en toute justice à François Hollande.
C'est à celui-ci de dire enfin sa vérité, qui il est réellement, à quoi il croit et ce qu'il veut. On attend de lui qu'il renonce à cette morgue molle qui lui tient lieu d'autorité, à cet incessant louvoiement dans sa conduite des affaires, au flou dans lequel il entoure et son discours et son action, on attend de lui l'aveu de ses erreurs, la définition d'un cap précis et définitif et une constance à le suivre. Il a peu de temps devant lui, quoiqu'il en croie si l'on observe qu'il a à maintes reprises exprimé sa prétention à garder le pouvoir au-delà de 2017. Or il a déjà perdu et nous a fait perdre deux ans. 
La première année, il l'a consacrée essentiellement, hors quelques réformes futiles, à la mise en oeuvre d'un réaménagement fiscal qui lui a aliéné les agents économiques actifs et les classes moyennes, aux dépens de la productivité et sans que la justice sociale en ait tiré bénéfice. Au début de sa deuxième année de mandat, il a pris conscience de la réalité économique et le mot de compétitivité est enfin entré dans son vocabulaire d'énarque socialiste, à défaut qu'il l'illustrât réellement par une révision audacieuse de sa politique.

Temps perdu et perte de crédit

À l'automne dernier, après dix-huit mois de pouvoir, converti publiquement à la social-démocratie, il s'est enfin décidé à en venir à l'acte et à s'attaquer aux sources du problème économique. L'idée dupacte de responsabilité lui est venue, soufflée par le patronat, remède encore timide au marasme national, mais promesse intéressante. Le drame est que cette initiative, à peine sortie péniblement des limbes, rencontre des obstacles, alors qu'il fallait faire vite. Le temps que le projet soit adopté, puis que les vacances passent, puis qu'il soit mis en oeuvre, nous serons parvenus à la fin de cette année 2014. Il faudra ensuite un an, sinon davantage, avant que ses premiers effets se fassent sentir. Nous serons au printemps de 2016, c'est-à-dire au moment où s'ouvrira la pré-campagne présidentielle qui paralyse l'action politique. Croit-on dans ces conditions qu'un remaniement va suffire à rattraper tout ce temps perdu et à restaurer le crédit du président de la République ?
Qu'au moins dans les jours et les semaines qui viennent, renonçant enfin à nier la réalité et à entretenir le pays dans l'illusion, il la dise, cette réalité, avec les mots qu'il faut, annonçant les sacrifices nécessaires comme prix de décisions courageuses ! Mais est-il l'homme de la situation, dans le contexte politique difficile qu'il va devoir affronter au lendemain d'élections qui ont révélé sa nudité ? Même au sein de sa propre majorité, on doute désormais de lui. Dans le désarroi dans lequel elle est, la gauche semble même incapable de faire avec bonne foi et humilité le clair sur les raisons de son échec.
On entendait hier et avant-hier ses dirigeants analyser le désastre de dimanche. C'est faute, disaient la plupart d'entre eux, que nous ayons assuré la justice sociale. Aucun d'entre eux ne mettait le doigt sur la source du problème, qui est d'ordre économique, comme si la justice sociale ne passait pas par l'équilibre économique, par la croissance, par la richesse, comme si elle n'était pas l'effet d'une cause. Toujours cette habitude qu'ils ont de s'engager sur une fin sans mettre en oeuvre les moyens appropriés à sa réalisation ! Dimanche dernier, si le peuple a désavoué la gauche socialiste, c'est parce que celle-ci n'a pas utilisé ces moyens-là. Avant la justice, c'est d'abord un minimum de dignité et de confort matériel qu'il demande. Cela procède de ceci. La référence constante des dirigeants socialistes aux concepts, aux principes, à la morale est désarmante et les aveugle eux-mêmes. Hollande avait promis aux Français du travail et du pouvoir d'achat. Il ne les leur a pas donnés. C'est d'abord et simplement cela qu'ils ont sanctionné dimanche

