TOUT EST DIT

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dimanche 10 novembre 2013

Reprendre la main sur le système bancaire


Depuis des années les dirigeants de la plupart des banques françaises, tout comme leurs homologues internationales, ont privilégié la rentabilité financière à court terme pour leurs actionnaires et les innovations financières hasardeuses, plutôt que le financement d’activités productives, créatrices d’emplois locaux et respectueuses de l’environnement. Ils n'ont tenu aucun compte des conséquences écologiques des projets que leurs institutions finançaient. Ils ont mis sous pression leurs salariés pour placer le maximum de produits financiers indépendamment des besoins de la clientèle. Alimentant la bulle immobilière, ils ont incité, par des pratiques commerciales douteuses, leurs usagers à s'endetter pour des montants de plus en plus importants et des horizons de plus en plus lointains. Après avoir été sauvés fin 2008 par l’injection massive de fonds publics, ces dirigeants renouent aujourd’hui avec les dividendes et les bonus milliardaires. Beaucoup de citoyens sont exaspérés par cette situation. Mais ils se sentent impuissants à changer le cours des choses. En tant qu’usagers, ils ont besoin de leur banque pour encaisser leurs rémunérations, effectuer leurs paiements et obtenir des crédits. En tant que salariés d’une banque, ils souffrent de conditions de travail dégradées et de rapports tendus avec la clientèle. La plupart des gens pensent que les banques sont plus ou moins toutes gérées de la même façon déraisonnable mais inéluctable, et les dérives de certaines banques coopératives ou mutualistes les confortent dans ce sentiment. Pourtant, comme l’a montré l’écho important de la déclaration d’Eric Cantona dans l’opinion publique, les citoyens cherchent des moyens de peser sur cette situation. Usagers, salariés et associations, surtout s’ils cherchent à travailler ensemble, peuvent se doter d’outils pour exercer une vraie pression sur les directions des banques et les pouvoirs publics. Ils peuvent favoriser l'émergence de banques solidaires. Ils peuvent développer un vaste débat sur la façon dont devrait fonctionner un système financier au service des besoins de la société. Cette campagne veut donner aux citoyens plusieurs modalités d’engagement possibles, et repose sur un appel permanent à l’imagination et à l’initiative des participants.  

Iran : la bonne fenêtre de tir


Alors qu’un accord sur un règlement du dossier nucléaire iranien paraissait imminent, à tel point que les ministres des affaires étrangères du « groupe 5+1 » menant les négociations, soit les cinq pays membres permanents du conseil de sécurité (Chine, Russie, États-Unis, Grande-Bretagne et France) et l’Allemagne, ont accouru à Genève depuis vendredi, la bombe lancée hier par Laurent Fabius a sensiblement brouillé les cartes.
S’il faut « éviter l’euphorie du verre à moitié plein » et garder à l’esprit qu’un accord à Genève ne peut tout régler, le coup d’éclat du chef de la diplomatie française a essuyé de nombreuses critiques, notamment en provenance de chancelleries européennes. Car ces déclarations ont surtout été interprétées comme un signe de mauvaise humeur consécutif à l’arrivée impromptue à la table des négociations, vendredi, du Secrétaire d’État américain, John Kerry, lequel n’en aurait pas averti les pays occidentaux impliqués. Plus prosaïquement, alors que François Hollande est attendu du 17 au 19 novembre en Israël et en Palestine, le chiffon rouge agité par Laurent Fabius hier est aussi un signal d’apaisement envoyé au gouvernement de Benyamin Netanyahou. La diplomatie est ainsi faite, alternant les grandes déclarations de principes et les prises de position opportunistes.
Il n’en demeure pas moins que ce week-end, voire lors d’un nouveau round de négociation, un accord sur le nucléaire iranien est de l’intérêt de tous. Une fenêtre de tir s’est ouverte avec l’élection, à la tête de l’Iran, de Hassan Rohani. Plus modéré que son prédécesseur Ahmadinejad, le nouveau président a le soutien du « vrai patron » du pays, le Guide suprême, Ali Khamenei. Au prix d’une levée, au moins partielle, de l’embargo économique et financier qui étrangle l’Iran et fait peser sur le régime la menace d’un soulèvement populaire, le nouveau président semble prêt à stopper le programme nucléaire à des fins militaires. Pour autant, il reste intraitable sur sa volonté d’enrichissement d’uranium, quitte à l’assujettir à un contrôle de la communauté internationale.
Toute négociation ayant pour prix des concessions réciproques, un accord à Genève, sous réserve d’un contrôle sérieux, vaut toujours mieux qu’un retour à la situation explosive qui prévalait sous Ahmadinejad. Le risque nucléaire au Proche et au Moyen-Orient ne disparaît pas du fait d’un accord. Par contre, il ne peut que diminuer.

