TOUT EST DIT

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dimanche 7 septembre 2014

Le succès du livre de Valérie Trierweiler est-il vraiment inexplicable ?

«Une vie» de Maupassant, ou Madame Bovary de Gustave Flaubert, sont des romans qui ont connu un succès considérable pour avoir porté, sur la déception sentimentale, sur l'égoïsme dans la relation amoureuse, un regard féminin à la fois émouvant et implacable. 
Les deux contiennent un portrait épouvantable du séducteur bas-de-gamme, comme s'il existait une constante dans la goujaterie masculine: emportements exagérées, avarice de sentiments sincères, désir de maintenir une emprise sur une femme alors même qu'on la trompe de manière compulsive, répudiation quand on est pris en faute, refus d'endosser ses responsabilités quand elle exige le mariage ou attend un enfant, etc. Il est difficile de comprendre pourquoi le livre de Valérie Trierweiler se vend si bien sans recourir à une analyse du phénomène qui remonte un peu plus loin que le goût du scandale ou la curiosité people. D'abord on est obligé d'admettre que les raisons de ce succès sont absolument étrangères au battage médiatique puisque la presse et les télévisions répètent, avec une hâte un peu suspecte, que ce déballage est une honte et qu'il ne faut pas l'acheter. (Pendant le 13 heures de France 2, la journaliste interroge une cliente dans les rayons de la Fnac: «Vous n'avez pas honte d'acheter ça?» Et la dame lui répond «si mais je l'achète quand même»).
En d'autres termes la publicité qu'on lui fait est très mauvaise or le livre est malgré tout en rupture de stock. La première explication qui ne manquera pas de satisfaire les détracteurs des «réseaux», ces continents cachés de l'opinion française qui sont capables de rejeter dans l'ombre et le silence n'importe quoi ou qui, c'est que l'auteur et l'éditeur ont pratiqué une opération offshore: l'objet est arrivé en librairie en sautant toutes les coteries parisiennes et les agents prescripteurs. On l'a pratiquement livré par hélicoptère. Le public est donc directement aux prises avec le contenu du colis et visiblement l'intervention des journalistes de télévision devant les rayonnages n'aura pas le moindre effet. Mais cela encore ne suffit pas à expliquer pourquoi les lecteurs, et notamment les femmes, ont épuisé la livraison en trois heures.
C'est là qu'intervient une raison plus souterraine qu'on ne peut pas écarter: les femmes ont déjà connu pour la plupart le type de personnage masculin auquel il est fait allusion sous la couverture. Ce qu'elles veulent lire là-dedans, c'est la vérité de ce qu'elles ont vécu, vérité évidemment multipliée par les dorures et les lambris des palais républicains, mais l'homme de pouvoir qui se défile quand on lui demande «est-ce que tu m'aimes?», celui qui envoie des SMS avec une insistance de pervers narcissique, le manipulateur froid qui n'aime pas qu'on l'abandonne mais qui ne dédaigne pas d'entretenir trois relations en même temps, le calculateur qui échafaude sans cesse des plans de bataille, le type qui n'a aucune idée de lui-même sauf quand il interroge le regard d'autrui, tout cela parle à l'oreille de la femme d'aujourd'hui. Elle vient donc chercher dans ce témoignage un réconfort contre ce qu'elle a déjà subi au moins une fois dans sa vie.
Si c'est la bonne explication non seulement le livre fera un million mais contrairement à ce que pensent les chroniqueurs, visiblement dépêchés en hâte pour éteindre le feu, il est déjà entré dans l'histoire de France parce qu'il va la précipiter.

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