TOUT EST DIT

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vendredi 21 juin 2013

Zahia plus forte que... François Hollande

La call-girl et le chef de l'État répondaient tous les deux dimanche soir à des interviews. La blonde l'a largement emporté. Faut-il en rire ou en pleurer ?



Comparaison ne vaut pas raison ! Mais les chiffres des audiences de dimanche sont très éclairants. Les Français préfèrent Zahia àFrançois Hollande ! Le magazine Capital présenté par Thomas Sotto sur M6, qui recevait le président de la République François Hollande, a réuni 2 841 000 personnes, soit 12,5 % de part de marché. L'Élysée s'était donné comme mission d'attirer 5 millions de téléspectateurs. On est (très) loin du compte ! Et dans les mêmes eaux que Des paroles et des actes avec François Fillon en invité principal sur France 2, qui avait attiré jeudi 6 juin 2 322 000 curieux. Une déconvenue d'autant plus frappante que le chef de l'État devait réagir en direct sur l'élimination du candidat socialiste dès le premier tour de la législative partielle de Villeneuve-sur-Lot et éclaircir des dossiers obscurs mais importants pour les Français, tels que les retraites, le chômage, l'immobilier ou l'éducation.
Moins de deux heures plus tôt, sur TF1, une autre "vedette" a raflé tous les suffrages. Sept à huit, le magazine présenté par Harry Roselmack, a réuni en moyenne 3,2 millions de téléspectateurs, soit 24 % de part d'audience sur l'ensemble du public. Et même un pic à 4,5 millions de téléspectateurs pendant l'interview de Zahia ! La jeune femme qui a excité les sens de Franck Ribéry et de Karim Benzema et qui se définit elle-même comme une "courtisane" a donc courtisé un public plus nombreux que le premier des Français...

Sale dimanche pour la majorité

Que faut-il déduire de cette "anomalie" ? Que Zahia plaît à beaucoup de Français ? Certes. Que la parole présidentielle est fortement dévaluée ? Sans doute. D'autant plus que pour la venue de François Hollande, M6 avait décidé de supprimer ses coupures publicitaires, ce qui devait éviter à la chaîne de "perdre des clients" pendant ces interruptions. Malgré cela, l'émission est dans sa moyenne basse avec notamment 300 000 téléspectateurs de moins qu'il y a quinze jours. Un dimanche calamiteux donc pour la majorité qui en plus des sévères résultats de la 3e circonscription du Lot-et-Garonne doit analyser le désamour croissant des téléspectateurs pour la chose politique et les passages télé de moins en moins probants de François Hollande...

FRANCHEMENT IL VAUT MIEUX VOIR UNE PUTE SE CONFESSER, PLUTÔT QUE D'ENTENDRE UN CON PARLER D'AVENIR

La Grèce revient . ll est temps d'y investir


La Grèce est de retour. Non seulement en tant que lieu touristique, ni a cause des manifestations publiques contre la fermeture de la chaîne de télévision nationale. La Grèce est de retour, car elle génère de des profits pour les investisseurs, les spéculateurs et bien d'autres.

Paradoxe: La Grèce a été dévalorisée par le MSCI, l'indice global. Elle est passée de 'marché développé' à 'marché émergent'. C'est la première fois dans l'histoire financière que cela arrive.   
Du coup la Grèce demeure l'un des meilleurs investissement des 12 derniers mois.
 
En un an, le FTSE Grec a augmenté de plus de 50%. 

Le FMI s'est excusé pour son traitement de la Grèce et cette excuse est bien méritée.

Il y a deux ans, beaucoup de gens, moi y compris, ont écrit maintes fois que la Grèce était incapable de rembourser sa dette publique et qu'il était inutile de tenter de leur faire payer. Ceci est devenu une évidence.

Et puis soudain, les pouvoirs financiers, la BCE, le FMI, la FED, arrivent à la conclusion qu'une réduction nouvelle et considérable de la dette serait indispensable à la Grèce.

Et hop, la Grèce est prête pour un comeback économique.

