TOUT EST DIT

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ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

dimanche 9 mars 2014

Les mots et les actes


« Si on cède sur les mots, on finit par céder sur les choses ». C'est Freud qui le disait. C'est la V e République qui en fait la malheureuse démonstration, à travers ses émissaires présidentiels.
Chercheur au CNRS, Damon Mayaffre a passé à la moulinette d'un logiciel 700 discours de présidents depuis la création, en 1958, de la V eRépublique. Soit environ 200 millions de mots. Conclusions : le langage présidentiel s'appauvrit en même temps qu'il s'éprend du je, au fil des années.
Il est loin le temps où le chef de l'État (Charles de Gaulle) parlait à la première personne du pluriel, nous, ou déclarait : la France. Le tournant s'est opéré avec François Mitterrand. Au hit-parade des mots distinctifs de ses allocutions, jemepensermoidire devancent nationalisationEurope,socialiste.
Mais le champion inégalé reste Nicolas Sarkozy avec un choc des chiffres : 305 je veux en 5 ans contre 29 pour De Gaulle en une décennie. Hollande en était à 74 au 1 er janvier dernier, selon l'universitaire. Mais le président en exercice se donne de la peine. Lors de ses v'ux, il a cumulé 32 je en dix minutes et 22 secondes.
Si Hollande est meilleur en grammaire et richesse lexicale que son prédécesseur, il poursuit le travail de personnalisation de la fonction présidentielle, sa désacralisation, sa simplification.
Imprudences à scooter, propos off tenus cravate desserrée et exhumés par un mouchard… On relâche ses mots comme on relâche ses actes.

Dans la loi et dans les têtes


La parité obligée en politique n'est qu'un des chemins vers l'égalité entre les femmes et les hommes dans la vie de tous les jours. Et pas le meilleur. La mesure ne fait que jeter un voile sur la pauvreté qui, en temps de crise, frappe d'abord les femmes confrontées à la précarité des emplois, à l'inégalité des salaires, aux si lourdes charges de la famille monoparentale. La priorité donnée à l'emploi des hommes en devient insupportable. Exemple criant du manque de reconnaissance du statut de la femme, les actions des sages-femmes ne parviennent pas à faire évoluer les conditions de leur métier tandis que les très corporatistes chauffeurs de taxi qui barrent le périphérique sont, eux, pris au sérieux et entendus.
Ce n'est pas dans la lutte pour le pouvoir, où les femmes deviennent rapidement les égales de l'homme jusque dans les turpitudes partisanes, que se joue l'égalité de traitement, mais par une dynamique dans les têtes et la loi pour la promotion et l'accès aux grandes responsabilités pour lesquelles elles ont les compétences. Comment peut-on aujourd'hui attendre des femmes qu'elles assurent la survie de l'espèce et qu'elles contribuent à la prospérité de la nation en les pénalisant pour cette même raison ? Ce sont ceux qui, en entretien, osent dire « si vous décidiez de faire un enfant, je vous licencierai », qu'il faut condamner.
Une parité trop idéologique peut être à double tranchant. La parité dans les études, en médecine par exemple, conduira à refuser l'inscription de jeunes femmes pour cause de surnombre. Et il n'est pas rare d'entendre que le métier d'instituteur est dévalorisé par sa trop grande féminisation. Le seul métier où les femmes gagnent plus que les hommes est celui de mannequin. Preuve que la femme-objet reste rentable dans notre société.
La journée de la femme reste encore utile à la sensibilisation, au combat contre le machisme ordinaire et contre la remontée des résistances des traditionalistes rétrogrades. Dans la ligne de la loi Neuwirth, des lois de Giscard sur la modernisation du divorce et sur l'IVG, l'entrée au Panthéon de deux femmes engagées et de haute valeur est la marque forte d'une volonté d''uvrer à ce que l'histoire ne soit pas toujours misogyne.