Manuel Valls, nouveau capitaine d’un même bateau

Le changement, c’est donc pour maintenant. Lui, Premier ministre, il n’y aura plus de couacs au sein du gouvernement français. Lui, Premier ministre, la courbe du chômage va s’inverser. Lui, Premier ministre, la croissance va revenir. Lui, Premier ministre, le déficit sera résorbé. Lui, Premier ministre, les inégalités sociales seront réduites. Lui, Premier ministre, le rêve français sera enfin réenchanté.
On mesure évidemment tout de suite les limites de l’anaphore. En nommant Manuel Valls à Matignon, François Hollande montre certes qu’il n’est pas resté sourd au cri des Français après la déroute électorale. Mais la promotion du désormais ex-premier flic de France ne résoudra évidemment pas tous les problèmes du pays d’un coup de matraque, pardon, de baguette magique.
Le cap politique qui sera suivi – François Hollande l’a répété hier soir –, c’est celui qu’il a lui-même défini au début de l’année : une politique de l’offre visant à doper la compétitivité des entreprises pour tenter de ranimer la croissance. Manuel Valls devra exécuter la même partition que Jean-Marc Ayrault avait jouée avant lui avec loyauté pendant près de deux ans. Avec une difficulté supplémentaire, même ! Là où Jean-Marc Ayrault représentait un dénominateur commun pour l’ensemble de la gauche, Manuel Valls sera un repoussoir pour une partie de celle-ci. L’aile la plus radicale gronde déjà, menaçant même de ne pas voter le futur « pacte de responsabilité » (des baisses de charges pour les entreprises en échange de créations d’emplois), cœur de la nouvelle politique élyséenne, si des gages suffisants ne sont pas donnés à la gauche. Et les Verts le guetteront aussi au tournant. Après la rupture avec les électeurs, gare à la défiance de la majorité ! Si elle venait à se rebeller, l’Elysée n’aurait plus d’autre choix que l’arme atomique : celle de la dissolution de l’Assemblée nationale !
La pression sera par ailleurs encore plus forte sur les épaules du chef de l’Etat. Le changement de Premier ministre, a-t-on coutume de dire en France, est un fusil à un seul coup ou presque. François Hollande ne devrait plus avoir beaucoup d’autres occasions d’en changer jusqu’à la fin de son mandat. Mais d’ici là, les écueils seront nombreux sur sa route. Il lui faudra traverser des tempêtes (à commencer par les élections européennes de fin mai qui s’annoncent mauvaises pour la gauche) et redonner confiance en l’avenir.
Si Manuel Valls peut apporter quelque chose, ce sera son autorité. S’il a été choisi, c’est moins pour son profil politique, qui ne correspond pas forcément à l’attente d’un électorat de gauche déçu, que pour son tempérament. Il devra être le « professionnel » qui remettra sur les rails un gouvernement qui ressemblait jusqu’ici trop souvent à une équipe d’amateurs.


