TOUT EST DIT

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mercredi 14 août 2013

Bercy et la Lanterne

Bercy et la Lanterne


« Trop nuls ces journalistes ! » Nos confrères de Nice-Matin et de l' AFPn'ont rien compris aux déclarations de Pierre Moscovici. À leur décharge il convient de plaider que faute de lire le Bercy dans le texte on a du mal à comprendre que notre économie aille enfin mieux et que la conséquence en soit l'obligation de revoir les indices de croissance à la baisse et les impôts à la hausse. En disant dans un même souffle que la croissance évoluerait entre -0,1 % et +0,1 %, que la France sortait de la récession et amorçait sa reprise, le ministre sème le trouble, apporte une polémique sur un plateau doré à l'opposition qui n'en espérait pas tant et régale, in petto, Laurent Fabius qui sans doute s'est relevé sur sa serviette pour persifler que décidément il faudra un jour nommer un vrai patron à Bercy.
Mauvais début de vacances pour Pierre Moscovici qui a dû se précipiter, le week-end durant, dans tous les médias où il y avait de la lumière pour rectifier sa bourde et arguer de la docte ignorance des journalistes qui portent les mauvaises nouvelles. Hélas, ce marathon dominical n'a pas rendu plus claire la pensée du ministre des Finances bien à la peine pour organiser les informations et livrer enfin un diagnostic juste.
Pour faire bonne mesure dans le ratage de son exercice de communication vacancière, Moscovici annonce l'augmentation de 0,3 % des prélèvements obligatoires et reçoit aussitôt en boomerang les critiques de la droite qui fait comme si, en matière d'impôts, elle détenait quelque remède miracle qu'elle aurait oublié d'appliquer. Le fond n'est pas en cause. À défaut d'avoir réussi à réduire ses dépenses en taillant à la hache, depuis des années, dans les budgets sociaux et de la fonction publique, l'État doit se résoudre à relever l'impôt pour trouver les recettes qui lui permettront, par l'investissement, d'accueillir la relance.
Mauvaise pioche sur la forme par contre. Le patron de Bercy en voulant se prendre pour la Lanterne a anéanti, en deux fautes, la stratégie de François Hollande. Et ruiné les habiletés souriantes du chef de l'État pour délivrer le message d'optimisme et de confiance dans une politique qui finirait bien par porter ses fruits et permettrait d'en venir à ses promesses. Sûr qu'il s'est fait allumer.

Amalgames ordinaires

Amalgames ordinaires


C'est le racisme ordinaire qui augmente en France, plus que l'islamophobie. D'ailleurs, si vous demandez à un quidam ce qu'est l'islam, une fois sur deux, il vous répond « c'est la religion des Arabes ». Nous sommes un pays autocentré qui n'aime pas les étrangers et il y a fort à parier que, si les immigrés étaient en majorité bouddhistes, ce sont eux qui porteraient tous les péchés de notre société. À moins que leurs crânes rasés ne leur vaillent quelques indulgences. Par un de ces amalgames dont le débat national a le secret, nous avons mélangé les notions, assimilées islam et extrémisme, banlieue et intégrisme, intégration et confession, religion et fondamentalisme. Et tout cela regroupé sous la bannière commode et erronée de l'islamophobie.
La lepénisation des esprits a causé de gros dégâts dans une France qui finit par avoir peur d'elle-même et où la dédiabolisation du Front national est regardée, voir analysée, comme une étape normale sur le chemin des 30 % de votants pour ce parti raciste et xénophobe. Un parti dont les groupuscules de sa mouvance peignent des croix gammées sur les murs de leurs exactions accablantes.
Depuis longtemps l'exemple vient d'en haut. Defferre et les immigrés qui apportent la délinquance, le bruit et les odeurs de Chirac, l'hypocrite débat sur l'identité nationale, la droitisation de la campagne de Sarkozy par le tea-partyste Buisson, Valls et ses annonces à double tranchant. Aux « étrangers fainéants qui nous prennent nos emplois, nos allocs, nos remboursements de la Sécu », nous avons ajouté les pauvres, les sans emploi, les clochards, les Roms et tous les irrécupérables qui sont le cancer de la société. Comment s'étonner dès lors qu'un militaire désaxé et inspiré par le fou norvégien projette de s'attaquer à la mosquée de l'URSSAF parce que voisine de la caisse de Vénissieux ?
Avec la contribution malsaine des enfants d'immigrés qui sifflent « la Marseillaise » et le drapeau tricolore, nous sommes en train, de mots malheureux en attitudes ambigües, de réveiller la bête hostile à la démocratie. Le combat se gagnera dans le champ politique et social, pas dans les rassemblements de bonne conscience qui ne font qu'attiser les haines.

Haute voltige

Haute voltige


La pénibilité sera l'angle d'attaque du Premier ministre pour ouvrir le chantier de la réforme des retraites auquel il ne peut échapper et qui politiquement est un brûlot en année électorale. L'ancienne majorité soumise à rude épreuve par les socialistes saura s'en souvenir. La réouverture du dossier est pourtant inévitable. François Fillon, déjà, savait qu'au-delà de l'urgence à colmater les déficits des caisses, les solutions n'étaient que provisoires et soumises à une clause de revoyure obligée pour les futurs gouvernements. Ce qui n'était pas perceptible à l'époque, c'était la récession. 1,8 ou 2 % de croissance, c'est un million de chômeurs en moins, donc un million de cotisants supplémentaires et un problème qui n'existe plus. Avec de moins en moins d'actifs il devient, au contraire, une urgence.
C'est l'été, les vacances, les questions compliquées ne sont pas au hit-parade, mais le sujet devra, à la rentrée, être abordé frontalement, en parlant vrai et en expliquant que l'on ne peut continuer de faire payer les générations à venir en n'étant pas sûr de leur garantir une retraite. Pour cela, la gauche n'a qu'une fenêtre de tir : la pénibilité et l'exonération de sacrifice pour les travailleurs soumis aux emplois difficiles.
C'est un exercice compliqué, car la revendication sur la pénibilité sera forte et il y aura foule au portillon des travailleurs de force. Le gouvernement devra fixer les bornes de la pénibilité pour ne pas la gérer avec trop de largesses et risquer ainsi de perdre le bénéfice des efforts demandés. Exercice compliqué aussi pour le Premier ministre, dont on voit mal comment il échappera à la modification de la situation des fonctionnaires. Il pourrait, pour franchir cet obstacle, choisir d'avancer dans l'unicité des régimes. Mais, sauf à découvrir qu'un kamikaze sommeillait sous le prof d'allemand, on imagine mal Jean-Marc Ayrault s'attaquant aux régimes spéciaux.
C'est de la haute voltige politique. Les résultats positifs, si résultats positifs il y a, ne seront perceptibles que dans vingt ans et font donc courir aux socialistes le risque d'une sanction électorale brutale. Même ses électeurs les plus endurcis ne votent pas pour la gauche quand elle les pénalise dans leurs avantages acquis.