La droite face à ses poisons


Une fois guérie de la défaite, de la division et de la calomnie, la droite n’a qu’un seul devoir : faire le meilleur score lors des élections municipales.
Depuis un peu plus d’un an, Jean-François Copé est un homme seul. Seul aux commandes d’une UMP qu’il lui faut reconstruire. Seul face à un establishment qui a décidé, au lendemain de la défaite de Nicolas Sarkozy, de confier les clés de la droite à François Fillon, et qui ne comprend pas que les militants aient pu faire un autre choix. Seul face à une multitude d’ambitions personnelles au sein de son propre camp, qui sont prêtes à le piétiner pour être bien placées lors de la primaire de 2016. Seul face à une opinion qu’il n’a jamais réussi à séduire, et qui le confine dans les tréfonds de la popularité. Seul enfin lorsqu’il s’est agi de monter au créneau pour dévoiler les mensonges de François Hollande, pour dénoncer le piège du pacte de responsabilité ou pour faire ressortir l’échec patent du gouvernement dans sa promesse d’inverser la courbe du chômage.
Il est bien plus facile de tirer sur un homme seul, de lâcher les chiens en meute et d’organiser une pseudo-inquisition en pratiquant un amalgame digne de Pif Gadget à partir d’histoires d’amitiés personnelles, de campagnes électorales, de ventes d’immeubles au Qatar et de bien d’autres questions qui n’ont rien à voir les unes avec les autres. Peu étonnant de la part d’un organe de presse dont le directeur de la publication, qui semble avoir du mal à prendre sa retraite, n’a jamais caché sa sympathie pour François Hollande.
Mais au-delà des querelles de personnes, des petites vengeances personnelles et des mesquineries qui sont le lot de la vie politico-médiatique, l’UMP ne doit pas maintenant se laisser dépasser par des sujets qui ne concernent pas ses sympathisants et toute cette cohorte de Français qui rejoignent jour après jour l’opposition. Voilà deux ans, elle a subi le poison de la défaite. Comme disait Lincoln : « L’important n’est pas de savoir si vous avez échoué, mais si vous avez su accepter votre échec. » Aujourd’hui, la droite sait qu’elle a échoué, parce que la crise a été d’une violence considérable en France et parce que la main du gouvernement Fillon a tremblé à chaque fois qu’elle aurait dû faire preuve de fermeté. Ce qui se traduit par un programme franchement libéral adopté par tous les ténors de l’UMP, le 25 janvier dernier.
Après le poison de la défaite, il y a eu celui de la division avec ce pitoyable feuilleton de l’automne 2012 où deux têtes d’affiche de l’UMP se déchiraient pour occuper le même fauteuil de président du premier parti d’opposition. Ce parti né d’une improbable conjonction entre un morceau de l’ancienne UDF giscardienne et un autre issu du très bonapartiste RPR aurait très bien pu exploser. Il a fallu que Jean-François Copé et François Fillon parviennent à mettre chacun leur ambition devant leur haine pour que tout finisse par rentrer dans l’ordre. N’en déplaise à certains qui aimeraient bien encore refaire l’histoire, rejouer les élections ou réviser les statuts.
Enfin voilà le poison de la calomnie. De cette calomnie dont Chamfort disait : « Elle est comme la guêpe qui vous importune, et contre laquelle il ne faut faire aucun mouvement, à moins qu’on ne soit sûr de la tuer […]. » C’est parce que Jean-François Copé n’a aucune crainte et rien à cacher qu’il a décidé de “renverser la table” pour écraser cette bête méprisable. En assurant la transparence complète des comptes de l’UMP. En demandant celle de tous les partis politiques quels qu’ils soient comme des organes de presse et de tous ceux qui participent à la démocratie. Enfin, en souhaitant que la lumière soit faite sur les conflits d’intérêts en tout genre.
La transparence n’est pas la meilleure des solutions — loin de là ! —, sauf si elle participe à l’exemplarité de tous ceux qui ont un rôle politique à jouer. Mais force est de reconnaître qu’en agissant ainsi, le président de l’UMP a renvoyé aux caniveaux tous ces procès de bas étage et ces insinuations de vespasiennes. Une fois guérie de ces trois poisons, la droite n’a plus qu’un seul devoir : faire le meilleur score possible lors des prochaines élections municipales. Tous les sondages montrent la volonté des Français de sanctionner la majorité socialiste et ses édiles locaux. Ce rendez-vous des municipales, puis des européennes, est d’autant plus important qu’au premier rang des accusés, ce ne sont pas des personnalités de droite que l’on attend, mais François Hollande, président aussi suffisant qu’insuffisant, et Jean-Marc Ayrault, aussi transparent qu’incompétent, qui empêchent notre pays de profiter de la reprise mondiale et le laissent se morfondre dans une insupportable langueur.
Alors, de grâce, dans ces circonstances, la droite n’a qu’une seule attitude à adopter : faire bloc, débusquer l’ennemi et gagner. Surtout gagner.