Les Grecs le veulent, ils luttent pour. Je parle des citoyens qui depuis 2008 ont connu une chute de 33% dans la demande privée réelle, un taux de chômage de 27%, et 3/4 des jeunes sans emploi.

A Bruxelles les discussions et les déclarations se poursuivent. Americains et FMI renâclent.

Mais ils vont y arriver.
 
Et je suis prêt à parier qu'il est temps d'investir en Grèce.

Twitter : le dérapage d'un élu sur Vallaud-Belkacem


Le maire UMP d’une commune de l'Indre, Hugues Foucault, a déclenché mercredi un tollé sur Twitter en postant un commentaire déplacé sur Najat Vallaud-Belkacem, qui selon lui "suce son stylo très érotiquement".

Il faut parfois tourner sept fois son doigt sur son smartphone avant de tweeter. Hugues Foucault, le maire UMP de Bretagne, une commune de l’Indre, a déclenché mercredi un tollé sur Twitter en postant un commentaire grivois sur la ministre des Droit des femmes. "Najat Vallaud-Belkacem suce son stylo très érotiquement", s'est ainsi permis de tweeter pendant les questions au gouvernement ce membre du bureau politique du Parti-Chrétien démocrate (PCD), présidé par Christine Boutin.
La vache on est vraiment dans la merde !!

Levée de boucliers immédiate sur le réseau social. Beaucoup de "twittos" se sont scandalisés de ce dérapage jugé sexiste et dégradant. D’autres ont réagi avec humour.
Hugues Foucault s'est d’abord amusé la réaction provoquée auprès de la "gauchosphère", avant de supprimer son tweet. Il a ensuite posté un message d’excuses pour ce tweet "d’une infamie et d’une horreur totale".

Je présente mes plus vives excuses à Mme @najatvb ainsi qu’à tous ceux que j’ai choqué par mon tweet d’une infamie et d’une horreur totale.

IL AURAIT MIEUX FAIT DE TWEETER SUR SA SALE GUEULE ET SON INCOMPÉTENCE.

Chômage : l'Insee contredit Hollande


C'est un désaveu pour François Hollande, qui a redit jeudi, en conférence sociale, sa volonté d'inverser la courbe du chômage d'ici décembre. D'après les chiffres publiés jeudi par l'Insee, le chômage devrait continuer de grimper fin 2013 pour atteindre 10,7% en métropole, très proche du record historique. Pour la France entière (Départements d'Outre-mer compris), le taux atteindrait 11,1% au dernier trimestre, précise l'Insee. Le taux record en France - 10,8% en métropole - a été atteint en 1994 et 1997 (11,2% avec les Dom en 1997). Le taux de chômage, mesuré par l'Insee selon les normes du Bureau international du travail, croît depuis sept trimestres. Il était à 10,4% (10,8 avec les Dom) au premier trimestre. Michel Sapin, le ministre du Travail, a de son côté insisté sur le fait que les chiffres de l'Insee "sont des prévisions trimestrielles": "ça veut dire que la situation en début de trimestre n'est pas forcément la même qu'à la fin, d'ailleurs entre les deux il y a ce qu'on appelle l'inversion de la courbe du chômage".
L'Insee, dont les prévisions ne vont pas au-delà de la fin d'année, n'entrevoit pas d'inversion de tendance fin 2013 pour deux raisons : la France devrait continuer de détruire plus d'emplois qu'elle n'en crée et la croissance de la population active est "toujours dynamique" (+137.000 nouvelles personnes sur le marché cette année). L'augmentation continuerait, mais "à un rythme ralenti", à raison d'un dixième par trimestre, souligne cependant l'Insee. Ce ralentissement tiendrait essentiellement "à une montée en charge des emplois aidés" (en partie subventionnés, dont les emplois d'avenir) qui permettrait à l'emploi non marchand de se redresser (+85.000 créations nettes d'emplois sur l'année, dont 71.000 au second semestre), explique Cédric Audenis, chef du département de la conjoncture. 
Cette hausse dans le non marchand viendrait ainsi largement atténuer les destructions toujours très fortes dans les secteurs marchands non agricoles, que l'Insee anticipe pires en 2013 (113.000 destructions prévues, après 92.000 en 2012). Ces secteurs privés, coeur de l'économie, vont continuer de pâtir de la crise. Au premier trimestre, l'institut avait mesuré une bonne "surprise" de seulement 8.000 destructions, une tendance qui ne devrait pas durer: l'Insee prévoit un solde négatif de 30.000 emplois au deuxième trimestre et 76.000 au second semestre.