L'équation à plusieurs inconnues de François Hollande


Après quelques congés studieux pour le président de la République, le Premier ministre et le gouvernement, la rentrée promet d'être difficile. Tous les indicateurs le démontrent et, en premier lieu, les sondages de popularité du gouvernement. Si cela peut rassurer le gouvernement, la cote des responsables politiques de façon générale n'est pas au beau fixe mais il n'y a pas de raison de se réjouir de la perte de crédibilité des acteurs politiques, même s'il convient de ne pas faire de généralisations sur ce thème.
Malgré un plan de communication bien étudié montrant un président à l'écoute de préoccupations des Français, les indicateurs économiques et financiers ne sont pas rassurants. Selon le fond monétaire international, la France n'a toujours pas réussi le pari de la réduction des dépenses publiques, le gouvernement ayant trop axé son action sur les impôts faisant de ce pays l'un des pays où les prélèvements obligatoires sont les plus élevés.
Le gouvernement a beau expliquer que cette augmentation des dépenses publiques provient en partie de dépenses budgétaires européennes exceptionnelles (mécanisme européen de stabilité et banque européenne d'investissement), il n'en demeure pas moins que cette explication ne suffit pas et ne répond pas aux remarques du FMI.
Il est en effet plus facile techniquement et politiquement de prélever l'impôt que de réduire drastiquement les dépenses publiques. Surtout s'il s'agit, comme le répète à l'envie le ministre de l'économie, de prélever l'impôt dans le cadre de la "justice sociale", ce qui revient, il faut bien l'avouer, à ponctionner essentiellement les classes moyennes, réservoir électoral du parti socialiste selon l'adage qui veut qu'un impôt efficace est un impôt injuste, c'est-à-dire celui qui touche le plus grand nombre de contribuables, donc pas les plus riches ni bien sûr les plus pauvres, mais ceux qui représente la majorité écrasante des contribuables.
Il s'agit du premier risque qui guette le gouvernement. Ponctionner à ce point les classes moyennes contribue forcément à diminuer le pouvoir d'achat et donc à compromettre la relance par la consommation en ce compris les fonctionnaires. A cet égard, revaloriser l'indice des seuls fonctionnaires de catégorie C au motif que ces derniers représentent environ 47% des effectifs des fonctionnaires ne constitue pas une solution à la crise et pose un problème au regard de la diminution du pouvoir d'achat des catégories B et A (personnels d'encadrement de direction) à qui il est demandé d'en faire toujours plus dans des conditions difficiles, même si bien sûr, disposer d'un emploi sûr constitue en soi un privilège.
Certes, réduire de façon drastique le dépense publique apparaît comme une chose difficile. Les résultats des décisions prises depuis quelques années voire cette année pour les effectifs du ministère de la défense, se feront sentir dans les années qui viennent. Mais les résultats doivent être plus rapide si l'on comprend bien tant le FMI que l'OCDE qui, conjointement, pointent du doigt des spécificités bien françaises, telles que le poids des dépenses sociales... Selon l'OCDE, la France est la championne des dépenses sociales, soit environ 33% du PIB en 2013 alors que la moyenne des pays de l'UE est de 25% et 22% pour l'OCDE...
Hélas, il n'y a donc pas de miracle ; comme le disait l'économiste de renom et ancien Premier ministre Raymond Barre, la France ne peut plus vivre au-dessus de ses moyens et, bien sûr, c'est tout d'abord dans les dépenses sociales puis dans les effectifs de la fonction publique qu'il faudra effectuer des coupes très importantes. Là aussi, le risque pour le gouvernement est important car il lui faudrait tout à la fois et en même temps réduire les prestations sociales, revoir le mécanisme de l'allocation-chômage à la baisse, augmenter de nouveau l'âge de départ à la retraite tout en limitant l'indexation des pensions...La "thatcherisation" de la politique gouvernementale serait alors enclenchée ce qui serait tout à la fois un comble et une contradiction terrible avec une politique dite "de gauche"... Une telle politique signifierait d'ailleurs que toutes les catégories actives et de retraités seraient touchées par cette politique, y compris les catégories modestes... De la même façon, l'augmentation du carburant diesel, qui serait tout à fait justifiée d'un point de vue de la lutte contre la pollution, toucherait de plein fouet les catégories populaires, ce à quoi s'oppose Jean-Marc Ayrault...
On ne voit donc pas ce gouvernement opérer une volte face quant à sa politique...Sauf à changer de politique et donc de gouvernement et de majorité politique.
Beaucoup de commentateurs ont, cet été, estimé que le président de la République consultait beaucoup, notamment Martine Aubry.... Imagine-t-on la maire de Lille, à qui colle une image de femme bien à gauche, faire une politique qui siérait mieux à la droite ? Martine Aubry qui, discrète, préparerait ainsi son grand retour sur la scène nationale serait-elle prête à renier ses propres idéaux en échange de Matignon ou d'un super ministère à Bercy ? Si François Hollande l'appelle, ce sera pour assurer ses arrières... à gauche dans la perspective de l'élection présidentielle de 2017...
L'autre solution serait bien sûr si ce n'est un changement du moins un élargissement de la majorité de François Hollande qui se repositionnerait au centre. Cela supposerait un changement de politique et donc de gouvernement. Le président de la République pourrait alors tenter ce qu'avait fait Nicolas Sarkozy en tentant, sous la responsabilité d'un nouveau Premier ministre, d'attirer au gouvernement des personnalités issues de la droite parlementaire afin de faire passer les réformes douloureuses qui s'imposent. En cas de crise exceptionnelle, l'idée d'un gouvernement d'union nationale- dont on dit à tort qu'il s'agit d'une mauvaise idée- pourrait de nouveau faire son chemin...
Car le risque ultime évidemment est que le Front National devienne le deuxième parti politique de France avec un test en grandeur nature dès l'élection au parlement européen de 2014... Ce qui constituerait un nouveau séisme politique.
Quelles que soient les options que choisira le président de la République, le contexte actuel fait qu'il ne faut plus retarder l'heure des choix... Le contexte social de la rentrée ne lui laissera peut-être pas le choix.