Lettre ouverte à Dominique Besnehard


Ça s’est passé sur le plateau de Salut les Terriens, l’émission de Thierry Ardisson sur Canal Plus. Ce soir-là j’étais venu débattre avec José Bové, mais à peine maquillé je me suis fait sermonner par un autre invité… Un zozoteur à la trogne folklorique, affublé de lunettes rondes : c’était vous, Dominique Besnehard, l’ami des stars. Vous étiez venu chez Ardisson pour assurer le service après-vente de votre dernier bouquin, une compilation de souvenirs… écrite par un autre.
Je vous connaissais peu. Je savais tout juste que vous aviez soutenu Ségolène Royal en 2007. Vous, vous m’aviez entendu dénoncer sur RMC l’absurdité du financement du cinéma français. Assis à côté de moi, face à Ardisson, vous avez soudainement suffoqué : « Vous n’avez dit que des conneries à la radio. Heureusement que l’État aide le cinéma. Vous, les gens de droite, vous n’aimez pas le cinéma. Ce que vous avez dit est scandaleux ! »
Dans un premier temps, cette tirade m’a laissé coi. Je vous ai répondu : « Vous êtes discourtois. » Puis je me suis interrogé : comment faire comprendre à ce militant un peu bas du front que le drame intime du cinéma français, c’est précisément la béquille de l’État ? Cette perfusion qui n’existe dans quasiment aucun autre pays (Almodóvar, Nanni Moretti, Wong Karwai, Hayao Miyazaki n’ont pas besoin du CNC, eux !). Vous le savez bien : en France, il suffit de sortir quelques copies en salles pour percevoir des aides. Des financements générés par les taxes sur les billets de cinéma, les obligations de financement des télévisions, les éditeurs vidéo, les taxes sur les distributeurs de programmes, les crédits d’impôt, les aides régionales…
Dans l’histoire, la culture et l’État et n’ont jamais fait bon ménage. Molière, Berlioz, Piaf, Gance, Gabin, Melville, n’ont pas eu besoin d’argent public pour faire rayonner leur art… Certes, M. Besnehard, vous vivez de cette industrie aidée, et je comprends que vous en soyez l’infatigable défenseur. Mais le constat est là : sur les 200 films français subventionnés chaque année, 2 ou 3 seulement connaissent une vraie carrière internationale.
Pis, en 2013, seuls 20 films français se sont avérés rentables, c’est-à-dire 10 %… L’an dernier, le déficit de l’industrie cinématographique française a atteint 400 millions d’euros alors qu’on nous annonçait une année record pour les studios de production hollywoodiens. D’où l’urgence de libérer notre cinéma de l’assistanat financier et de la tutelle incestueuse de l’État. Il faut produire moins de films, mais mieux…
Quant à prétendre que les gens de droite n’aiment pas le cinéma, j’ai trouvé l’apostrophe aussi sotte que minable. Ardisson aussi sans doute : il a préféré couper votre sortie au montage. Je ne vous salue pas, M. Besnehard.

Mon sale cauchemar


Je n’aurais jamais dû accepter ce dernier verre. La chartreuse, c’est un truc d’habitué. Mon ami Jerôme le sait bien, mais il a lourdement insisté. Résultat, je me suis couché ivre. Nathalie m’assure que j’ai ronflé toute la nuit. Elle prétend même que j’ai crié plusieurs fois. Bref, une sale nuit, tout en moiteur.
On est au printemps 2017, juste avant la présidentielle. Sur BFM TV, des vigiles empêchent Copé d’accéder au siège de l’UMP. Une foule haineuse lui crie à la gueule : « Ordure cupide ! Fasciste ! » Il a des griffures sur le visage. Dans les rangs des lyncheurs, je reconnais Zlatan Ibrahimovic, Céline Dion et FOG. J’essaie de m’interposer : « Foutez la paix à Copé ! » Mais des dizaines de billes de verre m’obstruent la bouche, me rendant inaudible… J’enfile mes Stan Smith et je cours chez Fillon, dans la Sarthe. Seul sur son court de tennis, l’ex-premier ministre tape des balles contre un mur. Je lui crie : « Copé est définitivement hors jeu. Tu dois y aller ! » Dans son polo Lacoste rouge, Fillon affecte de ne pas m’entendre !
Heureusement j’ai l’oreille de Sarko : je fais un jogging tous les jeudis avec lui à Perpignan. J’essaie de le secouer : « Copé s’est fait dézinguer, et Fillon est autiste ! Fonce, Nicolas, sinon on va se refarcir “lou ravi” pendant cinq ans ! » Mais Sarko renâcle : « Tu crois que c’est facile ? J’ai tous les magistrats de France au cul : cinq ans de pouvoir, cinq ans d’emmerdes ! En plus, depuis la fin du cumul des mandats, la politique, c’est devenu un hobby de militants associatifs. Alors non, merci ! » Lui qu’on disait affamé…
Bien sûr, je repars illico dans la Sarthe, mais Fillon continue à me snober en tapant des balles sur son quick. Je reçois alors un texto d’Isabelle Juppé. La tuile : Alain doit entrer à l’Hôpital américain pour un triple pontage. Rien de dramatique, mais il sort du champ politique pour six mois (qu’est-ce qu’ils ont tous avec l’Hôpital américain ? Ils vantent le système de soins français, mais ils se font opérer dans le seul hosto parisien qui ne dépend pas de l’AP-HP ! Même Chirac, quand il a fait son malaise, a foncé à l’Américain ! Et Cochin ? Et la Salpêtrière ? ).
Ensuite, ça devient flou… Je me souviens que Marine Le Pen fait 43 % au second tour. Quant à Hollande, triomphateur, il choisit Léa Seydoux comme première dame de France. Commentaire de Najat Vallaud-Belkacem sur LCI : « Dans ce second mandat, nous allons lancer toutes les réformes que nous n’avons jamais osé faire ! »
Je me suis réveillé en état de panic attack : 130 pulsations-minute. J’ai pris un Lexomil et j’ai juré de ne plus jamais boire de chartreuse !