François Hollande a-t-il déserté le terrain ?

Des élus socialistes regrettent que le président n'aille pas davantage à la rencontre des Français. 

Plus qu'un simple vœu, François Hollande en avait fait la promesse lors de sa campagne : s'il était élu à l'Elysée en mai 2012, il veillerait scrupuleusement à incarner un président "normal", proche des Français. Or, près de deux ans ont passé,sa popularité s'est effondrée et des élus socialistes s'interrogent sur la communication du chef de l'Etat.

"La proximité était l'un de ses points forts"

Son dernier déplacement de terrain, consacré à l'emploi, remonte au 8 octobre."Pourquoi ne va-t-il pas plus au contact des électeurs ? Pourquoi ne va-t-il en province qu'une fois tous les trente-six du mois ?", se désole une députée pourtant proche du président. "En circonscription, de plus en plus de gens nous disent que Hollande ne les écoute plus, qu'il n'ose plus venir les voir", témoigne un autre.
"Quand on entre à l'Elysée, il faut en permanence lutter pour ne pas donner aux Français le sentiment de vivre reclus dans un palais doré, confie un ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, contacté par francetv info. Quand vous allez sur le terrain plusieurs fois par mois, vous donnez le sentiment d'écouter, de prendre le pouls… C'est un peu comme si le roi se chargeait de recueillir lui-même les doléances !"
"Même s'il ne s'agit évidemment pas du problème numéro un des Français, ces déplacements de terrain sont toujours positifs. Ils donnent l'image d'un président qui ne reste pas enfermé dans sa tour d'ivoire", acquiesce le politologue Frédéric Dabi, de l'institut de sondage Ifop. "Jusqu'au printemps dernier, cette proximité avec les Français était l'un des points forts de François HollandeMais à partir du moment où les gens l'ont entendu dire que 'la reprise est là', que 'la courbe du chômage va s'inverser', son discours a semblé déconnecté de la réalité."

Face au marasme, le président préfère rester "en surplomb"

Renouer avec le terrain pourrait-il dès lors aider François Hollande à sortir du marasme ? Ses conseillers semblent en douter. Face à une contestation qui pourrait prendre de l'ampleur, le chef de l'Etat préfère se placer "en surplomb", explique un proche, cité dans Le Figaro. La députée picarde Pascale Boistard s'en félicite : "Il ne va quand même pas aller sur le terrain juste pour dire d'aller sur le terrain ! Il faut que chaque déplacement ait un sens, pour avoir un impact." Son collègue nordiste Guy Delcourt est du même avis : "On a suffisamment critiqué Sarkozy d'avoir été en campagne permanente pour ne pas s'engouffrer là-dedans !" 
D'autant que plusieurs déplacements en province ont quelque peu échaudé le chef de l'Etat. A Dijon, à La Roche-sur-Yon, à Florange, à Cournon-d'Auvergne… Ces derniers mois, François Hollande a dû faire face à des réactions virulentes, devant micros et caméras. "Ces sorties sur le terrain permettent toujours à des organisations hostiles, comme la Manif pour tous par exemple, de se montrer", met en garde la députée Brigitte Bourguignon, élue à Boulogne-sur-Mer. "Le risque, c'est toujours que ça se transforme en bad buzz", reconnaît un ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, se remémorant "l'exemple le plus marquant" à ses yeux. Un déplacement au Guilvinec(Finistère), où un marin-pêcheur avait insulté le président, en novembre 2007. "Avec le recul, on peut reconnaître que ce jour-là, le terrain n'a pas franchement renforcé la proximité du président avec les Français !", sourit-il aujourd'hui.
Un risque que François Hollande ne devrait pas prendre pour l'instant. Pour conserver un peu de distance après un enchaînement de séquences ratées, le chef de l'Etat va profiter du début des commémorations du centenaire de la Grande Guerre pour parler de la Nation dans des cadres très solennels, avant d'enchaîner une série de déplacements à l'étranger.