La société et la déficience intellectuelle


Ce n’est pas un handicap comme les autres, il pose des problèmes spécifiques et nous incite à réfléchir sur nous-mêmes et sur la société que nous voulons.
Nous n’avons pas besoin des Juifs, où que ce soit, écrivait Hans Frank, le gouverneur général de la Pologne occupée par les nazis, en décembre 1941. Les conséquences de cette déclaration sont connues. Rien ne peut être comparé à la Shoah, la grande “catastrophe” annoncée dans Isaïe (10, 3), mais on peut en tirer la leçon que lorsqu’une société décrète qu’une catégorie de gens est inutile, ces derniers sont en grand danger. Personne ne sait si on aurait sauvé les juifs en criant haut et fort tout ce qu’on leur devait. Mais on ne peut taire aujourd’hui ce que les personnes déficientes intellectuelles apportent à une société évoluée.
Comment définir simplement la déficience intellectuelle ? Celle-ci entraîne le besoin d’un soutien pour les activités requérant le fonctionnement normal de l’intelligence humaine. Ce n’est pas un handicap comme les autres. Les progrès techniques font espérer que bien des personnes en situation de handicap gagneront en indépendance (les aveugles verront grâce aux rétines artificielles), mais une personne déficiente intellectuelle aura toujours besoin d’un accompagnement humain qu’aucune aide technique ne pourra remplacer.
Que nous apportent donc les personnes déficientes intellectuelles ? Leur contribution à la qualité des soins est évidente. Elles souffrent de problèmes médicaux variés et complexes, or leur anxiété et leur fragilité limitent les examens complémentaires spécialisés. La démarche conduisant au diagnostic reposera donc sur l’entretien attentif et l’examen physique complet. Elles expriment peu la douleur, il faut la dépister. Beaucoup parlent peu ou pas. Ceux qui les soignent doivent donc être techniquement parfaits, généreux et savoir travailler en équipe. Cette excellence profitera à tous. Inversement, le praticien qui se déclarerait incompétent n’inspirerait pas une grande confiance.
Leur apport à la qualité de l’enseignement va de soi. Enseigner à ces personnes aux capacités d’attention limitées, au délai de traitement de l’information plus long nécessite des qualités d’analyse et d’imagination qui ne peuvent que rayonner sur tout établissement scolaire. Ceci est aussi vrai pour le travail, les transports, la restauration, les loisirs ou l’hébergement. Il est des danseurs qui rendent gracieux de jeunes déficients mentaux, des professeurs de karaté qui transmettent avec passion les valeurs de leur art, des éducateurs qui s’occupent nuit et jour de personnes déficientes intellectuelles âgées.
Dans une société où tout va vite et où les relations personnelles directes se font rares, les personnes déficientes intellectuelles obligent à écouter, à regarder et à toucher l’autre. Elles nous ancrent dans le domaine du réel. Elles représentent éminemment l’altérité. S’ouvrir à la personne déficiente intellectuelle protège contre toute pensée totalitaire, c’est choisir un modèle de société bienveillant, c’est préférer “la cité de l’amour de l’autre jusqu’au mépris de soi” à “la cité de l’amour de soi jusqu’au mépris de l’autre”.
Les personnes déficientes intellectuelles nous aident à mieux nous connaître : qu’est-ce que l’intelligence humaine ? qu’est-ce que la sottise ? qu’est-ce qui fait le bonheur ? Elles nous interrogent sur bien des points du droit, de la philosophie, de la théologie : que vaut le témoignage d’une personne déficiente intellectuelle ? son consentement peut-il être libre ? comment évaluer sa responsabilité ? que peut-elle percevoir des vérités de la religion ? quelle est la ferveur de sa prière ? quel sera son visage dans la vie éternelle ?
Enfin, les personnes déficientes intellectuelles sont un appel permanent à l’humilité : lequel d’entre nous peut affirmer qu’il est beau, fort et intelligent parce qu’il l’a mérité ? Nous ne sommes responsables que de nos choix. La Bible compare le riche à un chameau cherchant à passer par le trou d’une aiguille. Il ne s’agit pas seulement d’argent, cela vise aussi la suffisance que procure tout sentiment de puissance, y compris celui qu’on tire d’une intelligence brillante.
La personne déficiente intellectuelle éprouve au quotidien une des plus grandes pauvretés qui soient : ne pas pouvoir comprendre autant et aussi vite que les autres. Mais pour la société qui se met à son service, elle constitue la source d’une grande richesse.

Les vacances, les beaux jours de la carte postale


Chaque Français envoie en moyenne 7 cartes postales par an. Un marché stable en volume mais très rentable. 
C’est en 1870, le 27 septembre exactement, qu’est née officiellement la carte postale permettant d’entretenir les liens sociaux et intergénérationnels. Le décret précisait alors que les« cartes-postes, en carton vélin du poids de 3 grammes au maximum, portent sur l’une des faces l’adresse du destinataire et sur l’autre la correspondance du public ».
Il se vend en France 320 millions de cartes postales par an. Un marché de 405 millions d’euros, stable depuis le début des années 2000, malgré l’essor des messageries électroniques, des SMS, MMS… Chaque Français écrit en moyenne 7 cartes par an, dont 81 % pendant la période estivale.
« Pour attirer les vacanciers, il faut sans cesse renouveler les collections ; c’est ce que nous faisons depuis plus d’un demi-siècle », souligne Bertrand Stoll, dirigeant des éditions Jack, à Louannec (Côtes-d’Armor). En 1948, son grand-père, originaire de l’Oise, passionné de technique, ouvre un magasin de photos près de Perros-Guirec. Pour s’occuper l’hiver, il fabrique des cartes postales et se met à les commercialiser. Désormais, ce sont entre 10 et 15 millions de cartes qui sont produites chaque année dans ses ateliers. La maison est l’une des seules parmi les quelque 200 éditeurs de cartes postales en France à assurer l’intégralité du processus de fabrication : de l’atelier photo au massicot, en passant par la grosse presse à imprimer (achetée 800 000 euros il y a dix ans) et la vernisseuse. L’entreprise familiale emploie 21 personnes. Avec un chiffre d’affaires de 4 millions
« On a connu des années plus ou moins difficiles, mais on n’a jamais perdu un centime en soixante-cinq ans d’existence », poursuit fièrement le petit-fils du fondateur. Et de rappeler que les principales difficultés proviennent d’une météo estivale défavorable. La carte postale étant un produit d’appel, les présentoirs sont situés à l’extérieur des points de vente, tabac, magasins de presse, boutiques de souvenirs…
« Nous nous développons chaque année, non seulement en lançant de nouvelles collections, mais aussi des produits dérivés, magnets, porte-clés, boules à neige, tee-shirts… », explique Marc Leconte, président des éditions du même nom, numéro un de la carte postale parisienne. En 1920, son arrière-grand-père fonde les Éditions A. Leconte, le spécialiste des plans de Paris sous toutes leurs formes (avec leur célèbre couverture bleu et rouge). En 1928, son fils Jules perçoit l’intérêt du public pour les cartes postales et édite une collection de vues de Paris sous la marque AL, puis avec la signature Guy. La maison vend 4,7 millions de cartes par an et réalise un chiffre d’affaires de 1,45 million d’euros, stable depuis la dépression de 2008.
« L’an dernier, malgré la crise et la météo déplorable, ce sont les cartes panoramiques, à 2,50 euros avec enveloppe, que j’ai le plus vendues », confie Bertrand Stoll. Ce qui lui a permis d’augmenter ses bénéfices. Sur ces cartes d’un format spécifique ou d’une collection particulière, les marges sont jusqu’à trois fois supérieures au coût de fabrication.
Pour continuer à se développer, d’autres éditeurs misent sur l’effet de taille. Le groupe Editor, basé à Ai-en-Provence, a ainsi racheté une vingtaine de producteurs de cartes postales, non seulement en France mais aussi en Belgique et en Italie. Il a accueilli dans son capital le Fonds de consolidation et de développement des entreprises (FCDE), qui lui a apporté 6,5 millions d’euros pour poursuivre sa stratégie de croissance externe. Le groupe a déjà amorcé un virage vers les cartes électroniques (“ecards”).
Malgré la déferlante numérique, les éditeurs veulent croire que la valeur papier conservera ses lettres de noblesse. L’an dernier, l’Union professionnelle de la carte postale a lancé la Semaine de l’écriture, reconduite cette année du 7 au 13 octobre. Elle se traduira par l’envoi de 50 000 cartes postales à des élèves du primaire. Pour que vive la correspondance papier.

L’axe de la vie est avant tout sexuel

Entretien inédit avec le romancier James Salter
Les éditions de l’Olivier rééditent deux des meilleurs livres de James Salter, en attendant la sortie d’un inédit cet automne. Pilote de chasse en Corée, écrivain hors pair, amateur de femmes… Sa prose est aussi fine, précise, tranchante que le fuselage d’un jet, des reflets d’acier. Un timbre prenant, chaque phrase qui porte. Un écrivain pour écrivain? A n’en point douter, même si Salter hait qu’on le désigne comme tel. LeNew York Times dit de lui qu’il est l’auteur le plus sous-estimé de sa génération. Notre échange de propos (voici déjà une dizaine d’années) a eu pour cadre exquis le plus fameux restaurant littéraire newyorkais, l’Algonquin, où Salter tenait à ce que nous nous rencontrions. En tout, l’élégance et la classe !

