TOUT EST DIT

TOUT EST DIT
ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

vendredi 10 janvier 2014

Un aveu d’impuissance de l’Etat

Un aveu d’impuissance de l’Etat


La liberté de réunion est le fruit d’une des grandes lois libérales de la République. Depuis 1881, elle a donné lieu à une jurisprudence fouillée, solide, constante, qui assure, encadre, préserve cette liberté publique fondamentale qu’est le droit pour tous de se réunir sans autorisation préalable. C’est pourquoi, avec près d’un siècle et demi de recul, on pouvait s’attendre à ce que l’initiative un peu bâclée et très aléatoire de Manuel Valls fasse cafouiller les tribunaux.
Sans aller jusqu’à imaginer que le ministre de l’Intérieur pourrait n’avoir eu en tête qu’une opération médiatique et politique, on peut tout de même s’étonner de son soudain empressement à faire taire Dieudonné dont les propos abjects ne sont pas récents. Cela fait des années qu’il les profère régulièrement. II a même été condamné plusieurs fois par les tribunaux pour ses dérapages les plus douteux. Et la seule différence entre l’odieux d’hier et l’odieux d’aujourd’hui, c’est que la « quenelle » est désormais sortie des murs de ses théâtres, qu’elle a explosé au visage de tous ceux qui, à juste titre, abominent ce que suggère ce salut.
Dès lors, la vraie question est : comment la puissance publique a-t-elle pu laisser faire si longtemps ? Comment se fait-il que, pluri-condamné et multirécidiviste, le coupable Dieudonné n’ait pas exécuté ses peines ? Quel cafouillage, mais aussi quel aveu d’impuissance de la part de l’Etat, incapable d’assurer le suivi des sanctions qu’il inflige au nom du peuple français! Un Etat gonflé de son importance, enflé dans ses structures, un géant hypertrophié empêché par son propre poids de se faire respecter. C’est dans les failles de cet édifice branlant que se faufile la propagande de Dieudonné. Il revient maintenant à la justice, non à la police ou à l’administration, de colmater ces brèches. Et de faire appliquer ses décisions.

Le billet de Michel Schifres

Vivre sans Nabilla


La grève, c’est jamais marrant, on la décide pas la tête légère, faut vraiment être à bout. Alors si les habitants de Bussy dans la Haute-Vienne ont tous décidé de faire la grève de l’impôt, c’est que vraiment ils n’en peuvent plus : leur bled ne reçoit pas l’internet à haut débit. Ils protestent depuis des mois, rien n’y fait, aucune amélioration n’est apportée à leur tragédie. Donc impossible pour eux d’appartenir à des réseaux sociaux. Ou de lire le blog de Nabilla. Vivre sans Nabilla, est-ce vivre ? Ils ne peuvent pas davantage entretenir sur des sites de rencontre, jusque tard dans la nuit, de longues conversations érotiques. Leur désespoir est compréhensible : sans clic aujourd’hui,  personne n’existe. Bon sang, nous voilà en présence d’un « phénomène de société » dirait l’époque.

