TOUT EST DIT

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dimanche 18 août 2013

La beauté est dans le regard

Cer­taines expres­sions sont comme les koans de la tra­di­tion zen : il faut beau­coup de temps pour en per­cer le vrai sens. Le dic­ton anglais "Beauty is in the eye of the behol­der" a long­temps fait, pour moi, par­tie de cette caté­go­rie.

"Beauty is in the eye of the behol­der" : lit­té­ra­le­ment, la beauté est dans l’œil de celui qui regarde. Prise à la lettre, l’expression signi­fie "sim­ple­ment" que le beau est un cri­tère sub­jec­tif, qui dépend du spec­ta­teur. Quelle qu’ait été l’intention de l’inventeur de la phrase – sous sa forme actuelle, elle date de la fin du 19e mais son idée remonte aux phi­lo­sophes grecs, j’ai un jour com­pris qu’elle avait un deuxième niveau de lec­ture : ce que nous voyons et com­ment nous l’interprétons dépend du regard que nous por­tons en géné­ral sur le monde.
Per­cep­tion sélective

Ce phé­no­mène est connu en psy­cho­lo­gie sous le nom de per­cep­tion sélec­tive : chaque jour, nous sélec­tion­nons, parmi les événe­ments dont nous avons connais­sance, ceux qui ren­forcent notre vision du monde. J’irais même plus loin : nous leur confé­rons en outre une signi­fi­ca­tion elle aussi conforme à nos opi­nions. La per­cep­tion sélec­tive est bien entendu un phé­no­mène incons­cient. Autre­ment dit, si nous n’y pre­nons pas garde, le monde qui nous entoure devient de plus en plus conforme à l’idée que nous nous en fai­sons. Et si cette idée est plu­tôt noire, et bien nous nous enfon­çons peu à peu dans un enfer que nous avons nous-même créé. L’enfer, ce n’est pas les autres, n’en déplaise à Jean-Paul Sartre. L’enfer, c’est nous-mêmes.
Si tu veux chan­ger le monde…
À la lumière de cette inter­pré­ta­tion construc­ti­viste du monde, la cita­tion "Si tu veux chan­ger le monde, com­mence par te chan­ger toi-même", géné­ra­le­ment attri­buée à Gandhi, prend un tout autre sens. Il ne s’agit pas tant de se chan­ger soi-même que de chan­ger la per­cep­tion que nous avons du monde. Notre vision de la réa­lité, plus ou moins biai­sée dans un sens ou dans l’autre, requiert notre atten­tion avant de nous pen­cher sur la réa­lité elle-même. Dans la tra­di­tion boud­dhiste, le nir­vana n’est d’ailleurs rien d’autre que cela : le pra­ti­quant a enfin repoussé les voiles de l’illusion et de la dua­lité et voit le monde tel qu’il est réellement.
L’idée est que nous devons aban­don­ner tous nos points de réfé­rence, toutes nos idées reçues sur ce qui est ou devrait être. Alors seule­ment il nous sera pos­sible de vivre direc­te­ment l’expérience de l’unicité et de la vita­lité des phénomènes.
Chö­gyam Trungpa

La première concubine en pédalo libre


Dans une photo double page intérieure, on voit la première concubine de France rouler à vélo le long du Grand Canal à Versailles : "vers de frais ombrages", "elle a repris le cours de ses activités de première dame". Les socialistes osent tout, c'est même à cela qu'on les reconnaît : oser une photo aussi "posée" va faire marrer tous les internautes. Mémé se la fait cool avec une main sur sa cuisse gôche tout en téléphonant avec son portable tenu à l'oreille droite de l'autre main tout en pédalant... apparemment...