Jean-François Duval : Pilote de guerre à bord des premiers jets F-86, vous avez  combattu en Corée les Mig-15 soviétiques, entre 1950 et 1953. Quelles impressions gardez-vous de cette époque ?
James Salter : Un grand frisson. Je n’avais pas fait la grande guerre, nous arrivions trop tard, mes camarades et moi. En revanche, de 1950 à 1953, nous avons eu la guerre de Corée. A bord de nos F-86, nous affrontions les Mig-15 soviétiques. C’était quelque chose d’extrêmement intense. Un jeu à la vie à la mort entre soi et un autre pilote, dont on ne sait absolument rien. Vous volez dans l’immensité du ciel, et tout à coup vous apercevez l’ennemi : juste un petit scintillement dans un coin d’azur. Et votre cœur commence à battre plus fort, l’adrénaline monte: ce scintillement, est-ce le seul ennemi? Y en a-t-il d’autres? Où sont-ils?  Ils peuvent surgir de n’importe où ! En cinq secondes, un ciel jusqu’alors vide autour de vous s’emplit d’avions. Chaque Mig que nous abattions nous valait une petite étoile rouge peinte sous le cockpit… A partir de cinq, vous étiez considéré comme un as.
Encore à l’entraînement, lors de votre tout premier vol en jet, vous coupez le moteur en plein ciel. Curieuse idée…
Oui, mais c’est que ces jets – les premiers à être engagés dans des combats – étaient des machines fabuleuses auprès desquelles une Maserati fait figure de jouet d’enfant. Un seul problème: il arrivait qu’en plein vol les moteurs s’éteignent… Les faire repartir impliquait qu’on suive toute une procédure… J’étais nouveau, je voulais être certain de pouvoir maîtriser la situation si elle devait se produire. Je l’ai donc provoquée. C’était un acte de pure maîtrise, vous comprenez ?
Un jeu dangereux pour éviter un plus grand danger? La valeur de la vie, c’est savoir qu’elle n’en a pas, écrivez-vous quelque part…
Karen Blixen, l’auteur de La Ferme africaine, l’a écrit bien avant moi… C’est un paradoxe facile à comprendre: si la vie prend quelque valeur, c’est à cette condition qu’on ne tienne pas tant à elle qu’on s’empêche de vivre. Ce n’est qu’en acceptant les risques, les dangers qu’elle contient qu’on peut en éprouver la vraie profondeur.
Votre second livre, Cassada, paru en 1961, dépeint les difficultés d’un jeune pilote à s’intégrer dans une escadrille. Ça a été le cas pour vous?
Non, mais dans tout groupe, vous avez les excellents, les bons, les moyens, les pas très bons, les nuls. Et la question qu’on se pose toujours, c’est : où est ma place à moi? Qu’est-ce que je vaux? Ça dépend aussi du regard que les autres jettent sur vous: me respectent-ils, suis-je assez bon pour être l’un d’entre eux ? Quand vous rejoignez une escadrille, personne ne vous connaît : c’est à vous d’établir votre propre réputation, de montrer votre valeur, d’assumer les conflits… C’est la même chose dans la vie en général, mais là, c’est immédiatement manifeste. Moi, je n’étais pas un « je m’en-fichiste », ça non! j’étais un officier très réglo, very regular : je suis ennemi du chaos, vous savez. Le jeune pilote de mon livre ne l’est pas tout à fait : il a en lui la volonté de se tenir un peu à part, de la fierté, de l’ambition, le désir d’aller au-delà des autres…
C’est le propre de la jeunesse…

Être jeune, je me dis souvent que c’est comme être à la proue d’un vaisseau. Et cette proue, c’est le présent.Vous connaissez cette impression ? On se sent vivre formidablement comme si l’on avait toute l’immensité du ciel, de l’océan, un immense avenir devant soi. Et puis les années passent … C’est comme si l’on était monté sur le haut d’une dunette: on voit beaucoup plus loin derrière soi, et en avant de soi. On découvre tout un passé qu’on laisse dans son sillage, englouti pour une bonne part. Voilà. Dans tout ce que j’écris, j’essaie de faire sentir ça. Que ce qui existe pour nous en cet instant n’existera pas toujours. L’écriture permet d’autant mieux de ressaisir ces choses précieuses que ce sont elles dont on se souvient: elles nous disent ce qui a vraiment importé dans notre vie.

