TOUT EST DIT

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dimanche 13 octobre 2013

Politiques, syndicats, médias... Qui comprend encore les "vrais gens" ?


Invité dans "Des paroles et des actes", Jean-François Copé a été violemment pris à partie par Isabelle Maurer, une demandeuse d'emploi de Mulhouse. Déstabilisé, le président de l'UMP n'a pas su quoi répondre. Au-delà de la gêne de Jean-François Copé, cette séquence traduit également l'incompréhension croissante des élites face aux réalités de certains Français.

Invité dans "Des paroles et des actes", Jean-François Copé a été violemment pris à partie par Isabelle Maurer, une demandeuse d'emploi de Mulhouse (voir ici). "Je suis désolée Monsieur Copé, ce soir je ne peux pas être calme", a commencé la femme. Et de poursuivre : "Les Français vous regardent. Ils vous écoutent. Et malheureusement il y a beaucoup de paroles et pas beaucoup d'actes !". Déstabilisé, le président de l'UMP n'a pas su quoi répondre. Au-delà de cette séquence et de la gêne de Jean-François Copé qui aurait pu réellement comprendre et répondre aux questions d'Isabelle Maurer ?

Jean Spiri : Mais que voulez-vous répondre ? Qui aurait pu répondre ? Aucun élu national ne vit cette réalité de tenter de vivre avec le RSA socle en cherchant du travail – aucun élu national, car la situation des élus locaux est très variée, et il ne faut pas oublier les milliers d’élus locaux qui exercent leur mandat bénévolement.  Mais beaucoup – voire tous – y ont été confrontés, dans leurs fonctions d’élu local, lors de leurs permanences. Une situation comme celle-ci ne peut laisser insensible. Un élu local a des solutions particulières, mais un élu national se doit de proposer des solutions générales. C’est le problème de confronter des responsables politiques à des interventions de ce type : soit ils restent dans le pathos et ne peuvent rien dire, car oui, ils ne vivent pas cette situation, soit ils proposent des solutions qui sont sans commune mesure avec la détresse de leur interlocuteur immédiat.Cela n’est ni de droite ni de gauche : on se souvient de Christiane Taubira confrontée à la mère d’une victime d’un multirécidiviste. Que voulez-vous répondre face à une telle douleur ? Le responsable politique qui répondra en généralité paraîtra froid, insensible, technocratique ; cela qui répondra sur le registre personnel paraîtra déconnecté et démuni, sans réponse. 
Mais nous ne devons pas nous arrêter à ce niveau d’analyse. Premièrement, il y a en effet des propositions systémiques pour répondre à un cas particulier. J’irai même plus loin : ce sont souvent des décisions macroéconomiques qui changent, sur le long terme, les destins individuels. Mais qu’il est difficile de faire comprendre que telle ou telle mesure représentera demain de l’emploi en plus, du pouvoir d’achat en plus, si l’on n’est pas capable de répondre à l’urgence d’une situation. Deuxièmement, il y a, comme l’a rappelé Jean-François Copé, des élus, qui eux accomplissent un vrai travail de développement territorial, de solidarités locales. Ce n’est pas un hasard si, malgré la baisse globale de la cote des élus, c’est encore le maire qui inspire le plus confiance à nos concitoyens. Enfin, je rappelle que le cas particulier est toujours dangereux pour l’analyse globale (désolé pour ceux qui voulaient une réponse dans le pathos). Je prendrais un seul exemple : aujourd’hui, le niveau de vie des retraités dépasse celui des actifs. C’est inédit. Mais chaque fois que vous le rappellerez, vous aurez aussitôt l’exemple de la veuve de marin-pêcheur fort mal lotie qui surgira. C’est vrai, il faut le prendre en compte. Est-ce une raison pour balayer d’un revers de manche tout discours général sur un rééquilibrage entre les générations (avec par exemple l’alignement de la CSG) ? Je ne le crois pas. Mais face à la veuve qui a une petite pension de réversion, que ce discours devient dérisoire et difficile à entendre ! Dans une certaine mesure, ce type de procédés empêche le débat de fond, celui de l’intérêt général qui transcende la somme des intérêts particuliers – même s’il ne doit pas oublier les cas concrets !

Raphaël Liogier (auteur de Ce populisme qui vient, Textuel, septembre 2013) : Il me semble que la vraie question n’est pas qui aurait pu répondre, mais quoi répondre.  Si la plupart des hommes politiques, et non seulement Jean-François Copé, peuvent être paralysés par ce genre d’intervention de "simples citoyens", c’est qu’ils ont fondé toute leur tactique politique sur l’empathie. En réalité ils ne sont pas plus éloignés de la vie populaire que les hommes politique de jadis, parce que c’est le principe même du pouvoir politique de créer une distance. La spécificité de notre époque, c’est qu’il y a une crise du récit collectif, et corrélativement une perte de confiance non seulement dans la politique en tant que telle mais dans le sens du vivre ensemble.
 
Une telle situation se traduit par le développement du populisme : une sorte de politique de l’empathie, vide de tout programme, qui cherche sans cesse à suivre les courants d’une opinion versatile. En réalité, cette façon de faire de la politique est la véritable trahison des aspirations populaires profondes. C’est ce que Baudrillard appelait la "politique du signe" : les dirigeants ne cherchent plus à faire sens, mais à montrer au peuple qu’ils comprennent leurs angoisses, qu’ils les éprouvent aussi. Ils vont même faire des lois, prendre des mesures qui ne seront destinées qu’à faire signe et non pas à faire sens, non pas à résoudre un problème réel.
 
Copé a été pris au dépourvu parce que cette femme le met face à ses contradictions, autrement dit face au fait évident qu’il ne peut pas ressentir ce qu’elle ressent, tout simplement parce qu’il fait partie d’un autre monde. Et s’il n’avait pas été populiste, entière voué à la politique du signe, mais authentiquement politique, à mon avis il aurait dû répondre : "oui, tout à fait je ne ressens pas ce que vous ressentez, et je ne cherche pas à le ressentir, ce serait hypocrite de ma part de prétendre le contraire. En revanche, je défends un programme politique que j’entends appliquer sans me laisser distraire si j’arrive au pouvoir, y compris sans me laisser distraire parce que vous ressentez à l’instant, justement pour qu’un jour vous vous sentiez durablement mieux".  
 