Le photographe officiel a dû mettre une sacrée vitesse, les rayons des roues sont immobiles... Ou alors, la rombière est posé sur un vélo fixé au sol... Ce qui expliquerait bien cette position "décontractée". Enfin, on peut admettre vu son CV que Valérie a un sacré sens de l'équilibre et un mépris total pour les règles de sécurité concernant les cyclistes.
Pourvu que Flanby soit plus prudent et ne se noie pas en perdant l'équilibre sur son pédalo, qui, lui, doit suivre sur le Grand Canal, ce que Paris Match ne précise pas.

La liberté du pauvre


Le Nouveau Parti Anticapitaliste lance une levée de fonds avec un objectif d'un million d'euros. L'occasion de rappeler à tous ceux qui refusent le capitalisme de laissez-faire en défense des plus pauvres qu'ils se fourvoient, et pas qu'un peu.
On considère souvent que le capitalisme [1] est par nature favorable aux riches et défavorable aux pauvres, qu'il creuse injustement les inégalités et que l'histoire l'a bien montré.
Quand Marx écrivait, il décrivait l'exploitation de travailleurs condamnés à la pauvreté et contraints à travailler pour leur subsistance ; le chômage, structurel, permettait aux bourgeois de maintenir les salaires à leur plus bas niveau et les prolétaires se trouvaient aliénés, privés d'une partie des fruits de leur travail : le profit. Même les capitalistes auraient compris l'intérêt d'augmenter les salaires : Henri Ford par exemple aurait augmenté les salaires pour que ses ouvriers puissent s'acheter ses voitures.
En réalité, le capitalisme n'a pas créé la pauvreté ; il en a hérité. Les conditions de vie certes peu enviables des pauvres au début de l'ère capitaliste constituaient une vraie amélioration par rapport aux conditions de vie qui prévalaient auparavant ; les pauvres avaient enfin de quoi subsister, et leurs conditions de vie n'ont fait que s'améliorer depuis. Le capitalisme a augmenté le niveau de vie des plus pauvres plus qu'aucun système collectiviste.
Quant à Henri Ford, les fameux 5 dollars par jour étaient destinés à recruter les meilleurs et limiter le turnover dans ses ateliers, les changements récurrents et réguliers d'ouvriers générant des coûts de recrutement et formation importants. Les 5 dollars étaient en réalité 2,5 dollars fixes et le reste en primes, versées principalement aux ouvriers qui vivaient en bons Américains ; mieux valait pour les toucher ne pas être une femme, ou avoir une femme qui restait au foyer. Il n'avait pas grand chose à faire de savoir si ses employés pouvaient se payer ses produits, comme Hermès ou Airbus ne cherchent sans doute pas à ce que leurs salariés le puissent.
Il n'est pas si difficile de comprendre pourquoi le capitalisme augmente le niveau de vie de tous ceux qui y prennent part. Quand les hommes choisissent librement c'est, dans tous les domaines, le meilleur qui gagne. Tous ceux qui prennent part à la production en bénéficient ; productivité, innovation, efficience ne bénéficient pas uniquement à ceux qui les déploient, mais aussi à tous les autres.
Certes, certains subissent de plein fouet la concurrence des meilleurs et doivent s'adapter. Les producteurs de chandelles ont un marché bien plus restreint de nos jours qu'avant l'invention des ampoules. Les allumeurs de réverbères sont au chômage. Les maréchaux-ferrants sont bien moins nombreux. La concurrence bénéficie à tous, mais génère une destruction créatrice qui crée des situations difficiles pour certains.
Les producteurs d'acier en Europe, par exemple, qui font face à des producteurs étrangers à bas coût. Maisempêcher cette concurrence, ou subventionner les usines européennes, c'est détériorer le niveau de vie général de la population ; c'est renforcer la pauvreté. Le statu quo, ce n'est pas le progrès.
Le capitalisme ne fait pas non plus l'éloge des plus compétents, laissant les autres à l'écart. Ayn Rand, souvent considérée comme une libérale extrême pour son éthique sans concessions, a écrit :