Le travail de la mémoire, comme chez Proust ?
Ah, ne mélangez pas tout ! (Rires) Je ne joue vraiment pas dans la  même catégorie que Proust.
Votre tout premier livre, The Hunters, dont on tirera Flamme sur l’Asie, un film avec Robert Mitchum, vous l’écrivez la nuit, en cachette, à l’insu de vos camarades pilotes.
C’est qu’on n’est pas vraiment à l’armée pour écrire des livres ! J’étais commandant, j’avais une place à tenir dans l’escadrille. De plus, j’ignorais complètement si j’étais capable d’écrire. Donc, je n’avais pas du tout envie que cela se sache. Quand la publication de ce premier livre en 1956 m’a donné la certitude que je pouvais écrire, j’ai quitté l’armée.
Comme dans l’histoire du moteur coupé, vous aviez besoin de certitude. Mais le goût de l’écriture…
Je l’ai eu très tôt. Très jeune déjà, j’écrivais des poèmes. J’apercevais Jack Kerouac, le futur auteur de Sur la route, qui était dans la même école que moi, la Horace Mann School, une ou deux classes au-dessus. Comme joueur de football américain, il avait obtenu une bourse pour entrer dans cette école plutôt chic, qui devait lui ouvrir les portes de Columbia University. Quand il a publié son premier livre, The Town and The City (Avant la route), en 1950, je l’ai aussitôt acheté. J’étais épaté, complètement surpris, me disant: ah, peut-être que, moi aussi, je pourrai un jour sortir quelque chose comme ça. Auparavant, il nous avait déjà impressionnés par les nouvelles qu’il écrivait dans le journal de l’école.
Justement, par la suite, avez-vous eu des contacts avec les écrivains de la Beat generation?
Né en 1925, j’ai un an de moins qu’Allen Ginsberg et Neal Cassady, trois de plus que Kerouac. Je suis de la même génération, c’est vrai. Mais eux, les Kerouac, les Ginsberg… traversaient les Etats-Unis en stop, fumaient, prenaient du LSD… Moi, pendant ce temps-là, je pilotais des jets. Mais j’ai rencontré Allen Ginsberg une ou deux fois. La dernière, lors d’une émission télévisée. Il voulait que je batte le rythme avec des cuillers pendant qu’il disait l’un de ses poèmes, Don’t Smoke Cigarettes… Il me prenait de haut et moi, je le trouvais plutôt enfantin. Nous n’étions pas vraiment amis.
Au départ, vous ne rêviez pas du tout d’entrer dans l’armée. C’est votre père qui vous a inscrit à l’Académie militaire de West Point… Des regrets?
Aux yeux de mon père, c’était très important, une chance énorme que je sois sélectionné pour West Point… Je ne voulais pas le décevoir, mais me montrer à la hauteur de cet enjeu. La vie militaire à West Point ne ressemblait pas particulièrement à un pique-nique… Mais c’est comme la prison: au bout d’un moment, vous vous habituez, et ça se confond complètement avec votre vie elle-même. Vous êtes si immergé dans cette vie qui est devenue la vôtre, aux côtés de vos camarades, que vous ne faites plus qu’un avec elle. Une fois que vous vous êtes fait à l’idée, vous lui devenez en somme totalement loyal.
Pilote et écrivain, vous est-il arrivé d’avoir des réminiscences de Saint-Exupéry? 
Nos époques et nos univers ont différé du tout au tout. Saint-Exupéry écrit à propos de ce qui était encore de vrais combats aériens. En Corée, il s’agissait plutôt de meurtre: il fallait juste parvenir à se placer derrière l’ennemi, dans son sillage, et tirer.
Je voulais parler de cette idée de solidarité entre les hommes qui nourrit l’œuvre de Saint-Ex.
Ça, bien sûr, c’est un élément qui joue un rôle dans plusieurs de mes livres, Cassada ou encore L’homme des hautes solitudes, qui se passe à Chamonix et qui traite de la force de volonté dans l’alpinisme. Alors, sur cette idée de solidarité… Je peux dire qu’à cet égard, j’ai aimé les hommes autant que les femmes. C’est un genre d’amour différent, mais je crois profondément qu’il peut s’établir entre des hommes un type de communication auquel les femmes restent extérieures. Et respectivement. Hommes, femmes… ce sont deux genres distincts, après tout : les instincts, les désirs sont tout à fait autres. Vous ne croyez pas ?
Si. Mais l’axe de la vie reste avant tout sexuel, affirmez-vous.
Oui, c’est l’axe principal de la vie. C’est ce qu’il m’a toujours semblé. Un prêtre sera peut-être d’un autre avis. Vous savez, on ne se représente pas vraiment l’extraordinaire diversité des univers : dans chaque tête, un univers infini et différent!
Votre Un sport et un passe-temps est l’un des romans les plus érotiques, au sens vrai, que l’on puisse lire.
Schopenhauer disait que trois choses sont nécessaires pour qu’une vie soit complète. La vie sexuelle  et… j’ai oublié quelles sont les deux autres (rires). J’ai connu la jeune Française dont il est question dans Un sport et un passe-temps alors que j’étais stationné à Chaumont, non loin de Colombey-les-Deux-Eglises, le village de De Gaulle. Vous dire à quel point elle était belle? Un jour à Paris, début des années 60, alors que nous assistions par hasard à un défilé, le général de Gaulle a passé devant nous dans sa voiture, et j’ai distinctement vu son regard se poser sur elle: une fraction de seconde, Charles de Gaulle m’a envié! (rires) Elle était vraiment terrific!
Une fille parfaite? Comme pilote et comme écrivain, n’avez-vous pas toujours voulu tendre à une forme de perfection ?
Je ne crois pas à la perfection dans la vie. Vous la rencontrez parfois en art. Quoique même les plus grands livres aient leurs imperfections. Lolita de Nabokov est un chef-d’œuvre, et pourtant, vers la fin, le livre fléchit. Je l’ai lu trois ou quatre fois et, à chaque fois, quand Humbert Humbert retrouve Lolita, je me dis que cette fin ne fait décidément pas partie du même livre. Que, par rapport à ce qui précède, c’est quelque chose de nature différente.
Comme d’autres écrivains américains, vous avez écrit des scénarios pour Hollywood, celui de Downhill Racer, avec Redford, vous avez dirigé Three, avec Charlotte Rampling…
J’ai écrit pendant une quinzaine d’années pour le cinéma, épisodiquement. Environ seize ou dix-sept films, dont quatre ont été tournés : un chiffre qui est dans la norme, le déchet est toujours considérable. Aujourd’hui, je souhaiterais pouvoir récupérer tout ce temps : être l’auteur de moins de scénarios, et avoir écrit un ou deux bouquins de plus. Bon, il fallait que je gagne ma vie…
En lisant par exemple Un monde parfait, on a le sentiment permanent que, selon vous, la vie de chacun se déroule toujours sur deux plans au moins… Et que nous ne parvenons jamais à les réconcilier.
En société, nous vivons d’une certaine façon. Mais à l’intérieur de chacun de nous, c’est un monde entièrement différent, totalement anarchique, non ? A preuve qu’on ne dit jamais complètement aux gens ce qu’on pense d’eux. La vie serait impossible.
La vérité l’est donc tout autant. 
La vérité est un rasoir extrêmement sensible. Il faut savoir l’appliquer avec prudence et douceur.

Un bonheur parfait et Une vie à brûler, James Salter, éditions de l’Olivier, 2013.

Dans le champ médiatique, « l’extrême droite » comme épouvantail

Dans le champ médiatique, « l’extrême droite » comme épouvantail


Le militaire de 23 ans arrêté la semaine dernière sur la base aérienne de Mont Verdun (près de Lyon) préparait un attentat, prévu le 8 août, contre la mosquée de Vénissieux. Les musulmans font part de leur grande inquiétude.
Le sergent a été mis en examen dimanche soir, à l’issue de quatre jours de garde à vue, pour « détention de munitions de quatrième catégorie en relation avec une entreprise terroriste » et « dégradation de lieu de culte en relation avec une entreprise terroriste ».
Il a reconnu avoir projeté de tirer sur la mosquée des Minguettes à l’occasion de la fin du ramadan et être l’auteur du jet de cocktail Molotov sur la porte de la mosquée de Libourne en août 2012. On le dit, c’est la formule, « proche des idées de l’extrême droite radicale ».
Le « coup de l’extrême droite » est banal. Il y a quelques semaines, Varg Vikernes était arrêté avec bruit, puis relâché : il avait acheté des armes pour chasser en cas de chaos mondial (c’est un « survivaliste ») et non pour singer Anders Breivik. Quand AZF avait sauté, la piste de l’extrême droite avait été lourdement évoquée. Plus exemplaire avait été la direction donnée à l’enquête dès le début de ce qu’on n’appelait pas encore « l’affaire Merah » : les enquêteurs avaient privilégié la piste de trois parachutistes plus ou moins décrits comme « néo-nazis ». Deux cents policiers mobilisés… en vain, entre le 16 et le 19 mars 2012, et alors que la police était en possession d’une liste de possibles tueurs salafistes, dont Mohammed Merah. Il avait fallu que celui-ci tire sur des enfants à la sortie d’une école juive pour que l’enquête s’oriente vers la piste plus consistante de l’islamisme.
L’ombre de Brunerie ?
Dans le cas du sergent arrêté la semaine dernière, la police semble sûre de son enquête et des motivations politiques du projet d’attentat.
Cependant, le jeune militaire est décrit comme solitaire et fragile psychologiquement. Le suicide de Dominique Venner, le 21 mai à Notre-Dame, l’aurait affecté. Signe d’un certain irréalisme, il aurait tenté à trois reprises d’entrer en contact avec Maxime Brunerie, qui avait malencontreusement tiré sur Jacques Chirac le 14 juillet 2002. Espérait-il recruter cette flèche ? Lui-même en était-il une ? Les rampants de l’armée de l’air ne sont pas des foudres de guerre (toute personne y ayant fait son service militaire a pu s’en apercevoir) et l’action du suspect contre la mosquée de Libourne était un pétard mouillé : de la caserne des pompiers, située en face de la mosquée, étaient sortis quelques soldats du feu qui, d’un coup d’extincteur, avaient éteint les flammèches.
Pas mal de ramdam
Alors qu’ils avaient gardé un silence pudique lors de l’affaire Merah, les musulmans prennent la parole pour exprimer leur préoccupation : la « montée de l’islamophobie ». Ils étaient cent cinquante, lundi soir, devant la mosquée de Vénissieux.
Abdelaziz Chaambi, de la coordination contre le racisme et l’islamophobie, l’a affirmé haut et clair : « Les musulmans ont peur aujourd’hui, les femmes voilées n’osent plus sortir, ça nous rappelle la situation des Juifs dans les années trente. » Déclaration sujette à caution. Les Juifs et les Roumis ne doivent pas être les plus à l’aise à Vénissieux. « La longue dérive [islamique] de Vénissieux », titrait Le Monde en 2005, « A Vénissieux, terre d’expansion de la burqa », titrait Le Figaro en 2009. Tariq Ramadan y a connu ses premiers succès en tant qu’intellectuel conférencier. Au début des années 2000, dans la mosquée des Minguettes, l’imam Abdelkader Bouziane tenait des propos légitimant le châtiment corporel des épouses.
Peu importe : l’important est de faire croire à une montée de « l’extrême droite », à un risque d’attentat qu’on ne voit jamais venir. Un journal télévisé de lundi soir passait, avec un art consommé de la manipulation en douceur, du reportage sur « l’attentat de Vénissieux » au plan Vigipirate. Ou comment créer un lien subliminal entre l’alerte terroriste et la stigmatisation des musulmans ! Une stratégie payante, et pour les musulmans qui y gagnent un brevet de pacifisme et un statut de victimes, et pour les socialistes qui agitent l’épouvantail.
Florian Philippot, interrogé par iTélé, a réagi aux déclarations de Kamel Bactane, recteur de la grande mosquée de Lyon (celui-ci parlait d’un « climat d’islamophobie ») : « Qu’on ne nous fasse pas croire que les Français seraient un peuple congénitalement raciste ou xénophobe. Absolument pas ! C’est un peuple très accueillant, ouvert, mais il déteste le communautarisme. » Il commence aussi, très lentement, à comprendre qu’il n’est plus vraiment chez lui.