Quel est le message qui se dégage de cette intervention quant au ressenti des Français face à la situation actuelle, à leur trouble et leurs angoisses ?

Aymeric Patricot (auteur de Les petits blancs. Voyage dans la France d'en bas, Plein jour, octobre 2013) : Ce message exprime une grande détresse, une grande fébrilité. Beaucoup de nos concitoyens pensent que la classe politique sous-estime la profondeur de la crise telle qu'elle est vécue par les classes modestes, et maintenant par les classes moyennes. A vrai dire, le problème existe depuis trente ans. Rappelons-nous l'aveu mitterrandien concernant le chômage : "Nous avons tout essayé". Les générations suivantes d'hommes politiques n'ont fait que reprendre ce message d'impuissance. Le problème est qu'en ne faisant rien, en se contentant d'espérer que la croissance reprenne d'elle-même - comme semble le faire Hollande, de manière tout de même très inquiétante -, on laisse la situation se déliter. Le chômage s'approfondit ; des familles entières, voire des quartiers, ne connaissent plus que lui. Le désespoir s'installe. A quoi s'attendait-on donc la classe politique ? Pensait-elle qu'on peut laisser impunément, pendant des décennies, prospérer la relégation sociale sans en payer un jour le prix ?
 
Sur le terrain, la régression est réelle, contrairement à ce que voudraient nous laisser croire certains observateurs officiels de la société française. Le pouvoir d'achat - c'est-à-dire le niveau de vie - régresse ; la sécurité sociale renoncer à soigner correctement certaines marges de la population ; la violence s'est installée de manière durable à l'école sans que la sonnette d'alarme, pour d'obscures raisons politiques, ne soit tirée ; les émeutes s'installent dans le paysage, et cela sans que beaucoup de politiques s'en émeuvent.
 
La question est de savoir si ce phénomène de stagnation, voire de régression, s'inscrit dans une certaine fatalité de la mondialisation voulant que le rééquilibrage entre nations provoque ces remous en Occident ou si, en France, la classe politique se montre particulièrement médiocre. J'ai bien peur, à considérer par exemple les taux de chômage, qui sont souvent beaucoup plus bas chez certains de nos voisins connaissant des taux de développement comparables, que la deuxième hypothèse soit à envisager.
 
Jean Spiri : L’emploi, le pouvoir d’achat, les perspectives de la jeunesse face à l’emploi. Trois thèmes essentiels qui touchent chaque famille française dans son quotidien – avec un thème qui montre aussi que nos concitoyens se préoccupent de leur avenir. Après, la politique est-elle réellement impuissante ? Je ne le crois pas. Si l’on juge l’immédiat et la situation personnelle, oui, souvent, elle est inutile. Il faut le reconnaître, pour ne pas susciter d’attentes démesurées. Mais si l’on mesure à l’échelle d’une génération, oui, les choix que l’on peut faire aujourd’hui sont structurants, et pour chaque cas individuel. Rendre nos entreprises plus compétitives, adapter notre modèle social, non pour le défaire, mais pour le faire correspondre à de nouveaux besoins, investir sur l’éducation, des décisions fortes dont les effets se font sentir sur la durée. Et c’est d’ailleurs pour cela que l’on commence à apprécier certaines décisions de Nicolas Sarkozy, ou de regretter celles qui ont été abrogées ! Alors, cessons aussi ce discours fataliste qui consiste à dire que toutes les décisions se ressemblent. Ce n’est pas vrai, même s’il faut souvent apprécier leurs résultats dans un temps qui n’est malheureusement plus celui de la scène politico-médiatique. 
 
Raphaël Liogier : Cette façon de jouer sans cesse l’empathie, typique de ce nouveau populisme (dont je ne peux ici expliciter toutes les caractéristiques et subtilités), finit par user le système politique lui-même. Si vous voulez, lorsqu’un homme politique suit trop l’opinion publique, l’opinion publique finit par ne plus le suivre… Au fond, la majorité des gens sont beaucoup moins stupides que ce que s’imaginent les politiques. Je ne crois pas qu’ils demandent que l’on ressente ce qu’ils ressentent mais simplement que l’on ne se moque pas d’eux, y compris en prétendant parler en leur nom. Ils demandent du courage. Et tout ce qui a l’apparence du courage aujourd’hui devient précieux à leurs yeux. 
 

Les politiques sont confrontés à une crise de défiance, les syndicats, qui n'ont pas réussi à mobiliser sur la réforme des retraites cette semaine, sont de moins en moins représentatifs, et les médias sont également contestés. Comment expliquer que le ressenti des Français soit tant ignoré ? Qui comprend encore les Français ?