Récession de 0,1% par rapport à 2012

Par ailleurs relève encore l'Insee, le nombre d'inscrits à Pôle Emploi atteint aussi un niveau record. Cet indicateur, mensuel, est fourni par la direction statistique du ministère du Travail. Il distingue notamment les inscrits en catégorie A (n'ayant pas travaillé du tout dans le mois), qui focalise l'attention, des catégorie B et C (ayant eu une activité réduite). Fin avril, Pôle emploi recensait ainsi un record absolu de 3.264.400 chômeurs en catégorie A. Le précédent sommet (3.195.500 en janvier 1997) a été dépassé en mars. Maintes fois franchi entre 1993 et 1999, le seuil des trois millions de chômeurs en métropole a de nouveau été atteint en août 2012. Il l'avait été dès septembre 2011 avec l'Outre-mer. En tenant compte des catégories B et C, Pôle emploi dénombrait fin avril 5,09 millions de chômeurs, Outre-mer compris. La liste s'allonge de 318.000 personnes si l'on ajoute les dispensés de recherche inscrits en catégorie D (stagiaires, personnes malades et licenciés économiques bénéficiant d'un suivi) ou E (bénéficiaires d'un contrat aidé).
Enfin, souligne l'institut, l'économie française va rester atone toute l'année, ce qui devrait se traduire, sur l'ensemble de 2013, par une récession de 0,1% par rapport à 2012, alors que le gouvernement table sur une croissance de 0,1%. 

Cette épuisante sensation de courir dans l’eau (plaidoyer pour rompre définitivement avec le PS)

Vous avez déjà essayé de courir dans l’eau ? Epuisant n’est-ce pas ? Au bout de quelques pas, je me dis que j’irai plus vite en marchant. Alors je marche. Comme je n’ai jamais pris la peine de me chronométrer, je ne sais ce qu’il en est réellement, mais la sensation d’aller plus vite et plus loin est bien là. Et quoi de plus subjectif que le temps ?

Socialistes, j’ai un aveu à vous faire :je ne vous supporte plus. Ni vos tronches, ni vos discours, ni vos écrits, ni vos déclarations, ni vos commentaires.

Je ne supporte plus vos promesses, vos analyses, vos décisions, votre éducation, votre culture, votre économie, votre politique, vos médias.

Socialistes, je ne vous supporte plus ni en peinture, ni en photo, ni en dessin.

Voilà, c’est écrit, c’est annoncé, c’est officiel. (P’tain, qu’est-ce que ça fait du bien.)


Le PS est-il encore fréquentable ?

Cela n’a pas toujours été le cas, croyez-moi. Je me souviens encore lorsque, membre du PCF, nous collions dans les rues les affiches de la section locale du PS qui n’avait - paraît-il - pas vraiment de militants pour ça. On se moquait d’eux, c’est vrai, mais c’était comme on se moque d’un copain qui vient à un week-end de randonnée avec des chaussures de ville. Ce côté décalé, légèrement à côté de la plaque, maladroit mais plein de bonne volonté. Sa souffrance à aller de l’avant finit par faire de la peine, et tout le monde ralentit pour l’attendre. On lui prêterait bien une paire de chaussures de marche, mais qui aurait pensé que... ? En tous cas, c’est comme ça que je voyais les choses.

C’est dire si je les connaissais mal.

Comprenez-moi bien : ce n’est pas leur positionnement politique stricto sensu que j’ai fini par haïr, après tout, il m’arrive de trouver des gens « sympas » de pratiquement tous les bords politiques. Engueulez-moi si vous voulez mais, dans le camp adverse, j’ai une petite affection pour Bayrou, par exemple. Je crois que c’est un type bien, comme on dit. Ah, on sera probablement jamais membres du même parti, mais j’aime les gens cultivés (il l’est), propres sur eux (il le paraît), aux véritables convictions (il me semble). C’est quelqu’un, divergences politiques mises à part, qui m’inspire confiance, avec qui j’aurais envie de discuter un brin. Oui, je sais, je peux me tromper, mais en attendant, c’est comme ça.