Les cités grecques à la dérive


Au IIe siècle avant notre ère, les puissantes cités qui commerçaient sur le pourtour de la Méditerranée sont ruinées, en proie à la misère et aux tensions sociales. Leur modèle économique émietté n'a pas résisté à la concurrence.
De nos jours, toute la Grèce est sujette à un faible taux de naissance et à une baisse générale de la population, de sorte que des cités ont été désertées et que les champs sont en friche. » Cette triste description de l'historien Polybe est rédigée dans la seconde moitié du IIe siècle avant notre ère. La Grèce continentale est alors entièrement aux mains de la République romaine, qui y impose sa loi économique et militaire. Corinthe, qui s'est révoltée contre Rome en 146 avant notre ère, a été purement et simplement rasée par le consul Lucius Mummius, qui a vendu tous les survivants comme esclaves. Le contraste est frappant avec la Grèce conquérante des siècles passés qui, soumise à une croissance démographique insoutenable et à un appétit commercial immense, dominait les mers et les échanges et fondait des colonies de la Libye à la Crimée et de Marseille à Chypre.
Toute tentative d'explication ne peut qu'être prudente : elle dépend de sources qui sont souvent le fruit du hasard des découvertes archéologiques ou de la survivance des textes. Les économies de l'Antiquité avaient en commun d'être majoritairement agricoles, avec de faibles rendements et un horizon commercial local. Mais certains peuples, comme celui des cités grecques, ont pris une autre voie. Dans un pays aride et montagneux, leur seule chance résidait dans le commerce maritime.
Dès le VIIIe siècle avant notre ère, ils imitent, puis dépassent les Phéniciens
L'artisanat et l'agriculture se spécialisent de plus en plus pour l'exportation. Reprenant une invention des rois lydiens, en Asie mineure, les Grecs mettent en place un système monétaire de grande envergure pour faciliter les échanges. C'est à Athènes, au Ve siècle, que la prospérité atteint son apogée. Le Pirée est alors le centre commercial du monde et Athènes s'enrichit considérablement.
Avec la guerre du Péloponnèse qui oppose de 431 à 404 Spartiates et Athéniens et qui s'achève par la défaite des seconds, la situation se dégrade. Les guerres intestines entre cités se multiplient et le commerce international diminue. La Grèce tombe alors sous la domination de Philippe II de Macédoine après la bataille de Chéronée en 338. Mais son fils Alexandre, en conquérant l'empire perse, redonne un véritable coup de fouet à l'économie des cités grecques.
Certes, l'empire ne survit guère à la mort de son fondateur et ses généraux (les diadoques) et leurs fils (les épigones) se livrent des combats féroces qui n'épargnent pas la Grèce. Athènes, par exemple, est assiégée et prise par Demetrios Poliorcète en 307 et en 294. Mais économiquement, ces rois encouragent l'établissement en Orient de colons grecs et vivent eux-mêmes à la grecque. La demande de produits des cités s'envole, soutenue par la politique monétaire d'Alexandre et de ses successeurs qui convertissent en monnaie les trésors trouvés en Perse, en Égypte ou en Inde.
Le grand historien de l'économie antique, Michael Rostovtseff, évoque une période de prospérité qui aurait duré un demi-siècle. Athènes en profita particulièrement. L'historien affirme que « jamais encore la céramique athénienne n'avait été aussi demandée qu'à la fin du IVe et au début du IIIe siècle avant notre ère ». Les Athéniens, qui ont su réagir au marché après la « crise » du début du IVe siècle, en créant de nouveaux modèles de céramiques, séduisent les marchés internationaux, jusqu'en Italie et en Crimée. La demande est telle que l'offre ne peut suivre et les prix montent. Une inflation de « surchauffe », dirait-on.
Au milieu du IIIe siècle, tout change
Au début du IIe siècle, le visage qu'offre la Grèce est bien différent. Les cités sont en proie à la misère et à l'agitation sociale. Leurs finances se sont effondrées et elles en sont réduites à dépendre de la générosité des rois étrangers ou des riches. Athènes n'est plus qu'une destination culturelle, on n'y fait guère de commerce. Sparte est en proie à une véritable guerre sociale qui touche aussi d'autres régions, comme la Béotie. Plutarque décrit ainsi la situation spartiate vers 230 : « Tandis que la richesse se concentrait dans quelques mains, la pauvreté régnait dans la ville. » Et d'ajouter : « La foule de ceux qui étaient sans ressources croupissait [...] épiant l'occasion d'un changement ou d'une révolution. »
Comment expliquer cette dramatique dégradation des conditions économiques ?
Michael Rostovtseff met en avant la fermeture progressive des marchés méditerranéens aux marchandises grecques. Les royaumes issus de l'empire d'Alexandre mais aussi l'Italie ont commencé à se lancer dans leur propre production. La demande diminue nettement au cours des dernières années du IIIe siècle et l'artisanat comme l'agriculture grecque, très dépendante de l'exportation, s'effondrent. Le chômage fait son apparition et la concurrence entre la main-d'œuvre libre et la main-d'œuvre servile accroît la pression sur les salaires. Or, au même moment, l'insécurité s'accroît dans la Grèce continentale. Entre 225 et 167, la région est un champ de bataille permanent à un moment où les mœurs guerrières se durcissent : on n'hésite plus à déporter les habitants d'une ville qu'on aura rasée.
Ce qui était une exception durant la guerre du Péloponnèse devient monnaie courante : on a cité l'exemple de Corinthe détruite par Rome, mais en 217, par exemple, ce sont les Macédoniens qui font subir ce sort à Thèbes de Phtiotide. L'existence même des cités est devenue incertaine. Quant au commerce, il est entravé par le développement de la piraterie à grande échelle, pratiquée par les Crétois et les Étoliens. Ces derniers profitent de l'effondrement du pouvoir égyptien dans l'Égée pour s'emparer des navires de commerce et, parfois, pour faire des rafles sur les côtes et vendre les habitants comme esclaves. Les cités du continent,
incapables de construire une flotte, sont souvent des victimes passives.
Le commerce se détourne alors sur Rhodes, qui a su construire une flotte puissante. Mais Athènes, Thèbes, Mégare, Corinthe se trouvent désormais en marge des flux économiques et leur instabilité chronique ainsi que leur manque de moyens les empêchent de réagir. Les caisses des cités sont vides et elles doivent souvent demander de l'aide aux riches citoyens ou à des puissances extérieures. Quant aux tentatives de réformes sociales, comme celles d'Agis IV, de Cléomène ou de Nabis à Sparte, elles entraînent souvent des guerres civiles ou une intervention étrangère qui accroissent encore la misère.
Dans ces conditions, les Grecs réagissent par des réflexes malthusiens : ils limitent les naissances et exposent les enfants non désirés. Polybe estime qu'un tel comportement est lié à l'appât du gain de ses compatriotes et à leur désir de vie indolente. Mais, compte tenu de la réalité des conditions économiques, c'est bien plutôt la volonté de limiter les bouches à nourrir qui explique ces comportements. Reste que ces réflexes contribueront à réduire encore la demande et à affaiblir les cités.
Le pouvoir est maintenant à Rome
Dans un tel contexte, l'établissement du pouvoir de Rome sur la Grèce au début du IIe siècle peut apparaître comme un facteur de stabilisation. La Grèce est réinsérée dans les flux commerciaux internationaux et Athènes, alliée de l'Urbs, en profite. Mais la prospérité reste mesurée. La Grèce a été mise en coupe réglée. Lorsque Paul-Émile vainc le dernier roi de Macédoine, Persée, en 167, son butin lui permet d'exempter les citoyens romains de l'impôt. La Grèce entre dans la dépendance économique de Rome. En 88, elle se révolte, exaspérée par les banquiers latins et les taxes romaines.
Dans les cités d'Asie, 40.000 Italiens sont massacrés par la foule en une nuit. La répression du dictateur romain Sylla est féroce. Jamais plus avant très longtemps, la Grèce ne retrouvera sa puissance économique. Son modèle d'économie exportatrice et monétarisée aura cependant un bel avenir. Sans doute l'unité politique lui a-t-elle manqué pour parer à la désorganisation du commerce, mais les conditions générales du monde antique, par la fascination qu'exerçait l'autarcie, par les pratiques fiscales et guerrières des États, par le manque d'application économique des progrès techniques, ne permettaient pas le développement continu d'un modèle fondé sur l'exportation. Les Grecs en étaient conscients. À la fin du IVe siècle, le poète athénien Ménandre fait dire à un de ses personnages dans sa pièce « le Bourru » : 
« Il existe, pour tous les hommes, une limite à leur état et un moment où il change. »