Les Verts se déchirent après le "non" à Manuel Valls


Les écologistes renouent avec l'ère des divisions après leur refus de participer au gouvernement, une décision du bureau exécutif d'Europe Ecologie-Les Verts dénoncée comme "le pire" des choix par la majorité des parlementaires EELV, justifié comme "l'échec d'une majorité" par la direction nationale.
Emmanuelle Cosse, secrétaire nationale d'EELV, explique dans Le Monde que les écologistes ne voulaient "pas en arriver là" et que, malgré une proposition "solide et correcte" de Manuel Valls, ils ne pouvaient "oublier les deux ans passés d'une expérience gouvernementale qui a eu des hauts et des bas".
Selon les élus qui ont participé mardi matin aux tractations avec le nouveau Premier ministre en vue de la formation du gouvernement, un grand ministère de l'Ecologie, couvrant le développement durable et l'énergie, était proposé aux Verts après le départ des ministres Cécile Duflot et Pascal Canfin.
Manuel Valls, avec lequel les écologistes ont eu des désaccords politiques dans le passé, notamment sur les questions d'immigration, avait en outre déclaré qu'il ne débaucherait pas de recrues qui ne soient pas soutenues par le parti.
Au terme de huit heures de discussions tendues, le bureau exécutif d'EELV, plutôt acquis à Cécile Duflot, a voté par la suite contre une participation au futur gouvernement.
"Nous sommes conscients que nous avions peut-être une possibilité d'avancer sur ces choix (la transition énergétique, NDLR)", déclare Emmanuelle Cosse dans Le Monde de mercredi.
"NI DÉFIANCE ABSOLUE NI CONFIANCE AUTOMATIQUE"
"Si les écologistes font le choix de ne pas être au gouvernement, ce n'est pas juste notre échec. C'est surtout l'échec d'une majorité. Il y a aussi une responsabilité lourde de François Hollande", affirme-t-elle.
Les écologistes se considèrent toujours membres de la majorité présidentielle mais réservent leur position quant au vote de confiance qui suivra mardi prochain le discours de politique générale de Manuel Valls à l'Assemblée.
Avec le retour de Cécile Duflot, dont des élus craignent qu'elle ne prenne l'ascendant, le groupe EELV à l'Assemblée comptera 18 membres.
"Ni défiance automatique ni confiance absolue", a résumé mercredi le chef de file des sénateurs EELV, Jean-Vincent Placé, sur BFMTV et RMC Info. "On ne vote pas la confiance a priori", a confirmé Emmanuelle Cosse sur i>TELE.
Les coprésidents du groupe EELV à l'Assemblée nationale sont furieux et regrettent "un mauvais coup" porté à l'écologie.
"Parmi deux choix mauvais, on a fait le pire", a déploré sur France 2 Barbara Pompili, accusant Cécile Duflot et Pascal Canfin d'avoir "joué un peu personnel" et imposé une "oukaze" sans appel à l'endroit de Manuel Valls.
Dès mardi soir, François de Rugy avait parlé d'"une décision incompréhensible".
"Moi je pense qu'on aurait dû dire 'Banco!'", quitte à faire défection en cas de divergences de fond, a dit Barbara Pompili. "Du coup on se retrouve dans un positionnement qui est compliqué, (...) on est dehors tout en étant des partenaires".
Pour l'eurodéputé Daniel Cohn-Bendit, qui s'exprimait sur i>TELE, "c'est une faute, c'est une erreur".
DUFLOT EN ACCUSATION
Selon lui, Manuel Valls, outre un grand ministère taillé sur mesure pour les écologistes, proposait une dose de 25% de proportionnelle, "une porte de sortie pour enterrer rapidement l'aéroport de Notre-Dame des Landes". Barbara Pompili a fait état d'engagements sur la transition énergétique, la réforme fiscale, la réforme des collectivités territoriales.
Des élus s'inquiètent pour l'avenir et la cohésion du parti, qui réunit son conseil fédéral samedi.
Emmanuelle Cosse dément toute "fracture" et toute volonté de mainmise de Cécile Duflot, que David Assouline, porte-parole du Parti socialiste, a accusé sur i>TELE d'avoir "choisi une stratégie politique personnelle".
"On n'est pas là pour se diviser", a dit la secrétaire nationale d'EELV sur i>TELE. "La position des uns et des autres va s'homogénéiser", veut croire Jean-Vincent Placé.
Cécile Duflot "a le droit d'avoir une stratégie personnelle, mais elle n'a pas le droit de prendre le mouvement en otage", a jugé Daniel Cohn-Bendit.
Le député européen souhaiterait qu'une personnalité reconnue de la mouvance écologiste, comme l'ancienne ministre Dominique Voynet ou Nicolas Hulot, entre au gouvernement pour porter les idées d'EELV, quand bien même le parti a averti que tout débauchage serait sanctionné par une expulsion.

Halte au feu

Halte au feu


La nouvelle vous a peut-être échappé mais ce fut, parait-il, un des événements de la journée : le premier ministre s’est arrêté aux feux rouges. Allant à Matignon prendre son poste, M. Valls a tenu à ce que son chauffeur respecte les règles de la circulation. Le coup du feu rouge, on nous l’a déjà fait. Pas une éminence de gauche comme de droite qui, à peine élue ou nommée, ne veuille témoigner de sa simplicité. Le respect du poteau tricolore est donc un symbole obligé. En général, cette modestie ne dure pas. Il y a belle lurette que le Chef de l’Etat ne prend plus le train dont Moi Président raffolait. Ce n’est pas très grave : de toute façon, personne ne croyait à ce naturel. Et chacun sait bien que la rénovation de la démocratie n’est pas une histoire de clignotant.

Hollande dégage !

Hollande dégage !