Un homme aux capacités limitées qui s'élève, par son propre effort, de travailleur non qualifié à contremaître fait carrière, au sens propre et éthique du terme ; alors qu'un homme intelligent qui stagne à son poste de président en utilisant un dixième de ses capacités ne fait qu'occuper un poste. De même que le parasite qui occupe un poste trop grand pour ses compétences. Ce n'est pas le niveau de compétence qui est pertinent en termes d'éthique, mais l'utilisation pleine et sensée des compétences.
Souvent, la critique du libéralisme utilise des oppositions que le libéralisme ne fait pas : puissants contre petites gens, riches contre pauvres, bourgeois contre prolétaires. Et si le libéralisme ne les fait pas, c'est parce qu'il n'y a pas pour les libéraux de conflits entre différents groupes mais une harmonie d'intérêts dans le respect des droits individuels ; il n'y a pas de groupes qui s'opposent mais des individus qui coopèrent, s'entraident, échangent librement.
Voyons un peu ce que disait Ayn Rand sur les riches et les pauvres, en particulier sur les pauvres :
L’Amérique est le pays de l'homme extraordinaire. C'est le pays où chacun est libre de développer son génie, et d'être justement récompensé. C'est le pays où chaque homme tente de développer ses qualités et de s'élever aussi haut qu'il le peut, très haut ou modeste. Ce n'est pas le pays où on se gargarise, ou où on apprend à se gargariser, de sa médiocrité. Aucun homme qui se respecte en Amérique ne se considère comme "petit", aussi pauvre qu'il soit. C'est ceci, précisément, qui distingue le travailleur américain du serf européen.
Le libéralisme, le capitalisme de laissez-faire bénéficient aux pauvres plus qu'aucun autre système. Ce n'est pasl’État-providence ou la régulation par l’État de l'économie qui permettent aux plus vulnérables d'avoir des conditions de vie décentes ; ils les en empêchent. C'est le marché qui le permet, en permettant à chacun d'exprimer ses talents et d'en faire bénéficier les autres.
Quel est le lot commun des pauvres dans les pays socialistes, communistes, ou quel que soit le nom que vous donneriez à toutes les tentatives passées et présentes de faire disparaître la liberté au profit de l'égalité des conditions ? A-t-on jamais entendu un dictateur se dire libéral, vanter l'individualisme et exhorter les individus à poursuivre la quête de leur propre bonheur ?
Le capitalisme est moral parce qu'il récompense l'utilisation des talents ; le socialisme et le communisme sont immoraux parce qu'ils la sanctionnent.
Certes, l'égalité des droits ne garantit en rien l'égalité des conditions, au contraire.
Les hommes n'étant pas dotés des mêmes capacités, s'ils sont libres, ils ne seront pas égaux, et s'ils sont égaux, c'est qu'ils ne sont pas libres. (Alexandre Soljenitsyne)
Les hommes n'ont pas tous les mêmes talents, les mêmes compétences, les mêmes aptitudes ; presque toutes peuvent être développées par le temps et l'effort, mais certains seront mieux lotis à la naissance, tant par leur nature que par leur environnement. Faut-il les pénaliser pour cela, considérer que ce qui relève du hasard est injuste et tenter de rétablir la justice en commettant une injustice plus grande, en détruisant les fondements de la justice, en entravant les talentueux et en les empêchant d'exprimer leurs talents ?
Les inégalités sociales ne sont pas des injustices tant qu'elles résultent des libres choix des individus. En voulant lutter contre elles en luttant contre le libre choix des individus, on ne peut que les condamner, non seulement à l'injustice et à la privation de liberté, mais aussi à la pauvreté.
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Note :
  1. Le vrai capitalisme, le capitalisme de laissez-faire, par opposition au capitalisme de copinage et à l'économie mixte qui prévalent un peu partout et portent à tort le nom de capitalisme 

Athènes réinventée par la crise

Le projet de rénovation urbain de la capitale grecque fait les frais du plan d'austérité approuvé début mars par le gouvernement pour remédier à l'état calamiteux des finances publiques. Faute d'argent, il va falloir suivre d'autres pistes, à commencer par la lutte contre les voitures et un développement urbain chaotique.