Ils voient des quenelles partout

Ils voient des quenelles partout


Qui aurait dit il y a encore quelques semaines qu’il y avait tant de gens qui faisaient des « quenelles » en France ? Plus une personne en vue qui n’ait pas sa photo de quenelle… De Tony Parker à Pierre Bergé en passant par Anelka et Yann Barthès, l’animateur de Canal Plus.
Le délire lui, et l’hystérie collective sont en train d’atteindre des sommets, des cimes rarement explorées, pour une spécialité culinaire qui à l’origine n’a pas de quoi rendre fou qui que ce soit. Deux lycéens ont été placés en garde à vue lundi soir pendant plusieurs heures pour la photographie d’une « quenelle » qui remonte à décembre dernier. La photo avait été prise à l’intérieur de leur établissement scolaire, le lycée Rosa-Parks de Montgeron, dans l’Essonne. Leur prof de maths qui « s’est sentie visée par ce geste », a porté plainte contre eux pour « apologie de crime contre l’humanité ». Rien que ça.
C’est sous cette hallucinante qualification qu’ils ont été placés en garde à vue. Les deux élèves doivent passer en conseil de discipline jeudi, en vue de leur exclusion. Coups de couteau, harcèlement, insultes, rackets (et jolis gestes éloquents à toute heure) sont le lot quotidien des établissements scolaires, nous explique-t-on à longueur de rapports officiels. Mais ce sont ces deux lycéens qu’il faut coller au poteau.
« C’était un geste antisystème, c’était pour se rebeller un peu. J’ai pas réfléchi, il n’y avait pas d’arrière-pensée », se défend Aurélien, le lycéen qui a pris la photo.
Sa mère, « qui ne cautionne pas son geste », ne comprend néanmoins pas la réaction de leur professeur : « On m’a laissé entendre qu’il était potentiellement dangereux ! Il y a des demi-mesures, quand même… »
Pas de larmoiements ni de manif de lycéens comme pour Léonarda ce coup-là. Pas de soutien, ni de protestation. Le ministre de l’Education nationale Vincent Peillon s’est félicité que ces élèves soient sanctionnés. Le militant politique Alain Jakubowicz, président de la Licra, a été moins ridicule. Il a qualifié cette garde à vue d’« absurde ».
Paranoïa aiguë
Mardi matin, c’est l’une des boutiques parisiennes de vêtements Diesel, avenue de l’Opéra (Ier) qui a dû subitement fermer ses portes après de multiples menaces de mort. En cause : la posture plus que suspecte de l’un de ses mannequins en vitrine. D’après des photos diffusées sur les réseaux sociaux, le modèle féminin (qui se tient le bras) reproduirait sans erreur possible une « quenelle »…
« Il n’y a pas d’erreur, c’est le signe nazi de la quenelle. Le responsable de cette boutique Diesel a volontairement positionné son mannequin en vitrine pour faire ce signe antisémite » a écrit sur son site Europe Israël.
Au siège de Diesel, on en est malade : Il s’agit de la simple « posture » d’un mannequin pré-moulé, représentant une femme avec un bras orienté vers le bas, destiné à présenter un sac à main », se justifie François Ridoret, le directeur de la communication de la marque de vêtements. « En trente-cinq ans d’existence, l’enseigne a toujours eu le plus grand souci de respecter toutes les religions et communautés (…) C’est juste grotesque ! »
Grotesque, oui. Néanmoins Diesel a décidé de retirer tous les « mannequins litigieux ». Maintenant c’est bras ballants obligatoires à quelques centimètres du tronc. Comme le portrait officiel de François Hollande dans les mairies.

Sur les traces de la troïka indomptable

Selon les informations des média, la délégation de la commission, formée par le Parlement européen en vue de contrôler les activités de la troïka financière – Commission Européenne, Banque centrale européenne, Fonds Monétaire International – a entamé une tournée dans quatre pays à problèmes de la zone euro : Portugal, Grèce, Chypre, Irlande.

La commission a été créée suite aux évaluations négatives des recommandations de la troïka, censées faire sortir l’économie et les finances des dits Etats de la crise. Or d’après les déclarations de plusieurs politiques et experts, ces recommandations ont empiré davantage leur situation. Tous les analystes, il est vrai, ne partagent pas de telles assertions.
En juin dernier la presse européenne est allée jusqu’à évoquer une crise de la troïka elle-même. El Pais espagnol, en particulier, a cité les propos d’un haut fonctionnaire de l’UE tenus après son voyage au Portugal et en Grèce : « On peut considérer la troïka comme morte ». Les paroles du chef de la Commission Européenne José Manuel Barroso, suivant lesquelles il était temps que l’Europe renonce aux services du FMI, dont les recommandations rencontrent une opposition particulièrement âpre, ont mis de l’huile sur le feu. Aussi le comité pour l’économie et les finances du Parlement européen a-t-il proposé en octobre dernier de mener une enquête sur les résultats des activités de la troïka.
 D’ailleurs, les contradicteurs prétendent à leur tour qu’en absence de cette triple structure de contrôle les pays à problèmes de la zone euro auraient déjà connu une faillite. Le professeur de l’Ecole supérieure russe de l’économie Ivan Rodionov estime qu’en dépit de la critique de la part des parlementaires, les recommandations de la troïka, y compris du FMI, sont justifiées.
« En général, toute activité peut être critiquée, - dit le professeur. – D’autre part, les députés représentent une population et défendent ses intérêts, liés au taux des revenus, au taux du chômage. Et même si l’Europe sort de la crise, celle-ci continue, et dans certains pays la situation est assez compliquée. On comprend donc pourquoi le FMI est tout le temps critiqué. Mais en son absence la situation serait devenue tout simplement incontrôlable. »
Quoi qu’il en soit, le député européen de la gauche Jürgen Klute croit possible d’apporter des changements aux activités prioritaires de la troïka.
« Les réformes, comment doivent-elles finalement être appliquées ? – s’interrogea-t-il lors d’une interview à la radio. – C’est en fait le grand objectif que nous nous fixons. C’est-à-dire que si un jour nous avons à nouveau besoin de former une telle structure, elle devra alors fonctionner sur une base parlementaire – légalement, sous contrôle et de façon responsable. »
Comme on l’apprend, les membres de la commission parlementaire n’ont pas pu se rendre de Lisbonne à Athènes, la Grèce ayant demandé d’ajourner ce voyage. Soit dit à propos, ce pays a pris ce janvier la présidence tournante de l’UE. On ignore les motifs pour lesquels la Grèce a refusé de rencontrer les « inspecteurs » parlementaires.