Eux par contre... plus jamais. Non, ce qui me débecte chez eux, c’est leur façon d’être, leurs façons de faire, ce sentiment, à l’origine diffus mais qui a pris corps, qu’ils ne sont jamais ce qu’ils prétendent être (qui n’est déjà en soi pas toujours reluisant). Ce sentiment que tous leurs propos (notamment pré-électoraux) sont contrôlés par une partie de leur cerveau qui a coupé tout contact avec la partie qui contrôle leurs faits et gestes.

Ils sont si peu regardants qu’ils n’ont même pas changé le nom de leur parti. Ou alors ils le gardent sciemment dans un objectif inavoué. Lequel ? Faire perdre un maximum de crédibilité au mot « socialiste » ? Attirer le gogo de passage ? Pour ratisser large ? Peut-être qu’ils n’y prêtent même plus attention. Peut-être ne l’ont-ils même pas remarqué. Peut-être se rachètent-ils une sorte de bonne conscience, comme un ivrogne qui prendrait sa carte à Alcooliques Anonymes ? Toujours est-il que « mystère ».

Les soupapes sociétales du Capitalisme

Il y a des années, j’ai lu une interview de Noam Chomsky où on lui demandait quelle était la différence entre le Parti Démocrate et le Parti Républicain. Sa réponse (de mémoire) fut laconique : « le sexe ». Il faisait le constat que sur pratiquement tous les domaines, les positions du Parti Démocrate et du Parti Républicain se recouvraient. Le seul domaine – à l’époque – où existait encore une véritable distinction était les questions de sexualité (homosexualité, notamment) et d’une manière générale, tout ce qui concernait la sphère de la vie privée. La position plus « progressiste » du Parti Démocrate faisait qu’il était plus ou moins soutenu par tout un aréopage de mouvements progressistes qui s’accrochaient à ces questions face à un Parti Républicain nettement plus conservateur. On trouvait donc dans le sillage du Parti Démocrate, des mouvements de libération divers et variés, les milieux culturels et médiatiques, ainsi que Hollywood, etc. Pour tout le reste, rien ne pouvait réellement distinguer le Parti Démocrate du Parti Républicain. Chomsky faisait même remarquer que, du point de vue historique, ce sont plutôt des Démocrates qui déclenchent les guerres et les Républicains qui les arrêtent (les choses ont changé depuis).

Toujours est-il que pour aboutir à une fusion idéologique totale, il suffisait que le Parti Républicain franchisse le Rubicon en quelque sorte, c’est-à-dire qu’il abandonne son homophobie, par exemple. Mais que les Républicains franchissent ou non le Rubicon importait peu en réalité dans la mesure où – encore une fois – les deux partis avaient la même politique. Mieux encore, la position sociétale réactionnaire du Parti Républicain pouvait même être utile au système en donnant l’impression d’une alternative, d’une véritable opposition entre deux camps qui s’étripaient avec d’autant de virulence que leur accord sur pratiquement tous les autres sujets était total.

Il s’ensuit que, puisque le parti au pouvoir et le parti dans l’opposition étaient d’accord sur la politique économique, sociale et internationale, le champ de discussion se trouvait de plus en plus rétréci, pour la plus grande satisfaction des pouvoirs économiques et politiques en place. A ma droite, un bon vieux parti bien « réac » (et encore), à ma gauche, un parti « progressiste » (et encore). Chez l’un  et l’autre, la même servilité au système. A l’extérieur, réduits au silence et exclus des médias et du champ « réaliste » et « raisonnable » du débat, tout ce qui pouvait remettre en cause la distribution du pouvoir et des richesses.