L’une des premières initiatives du Premier ministre grec Georges Papandréou après sa victoire électorale en octobre dernier, fut d’inviter l’architecte catalan Josep Acebillo àAthènes. Ce geste témoignait de la volonté du nouveau gouvernement socialiste de changer le modèle de développement urbain désastreux qui, après les espoirs soulevés par les Jeux olympiques de 2004, avait repris ses mauvaises habitudes : spéculation, corruption dans la concession de licences et invasion de la voiture. Cinq mois plus tard, après un plan d’austérité draconien exigé par les leaders européens pour éviter une défaut de paiement de la dette grecque, il est évident qu’il ne restera pas un centime d’euro pour mener ce projet à bien. Une énorme tache de béton blanc entre des montagnes calcinées : Athènes est la ville européenne qui offre le moins d’espaces verts. Avant la crise, elle avait déjà bien des défis à relever, entre les incendies de forêts qui ont ravagé sa banlieue et le délabrement de son centre ville. Elle paie aujourd’hui des années d’insuffisance de budgets publics et de pénurie financière dans le secteur immobilier. "Nous allons devoir réaliser des interventions sans argent”, déplore Andreas Kourkoulas, architecte du nouveau musée BenakiLes voitures ont dévoré la ville C’est là une situation que partagent de nombreuses villes de la périphérie de l’Europe, urbanisées trop vite il y a quarante ou cinquante ans. L'objectif est loin d’être simple. Mais, paradoxalement, selon Yanis Pyrgiotis, du service public de planification urbaine, c'est peut-être une occasion de renouer avec l’esprit civique qui était apparu de façon éphémère avant les Jeux de 2004.
Mais la grande priorité est "la guerre à l’automobile", rappelle Kourkoulas. La première conséquence des années de consommation à tout va et de l'endettement des particuliers est que les voitures ont dévoré Athènes. La Grèce est le pays de l’OCDE dans lequel le parc automobile s’est le plus développé depuis une quinzaine d’années. Entre 1993 et 2006, le nombre de voitures pour 1 000 habitants a augmenté de 118 %, contre 40 % en Espagne et 24 % en Allemagne, selon l’OCDE. On ne voit pratiquement pas de vélos dans le centre d’Athènes. Et les quartiers sont étouffés par les voitures en stationnement.
"En Grèce, ce sont les mentalités qu'il faut changer" L'austérité qui est désormais de rigueur va paradoxalement permettre d'améliorer la situation, assure Pyrgiotis : "On a arrêté la construction de routes et de tunnels qui favorisait l’extension de la ville sur les campagnes." Les architectes espèrent que, lorsque la tache d’huile sera circonscrite, davantage de Grecs de la classe moyenne iront s’installer dans le centre, où de grandes concentrations d’immigrés à faibles revenus sont désormais installées. Mais "pour cela, nous devons avant tout lutter contre la dégradation de l’espace public dans le centre”, souligne-t-il. Avec près de cinq millions d’habitants –  la moitié de la population de la Grèce  – , Athènes ne compte que 2,5 m2 d’espace vert par habitant, soit un quart de la superficie en vigueur en Europe centrale et septentrionale. La solution en ces temps de vaches maigres : "Transformer les rues en jardins linéaires, les rendre piétonnes, aménager des espaces où on puisse jouer de la musique”, propose Kourkoulas. "Mais ce sera impossible si nous ne retirons pas les voitures stationnées dans les rues et sur les trottoirs”, ajoute-t-il.
Dans les montagnes des environs de la capitale, on a interdit toute construction au-delà des limites actuelles pour mettre le holà aux incendies que l’on soupçonne criminels  pour ouvrir la voie aux promoteurs. "Vous verrez des tours de grand standing construites après l’incendie de 2007”, signale Pyrgiotis. Une chose est sûre : "En Grèce il ne suffit pas de voter une nouvelle loi pour changer quelque chose ; ce sont les mentalités qu’il faut changer”, martèle Yiannis Panaretos, vice-ministre de l’Education. Mais l'avantage d'une ville aux caisses vides, c’est que les spéculateurs n’ont pas d’argent non plus.