L’homme qui ne pouvait pas gouverner


Ayrault paiera l’addition pour avoir trop ressemblé à François Hollande. Sans avoir eu ni l’autorité ni les moyens d’être un vrai premier ministre.
Jean-Marc Ayrault n’est ni usé ni fatigué, il est « totalement disponible » (le Parisien du 2 mars). C’est un bon résumé de sa situation de premier ministre : dire qu’il est disponible signifie qu’il est non seulement à la disposition du président de la République, conformément aux institutions, mais qu’il est prêt à examiner toute nouvelle proposition. Celle-ci ne saurait plus tarder. Comme il faut un motif de séparation, son sort sera scellé au lendemain des élections municipales. Il sera rendu responsable de l’abstention qui exprimera le désarroi de l’électeur de gauche devant le bilan désastreux de ces deux années. Sera-ce vraiment sa faute ? Son principal handicap aura été de trop ressembler à François Hollande (l’humour en moins) et comme celui-ci n’a pas l’intention de se sanctionner lui-même, c’est lui qui paiera l’addition.
A-t-il jamais été premier ministre ? Une fois sans doute, quand il a demandé la tête de Delphine Batho, alors ministre de l’Écologie, qui n’était pas contente de son budget : elle fut démise de ses fonctions le jour même de ses déclarations et elle est, depuis, retournée dans l’anonymat. Acte d’autorité ! Il est vrai que Mme Batho n’avait aucun poids politique, à la différence de Mme Cécile Duflot. Quand, l’autre samedi, la ministre du parti vert applaudissait bruyamment à la manifestation contre l’“Ayrault-port” de Nantes et comprenait la tristesse actuelle du militant de gauche, la moutarde est montée au nez du premier ministre, mais après un éclat de colère, il s’est vite calmé : la majorité socialiste n’est pas en mesure de faire l’impasse sur l’appoint que représente le groupe vert à l’Assemblée et dans les collectivités.
En pleine révolte fiscale à l’automne dernier, Jean-Marc Ayrault intervenait auprès des éléments les plus suicidaires du groupe socialiste pour les empêcher de déposer des amendements en faveur de la progressivité de la CSG : « Mauvaise idée », plaidait-il. Un mois plus tard, le 19 novembre, il lançait la “grande initiative” du moment en annonçant la remise à plat de la fiscalité. Remise à plat qui allait disparaître lorsque le président de la République présentait son “pacte de responsabilité”, lequel devenait du même coup la “grande priorité”. De la remise à plat, il reste des “groupes de travail” et le retour de l’idée d’une CSG progressive dénoncée il y a six mois… Ayrault avait voulu reprendre la main sur Bercy, Bercy est resté impavide.
Le 2 février dernier, La Manif pour tous réussissait une nouvelle démonstration de force à Paris et à Lyon ; à l’Élysée, on se rendait compte qu’à maintenir le projet de loi de Mme Bertinotti sur la famille on se préparait un “printemps pourri” qui pourrait faire sombrer le pacte tout juste annoncé. Il fallait donc d’urgence retirer le projet. Qui l’annonçait ? Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, qui se croyait déjà à Matignon. Ayrault se contenta d’un communiqué laconique quelques heures plus tard pour expliquer qu’en raison de l’agenda parlementaire, « aucun projet de loi sur la famille » ne serait discuté en 2014. L’hypocrite nous dit maintenant (le Parisien) qu’il n’y avait « pas de projet rédigé »
Ce ne sont que des exemples. Jean-Marc Ayrault a-t-il donné la moindre instruction à Laurent Fabius, Manuel Valls, Christiane Taubira, Cécile Duflot ou Vincent Peillon ? Ils protesteront tous de leur “travail en étroite collaboration” avec lui — mais pour faire exactement ce qu’ils veulent, sous la seule contrainte des directeurs de Bercy. Le premier ministre n’a ni autorité ni moyens parce que tout remonte à l’Élysée. Et quand la présidence ne sait pas ce qu’elle veut parce que François Hollande n’a pas de convictions, l’initiative revient à chaque ministre : à Vincent Peillon l’idéologie introduite dans le système éducatif, à Christiane Taubira la culture de l’excuse dans l’exécution des peines, à Cécile Duflot la lutte des classes dans ses lois sur le logement, etc. Mais après avoir assumé la hausse massive des impôts, on voit mal comment Ayrault pourrait aussi incarner les 50 milliards d’économies qu’on lui demande. Il y aura une question de confiance.
Les seuls premiers ministres qui aient vraiment gouverné depuis trente ans s’appellent Jacques Chirac, Édouard Balladur, Lionel Jospin — trois chefs de gouvernement en cohabitation avec le président de la République. En ramenant de sept à cinq ans la durée du mandat présidentiel en 2001, en plaçant les élections législatives après la présidentielle, on a voulu empêcher toute alternance (sauf accident) durant une présidence. On l’a voulu au nom de la cohérence dans la durée. La conséquence est que l’on en est réduit à changer les têtes pour faire croire que l’on change de politique quand celle-ci a échoué.