Aymeric Patricot : Il y a quelques marqueurs symboliques qui permettent de dater les étapes de ce détachement progressif des élites par rapport aux populations qu'elles sont censées représenter. L'aveu d'impuissance concernant le chômage dans les années 1980 ; ce qu'on appelé le "virage sociétal" du Parti socialiste à la même époque, considérant qu'il devenait plus payant de s'occuper de questions de mœurs que de questions sociales ;l'importance donnée à la question des minorités ethniques, qui a bien sûr son intérêt, mais qui a provoqué le désarroi de la classe ouvrière : celle-ci s'est sentie trahie, ne s'est pas reconnue non plus dans la droite classique qu'elle tenait pour trop bourgeoise, et c'est à ce moment-là que le vote Front national est devenu significatif - ce qui d'ailleurs arrangeait bien la gauche pour des questions électoralistes.
L'aboutissement de ce processus, c'est la note du think tank Terra Nova de 2011 recommandant au PS de se consacrer à de nouveaux publics : minorités ethniques et sexuelles. Les "petits  Blancs", comme je les appelle dans mon livre ("Les petits Blancs", parution 17 octobre aux éditions Plein jour), ont disparu de facto des radars de la gauche - une erreur tragique, selon moi, car il n'y a aucune raison que le PS abandonne cette part de l'électorat alors qu'une personne que nous admirons tous de ce côté-ci de l'Altantique, le démocrate Barack Obama, a fait depuis 2006 une certaine place dans ses discours aux classes moyennes blanches, citées explicitement, et dont il reconnaît qu'elles puissent légitimement se plaindre.
On pourrait encore parler d'une certaine tolérance de nos élites pour la corruption - que l'on songe seulement à Guérini ! Au choix stupéfiant de Hollande pour Cahuzac ! Aux divers errements de Chirac, puis de Sarkozy ! Et l'on comprend que cette nonchalance, cette paresse à sévir - de pair avec une paresse à agir, en général, puisque nous avons été habitués à une série de dirigeants incapables d'impulser une dynamique nouvelle au pays - finisse par devenir indéfendable. C'est d'ailleurs tout le drame de fronts républicains qui n'ont souvent de républicain que le nom (je pense à celui d'Hénin-Beaumont) et qui salissent, me semble-t-il, des notions politiques dont nous aurions pourtant bien besoin. En tout cas, il servent bien plus le Front national qu'ils ne l'atteignent.
Raphaël Liogier : Un homme politique sérieux et consciencieux n’est pas là pour se pénétrer en permanence du ressenti des Français. D’abord parce que les "Français" pris en un seul bloc, ça n’existe pas. C’est une vue de l’esprit, une fiction qui peut servir à arriver au pouvoir dans des situations de crises graves du récit collectif. Ce qu’il manque aujourd’hui, ce ne sont pas les politiques ou des syndicats qui chercheraient à se rapprocher des français, mais au contraire ceux qui auraient le courage de mettre en place une politique cohérente sans se préoccuper des aléas, des versatilités de l’opinion.
Etre un homme politique sérieux, c’est comme être un chercheur sérieux, il faut ignorer ce que l’on dit de vous, aller jusqu’au bout de vos idées, et oser les exposer (même si vous pouvez être copieusement conspué pour cela… par exemple sur le forum d'un journal en ligne !).
Jean Spiri Ne nions pas les problèmes de représentativité de notre système. Représentativité sociale, vous l’évoquez. Représentativité politique bien sûr. Si le taux d’abstention est en hausse, il doit y avoir des raisons ! Il est difficile d’ignorer le problème d’offre, difficile de nier que parfois l’offre politique proposée par les partis ne correspond pas à la réalité de la société française. Et difficile de dire aussi que les éléments de langage tarte à la crème ne facilitent pas un grand mouvement d’adhésion. Les politiques sont-ils loin parce qu’ils ne comprennent pas les Français, ou parce qu’ils pensent qu’il ne faut surtout pas braquer telle ou telle catégorie et s’enferment dans un sorte de platitude anesthésiante ?
Au-delà, je pense qu’il y a aujourd’hui un système, notamment temporel, qui crée un agenda qui n’est pas celui des Français. L’impression qu’on est uniquement dans l’immédiat, et que le dire, pour faire, a été remplacé par le dire c’est déjà faire. L’impression qu’on est aujourd’hui uniquement dans des corrections de détail d’un modèle économique et social – voire sociétal – dont on sent pourtant qu’elles n’apporteront aucune solution de long terme. L’impression que l’on ne prend pas assez en en compte la dureté des mutations auxquelles notre société est confrontée. Des mutations liées à la mondialisation et à ses conséquences sur le système productif. Des mutations sociales qui interrogent nos solidarités. Des mutations territoriales aussi très fortes. Elu dans une ville proche de Paris, je n’ai certainement pas le même ressenti que mes amis élus dans une zone périurbaine du Sud-est. Les réalités françaises sont très diverses, et il serait malvenu de continuer à les ignorer. Cela ne peut que renforcer le sentiment d’abandon de certains de nos concitoyens. C’est que nous développions avec Elise Vouvet et Alexandre Brugère dans Citoyens des villes, citoyens des champs. Mais prendre en compte ces réalités très différentes, cela ne veut pas dire renoncer à construire un projet commun. Bien au contraire, c’est en partant de ce constat, en l’acceptant et en proposant des solutions que l’on peut être crédible pour tous ! Mais cela veut dire sortir de nombre de nos idées reçues confortables (l’égalité par la loi, sans préoccupation des effets réels, en est une !).

On n’a pas inventé l’électricité en perfectionnant la bougie. Aujourd’hui, les Français ont l’impression d’être confrontés à nombre de "perfectionneurs de bougies" qui ne prennent pas assez en compte l’ampleur des mutations dont eux-mêmes sont les témoins quotidiens. Que leurs partis sont réactionnaires, défendent des catégories de pensée appartenant à un monde passé. Il faut d’ailleurs noter que le FN est le pire de ces partis réactionnaires. Un parti d’extrême droite qui a su adapter son discours aux nouvelles peurs, mais en aucun cas leur apporter des réponses. Maintenant, si nous expliquons matin, midi et soir, qu’il sera le premier parti aux européennes, sans proposer un projet alternatif, sans faire une campagne sur et pour l’Europe, il ne faut pas s’étonner que la prophétie auto-réalisatrice se réalise. Ce n’est pas une adhésion de conviction de la part de nos concitoyens, alors cessons de nous comparer à ceux dont les solutions sont irréalistes, à ceux qui ne savent qu’enfoncer chacun dans les peurs, et paralyser ainsi tout progrès.
Qui comprend encore les Français ? Ceux qui comprennent qu’il y a au fond d’eux un désir de progrès et de changement, un désir complexe de plus de sécurités tout autant que de plus de libertés. Ceux qui ne s’arrêtent pas aux peurs à ressasser et aux petites protections qui demain sauteront d’autant plus vite. Ceux qui savent que comprendre ne sert que si l’on trouve des solutions…  Bref, ceux qui parient sur l’intelligence collective d’un peuple et son sens de l’intérêt général. 

Comment les dirigeants peuvent-ils à nouveau s'adresser au peuple ? Ont-ils toujours la légitimité nécessaire pour le faire ?