Erreur de diagnostic ou langue de bois massif : le gouvernement et la majorité croient-ils encore à ce qu'ils disent sur l'état économique de la France ?


Alors que Standard & Poor's a dégradé vendredi la note de la France, Pierre Moscovici, Jean-Marc Ayrault et François Hollande sont montés au créneau pour défendre l'économie de notre pays et la stratégie du gouvernement.

Tandis que Pierre Moscovici a déclaré que "la stabilité de la France est reconnue", Jean-Marc Ayrault et François Hollande ont respectivement avancé que cette dégradation ne prenait pas en compte les réformes faites par le gouvernement et que la stratégie de celui-ci serait confirmée. Que penser des déclarations des principaux dirigeants politiques français ? S'agit-il d'une stratégie pour ne pas perdre la face ou sont-ils réellement convaincus de ce qu'ils disent ?

André Bercoff : Une fois de plus, on assiste au tristement traditionnel jeu de bonneteau entre majorité et opposition. Quand la France de Sarkozy a vu dégrader sa note par la même agence Standard and Poor’s, Hollande et toute la famille socialiste ont expliqué à l’envie que cette dégradation infamante était la conséquence directe de la politique du président d’alors, ce pelé, ce galeux, d’où nous venait tout le mal. On se rappelle que « Libération » avait titré en manchette un Sarkozy auquel il manquait le « A ». Trouvaille intéressante du point de vue du buzz . Le quotidien va-t-il enlever son « A » à Hollande ? Plus sérieusement chacun fait contre mauvaise fortune bonne
excuse, et, en bon connaisseur de la gauche marxienne, les agences de notation seront aujourd’hui rejetées aux poubelles de l’Histoire. Jusqu’à la prochaine fois. En attendant, les déficits, la dette, les dépenses publiques et le chômage creusent, creusent, creusent.
François Lenglet :  La réaction du gouvernement est très classique. Lorsqu'on reçoit une sanction comme celle-ci, soit on remet en cause celui qui la donne comme l'ont fait Arnaud Montebourg et Pierre Moscovici ; soit on dit "cela m'est égal" comme l'a fait Hollande.
Cette dégradation n'en demeure pas moins un camouflet. Par rapport à la première dégradation, cette décision de Standard & Poor's apparaît beaucoup plus politique car elle touche à la méthode et l'impuissance du gouvernement. C'est ce qui ressort du communiqué de l'agence qui s'appuie sur le fait que la marge de manœuvre du gouvernement est limitée. D'un côté, celui-ci ne semble pas en mesure de réduire les dépenses et de l'autre, il ne peut plus lever l'impôt, confronté au mécontentement de l'opinion publique face à l'accroissement de la fiscalité. Standard & Poor's en conclut que le gouvernement ne peut plus faire grand-chose : la croissance va rester faible et les perspectives budgétaires en subiront forcément les conséquences. 

Sur son blog, le député socialiste de Paris Jean-Christophe Cambadélis "enrage" mercredi contre une "époque aux idées molles", caractérisée par la "dispersion" et "la démission des esprits", un "climat très juin 1940". Doit-on voir dans l'attitude de l'exécutif, une forme de capitulation ?

André Bercoff : Gageons que si Jean-Christophe Cambadélis avait été Premier secrétaire du PS en lieu et place de Harlem Désir, il aurait pris le maquis et, de radio Solferino, aurait appelé le peuple de gauche à la résistance. N’étant pas lui-même dans le cercle restreint des éléphants, il peut traiter le gouvernement d’eunuques et de capitulards. François Hollande ne capitule pas : il demeure. Culbuto forever.

François Hollande comme Jean-Marc Ayrault et Pierre Moscovici sont des sociaux-démocrates revendiqués et ont souvent assumé une ligne réaliste. Dans ces conditions, comment expliquer leurs déclarations actuelles ? S'adressent-ils à leur majorité, aux Français ou aux marchés financiers ? 