La main-mise idéologue du capitalisme devenait ainsi totale, grâce aux questions sociétales qui opèrent comme une soupape de sécurité sans pour autant remettre en cause les rapports de pouvoirs. En France, selon moi, la dernière soupape en date fut le mariage pour tous, qui a permis le passage en toute discrétion de l’abominable ANI.

Notons au passage qu’il me semble qu’il ne reste plus beaucoup de « soupapes sociétales ». L’interdiction de quelques groupuscules d’extrême-droite ? Le vote des étrangers, peut-être ? Et après ? Pas grand chose. C’est pour vous dire que si vous ne pensez pas que l’heure est grave, le Capitalisme, lui, doit commencer à en être convaincu.

Ah si, il reste au Capitalisme une grosse soupape, son joker, son va-tout : le Front National. " Nan, jamais", pensez-vous. Alors réfléchissez à ceci en pensant à ce qui précède : le Front National est plus probablement plus proche du pouvoir qu’on ne le pense en général, car il lui suffirait de "franchir le Rubicon" sur quelques questions sociétales (nous avons vu que ça mangeait moins de pain que les étrangers) pour que sa  fréquentabilité explose et que les appels incantatoires contre son racisme et sa xénophobie perdent leurs derniers pouvoirs de résistance. Gageons que s’ils organisaient un gay-pride à la fête bleu-blanc-rouge, Libération trouverait Marine Le Pen métamorphosée et très "in". Je sais, c’est triste, mais comme ça. En tous cas, si j’étais à la tête du Front National, c’est ce que je ferais, avec un petit clin d’oeil à la base pour leur faire comprendre que c’est "pour du faux".

La proximité idéologique entre le PS et la Droite n’empêche nullement la confrontation. On pourrait même dire que plus les idéologies se ressemblent, plus la confrontation se doit d’être exacerbée et « théâtralisée » pour justifier son appartenance à une des équipes tenants du système en place – sinon, à quoi bon avoir plusieurs partis ? Une confrontation qui relève plus de supporters de foot se bagarrant entre eux qu’à de véritables enjeux de société. La confrontation peut donc être virulente et sincère, tout en paraissant ridicule aux yeux des passants et des spectateurs non concernés. Deux camps de supporters qui se battant pour leurs équipes respectives, le tout au nom d’un même sport joué avec les mêmes règles. Et il n’est pas dit qu’ils ne s’unissent le temps de tabasser un fan de basket qui passerait par là.

 Une dérive qui rétrécit le champ du débat 

Observons à présent un phénomène : la dérive droitière du PS, à l’instar de son courroie de transmission la CFDT, s’opère au fur et à mesure que la crise du capitalisme et du libéralisme économique s’amplifie, ce qui constitue en soi un étrange paradoxe. Qui peut sérieusement croire que plus de droite résoudrait une crise fondamentalement de droite ? Les caciques, porte-voix, idéologues, etc, du PS ne sont ni des « pragmatiques » ni des « réalistes » mais des médecins de Molière. S’il fallait démontrer que le PS n’a jamais été (ou n’est plus, comme vous voulez) de gauche, ce simple constat suffit en lui-même, car qui rallierait l’idéologie adverse au moment même où cette dernière est malmenée ?

Pour ceux qui n’ont pas compris l’ampleur de la dérive, je les invite à interrompre leur lecture de ce texte et de (re)lire le Programme Commun de gouvernement, signé par le PCF, le PS et les Radicaux de gauche et qui date de 1972. Un des partis signataires était un parti "de centre-gauche".

C’est ainsi que la dérive du PS provoque le même rétrécissement du champ de discussions, la même exclusion du champ du « raisonnable » et du « réaliste ». A tel point que la question des (re)nationalisations de certaines entreprises est devenue une question littéralement taboue, y compris (et surtout ?) au PS. C’est comme si la porte de discussion se refermait derrière le PS au fur et à mesure qu’il dérive de plus en plus à droite.

Et j’appelle à la barre des témoins l’actualité récente, qui vient de révéler comment la véritable gauche se faisait désormais étiqueter de « extrême ». Etre de gauche aujourd’hui, c’est être « extrême ». Le piège tendu depuis des années est donc en train de se refermer, et la caution politique et morale de ce piège n’est ni plus ni moins que le PS.