Jean Spiri : Il y a un point très important dans l’intervention d’Isabelle Maurer. Elle parle du message d’avenir que la politique devrait communiquer pour ses enfants. Le politicien suit le peuple ; le peuple suit l’homme d’Etat. Cet aphorisme illustre une situation où les responsables politiques ont peut-être trop l’œil rivé sur des solutions immédiates dans un cadre donné, sur les sondages qui montent et baissent, et sont incapables de prendre le risque de parler un langage différent. Ne nous y trompons pas, ce langage n’est pas celui de la démagogie et du populisme, du passé. C’est celui de la responsabilité, du mouvement et de l’avenir. Etre capable de parler au peuple, c’est avant tout l’entraîner, ce n’est pas chercher à vivre uniquement en résonance avec ses peurs et ses faiblesses. La légitimité des dirigeants politiques viendra de deux points essentiels, qu’il ne tient qu’à eux-mêmes de développer : une exemplarité personnelle ; une capacité à construire un projet crédible à dix ans. Ne sous-estimons pas le niveau d’information qui est aujourd’hui celui de nos concitoyens : les promesses faciles ne marchent plus. Ne sous-estimons pas non plus leur altruisme et leur sentiment d’appartenance à une nation qui a un avenir. Proposer des rustines pour aujourd’hui sans préparer demain, c’est une faute dont les Français sont de plus en plus conscients. A nous de savoir voir les réalités de notre pays, à nous aussi de savoir expliquer qu’à partir de ce point de départ, il y a un point d’arrivée que nous pouvons tous atteindre ensemble. Cela vous paraît naïf ? Un peu pompeux ? Passez en revue la semaine d’actualité politique, et voyez combien de responsables politiques se sont un tant soit peu livrés à cet exercice, plutôt que de parler de leur parti, de guerres intestines, du FN, de couacs ou de mesurettes qui seront vite oubliées tant elles ne résolvent rien. Et demandez-vous si les Français sont vraiment dupes !
Raphaël Liogier : Un homme d’Etat ne doit pas s’adresser au peuple mais se contenter d’être élu par une majorité sur un programme, et une fois élu il doit appliquer son programme le plus sincèrement possible. J’étais récemment dans l’émission de télévision face au journaliste et essayiste Eric Zemmour (qui a détesté mon livre !). Il m’a entre autres interpellé en me disant que De Gaule, selon mes critères, était un populiste parce qu’il s’exprimait au nom du peuple, et que pourtant je me gardais bien d’en parler dans mon livre, n’évoquant que Manuel Valls, Henri Guaino, Marine Le Pen, et des figures vraiment monstrueuses comme Staline ou Mussolini. Je lui ai répondu qu’il ne m’avait pas du tout compris parce que De Gaule est tout le contraire d’un populiste selon ma définition. Il disait avoir une "certaine" idée de la France, une idée particulière, la sienne propre, non  pas celle de tout le monde, non pas celle du peuple. Quant au peuple, aux Français, il n’hésitait pas à dire que ils étaient "des vaux". 
Ce n’est pas une question idéologique pour moi, on peut trouver des personnalités absolument non populistes à droite comme à gauche. Ce qu’il nous manque pour redonner un début de confiance aux Français, ce n’est pas un homme politique qui soit en phase avec le peuple, mais un homme politique qui, au contraire, accepte d’être détesté, à partir du moment où il a été élu pour appliquer un certain programme. C’est cela le courage. C’est cela ne pas se moquer du peuple !  

La résistible ascension des populismes en Europe

La Grèce, en commençant à démanteler l'Aube dorée, l'Italie, en mettant unterme à la carrière de Berlusconi, ont prouvé que le combat contre les populismes de tout poil n'est pas perdu d'avance. Un message pour d'autres pays.