Ce qui se dit de Hollande chez les bourges...

Depuis un an, les Français « de la haute » ont le moral au plus bas. sa politique les désole, les obsède. Ils hurlent au « riches bashing », menacent d'aller voir ailleurs si l'impôt est plus doux, et guettent, inquiets, les rumeurs de révolte sociale... Coup de sonde dans les cercles de la grande bourgeoisie.

Droite dans son canapé en daim beige, Christine, la soixantaine impeccable, distribue les bons points en même temps que les petits sablés bretons : « J'avoue que la presse m'a agréablement surprise, ces derniers mois. J'avais été tellement choquée par son antisarkozysme. C'était insupportable, vraiment. Mais là, je dois reconnaître que Hollande, vous ne le loupez pas non plus ! » 

Un sourire. Christine, très bourgeoise, un brin délurée, s'amuse de son bavardage assassin : « Hollande, vraiment, je le déteste. C'est un tout petit bonhomme. Oh là là, qu'il est mou ! Remarquez, ça n'est pas que je sois très fière de la droite en ce moment, c'est vrai, ses chefs sont nuls. On verra dans quatre ans. Mais voter pour Hollande, ça, non : jamais ! Je le dé-teste. » 

Quand Christine reçoit des amis dans son grand appartement du VIIe arrondissement parisien rempli de bibelots et de photos de famille, il ne s'en trouve pas beaucoup pour défendre le président de la République. En fait, aucun. De la gauche caviar à la droite tradi, en passant par les tribus du bling-bling ou les princes du CAC 40, François Hollande fait l'unanimité contre lui ! 

En un an, il est devenu la cible obsessionnelle des Français d'en haut, leur némésis. De lui, on n'aime rien, on critique tout : sa politique, son tempérament, ses discours, sa cravate, son gouvernement, et même sa compagne, jugée « antipathique »« Il paraît qu'elle n'a toujours pas divorcé de son dernier mari... »glisse Christine. C'est faux. Mais qu'importe. 

La vie sous Hollande déprime les grands bourgeois. L'homme ne serait dramatiquement pas à la hauteur de la crise inédite qui frappe le pays. Non qu'ils étaient tous babas de Sarkozy. Mais le sentiment d'avoir un exécutif en deçà du niveau requis s'est aggravé. « La façon dont ce gouvernement gère le pays, ce n'est pas mal, c'est pire que mal ! » se désole Jean, les bras encore chargés des denrées achetées sur le marché d'Auteuil. « Avec lui, c'est : demain, on rase gratis », râle-t-il encore, incapable de prononcer le nom de François Hollande, comme si ce simple patronyme lui écorchait les lèvres. 

Dans les milieux patronaux, l'exaspération le dispute parfois au mépris. Ou au désespoir. « J'ai l'impression qu'on démolit mon pays. Cela tient au gouvernement qui ne prend pas les bonnes décisions, par exemple en refusant le gaz de schiste. Cela tient aussi à l'euro qui nous ruine peu à peu, soupire le célèbre banquier d'affaires Philippe Villin, qui s'est récemment mis à prendre du Mopral pour apaiser de méchants maux d'estomac. N'ayez pas l'air aussi surpris : ça m'affecte vraiment, ce gâchis. J'en pleurerais ! » C'est le blues de la haute... 