François Hollande n’a visiblement rien compris. Enfermé dans sa tour d’ivoire, l’ancien Premier secrétaire du PS devenu – pour le plus grand malheur des Français – président est loin d’avoir pris toute la mesure du véritable désaveu de sa politique et de sa personne que constituent les résultats des élections municipales.
Au regard de cette claque historique, se contenter de changer de Premier ministre et remplacer Jean-Marc Ayrault, qui sert de « fusible », par Manuel Valls paraît bien dérisoire et risible. Car cet échec politique, c’est d’abord le sien et le résultat direct de son incapacité à « inverser la courbe du chômage » comme il s’y était pourtant publiquement engagé. C’est donc Hollande qui devrait en tirer toutes les conséquences et démissionner.
« La France connaît une crise civique et même morale », a-t-il reconnu dans un éclair de lucidité, lundi soir, lors de son intervention télévisée de huit minutes. Mais ce fut – hélas ! – pour nous annoncer, dans la foulée, « un gouvernement de combat » confié au ministre de l’Intérieur sortant.
Méfions-nous de Valls à Matignon. Réputé être « très populaire à droite » par des chaînes de télé et des instituts de sondage qui se copient les uns les autres jusqu’à façonner l’opinion de nos compatriotes, l’ancien maire d’Evry a tombé le masque dans deux affaires gérées depuis la place Beauvau. Le « premier flic de France » fit du zèle – c’est le moins que l’on puisse dire – lors de la répression systématique des Manifs pour tous, faisant habilement jouer le rôle de « provocateurs » par certains policiers en civil pour coffrer le maximum de jeunes manifestants osant dénoncer l’imposture du « mariage gay », coupables seulement d’être des « enfants de bonne famille » trop bien élevés. Cet « apparatchik » sans état d’âme fut bien l’homme de la répression et les centaines de milliers de familles opposées au « mariage pour tous » ne sont pas près de l’oublier.
C’est lui aussi qui, par son outrance, se discréditera dans l’affaire Dieudonné, en allant jusqu’à mettre à sa botte le Conseil d’Etat, sommé de statuer dans l’heure pour faire interdire préventivement un spectacle. « Ce n’est pas un combat personnel, cela n’aurait aucun sens. C’est un combat qui est celui de la République », osait pourtant affirmer sans rire Valls, toujours aussi glacial et autoritaire, lui qui a bien cherché querelle à l’ « homme de la quenelle ».
Et l’on sait qu’au nom de la République, cet homme est prêt à tout… En politique, c’est ce qu’on appellerait un « tueur ». Marine Le Pen a donc bien raison de souligner que « cet homme est dangereux » et « n’a aucun respect des libertés publiques ». Aussi incroyable que cela puisse être, on regrettera peut-être bientôt Jean-Marc Ayrault !
Ce changement de Premier ministre n’est en réalité qu’une opération « cosmétique » qui ne trompe personne, car Hollande paraît décidé à garder le même cap politique et ne reviendra ni sur la loi Taubira et le mariage contre-nature, ni sur les réformes Peillon livrant nos enfants à la théorie du « genre ». C’est pourquoi, au lendemain de la vague bleue des municipales et jusqu’aux européennes du 25 mai, un seul mot d’ordre s’impose à nouveau : 

Hollande dégage !

Le signal d’une nouvelle époque


Le signal d’une nouvelle époque

De tous les maux dont souffrait le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, son manque de professionnalisme dans la conception, de tenue dans l’exécution et de rigueur dans la communication était l’un des plus marquants. De ce point de vue, l’arrivée de Manuel Valls à Matignon donne le signal d’une nouvelle époque. Tant mieux.
Nouvelle époque aussi, du moins faut-il l’espérer, en ce qui concerne les choix politiques du pouvoir. Après tout, Manuel Valls a souvent été minoritaire dans son parti mais majoritaire dans l’opinion publique. Sa vision débarrassée de tout angélisme sur les questions de sécurité et d’immigration, ses prises de position sur les 35 heures et le pouvoir d’achat ou encore sur la TVA, ont forgé de lui l’image d’un homme libéré des raideurs idéologiques qui paralysent encore une partie de sa famille politique.
Sur tous ces sujets, il faut espérer que Manuel Valls tiendra le cap et fera sa part de chemin vers une France réformée. Il faut lui souhaiter de la réussite pour que sorte de la crise ce pays fatigué de subir. Bien entendu, cela ne dépend pas que de lui. Il n’aura de la part de l’Europe ni délai, ni indulgence : la France a tellement joué avec ses engagements que Bruxelles et les pays qui, eux, ont attaqué de front la réforme seront intransigeants. Il n’aura pas davantage l’adhésion spontanée d’une partie de la gauche face à laquelle il devra tenir plutôt que manœuvrer : le pire serait qu’il renonce à ses idées en pensant survivre avec celles des autres, celles-là même qui ont amené la gauche à la débâcle électorale. Il lui manquera enfin ce qui a tant fait défaut à son prédécesseur : la constance dans les orientations du chef de l’Etat, la clarté dans son mode de gouvernement. Après tout, le principal problème de Jean-Marc Ayrault se nommait François Hollande. Et ce handicap-là est toujours bien présent.