Il n'y a guère de point commun entre l'arrestation en Grèce du leader de l'Aube dorée, une organisation criminelle néonazie, et la défection en Italie d'une partie des ministres de Forza Italia, qui a conduit Silvio Berlusconi - pour éviter une humiliation plus grande encore - à voter la confiance au gouvernement de coalition d'Enrico Letta. Et cela même si le modèle du parti néonazi en Grèce demeure Hitler et si Berlusconi s'inspire dans son comportement, sinon dans ses idées, d'un homme dont il ne restera qu'une pâle copie, Mussolini. De plus, en Grèce, rien n'est joué encore. Le pays est toujours au fond du gouffre et le parti d'extrême droite peut rebondir. En Italie, par contre, nous assistons à la fin d'une époque. Berlusconi a sans doute définitivement perdu et l'Italie a gagné, un soulagement indéniable pour l'Europe entière.
Ces deux épisodes, en dépit de leur profonde différence, sont néanmoins la preuve que l'ascension des populismes en Europe est - tout comme le personnage de Bertolt Brecht, Arturo Ui - résistible.
Il serait certes dangereux de se réjouir trop tôt. Les visions pessimistes de nombreux experts des mouvements populistes en Europe demeurent légitimes. Mais la double leçon de la Grèce et plus encore de l'Italie est que, face aux populismes de toute nature, le combat n'est pas perdu d'avance.
La première arme des partis populistes réside dans la faiblesse - tant à l'échelon national qu'européen - de leurs adversaires. Des politiques molles, des messages flous, une absence de vision ou de projet, voilà ce qui fait le lit des populismes, tout autant sinon plus que des conditions économiques particulièrement difficiles.
C'est ainsi que de l'Autriche à la Norvège, en passant par la Hongrie ou même la Grande-Bretagne avec l'Ukip (United Kingdom Independant Party), à l'intérieur tout comme à l'extérieur de l'Union, les partis populistes ne cessent de progresser. En France - à en croire les études d'opinion - électeurs de droite et d'extrême droite semblent rapprocher leurs points de vue, au moins sur les questions de société. Marine Le Pen, forte de sa popularité personnelle, affiche ouvertement ses prétentions de voir le Front national devenir le premier parti de France - après celui de l'abstention bien sûr - aux élections européennes du printemps 2014.
Pourtant, nulle part aujourd'hui les partis populistes ne semblent vraiment à même de conquêtes décisives. Quelle est l'origine de cette « résistance » ? Est-elle simplement le produit de l'histoire et d'une forme de vaccination d'autant plus efficace que le pays a - comme l'Allemagne par exemple - beaucoup « péché » ? Dans la résilience, toute relative parfois, des peuples face aux tentations populistes, faut-il privilégier un réflexe démocratique (républicain pour les pays qui ne sont pas des monarchies constitutionnelles) ou tout simplement une réaction de bon sens face à l'absence de sérieux des programmes économiques de ces forces ? S'agit-il d'un reste d'éthique face à des partis qui - d'une manière ou d'une autre - mettent l'accent sur le rejet, sinon la haine de l'autre au détriment de l'espoir et de la fierté positive ? En Italie, après les excès de la « sexocratie » à la Berlusconi, le pays de Dante est en quête d'un renouveau de légitimité.
Mais il ne faut pas se voiler la face, les élections européennes qui auront lieu selon les pays entre le 22 et le 25 mai 2014 se présentent sous des jours très défavorables : taux d'abstention très élevé et montée significative des partis les plus radicaux sont à l'ordre du jour. La réticence qui s'exprime toujours au niveau national face aux partis populistes disparaîtrait - à un niveau européen, sorte d'exutoire de tous les mécontentements ? Serait-ce tout simplement parce que le divorce qui existe désormais entre l'Europe et ses citoyens n'a jamais été plus grand ? 2014 s'annonce en effet comme une répétition plus dramatique encore de ce qu'a été 2005, l'année du double référendum négatif en France et aux Pays-Bas contre le Traité constitutionnel.
Les raisons du désamour entre l'Europe et ses citoyens sont multiples. Pour aller à l'essentiel, l'Union ne sait plus donner un sens à son action, ni « vendre » ce qu'elle continue à bien faire, c'est-à-dire l'apaisement des tensions entre ses peuples comme aujourd'hui dans les Balkans entre la Serbie et le Kosovo. L'Union ne souffre pas seulement d'un déficit d'incarnation - dont sont pleinement responsables ses Etats membres -, elle semble trop souvent vivre dans une bulle, victime d'un mode de prise de décision, qui fait que ses choix, résultats de compromis ardus, semblent tout à la fois trop tièdes dans leur contenu et trop autoritaires dans leur mode d'imposition.
L'Europe s'est aussi beaucoup éloignée de ses citoyens en mettant trop l'accent sur des querelles quasi théologiques entre fédéralisme ou confédération, ou bien sur des enjeux de pouvoir qui peuvent sembler bien vains entre la Commission, le Conseil ou le Parlement. Ce sont certes des questions essentielles pour les acteurs concernés, mais en cette période de crise aiguë, elles n'intéressent en rien des citoyens qui veulent savoir le pourquoi de l'Europe et non son comment.
Le récent triomphe électoral d'Angela Merkel en Allemagne fournit la démonstration éclatante que démocratie et stabilité politique ne sont pas incompatibles. On peut gouverner en suivant sa voie et être réélu. En réalité, on ne gagne rien à jouer le jeu de la séduction avec les populistes. On y perd son âme, d'abord, sans aucune garantie de retrouver le pouvoir, ensuite.

Comment bien préparer sa retraite et ne pas dépendre financièrement de réformes insuffisantes


La première réforme des retraites d'un gouvernement de gauche examinée au Parlement ce lundi ne permettra pas d'assurer la pérennité du système.

Les discussions autour de la réforme des retraites annoncée le 27 août par Jean-Marc Ayrault débutent à l'Assemblée nationale ce lundi 7 octobre avant d'être débattue au Sénat le 28 octobre. Comme les précédentes, cette réforme ne permettra pas d'assurer la pérennité du système. Comment les Français les plus exposés, vulnérables, peuvent-ils déjà commencer à préparer leurs retraites sans se ruiner pour autant ? Comment la classe moyenne peut-elle préparer sa retraite indépendamment du système public ?

Philippe Crevel : Les réformes des retraites engagées depuis 1993 réduisent le taux de remplacement, c'est à dire le rapport entre le montant des pensions versées et le montant des derniers revenus professionnels. Cette baisse est en moyenne d'une dizaine de points entre une génération née en 1956 et une génération née en 1986. Mais cet écart atteint plus de 20 points pour les cadres qui sont confrontés à la baisse du rendement de leur régime complémentaire, l'AGIRC. Si un ouvrier au SMIC peut encore espérer un taux de remplacement de plus de 75 %, ce taux est d'environ 40 % pour les cadres. Avec les mesures prises cette année, tant pour les régimes de base que pour les régimes complémentaires, la situation des futurs retraités est amené à se dégrader. 

Si nous voulons éviter une diminution substantielle de notre pouvoir d'achat au moment de la cessation d'activité, nous sommes dans l'obligation de prendre des dispositions financière le plus en amont possible ce qui est loin d'être évident du fait des contraintes économiques qui pèsent sur les ménages français. 

Il apparaît judicieux d'essayer autant que possible d'être propriétaire de sa résidence principale. Il faut  indiquer que la très grande majorité des Français considère que la possession de la résidence principale constitue une voie obligée en matière de préparation financière de la retraite. A ce titre, 75 % des Français arrêtant de travailler pour toucher leurs pensions sont propriétaires de leur résidence principale. 

Au-delà de la pierre, les actifs doivent regarder en premier lieu ce qu'offre en matière de retraite leur entreprise. Leur employeur a pu mettre en place un Plan d'Epargne Retraite Collectif (PERCO), un régime à cotisations définies appelé article 83 voire un régime à prestations définies appelé également article 39. Dans le cadre du PERCO, les salariés peuvent verser tout ou partie de leur participation ou de leur intéressement et effectuer des versements libres. Par ailleurs, l'employeur peur compléter l'effort du salarié par un abondement. Ce produit est assez souple car le salarié est libre de ses versements. L'article 83 et l'article 39 sont des produits plus contraignants pour l'employeur qui acquitte des cotisations obligatoires ou qui doit constituer des provisions pour financer un complément de pension par capitalisation. Pour l'article 83, le salarié peut également effectuer des versements supplémentaires. 