André Bercoff : C’est la même chose depuis dix-huit mois : ne dites pas à ma mère trotskiste que je suis social-démocrate, elle me croit chauffeur de salle chez Mélenchon. Les élections municipales se profilent à l’horizon et il s’agit aujourd’hui de limiter les dégâts : on soigne les écolos tout en leur faisant avaler des boas, on câline les communistes en leur promettant des sièges de conseillers etc. Avec le mariage pour tous, la France raciste et autres séquences sociétales, on parle un peu moins du navire qui fait eau de toute part. Crier haro sur Standard & Poor’s permet de soupirer tout bas : encore une minute, monsieur le bourreau.
François Lenglet : La majorité tient malgré les divisions et ce genre de décision ne touche pas immédiatement et concrètement les Français. Ceux qui pensent que le gouvernement ne fait pas ce qu'il faut y verront la confirmation de leur sentiment et les autres probablement "le complot du grand capital". Le message s'adresse donc plus particulièrement aux marchés car il n'est pas impossible que cette dégradation contribue à augmenter le coût des emprunts français. Par ailleurs, les chiffres de la croissance du troisième trimestre qui tombent ce jeudi ne devraient pas être très bons. Le garrot financier qui étreint le pays et sa politique économique se resserre peu à peu.  

La droite a souvent pointé du doigt un certain "déni de réalité" de la gauche notamment sur les questions de sécurité et d'immigration. Est-ce également le cas sur le plan économique ? A-t-elle fait son "aggiornamento" en la matière ? En paie-t-elle les conséquences aujourd'hui ? 

André Bercoff : La droite au pouvoir fut pratiquement aussi aveugle que la gauche, consciente peut-être des abîmes à venir mais incapable d’expliquer aux Français la nature et l’ampleur de l’effort à accomplir. Je l’ai écrit à plusieurs reprises : la France souffre d’un double déni aussi corrosif l’un que l’autre : le déni identitaire et le déni économique. Nous n’avons pas fini de payer cet aveuglement qui, à droite comme à gauche, fut longtemps hélas la chose du monde la mieux partagée.
François Lenglet : Le communiqué de Standard & Poor's évoque des augmentations d'impôts successives. La droite est donc également responsable de la situation. Il faut aussi rappeler que la première dégradation avait frappé le gouvernement de François Fillon. Le vrai problème tient à l'impuissance de la classe politique française. C'est ce qu'il y a en filigrane dans le communiqué de Standard & Poor's : "le chômage, l'exaspération du corps social qui ne tolère plus les réformes". Cela va au-delà de la critique d'un gouvernement et concerne plus largement l'impuissance publique en France. L'euro a apporté un certain nombre de dividendes qui ont été gaspillés au début des années 2000, notamment à l'époque Jospin et DSK. On a laissé dériver la compétitivité et les comptes publics alors qu'on avait 4% de croissance. L'euro nous a protégé de la paresse des gouvernements, puis brutalement, à la faveur de la crise, la conjoncture s'est retournée. Il nous faudra maintenant des années pour rétablir la situation.

Cette nouvelle dégradation de la note française est-elle plus grave que ne le laisse entendre l'exécutif ? Les marchés financiers sont-ils en train de siffler la fin de la récréation ?

André Bercoff : Mallarmé écrivait : « Jamais un coup de dés n’abolira le hasard ». Ce n’est pas la disparition du « + » de l’agence de notation qui va faire basculer la France. Il faudra faire très attention quand les taux d’intérêts des remboursements de l’emprunt de la dette auprès des investisseurs étrangers connaîtront une ascension. Les marchés peuvent siffler la fin de la récréation : si nos gouvernants ne proclament pas l’état d’urgence, plus dure continuera la chute.
François Lenglet :  Les effets de ces décisions là ne s'apprécient pas sur le moment mais à moyen et long termes. Il est encore trop tôt pour savoir s'il n'est pas déjà trop tard. Les situations instables tiennent jusqu'au moment où elles ne tiennent plus. Il y a rarement un seul élément déclencheur, mais plutôt une conjonction de plusieurs éléments qui un jour sont suffisants pour que les choses basculent.