De lignée aristocrate, Bruno, cadre dirigeant expatrié depuis vingt ans pour une grande entreprise française, a, lui, été hérissé par les mois de débat sur le mariage homo : « Comme prévu, à défaut d'être efficace sur le plan économique, le gouvernement adopte des mesures sociétales pas vraiment nécessaires, voire scandaleuses. » Entraîné par sa famille, lors d'un séjour parisien - « traditionnelle, plutôt catho et très choquée par la méthode » -, à un défilé de La Manif pour tous, Bruno se dit plutôt en faveur d'un Pacs étendu. « Cela a été une vraie erreur de Hollande. Il aurait fallu faire un référendum pour légitimer le mariage homo, alors qu'on a voulu faire passer ça comme un collectif budgétaire. Cela n'est pas normal », s'énerve ce fils de militaire, grand lecteur du Monde.


SE FAIRE LA MALLE

Mais le sujet qui est de toutes les conversations, celui qui squatte les greens des terres bretonnes, hante les dîners à Saint-Trop et s'invite à l'entracte, salle Pleyel, ce sont les impôts ! Une « spoliation », qui ferait fuir en masse les forces vives du pays vers les places bordées d'acacias du quartier d'Uccle, à Bruxelles, ou vers les rives accueillantes du lac Léman, entre Genève et Lausanne. 

Les pointages officiels - très rares, il est vrai, sur le sujet - n'apportent guère d'eau à ce moulin-là, mais pas besoin de validation de l'Insee : chacun connaît un ami, un cousin, un collègue qui s'est fait la malle (Vuitton). Ça serait l'hémorragie, l'exil dégoûté, le claquage de porte punitif : « Si c'est comme ça, faites sans mon fric que vous détestez tant ! »


« ILS SONT ANXIEUX »

« A Neuilly, tous ceux qui possèdent un appartement à plus de 2,5 millions vendent et partent en Belgique », assure un spécialiste de l'immobilier de luxe. Qu'importe si la taxe à 75 % - la plus emblématique - a été retoquée par le Conseil d'Etat. Qu'importe, également, si le gouvernement est revenu sur ses projets de taxer plus durement les cessions d'entreprise... 

« Nos clients qui s'exilent nous disent que, entre ISF, succession, et maintenant augmentation de l'imposition des dividendes et des plus-values de cession, impossible de rester. On assiste à une vague considérable de départs d'entrepreneurs, alors que, auparavant, c'était plutôt des inactifs ou des gens proches de la retraite qui partaient », indique Charles-Marie Jottras, président de Daniel Féau Conseil immobilier. 

Philippe Villin, lui, confirme le ras-le-bol généralisé, en commençant par le sien : « Si je n'y travaillais plus, je ne resterais pas en France, car la situation fiscale, déjà mauvaise avant l'élection de François Hollande, est devenue insupportable. » « Les grands bourgeois sont anxieux. Ils ne savent pas ce qui va se passer pour eux, la politique fiscale étant instable », témoigne un connaisseur de ce petit milieu. 

L'argent ne se dépense qu'avec parcimonie. « On sent une certaine crainte. Les clients font beaucoup plus attention qu'avant. Ils partent toujours deux mois en vacances, mais dans leur famille », confirme Corinne, boulangère dans le XVIe arrondissement de Paris. 

Corollaire du sujet des impôts, l'immobilier est également de toutes les conversations. « Les gens vendent leur propriété, y compris la résidence secondaire familiale, c'est nouveau », souligne Blanche de Kersaint, directrice de la rédaction du Bottin mondain. 

A l'écouter, son célèbre inventaire des happy few prendrait aujourd'hui des allures de vulgaire annuaire des PTT : de plus en plus de membres n'y signalent désormais qu'une seule adresse parce qu'ils ont vendu le château en Sologne ou la résidence dans le Bordelais - trop chers à entretenir... « A Paris, en revanche, les gens ont moins envie de se séparer de leur bien, à cause de la crise immobilière. S'ils attendent trois ou quatre ans, ils vendront peut-être 15 % plus cher », poursuit Blanche de Kersaint. Mais certains partent sans se soucier de la moins-value.