A défaut d'avoir une couverture supplémentaire proposée par son entreprise, il est possible de recourir à des produits d'épargne retraite individuelle. Pour les Indépendants, le produit logique porte le nom de "contrat Madelin". Il s'agit d'un produit d'assurance-vie dédiée à la retraite avec une sortie en rente et qui ouvre à des avantages fiscaux sous forme de déduction. Par ailleurs, tous les actifs et notamment les salariés peuvent souscrire un Plan d'Epargne Retraite Populaire qui  bénéficie également d'un avantage fiscal sous forme de déduction fiscale. L'avantage fiscal consenti est d'autant plus intéressant que le contribuable est soumis à un taux élevé d'imposition. 

A défaut de jouer sur un produits spécifiquement retraite, les actifs peuvent évidemment ouvrir un contrat d'assurance-vie qui permet de combiner sécurité avec le fonds euros et rendement avec les unités de compte. Compte tenu que les avantages fiscaux maximaux interviennent après huit ans, il n'est pas inutile d'ouvrir le plus tôt ce type de produit même en y déposant qu'un faible montant d'épargne. Il en est de même avec le Plan d'Epargne en Actions. Ce dernier produits est destiné aux épargnants qui sont prêts à prendre un peu de risques mais il faut savoir que sur longue période le placement "actions" est plus avantageux que les autres. En outre, il ne faut pas oublier qu'un placement retraite, c'est une vingtaine d'années de constitution et un quart de siècle de versement d'une rente. 

En revanche, le comptes à terme, livrets qu'ils soient A, LDD ou bancaires n'ont pas leur place dans une stratégie de préparation à la retraite.
Vincent Touzé : Puisque les dernières mesures pour sauver les régimes de retraite sont insuffisantes, il faudra bien que les ménages anticipent une baisse future des pensions. Ils devront épargner plus s’ils veulent mieux compenser la baisse de revenu qui survient au moment de la retraite. Les placements d’épargne à long terme sont nombreux : les obligations publiques et privées, les actions ou l’immobilier.
Les dispositifs fiscaux sont multiples :
  • L’assurance vie, le plan d’épargne en actions (PEE) : après une période de 8 ans les revenus financiers sont peu taxés ;
  • L’achat d’un logement neuf éligible à la loi Duflot permet de réduire l’impôt sur le revenu ;
  • Les régimes de retraite supplémentaire (fonds de pension à la française) : ces dispositifs sont destinées aux salariés du secteur privé (PERP, PERCO, articles 39 et 83, PERE, etc.) et public (PREFON, COREM, etc.) ainsi qu’aux indépendants (Madelin, exploitants agricoles). Le principal avantage fiscal est la déductibilité de l’épargne retraite du revenu imposable. En revanche, à la retraite, les rentes viagères sont imposables sur le revenu.

Les deux premiers dispositifs sont populaires et engendrent d’importants encours d’épargne. Les régimes de retraite supplémentaire ont un moindre succès. Fin 2012, les Français ont seulement accumulé 163 milliards d’euros dans les régimes de retraite supplémentaire. Ce montant doit être comparé au 1 306 milliards d’euros d’encours dans  les contrats d’assurance vie et au 7 500 milliards d’euros d’investissement dans l’immobilier. La principale raison de ce faible engouement pour la capitalisation est que les Français sont peu demandeurs de dispositifs viagers. En effet, leur épargne repose pour beaucoup sur une logique patrimoniale qui vise à transmettre l’épargne accumulée à leurs enfants.
Les contrats d’assurance vie en euros sont intéressants car ils offrent une garantie sur le capital par rapport aux contrats en unité de compte. Etant moins risqués, ils offrent aussi une moindre perspective de rendements. Les entreprises proposent parfois des plans d’épargne entreprise (PEE). La fiscalité associée est intéressante puisque le montant versé par l’entreprise aux salariés n’est ni soumis aux cotisations sociales ni à l’impôt sur le revenu. En dehors du choix de placements pour la retraite, la principale difficulté pour le ménage est de dégager une épargne suffisante. Et les capacités d’épargne sont très liées au revenu. D’après une étude de l’INSEE de 2009, on observe bien un lien positif entre revenu et taux d’épargne. Cette étude montre clairement que les bas revenus ont peu de marge de manœuvre pour épargner plus pour la retraite.

En quoi la retraite complémentaire par capitalisation est aussi une possibilité qui s'adresse aux Français les plus modestes ?

Vincent Touzé : Pour des ménages avec des revenus modestes et sans épargne, la retraite complémentaire par capitalisation semble un peu hors d’atteinte. Une façon d’y arriver est de renforcer les possibilités pour les employeurs de recourir à des plans d’épargne entreprise ou encore de créer une cotisation spéciale sur les salaires qui serait affecté à un régime public par capitalisation. La Suède a fait ce choix dans les années 90.
Philippe Crevel : Les Français les plus modestes peuvent accéder à des compléments de retraite via leur entreprise. Logiquement, les employeurs doivent mettre en débat auprès des partenaires sociaux la mise en place de tels compléments. Le PERCO ou l'article 83 sont accessibles aux salariés à faibles revenus. Il est vrai que le PERP n'est pas très intéressant pour les salariés autour du SMIC. En Allemagne, le plan Riester a prévu justement que les actifs à faibles revenus puissent bénéficier d'une aide spécifique sous forme de subvention afin de se créer un complément de revenus. La Cour des Comptes a, en France, interpellé le Gouvernement afin de s'inspirer de l'exemple allemand. 

A contrario, quels sont les risques à la retraite par capitalisation, même s'il s'agit de produits complémentaires ? Proportionnellement aux revenus des ménages, les risques sont-ils plus élevés pour les Français les plus populaire ?