Humour, provocation, haine... Quelles frontières ?

La première date de la tournée de Dieudonné, ce jeudi soir à Nantes, où plus de 5 000 personnes étaient attendues, a été suspendue... dans l’attente d’une décision des juges ce jeudi. La liberté d’expression, brandie par le polémiste, peut-elle l’emporter sur le trouble à l’ordre public, invoqué par les autorités ?

Dieudonné fait-il encore de l’humour ou transforme-t-il ses spectacles en tribunes politiques lors desquelles il tient des discours condamnables ? La réponse ne semble souffrir aucune contestation. Les autorités, en tout cas, ont tranché : Manuel Valls, le ministre de l’Intérieur, a qualifié ses propos de « racistes et antisémites » ; Aurélie Filipetti, la ministre de la Culture, a parlé dans Le Parisien de « propagande négationniste » ; et la préfecture de Loire-Atlantique a justifié l’interdiction du spectacle, ce soir, par « le trouble à l’ordre public constitué par les atteintes au respect de la dignité de la personne humaine ».
En cause, certains propos contenus dans les sketchs de son nouveau spectacle, Le Mur, qu’il a rodé au théâtre de la Main d’Or, à Paris : sa chanson Shoah Nanas par exemple, pour laquelle il a déjà été condamné, ou ses propos sur le journaliste de France Inter Patrick Cohen (« Quand je l’entends parler, j’me dis, tu vois, les chambres à gaz... dommage. »).
Le ministre de l’Intérieur, soutenu par le président de la République et le Premier ministre, a donc engagé un bras de fer avec l’ancien complice d’Élie Semoun. Il a pressé les préfets de prendre des arrêtés d’interdiction des spectacles en cas de risque de « trouble à l’ordre public ». Ce qu’a fait le préfet de Loire-Atlantique.

Liberté d’expression

Un arrêté aussitôt attaqué au tribunal adminsitratif par les avocats de Dieudonné. Ils ont déposé un référé, qui doit être examiné ce matin, à 10 h 30.
Au pays des Droits de l’homme, peut-on condamner a priori des propos en interdisant un spectacle d’avoir lieu ? C’est la question à laquelle devront répondre les juges ce matin. Lors des précédentes tournées, à chaque fois qu’un maire a tenté d’annuler une représentation de Dieudonné, les juges lui ont donné tort, arguant de la nécessaire préservation de la liberté d’expression.
Le fait que l’ancien humoriste traîne aujourd’hui derrière lui plusieurs condamnations, notamment pour injure et provocation à la haine raciale, peut-il faire basculer la balance ?
Les juges nantais vont trancher ce matin. Et, après eux, ceux de Tours, Orléans, Bordeaux... Des villes où le spectacle de l’ancien humoriste a été interdit. Et où ses avocats ont ou vont déposer des recours en référé. Le bras de fer ne fait que commencer.
MATTHIEU DELCROIX
Hier mercredi, le tribunal administratif de Pau s’est déclaré incompétent, soulignant que le contrat de location de la salle de Biarritz, où un spectacle de Dieudonné est prévu le 14 mars, est un contrat privé et relève donc d’un tribunal judiciaire.