UN « PAYS SCLÉROSÉ »

Beaucoup de jeunes, notamment, « braderaient » leur trois pièces des beaux quartiers et s'envoleraient pour Londres, Hongkong, Singapour, ou même le Mexique - la Belgique et la Suisse étant trop plan-plan pour eux. Ils partent, encouragés par leur famille inquiète pour leur avenir dans un « pays sclérosé »

Dans l'Ouest parisien, les parents embauchent une nounou chinoise, inscrivent leurs chères têtes blondes dans des écoles où l'on enseigne le mandarin à peine après avoir appris à lire et à écrire. « Nous voulons le meilleur pour nos enfants. On sait que la seule solution, c'est qu'ils partent à l'étranger », confie une jeune maman des beaux quartiers. 

« Dans les milieux des affaires, c'est très simple : les enfants, on se les échange en stage, avant de les envoyer faire carrière à l'étranger », résume un chasseur de têtes. « Je n'ai plus un seul neveu en France,avoue pour sa part Blanche de Kersaint. Les jeunes diplômés de milieu traditionnel bourgeois partent pour des questions professionnelles. Ce n'est pas en France qu'ils vont pouvoir "faire du fric", comme ils disent.Tout ça provoque un éclatement des fratries, il devient de plus en plus compliqué de se retrouver. Cela préoccupe les familles. » 

D'indécrottables égoïstes, les bourges français ? Des mercenaires de la sicav, prêts à déserter en masse sitôt leur magot menacé ? La réalité est plus nuancée... D'abord, le caractère hémorragique de cette fuite est en partie le résultat d'un fantasme, l'effet d'un tam-tam dépité qui transforme le départ de quelques-uns en exode. « L'épargnant français est râleur. Mais il est aussi patriotique et chauvin, assure Charles Egly, cofondateur de Prêt d'union, une plate-forme qui permet à des investisseurs-prêteurs aisés de financer directement les besoins en crédit à la consommation des ménages sans le sou. Même dans un contexte difficile à accepter pour eux, ils préfèrent investir dans l'économie réelle plutôt que de déserter.» 

Selon un sondage réalisé par Prêt d'union et l'Ifop, 82 % des Français les mieux lotis estiment ainsi que le premier devoir des riches est de payer leurs impôts en France. Seuls 8 % envisagent réellement de quitter le pays pour des raisons fiscales. « Nos prêteurs sont persuadés que les initiatives personnelles sont plus rapides, plus efficaces que l'action publique. Ils sont très concernés par le sort économique de la France, et très souvent en désaccord avec les politiques, de droite ou de gauche. Mais ils veulent aider », poursuit Charles Egly.

« TOUT


 VA 


PÉTER »...


Les invités du Point Michèle Cotta Michèle Cotta : Valls vs Taubira, une question d'idéologie(s)

Les désaccords des ministres sur la réforme pénale témoignent de deux visions de la justice. Mais au-delà de l'idéologie, il faut savoir faire preuve de bon sens.