Philippe Crevel : Il faut cesser de voir dans la capitalisation la main du diable. Ce type de retraite n'est guère plus dangereuse que la répartition qui dépend également de la situation économique. La faible croissance, le chômage handicapent tout autant les deux types de retraite. La capitalisation permet à ses bénéficiaires de bénéficier de placements effectués au-delà du territoire national. Elle permet une diversification et un élargissement de l'assiette. La répartition, par nature, ne s'appuie que sur la masse salariale d'un seul pays. En cas de krach, il est faux de répéter que les retraités perdent tout leur argent. En effet, tous les actifs d'un fonds de pension ne prennent pas leur retraite le jour d'un krach. En outre, ils n'ont pas versé toutes leurs cotisations la veille d'un krach. En versant sur vingt ans et en récupérant les sommes également sur vingt ans, il y a un lissage des crises et des bulles spéculatives. A l'exception des fonds internes d'entreprises de plus en plus rares au demeurant et qui seront, en France interdits avec la loi sur les retraites en 2013, les risques de la capitalisation sont aujourd'hui maîtrisés par des systèmes de sécurisation. Il faut souligner que si baisse de la retraite il y a, c'est à cause de la diminution du rendement des régimes par répartition. 

En matière de produits retraite, il faut évidemment regarder de près les frais de gestion. Il faut également jouer la diversification pour éviter de se retrouver piéger. Il faut demander conseil si possible à plusieurs professionnels et surtout ne pas se précipiter car ce sont des produits qui ont vocation à accompagner l'épargnant durant de nombreuses années.
Vincent Touzé : La retraite par capitalisation peut paraître risquée car les aléas financiers peuvent avoir des conséquences terribles : la perte du capital investi. Aux Etats-Unis, la crise financière récente a profondément affecté la rentabilité des fonds de pension. Toutefois, de nombreuses études montrent qu’à long terme, les fonds investis sur les marchés financiers offrent une rentabilité très supérieure à la croissance économique (rendement implicite de la retraite par répartition). En pratique, les retraites par répartition sont également soumises à un risque puisque leur financement dépend de l’investissement dans le capital productif national, de la croissance de la productivité et de l’efficacité du marché du travail. Dans ce domaine, rien n’est certain. En France, l’insolvabilité du régime laisse présager que les montants futurs de retraite n’ont rien de garanti. Les réformes successives non anticipées réduisent les pensions et se comportent, au final, comme des aléas financiers.
L’achat de son logement principal est un excellent investissement pour la retraite, car une fois le crédit remboursé, l’heureux propriétaire se voit dispenser de payer un loyer. La propriété offre un avantage en nature sans risque. Le principal risque est d’acheter trop cher son logement. En France, la cherté de l’immobilier est en partie basée sur une rareté de l’offre. Si l’on veut garantir des bons niveaux à la retraite, il faut aussi encourager l’offre. Libérer les réserves foncières est un impératif pour un logement bon marché.

Le gouvernement a promis une "pause fiscale" mais 70% des Français n'y croient pas selon un sondage BVA pour i-Télé, CQFD et le journal Le Parisien paru le 21 septembre. Concrètement, comment les produits d'épargne retraite ou de complémentaire retraite ont été affectés par les nouvelles mesures fiscales adoptées et, dans un second temps, comment sont-ils susceptibles d'être affectées par les potentielles nouvelles mesures à venir ?

Vincent Touzé : L’Etat français est très endetté et la croissance économique est trop faible.Le gouvernement s’appuie sur la fiscalité pour résorber le déficit. Le gouvernement a promis une pause. Pour l’instant, il s’agit plutôt d’un ralentissement de la hausse. Tous les revenus sont mis à contribution. Le gouvernement Fillon a dans le passé augmenté la taxation des revenus financiers : CSG, prélèvement libératoire, plus value immobilière, suppression du plafond du montant de transaction rendant non imposable les plus values financières.
Le gouvernement Ayrault a renforcé le coût fiscal des retraites par des hausses des cotisations sociales. L’annonce d’une pause fiscale est autant un vœu gouvernemental qu’une manœuvre visant à rassurer les ménages. A la recherche de ressources fiscales, il pourrait être tenté de s’attaquer à l’assurance vie ainsi qu’aux plans d’épargne entreprise. Une étude récente du Conseil d’Analyse Economique préconise de taxer les loyers implicites des logements occupés par leur propriétaire. Les fiscalistes ne manquent ni d’imagination ni d’arguments pour renflouer les caisses de l’Etat…
Si l’on veut favoriser la croissance, et donc une bonne rentabilité des retraites par capitalisation et par répartition, le gouvernement va devoir veiller à ne pas décourager l’investissement, et donc l’épargne, dans nos capacités productives nationales.
Philippe Crevel : Les produits retraite ont du subir l'augmentation du forfait social. C'est le cas pour les produits collectifs comme le PERCO ou l'article 83. Ce forfait est passé en 2012 de 8 à 20 % ce qui peut dissuader des chefs d'entreprise à mettre en place une couverture retraite pour leurs salariés. Par ailleurs, les produits d'épargne doivent faire face à l'augmentation des prélèvements sociaux qui sont passés à 15,5 % au 1er juillet 2012. De plus, le Gouvernement a décidé que depuis le 26 septembre, tous les gains de l'assurance-vie et  du PEA seront assujettis au fil de l'eau aux prélèvements sociaux avec comme taux 15,5 %. En revanche, il est à souligner que le rapport de Karine Berger et Dominique Lefebvre comme les derniers travaux du Conseil d'Analyse Economique soulignent qu'il est nécessaire d'aider ce type de produits tant pour financer l'économie que pour améliorer le quotidien des futurs retraités. Il y a non pas un engouement du pouvoir pour l'épargne mais une forme d'acceptation de raison. De ce fait, en fonction de ses capacités financières, il n'est pas interdit de réfléchir et le cas échéant de passer à l'acte. La France est en retard par rapport à ses partenaires pour l'épargne retraite qui ne concerne que 4 millions d'actifs sur un total de 26 millions. Si aujourd'hui, elle concourt à hauteur de 3 % aux revenus des retraités, nous devrions nous fixer comme objectif un taux de 10 % à l'horizon 2030.