La plus vieille chanson du monde


Lorsque l’on admire une sculpture de la Grèce antique, on oublie souvent l’aspect qu’elle avait réellement, à l’époque: richement colorée, et non pas pâle et immaculée comme on la voit aujourd’hui dans un musée. Nous en déduisons une image beaucoup plus abstraite que celle qu’elle avait réellement. Le même discours peut être appliqué à la production poétique et littéraire de la Grèce antique, dont nous admirons les textes. Parce qu’en réalité, il nous manque quelque chose d’essentiel: leur musique.
La BBC a récemment interviewé Armand d’Angour, professeur à l’Université d’Oxford, archéologue de la musique, et qui s’est récemment embarqué dans un drôle de projet financé par la British Academy: ressusciter la musique de la Grèce antique. "Imaginez que dans 2500 ans, il ne reste plus des chansons des Beatles que quelques textes. Idem pour les œuvres de Mozart et Verdi. Imaginez comme ce serait excitant d’en reconstruire la musique, de retrouver leurs instruments et de réécouter ces paroles dans leur état original", explique Armand d’Angor. On oublie souvent, ajoute le professeur, que les poèmes épiques d'Homère, les poésies d’amour saphiques, tout comme les tragédies de Sophocle et Euripide ont été conçues en musique, composées pour être chantées et accompagnées d’une lyre, d’un genre de cornemuse et d’instruments à percussion.
Proche de la musique populaire indienne

“Tant que tu vis, brille !
Ne t'afflige absolument de rien !
La vie ne dure guère.
Le temps exige son tribut.”
Comment les reconstituer ? Il faut avant tout partir du rythme, qui alterne syllabes longues et courtes. Puis les instruments : ils ont été décrits dans différents textes, parfois représentés, et leur aspect permet d’en déduire la tonalité et le timbre. Mais depuis peu, explique Armand d’Agour à la BBC, toute une série de nouvelles découvertes ont été faites grâce à des documents remontant à 450 ans avant JC: toute une mine de lettres de l’alphabet grec, comportant des symboles placés au-dessus des voyelles. Les Grecs avaient notamment établi les proportions mathématiques des intervalles musicaux : 2:1 pour une octave, 3:2 pour une quinte, 4:3 pour une quarte et ainsi de suite. De plus, grâce aux lettres, on peut remonter jusqu’au ton : la lettre A, par exemple, représente une note musicale un cinquième plus haut que le N, qui se trouve au milieu de l’alphabet.
Quant à l’effet final, il se rapproche plus de la musique populaire indienne et moyenne-orientale que de celle occidentale. Le cas sur lequel s’appuie Armand d’Angour est celui de l’épitaphe de Seikilos. Retrouvé près d’Ephèse, en Turquie, en 1883, il se trouve aujourd’hui au Musée national du Danemark, à Copenhague. C’est la plus ancienne composition musicale complète jamais trouvée, une chanson grecque qui remonte aux environs du premier siècle avant notre ère. Ce qui le rend unique c’est qu’il représente une partition dans son entier.
En effet, il existe des partitions plus anciennes – certaines retrouvées sur des tablettes cunéiformes remontent au XVIIIe siècle avant JC – mais ce ne sont que des fragments. Le brève épitaphe, lui, nous offre paroles et musique dans leur intégralité. Il fut retrouvé sur une tombe dans la province turque de Aydin, au côté de la phrase suivante : "La pierre que je suis est une image, Seikilos me place ici, signe immortel d’un souvenir éternel." Et sur la pierre, non pas une image, mais le texte de la chanson, et sa mélodie.

La France : une République ou un Flunch ?

Écotaxe, Leonarda... Nos lois et décisions de justice sont foulées aux pieds par la colère des uns et l'indignation des autres. Bienvenue au self-service !

Une manifestation de Bonnets rouges bretons et des tonnes de choux-fleurs déversées sur une nationale auront eu raison de l'écotaxe. On pense ce que l'on veut de cette taxe, mais elle a été votée (à l'unanimité) au Parlement. Quelques semaines plus tôt, les caprices d'une gamine de 15 ans, Leonarda, et une indignation médiatique bien orchestrée avaient suffi à convaincre le président de la République, François Hollande, de revenir sur une décision d'expulsion parfaitement légale. 

Affirmant, à propos de cette affaire, qu'il y avait d'un côté les lois de la République et de l'autre les valeurs (de la gauche) qu'il fallait défendre, le président de l'Assemblée nationale, Claude Bartolone, a acté la naissance de la République Flunch. Comme dans les établissements de cette chaîne de restaurants, le libre-service est la règle dans notre nouveau régime institutionnel. Chacun y est libre de choisir ses droits en fonction de ses convictions personnelles et de ses goûts du moment. Les élus hostiles au mariage pour tous brandissent leur liberté de conscience pour ne pas célébrer de cérémonie entre deux homosexuels. Quant aux opposants aux OGM, ils invoquent la "désobéissance civile" pour saccager. À quand des policiers refusant de verbaliser, au nom du droit de l'animal, le propriétaire d'un chien s'abandonnant sur la chaussée ou des pervenches pro-automobile fermant les yeux devant tout véhicule mal garé ? Ne rêvons pas.