L'État libre d'Islande, tué par une taxe


Entre 930 et 1262, les Islandais ont vécu une forme originale de démocratie, fondée sur le libre choix de leurs représentants. Le modèle n'a pas résisté à l'enrichissement de certaines familles et à l'instauration de la dîme.
L'Islande médiévale, c'est d'abord les « sagas », un mot d'ailleurs d'origine islandaise. Qu'un petit peuple vivant sur une terre aussi hostile ait pu donner à l'humanité une littérature d'une valeur aussi universelle reste aujourd'hui encore un mystère. Ces récits en prose rapportaient « la vie et les faits et gestes d'un personnage, digne de mémoire pour diverses raisons, depuis sa naissance jusqu'à sa mort, en n'omettant ni ses ancêtres ni ses descendants s'ils ont quelque importance », indique Régis Boyer, grand spécialiste français des littératures classiques du nord de l'Europe, dans son ouvrage « l'Islande médiévale ». Ainsi sont évoquées la vie et l'œuvre de héros comme Hrafnkell, Egill, fils de Grímr le Chauve, Snorri le Godi, les gens du Valau-Saumon, Grettir le Fort et Njáll le Brûlé. Mais outre leur qualité littéraire, ces sagas sont la principale source pour comprendre ce que fut entre 930 et 1262 l'« État libre islandais », un exemple exceptionnel d'organisation sociale et économique.
Au début du Xe siècle, le pays compte 35.000 habitants, population qui va doubler au cours des siècles suivants. La vie est rude sur cette terre désolée formée de basalte, parsemée de volcans, de geysers et de glaciers. Si les Norvégiens sont nombreux, il y a aussi des Danois, des Suédois, des Flamands, des Saxons, des Anglais ou encore des Celtes émigrés d'Irlande. Tous sont venus chercher un air de liberté et d'indépendance, raréfié dans leur pays respectif. Ils sont séduits par les institutions du pays... ou plutôt par leur absence. L'Islande compte en effet une seule assemblée, l'Althing, qui cumule les fonctions de chambre législative et de tribunal. Elle compte 40 membres, n'a ni budget propre ni employés, et ne se réunit normalement que deux semaines par an. Pour Adam von Bremen, un chroniqueur du XIe siècle, l'Islande est un pays « n'ayant pas de roi, mais la loi ». Pour le célèbre anthropologue américain contemporain Jared Diamond : « L'Islande médiévale n'avait ni bureaucrates, ni taxes, ni police, ni armée... Des fonctions normales des gouvernements partout ailleurs, aucune n'existait en Islande, et les autres étaient privatisées, y compris les poursuites criminelles, les exécutions et l'aide aux pauvres. »


La société est en effet constituée de clans divers (les « godhordh ») dirigés par des chefs (les « godhi »). Chaque chef est tenu d'assurer la défense de son clan, d'arbitrer les litiges internes. L'originalité du godhordh est qu'il n'est ni une communauté fermée, ni un territoire. Tout Islandais est libre d'adhérer au godhordh qui lui convient et d'en changer quand bon lui semble, s'il n'est pas satisfait par la façon dont est dirigé le clan. Car le godhordh n'est pas une démocratie élective : le godhi est détenteur de son rang, qu'il peut acheter, vendre, emprunter et léguer, même si son pouvoir ne repose pas sur son appartenance à l'Althing, mais sur la société civile représentée par son clan. En termes modernes, le godhi est davantage un prestataire, dont on évalue la qualité des services rendus à l'aune de la concurrence. Au niveau national, chaque godhordh est représenté dans l'Althing par son chef et deux autres membres. Par ailleurs, la constitution de clans sans considération de position territoriale dans le pays réduit considérablement les différends. Certains auteurs considèrent que la nature non territoriale de l'ordre légal de l'Islande a permis de réduire la violence. Ce droit, par sa nature contractuelle et non territoriale, anticipe la modernité.