JEAN-JACQUES BOURDIN TRAITE FRANÇOIS HOLLANDE DE "MENTEUR"


Jean-Jacques Bourdin aime la provocation et le montre une nouvelle fois dans le long portrait que lui consacre ce week-end M, Le magazine du Monde. L'intervieweur politique de BFMTV et RMCa ainsi révélé que le chef de l'Etat lui avait un jour fait la promesse de venir dans son émission. "Les yeux dans les yeux, François Hollande me l'a promis. Il m'a dit qu'il viendrait" a-t-il déclaré. Une promesse pour l'instant non tenue et qui vaut aujourd'hui au président de la République d'être traité de "menteur" par Jean-Jacques Bourdin. "Il ne l'a pas encore fait. Donc, aujourd'hui, je le dis, vous pouvez l'écrire, je considère que c'est un menteur" a affirmé, bravache, le journaliste.

Dans ce long portrait, l'anchorman de la matinale de RMC est également revenu sur l'éviction précipitée en août dernier de Jean-François Achilli, l'ex-directeur de la rédaction de RMC, seulement quelques semaines après avoir obtenu une interview exclusive de Jérôme Cahuzac.Le Canard Enchaîné avait depuis affirmé que ce départ aurait été directement exigé par Jean-Jacques Bourdin, furieux de ne pas avoir été associé au "scoop Cahuzac". "Jean-François s'est fait imposer la date, le lieu, et l'horaire de diffusion. Avoir l'entretien, c'était très bien. Mais on n'était pas obligé de passer sous les fourches caudines de la communication de Cahuzac", a simplement commenté Jean-Jacques Bourdin à l'évocation de cette affaire.

La chute

La chute

La belle idée européenne continue d’être dévoyée, déformée, trahie. De nouvelles décisions de Bruxelles qui ouvrent largement le droit d’asile (suppression de la "procédure prioritaire" droit au travail des demandeurs d’asile) et donc indirectement l’immigration, doivent être appliquées en France dans les mois à venir, sous peine de lourdes sanctions financières. Cette ouverture accrue, ce démantèlement des moyens de maîtrise des flux migratoires, dans un contexte où toutes les structures d’accueil et les capacités d’intégration se trouvent débordées, avec 3 à 5 millions de chômeurs, sont évidemment destructeurs. Comment en est-on arrivé là ? Le transfert de la  compétence à Bruxelles en matière de politique d’asile, de libre circulation et d’immigration (la communautarisation), remonte au traité d’Amsterdam de 1996-1997. A cette époque, je travaillais au ministère de l’Intérieur comme chargé de mission pour les affaires européennes et à ce titre, assistais aux réunions préparatoires du traité d’Amsterdam qui se tenaient au ministère des affaires étrangères. J’y défendais avec ardeur  la position de mon ministère, qui était aussi la mienne : transférer sans garanties un sujet aussi sensible à Bruxelles, c’est-à-dire pour l’essentiel, à la Commission européenne sous l’influence des associations sans-frontièristes, mène à une grave impasse. Une ambassadrice d’une soixantaine d’années, a-politique, discrète, simple, une vraie grande dame, ne cessait elle aussi de mettre en garde le Quai d’Orsay. Elle a été évincée de son poste. De mon côté, je me retrouvais seul face à une horde d’eurocrates français qui s’impatientaient de mes réticences. Un jour l’un d’eux est entré dans une colère noire, une rage folle : « L’Intérieur bloque tout ! L’Intérieur veut saborder la construction européenne ! L’Intérieur nous met les bâtons dans les roues! Puisque c’est ainsi, je soumets le projet (de traité d’Amsterdam) à l’arbitrage de Matignon ! » Nous étions en 1996. Le Premier ministre Alain Juppé a tranché, sans l’ombre d’une hésitation : tout devait basculer à Bruxelles. Dès lors, un engrenage était enclenché, car Bruxelles fonctionne comme un rouleau compresseur. Ses bureaucrates mettent sur la table des règlements et directives qui affaiblissent et paralysent toujours plus les gouvernements nationaux. Les ministres et les fonctionnaires français qui suivent ces dossiers au Conseil des ministres européen (représentant les Etats) sont psychologiquement et idéologiquement incapables de dire « non », avec leur phobie de « l’isolement » et d’étape en étape, nous nous retrouvons les pieds et les poings liés. Les hommes ou femmes politiques qui veulent aujourd’hui « sortir de Schengen (la libre circulation)» Mme Dati et M. Wauquier, après Sarkozy, se montrent plus lucides et audacieux que la moyenne mais leurs déclarations relèvent du vœu pieux: depuis le traité d’Amsterdam et ses suites, la libre circulation, (Schengen), est totalement imbriquée dans le droit européen. Seule la Commission européenne, dans la logique du système, a « le droit d’initiative » c’est-à-dire la faculté d’engager une réforme. Et pour elle, l’idée d’une « sortie de Schengen » relève de l’hérésie. Elle s’y opposerait jusqu’à sa dernière goutte de sang. Le monstre bruxellois, à mes yeux profondément anti-européen, ce Frankenstein conçu par des gouvernements nationaux dans un climat d’aveuglement, est en train de provoquer partout en Europe une montée vertigineuse des partis protestataires, de l’extrémisme, de la haine, du fanatisme, du racisme sous toutes ses formes, l’explosion des communautés nationales, une poussée de l’euroscepticisme alors que l’Europe, l’Europe des peuples et des nations, notre Europe que nous aimons, a tant besoin d’unité et de solidarité face aux défis planétaires. En France, seule l’arrivée au pouvoir d’une nouvelle génération politique éclairée, d’une personnalité de caractère, entourée d’une équipe lucide et visionnaire, soutenue par une large majorité de Français, capable d’affronter les tabous et une crise avec Bruxelles, permettrait peut-être de rompre avec cette logique infernale. Pour l’instant, nous ne voyons strictement rien venir, comme prisonniers d’un brouillard opaque, pauvres canotiers entraînés par un courant fou vers une chute finale dont le grondement se rapproche.
Je sais que Maxime Tandonnet demande de ne pas reprendre ses billets sur d'autres sites , sauf ceux indiqués par ses soins. Mais je suis en totale adéquation avec ce qu'il écrit et pense. Je me permets donc d'enfreindre sa demande, le sujet est par trop brûlant.