"Faites-vous partie des couillons qui continuent de respecter les règles ?"

L'essayiste Marcel Gauchet a bien analysé cette dérive. "Les conditions du respect des règles de la vie commune ont été profondément altérées par une situation où les uns, au sommet, ont les moyens de contourner les règles, tandis que les autres continuent d'être obligés de s'y soumettre ou n'ont pas les mêmes moyens de s'y soustraire", déclarait-il au magazine Causeur, en avril 2013. Et d'ajouter : "Un dilemme travaille confusément l'esprit de tout un chacun : faites-vous partie des couillons qui continuent bêtement de respecter les règles ou êtes-vous du côté des malins, qui ont compris le nouveau système et qui savent que les règles ne sont là que pour être tournées ?" 
L'ancien ministre du Budget Jérôme Cahuzac fournit l'emblème le plus caricatural de ce système. Le même homme qui, à Bercy, orchestrait la lutte contre la fraude fiscale avait trouvé le moyen de soustraire au fisc une partie de ses revenus... Au risque d'être taxé de populiste, le mauvais exemple vient encore de nos gouvernants. Prenant des libertés avec les lois républicaines, elles sont mal placées pour faire la leçon au simple citoyen, qui n'est pas un modèle de vertu. "L'exemplarité n'est pas une façon d'influencer, c'est la seule", disait Albert Schweitzer. L'exemplarité en la matière consisterait d'abord à cesser d'imaginer des lois gadgets, plus médiatiques qu'utiles.
Ainsi de ce stupide texte visant à pénaliser les clients de la prostitution. Comme l'explique la sociologue Nathalie Heinich dans une remarquable tribune au Monde daté 8 novembre, cette loi, si elle est votée, ne supprimera pas la prostitution, bien au contraire. Comme le rappelle le texte de la pétition lancée en 2012 par Élisabeth Badinter, "l'abolition" de la prostitution, contrairement à celle de l'esclavage, est une chimère. "La sexualité humaine varie selon les sociétés. Et, dans une même société, elle change selon les époques et les classes. Ce n'est pas une raison pour imaginer qu'elle va se plier, comme une cire molle, à l'utopie d'une sexualité parfaitement régulée." Plutôt que de s'occuper de nos braguettes, le gouvernement ferait mieux de traiter le vrai problème : l'esclavage des femmes par les réseaux mafieux. Mais gageons que cette loi de Bisounours, qui fait couler tant de bave nauséabonde (du côté des abolitionnistes comme des anti), sera vite oubliée. Comme l'écotaxe...

Tranchées

Tranchées


« Ma conscience me suffit. Je me moque de ce qu'on peut dire de moi ». Saint Jérôme semble avoir inspiré Jean-Paul Delevoye, président du Conseil économique, social et environnemental. L'ancien ministre gaulliste quitte l'UMP car il veut librement afficher son soutien à un maire socialiste. Il n'a pas voté Hollande, mais souhaite sa réussite car, dit-il, c'est la France qui est en jeu.
D'autres voix lèvent le même tabou, celui de la guerre civile permanente dans laquelle droite et gauche tissent leur pelote. Benoist Apparu constate que « l'opposition systématique, bête et méchante, ne correspond plus au monde actuel » et suggère que l'UMP cesse de stigmatiser de manière revancharde. Manuel Valls ne se reconnaît pas dans des clivages trop partisans.
À côté de « paillassons », dixit de Gaulle, qui prospèrent dans le bourbier politicien, il en est donc quelques-uns qui, avec Oscar Wilde, préfèrent regarder les étoiles, même s'ils ont comme tout le monde les pieds dans le caniveau. La France des misères et précarités a aussi ses réussites et ses atouts. Le moment est venu d'oser le reconnaître.
Le devoir de mémoire commande l'union sacrée, avance Jean-François Copé en écho au président qui souhaite que la mémoire de 1914 rassemble. Mais, pour sortir des tranchées de l'idéologie partisane et du déclinisme, il faut du courage.