Melina Mercouri ou l’éternel féminin

Elle fut l’incomparable interprète des « Enfants du Pirée » ainsi qu’en grec, des chansons de Moustaki.


Chacun a sans doute, dans son Panthéon féminin, nombre de femmes remarquables à célébrer, à commencer probablement par la sienne… Et puis il y a toutes les autres, celles que l’on vénère secrètement, car elles incarnent possiblement l’éternel féminin, comme Frédérique Brion, l’illustre inconnue alsacienne que je vous présentais hier, à l’occasion de la Journée internationale des Femmes. Cette jeune ingénue, qui fut le premier grand amour de Goethe, rivalise dans mes préférences, avec exactement son contraire, celle que révèrent en Grèce mes compatriotes d’adoption, l’incandescente, l’inoubliable Melina Mercouri.
« Viens vite /Je t´invite/Je suis grecque/Je vais te tirer les cartes/Et dans ta vie je vois/Des voyages des nuages/Des orages avec moi. » Disparue il y a 20 ans, un matin de printemps, Melina Mercouri est l’icône même de la femme grecque, à l’image des personnages d’héroïne antique ou de fille de joie qu’elle interprétait dans les films de Jules Dassin. Avec sa voix rauque, sa gouaille irrévérencieuse, Melina Mercouri incarnait la Grèce contemporaine, dans tout ce qu’elle a d’excessif, d’extrême, de tendresse apaisée aussi. Avec son allure flamboyante, sa générosité débordante, son exubérante joie de vivre, ses déclarations vibrantes et volubiles, elle savait être tour à tour femme jalouse ou putain, dans « Stella » ou encore « Jamais le dimanche ! » qui lui valut en 1960 le prix d’interprétation féminine à Cannes et une nomination aux Oscars.
Elle chantait également mais de la musique grecque, les Français ne connaissaient guère que le sirtaki, Zorba le Grec, Nana Mouskouri, Demis Roussos, à peine Théodorakis, ignorant Manos Hadzidakis, le rébétiko, et les chansons de Melina Mercouri. Elle fut l’incomparable interprète également des « Enfants du Pirée » ainsi qu’en grec, des chansons de Moustaki, et en français de titres bien à elle, sur Athènes, son grand père ou encore sur la femme grecque.
Mélina Mercouri, fuyant le régime des colonels en 1967, leur devra néanmoins sa notoriété politique. « Résistante de salon à Paris », elle deviendra à son retour en 1974 l’égérie du parti socialiste grecque, dont elle fut jusqu’à sa mort, le 6 mars 1994, la tonitruante ministre de la Culture. Ce n’est sans doute pas ce que Mélina Mercouri a fait de mieux dans son éblouissante carrière, mais Athènes lui doit son nouveau musée archéologique, au pied de l’Acropole et l’Europe le concept des capitales culturelles européennes.
Le théâtre de la « Reine Blanche », 2 bis passage ruelle dans le XVIIIe, lui rendra hommage à travers un spectacle musical, cet après-midi à 16h ainsi que les dimanches 16, 23, 30 mars à la même heure. Tél 0140050696.