Alors partons d’un constat : le Parti Socialiste est aujourd’hui plus à droite que la droite que nous combattions jadis, et que nous traitions de « réactionnaires » même et, allez, pendant qu’on y est, de « facho ». Oui, on était jeunes, on était beaux, on sentait bon la lutte des classes.

Une dérive en forme de chantage

Cette dérive s’opère par une manœuvre relativement simple : plus la droite se droitise, et plus le PS peut se droitiser, tout en prétendant être plus « à gauche » (ou « moins à droite ») que la droite officielle... A tel point que c’est devenu apparemment sa seule raison d’être (Qui a oublié la mémorable campagne du PS en 1986 qui n’avait comme argument sur ses affiches que « Au secours ! La droite revient ». Tu parles.)

Cette dérive soulève évidemment la question suivante : jusqu’où ? Question qui s’adresse en réalité plutôt à nous qu’au PS. Après tout, si le PS a envie de dériver, qu’il dérive - et nous agiterons des mouchoirs sur le quai en proférant des « Adieu », des « Farewell » et des « Vaya con Dios » (personnellement, j’opterai pour « crève charogne », mais vous n’êtes pas obligés de me suivre).

Parce que nous n’avons jamais tracé de ligne (celle que nous aurions tracée jadis si nous avions su), celle-ci se trouve déjà très loin derrière nous...

Cette question est d’autant plus importante pour nous que le PS entraîne dans cette débâcle tous ceux qui sont accrochés à lui par ces liens qu’on appelle la « discipline républicaine » et le « vote utile »... Accrochés, à l’instar d’un parachutiste qui tombe en vrille et qui n’arrive pas à décrocher le parachute défectueux... A moins de couper la lanière et de prier que le parachute de secours veuille bien s’ouvrir. Manœuvre qu’il faut évidemment effectuer avant qu’il ne soit trop tard.

Une élection après l’autre, la « discipline républicaine » et le « vote utile » auront été les passe-droits d’un Parti Socialiste qui n’aura même pas eu au passage la reconnaissance du ventre. Fort de son chantage systématique d’être « un moindre mal », fort de la véritable impunité dont il a bénéficié au cours de toutes ces années, il est devenu comme tous ceux qui estiment n’avoir de comptes à rendre à personne – ni à la population, ni aux militants qui se sont sacrifiés pour l’amener là où il est. Et s’il ne nous crache pasouvertement à la figure, c’est uniquement parce qu’il sait qu’après une élection, il y en aura une autre, puis une autre... et à chaque fois rebelote.

Ce qui soulève une question brûlante : qu’allons-nous faire de ce parti ?

Cette pénible sensation de courir dans l’eau

Appeler à voter Hollande au second tour pour dégager Sarkozy, ça c’est une décision tactique. Les décisions tactiques valent ce qu’elles valent, elles sont prises ou pas et le cours des événements suit le plan, ou pas. Pas de quoi se crêper le chignon. Le vote utile et la discipline républicaine tactiques sont des outils parmi d’autres, qui ne sont ni à jeter ni à sacraliser. Mais lorsque la discipline républicaine et le vote utile deviennent systématiques, totalement prévisibles donc, et par conséquent inconditionnels, cela devient une stratégie. Et une stratégie, ça se discute. Et le cas échéant, ça se change. De préférence avant qu’il ne soit trop tard. Sinon, on finit par appliquer la discipline républicaine et surtout le vote utile pour apporter des voix à des candidats que appliquent une politique nettement plus à droite que la droite pour laquelle « jamais au grand jamais » nous n’aurions apporté la moindre voix...avant.

La droitisation du PS couplée à la discipline républicaine et le vote utile nous droitise à notre tour – puisque nous apportons nos voix à un parti de plus en plus à droite. Se distancer verbalement du PS, tout en accompagnant électoralement sa dérive, ne fait qu’amplifier le grand écart entre nos discours et nos actes (un des reproches que nous faisons au PS, justement).