La voie fatale

La voie fatale


Ce sont aussi nos silences les coupables de ce mal qui nous ronge à nouveau. Comme si les racines du pétainisme étaient tellement profondes que nous ne parvenons pas à les extirper de nos gènes maltraités par l'histoire. Nous ne supportons plus les différences de couleur, de langue, de culture, les différences politiques, physiques, les différences tout court. L'altérité nous écorche la couenne comme une gale infectée, le visible nous dérange. C'est comme ça, nous sommes un pays de xénophobes qui se cachent derrière la Révolution. C'est pourtant la vie, la différence. Mais sans doute faut-il de l'intelligence pour dépasser le racisme ordinaire. Les récents dérapages qui ont mis à mal le mythe surfait de la terre d'asile et des droits de l'homme font la preuve que nous en manquons singulièrement.
Ne nous croisons pas les bras, ne laissons pas notre vigilance se ramollir, ne soyons pas spectateurs de l'avenir de notre jeunesse. Les mots proférés contre la ministre, contre les otages, contre les homosexuels, contre les Roms, contre l'autre, sont autant de crachats à la figure de ceux qui ont lutté et qui savent que la naïveté n'est pas la réponse appropriée face au danger de l'extrême droite qui avance déguisée en sondages.
Comme il est le bienvenu ce prix Femina à la Camerounaise Léonora Miano pour La saison de l'ombre. Il coule comme miel sur nos amertumes, bienfaisant contrepoids aux ignominies de ces derniers jours. Son titre nous remet en mémoire les Chants d'ombre de Senghor, le Sénégalais poète et tirailleur, fait prisonnier armes à la main alors qu'il défendait le pont de la Charité-sur-Loire. Un Femina qui, pour un temps, fait barrière à l'insupportable et permet de croire que les groupuscules racistes se trompent de colère et ne sont qu'une minorité vociférante. La confrontation entre la réalité et cet humanisme désuet qui confond intégration et aliénation tournera au désavantage des gens de la vraie vie et ouvrira la voie à Mme Le Pen.
Camus est dans l'actualité quand il met en garde contre la banalisation et prévient que « mal nommer les choses, c'est contribuer au malheur du monde ». Il faut appeler un chat un chat et l'extrême droite un mouvement raciste et violent.

Serveuses comestibles à défaut de bonne cuisine

Je viens d’apprendre que les frères Costes, propriétaires des restaurants parisiens en vogue Le Georges et le Café Marly, sont accusés de placer leur clients en fonction de leur apparence.


Selon le témoignage des deux anciennes serveuses, ils demandaient à leur personnel de réserver les meilleures places aux clients les plus séduisants d’où l’on pouvait facilement les voir alors que les moins beaux étaient repartis dans les coins éloignés de la pièce. Par contre les vedettes de toutes sortes avaient l’accès prioritaire aux meilleures tables indépendamment de leur âge ou leur degré de mocheté. Or, ce zèle discriminatoire des frères-restaurateurs ne se limitait pas aux clients. Les serveuses elles-mêmes étaient choisies pour leur plastique, et ce n’était pas la peine de postuler pour celles qui n’avaient pas un physique de mannequin et qui avaient plus de 30 ans. L’une des ex-serveuses précise qu’on lui a fait de reproches parce qu’elle « ne montrait pas assez sa poitrine ».
Jusqu’à présent je restais persuadé que tout établissement gastronomique qui se respecte donne la priorité absolue aux critères gustatifs de sa cuisine. Donc le fait que les frères Costes préfèrent en l’occurrence mettre l’accent dans leurs activités professionnelles sur les critères esthétiques et sexuels, m’amène logiquement à conclure qu’ils se rendent parfaitement compte que la qualité de leur cuisine à elle seule n’est pas capable d’attirer une clientèle raffinée.
Toutefois lors de mon prochain passage à Paris j’irais sûrement dans un des restaurants des frères Costes. Non pour y manger bien entendu, je me contenterai d’une petite tasse de café espresso. Par contre cette visite me donnera une idée aussi précise qu’utile sur mon degré de séduction.
DANS CES CONDITIONS JE SERAIS REJETÉ, 
SOIT ON IRAI ME METTRE À 
L'ÉPLUCHE PATATAES.