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lundi 18 août 2014

Le déclassement de Shanghai

Le déclassement de Shanghai

En lançant en 2003 leur classement mondial des universités, les deux étudiants de la Jiao-Tong University soupçonnaient-ils le psychodrame qu’ils allaient déclencher dans un petit pays de la lointaine Europe, qui s’appelle la France et qui tient à son statut de grande nation scientifique et intellectuelle ? Devinaient-ils que le « classement de Shanghai » deviendrait ce fer rouge fouaillant les blessures d’amour propre de l’enseignement supérieur hexagonal ? Imaginaient-ils que des ministres français demanderaient à être reçus et que l’un d’eux, Laurent Wauquiez, les supplierait même de refaire tourner leur modèle informatique en y intégrant les universités françaises de ses rêves, telles qu’elles seraient un jour si les réformes Sarkozy aboutissaient ? Pouvaient ils comprendre que, pour un politique français, inverser le « déclassement de Shanghai » allait devenir un devoir sacré ?
Bien sûr que non et ce d’autant moins qu’à l’origine, l’objectif masqué du classement consistait à démontrer au monde entier, mais d’abord au pouvoir chinois, que les deux grandes universités de Pékin, Beijing et Tsinghua, étaient outrageusement favorisées dans la distributions des subventions publiques, au détriment des grands établissements de …Shanghai. Au bout du compte, sans beaucoup innover (l’Iowa classait déjà ses universités en 1925 !), le classement a créé l’équivalent d’une agence de notation très influente qui cote pays et établissements sur le gigantesque et juteux marché mondial (en Grande-Bretagne, il pèse autant que l’industrie pharmaceutique) de l’enseignement supérieur.
Purement quantitatifs – ce qui ne veut pas dire objectifs – les critères de Shanghai sont calibrés pour jauger l’ « université de recherche », le modèle ultradominant dans le monde anglo-saxon, qui combine au même endroit cours et laboratoires : nombre de prix Nobel et de médailles Fields, nombre de chercheurs les plus cités dans leurs disciplines, nombre de publications dans les revues Nature et Science. En revanche, ces indicateurs frustrent la France, un pays qui a créé des Grandes écoles (minuscules à l’échelle mondiale) pour concurrencer l’université et qui a concentré la recherche dans des centres publics comme le CNRS, qui ne sont pas recensés par Jiao-Tong.
La France est sixième : une vingtaine d'établissements parmi les 500 classées, alors que les Etats-Unis raflent plus de la moitié des 100 premières places. Dans l’édition 2014, rendue publique la semaine dernière, c’est la Chine qui perce. Elle place 9 établissements parmi les 200 premiers, contre 77 pour les Etats-Unis, 20 pour la Grande-Bretagne, 13 pour l’Allemagne et 8 pour la France.
Alors ? Au lieu d’osciller sans cesse entre la défense chauvine du « modèle » et l’auto-flagellation, les responsables français feraient bien de se projeter dans le siècle et de s’assurer que ce n’était pas à la France que pensait Androulla Vassiliou, la commissaire européenne en charge de l’Education, quand elle déclarait il y a quelques mois : « Un grand nombre de nos universités continuent à délivrer une formation semblable à ce qui se faisait au XIXe siècle. Cela marchait bien pendant une grande partie du XXe siècle, mais cela ne suffit plus.»

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