La polémique qui oppose la garde des Sceaux et le ministre de l'Intérieur est loin d'être la première du genre : Élisabeth Guigou et Jean-Pierre Chevènement, sous Lionel Jospin, ne se sont fait aucun cadeau. Plus tard, en 2010, Michèle Alliot-Marie, ministre de la Justice après avoir occupé elle-même le poste de ministre de l'Intérieur, ne s'est pas privée de lancer quelques phrases très désagréables sur son successeur Brice Hortefeux, notamment pour défendre les juges d'application des peines, mis en cause par l'hôte de la Place Beauvau, ou sur le couvre-feu décidé pour les mineurs. Bref, ces polémiques sont traditionnelles. D'autant qu'elles doivent beaucoup au jeu de rôles entre ministres d'un même gouvernement : le ministre de la Justice se fait le porte-parole des magistrats et de leurs syndicats, auquel il ne veut pas déplaire. Le ministre de l'Intérieur prend la défense des policiers, qui s'indignent lorsqu'ils voient un délinquant appréhendé avec grande difficulté par eux remis dans la nature par les juges. 
Dans le conflit actuel sur la réforme pénale, porté au grand jour parLe Monde, il y a cependant autre chose : une remise en cause frontale de la politique de la gauche en matière de sécurité. Une première. Manuel Valls ne fait certes que reprendre des arguments qui sont les siens depuis au moins 2002. Il s'agit d'arguments répondant aux craintes de l'opinion publique sur la récidive, la remise de peines, et plus largement sur l'insécurité. Et c'est là que les convictions de Manuel Valls deviennent presque hérétiques pour une certaine gauche. Pour lui, le laxisme idéologique de la gauche est une des causes, sans doute la plus importante, de la défaite de 2002. Il n'a cessé de le répéter avant la campagne électorale de François Hollande. Pendant la campagne, il s'est employé à ce que, après avoir laissé entendre en janvier qu'il était favorable à la suppression des peines planchers, le candidat socialiste prenne du recul sur le sujet, en lançant sur le plateau de France 2 en mars que les peines planchers ne seraient supprimées que lorsque "l'on aura trouvé un nouveau mécanisme qui permet d'éviter la récidive". Bref, Manuel Valls a toujours partagé et fait sienne en la matière l'orientation, très contestée par le PS déjà en son temps, de Jean-Pierre Chevènement.

Des citoyens moins idéologues que leurs dirigeants

C'est que l'idéologie, sur ce sujet, règne de façon absolue, à gauche comme à droite : la droite se veut et s'affirme sécuritaire d'abord, tout en lâchant du lest parfois, comme Dominique Perben sur la remise de peine ou comme d'autres sur le surpeuplement des prisons. La gauche défend les vertus de la prévention, l'homme étant comme on le sait perfectible, et plaide que la répression seule ne suffit à éradiquer ni les crimes ni les délits. La vérité, comme souvent, est bien sûr au milieu : la prévention est nécessaire mais pas suffisante, la répression est indispensable mais ses effets sont limités. 
Si l'affrontement, donc, tient aux idées et pas aux réalités, aucune réforme pénale ne passera le cap d'une alternance politique ; au nom des grands principes, ce qui a été fait par un gouvernement ou un président sera forcément défait par le suivant. Et les réalités, quelles sont-elles ? Que l'insécurité, ou le sentiment qu'on en a, fait peur aux citoyens, qui se veulent à l'abri d'incivilités ou d'agressions et attendent de l'État qu'il les protège. Qu'on ne peut pas rendre leur liberté à de jeunes récidivistes comme si l'État prenait son parti de fermer les yeux sur la petite criminalité. Que la prison est la pire des solutions, mais qu'elle s'impose pour ceux qui menacent, de façon durable et prévisible, la sécurité des citoyens. Mais ils savent aussi, les Français, qu'on ne peut pas traiter tous les délinquants de la même façon, qu'on ne peut pas mettre sur le même plan, et notamment en prison, les délinquants de la route qui n'ont pas respecté la limitation de vitesse requise et les délinquants sexuels dont on sait que le taux de récidive est au plus haut. Que mieux vaut, à coup sûr, un délinquant réinséré à la fin de sa peine qu'un homme marqué de façon indélébile par sa condamnation, même après l'avoir purgée. Qu'on peut abréger certaines peines, mais pas toutes. En réalité, dans leur grande majorité, les citoyens sont moins idéologues que leurs dirigeants. Ils comprennent à la fois que la fermeté s'impose et qu'elle puisse s'assouplir selon les cas. Et si, entre la répression et le laxisme, il n'y avait pas, au milieu, tout simplement, le bon sens ?