Quand à l'économie de cet État libre, elle repose sur l'élevage extensif d'ovins et de bovidés. En raison des conditions climatiques, seule peut être cultivée une espèce de blé noir, ce qui rend les Islandais largement dépendants de l'importation pour les produits agricoles. En revanche, la pêche (saumon, truite, morue et hareng) ainsi que la chasse à la baleine et au phoque, dont on tire l'ivoire, permettent de commercer avec la Norvège, l'Angleterre et l'Irlande et d'obtenir en échange bois de construction, blé, fer, goudron, vin, habits. En comparaison avec les Vikings, les Islandais de cette époque étaient davantage fermiers et commerçants qu'aventuriers et guerriers et n'avaient que peu recours à la violence. En raison même des incitations économiques fournies par le système juridique du pays, les plaignants avaient plus intérêt à saisir la cour qu'à régler par la force leurs différends. En effet, dans le droit islandais, il était prévu pour une victime ne pouvant faire honorer un verdict en raison de la puissance du coupable, de vendre ce verdict, voire de le céder à quelqu'un de plus puissant ayant les moyens de faire appliquer la sanction requise. Tôt ou tard, ce commerce des verdicts avait la vertu de punir réellement le coupable.
Mais alors, pourquoi l'État libre d'Islande, si efficient durant plus de cinq siècles, s'est-il effondré ? Au fil des décennies, il y a eu un mouvement de centralisation croissante de la richesse et du pouvoir. Originellement, on comptait 4.500 fermes indépendantes dans le pays. À la fin du XIIIe siècle, 80 % des fermes étaient entre les mains de cinq familles. Cette situation mit fin à la compétition des chefs sur le même territoire pour attirer des membres dans leur clan et déboucha sur un partage géographique des pouvoirs, chacun étant administré comme un mini-État. Le risque de conflit généralisé poussa l'ensemble de la population à demander l'arbitrage du roi de Norvège, qui génération après génération n'avait jamais accepté la farouche indépendance de l'Islande et avait gardé des vues impérialistes sur ce territoire.

Mais une autre raison plus souterraine et de nature économique a contribué à miner l'État libre islandais. L'époque médiévale est une période d'expansion du christianisme. L'Islande n'échappa pas au mouvement. Paradoxalement, alors que la religion fut souvent imposée par le glaive, en Islande, les habitants, essentiellement païens, firent le choix assumé de la conversion en 1096. Ce faisant, les Islandais adoptèrent les obligations du système terrestre du christianisme. L'un d'eux était la « tithe », autrement dit la dîme, une redevance versée en nature ou en argent, taxée sur les revenus agricoles, collectée en faveur de l'Église pour financer l'entretien du clergé et la construction d'églises et de cathédrales. Pour la première fois, une taxe générale était introduite dans le système économique du pays. Fixée à 1 %, elle était surtout le premier impôt proportionnel. Jusqu'alors, le prix payé pour un service était fixe.
La pierre angulaire du système de l'État libre islandais était le principe d'extraterritorialité, chaque Islandais, rappelons-le, pouvant choisir son chef selon son intérêt propre. Le problème est qu'une église était bâtie en un point précis du territoire, que le financement de sa construction et de son entretien était assuré par ceux qui habitaient dans son voisinage, quel que soit le godhi qu'ils avaient par ailleurs choisi. Au fil des années, le choix ne fut plus de mise. Le phénomène fut accentué par le fait qu'une large part des taxes était captée par les godhi les plus riches, ceux qui étaient propriétaires de vastes parties de la lande où étaient construites les églises.
Au final, l'introduction de la dîme ne participa pas seulement à l'enrichissement personnel de rares godhi, mais leur cupidité entraîna la dissociation de ces revenus de leur responsabilité, qu'évaluaient les Islandais. Ainsi disparut, à cause d'une modeste taxe, l'État libre islandais après avoir fonctionné durant plus de cinq siècles.

Manuel Valls sape la réforme pénale de Christiane Taubira


Le ministre de l'Intérieur a adressé le 25 juillet une lettre à François Hollande, dans laquelle il lui demande d'arbitrer son conflit avec la garde des Sceaux sur ce projet sensible.
Même en vacances, la mésentente entre Christiane Taubira et Manuel Vallscontinue d'alimenter la chronique. Au centre de leur désaccord: la réforme pénale portée par la garde des Sceaux et sur laquelle les deux ministres s'opposent depuis plusieurs mois. À tel point, que le calendrier de mise en œuvre de celle-ci a été maintes fois repoussé. Dans ce conflit larvé, le ministre de l'Intérieur est cette fois-ci passé à la vitesse supérieure, en écrivant, le 25 juillet, une lettre au président Hollande pour dénoncer la teneur du projet.
«J'attire votre attention sur les désaccords mis en lumière par le travail interministériel qui s'est engagé récemment autour du projet de réforme pénale présenté par le ministère de la Justice», écrit Manuel Valls au chef de l'État, dans son courrier dévoilé par Le Monde . «La quasi-totalité des dispositions de ce texte a fait l'objet de discussions, voire d'oppositions du ministère de l'intérieur», souligne le ministre. Qui ajoute: «L'écart entre nos analyses demeure trop important et appelle une clarification de nos orientations politiques». «Ainsi, compte tenu de la sensibilité de ce sujet et des enjeux entourant la réforme pénale, je souhaite à ce stade que nous définissions collectivement les principes directeurs de cette réforme, autant que les modalités de son déploiement». En clair, Manuel Valls demande l'arbitrage deFrançois Hollande.
Outre des «désaccords sur la méthode», le ministre évoque surtout des mésententes «sur le fond», au premier rang desquelles figure la suppression des «peines planchers» défendue par Christiane Taubira et promise par François Hollande pendant sa campagne présidentielle. «Ce projet de loi part d'un premier postulat que je ne peux intégralement partager: la surpopulation carcérale s'expliquerait exclusivement par le recours «par défaut» à l'emprisonnement, et par l'effet des peines planchers», indique-t-il, défendant l'idée que «nous ne pouvons totalement ignorer la question du dimensionnement du parc immobilier pénitentiaire».

Des chiffres «erronés»

Manuel Valls, qui n'a pas jugé utile de prévenir Christiane Taubira de l'envoi de cette lettre, s'est dit «furieux» de cette fuite dans Le Monde. La garde des Sceaux a quant à elle fait par de sa «surprise» de ne pas avoir été informée, en dépit de leur échange téléphonique du 29 juillet et de leur rencontre deux jours plus tard au comité interministériel de la coopération internationale et du développement, avant un pot le soir à Matignon. «Je ne peux que m'étonner qu'un tel document ne m'ait pas été communiqué, d'autant qu'il comporte des propositions de réforme du droit de la peine, domaine qui ne ressort d'aucune façon aux compétences du ministre de l'intérieur», s'est-elle indignée, dénonçant des chiffres «erronés» du ministère de l'Intérieur et une présentation «tendancieuse».
Le gouvernement n'en finit pas de tergiverser sur ce projet sensible. En mars, Christiane Taubira prédisait une présentation du texte en Conseil des ministres en juin. À défaut de voir ces prédictions se réaliser, le ministère de la Justice évoquait fin juin cette présentation pour le mois de juillet, puis de septembre. Ce nouvel épisode dans la mésentente entre Valls et Taubira devrait à nouveau en modifier le calendrier. Ce projet verra-t-il le jour avant les municipales? Rien n'est moins sûr, tant le sujet pourrait embarrasser la majorité, déjà fragilisée et qui redoute que la droite et le Front national n'alimentent un procès en laxisme avant le scrutin de mars.