La première étape consisterait à arrêter de se raconter des histoires : non, le PS ne changera pas. Et pourquoi changerait-il ? S’il devait changer, ce serait parce qu’il estimerait qu’il n’aurait plus le choix et non pas parce qu’il en aurait envie ou qu’il y croirait ou qu’une lueur bleutée serait tombée du ciel pour l’envelopper d’un halo de béatitude progressiste. Et si malgré tout, il changeait, ce serait dans sa nature et fidèle à ses manœuvres de changer « juste ce qu’il faut » pour désamorcer la crise de confiance. Il changerait pour une question de survie d’appareil, pour pouvoir encore et encore profiter de la discipline républicaine, du vote utile, de son image de moindre mal, tout en préparant la Nième trahison, donc la Nième déception, donc la Nième fuite des électeurs vers quelque chose de « différent ».

Le PS ne changera pas pour une question de principes ou d’idées, parce que si ce parti était capable de principes ou d’idées, il ne serait pas le PS dont on parle et je ne serais pas en train d’écrire ceci.

Des générations entières de militants (y compris du PS, faut-il le préciser), les forces vives du changement, ont été épuisées et s’épuisent encore à tenter de faire gagner une "gauche" en compagnie d’un PS dont la nuisibilité et la nuisance sont établies.

Autant se battre pour une cause et contre un adversaire peut se révéler une activité stimulante, autant jouer à ce numéro de «  je t’aime, moi non plus » avec un PS cocufieur est une activité épuisante et démotivante. Combien de temps encore allons-nous nous épuiser à tenter de courir dans l’eau ?

Et pour ceux qui ont encore des doutes sur les limites de cette dérive, rappelons au passage que lors des dernières élections au Venezuela, le « socialisme » a préféré se rallier derrière Capriles, le candidat d’extrême-droite - ce qui constitue une position assez récurrente des partis dits socialistes à travers le monde.

Avant qu’il ne soit trop tard

Ceux qui pensent ou espèrent que la gauche pourrait profiter du discrédit du PS sur-estiment la culture politique de la population – nourrie en majorité à du TF1. Car le PS est, aux yeux de la très grand majorité, un parti de gauche, point barre. Vous et moi sommes de gauche. Donc nous sommes « comme le PS ». Alors, à moins de bien faire comprendre que nous ne sommes en rien « comme le PS »... Comment ? D’abord en le faisant savoir et, surtout, en le faisant bien comprendre. A la France, et aussi au PS. De préférence avant qu’il ne soit trop tard.

Commençons par nous débarrasser définitivement de la « discipline républicaine » et du « vote utile » stratégiques. La discipline et le vote s’appliqueraient désormais au coup par coup, candidat par candidat, circonscription par circonscription, en considérant le bilan et les votes à l’Assemblée Nationale de chacun. Qu’avons-nous à perdre ?

C’est sûr, nous aurions dû réagir plus tôt, et plus vigoureusement, mais nous sommes comme celui qui souffre d’une rage de dent et qui ira « demain » chez le dentiste. Hier, c’eut été un plombage. Aujourd’hui, ce sera une couronne. Demain...

Avec un PS posé comme un verrou sur la porte menant à tout véritable changement, nous n’avons que trois options :

1) trouver la clé
2) faire sauter le verrou
3) défoncer la porte.

Du point de vue historique, il me semble que la première option est définitivement perdue et que nous sommes actuellement très précisément devant la deuxième. Quant à la troisième, que répondre, à part « en attendant le rapport de forces nécessaire » ? D’ailleurs, c’est pas moi qui le dit, c’est l’Histoire. Généralement, elle sait de quoi elle parle, même lorsqu’elle bégaie.

Viktor Dedaj
« marre de jouer à pierre-feuille-ciseaux avec le PS » 

Réforme des retraites: Hollande choisit l'allongement de la durée de cotisation


C'est la "mesure la plus juste", "à condition qu'elle soit appliquée à tous et à tous les régimes", a précisé le chef de l'Etat en ouverture de la conférence sociale.

François Hollande a d'ores et déjà esquissé les contours de la future réforme des retraites qui doit être votée avant la fin de l'année. Le chef de l'Etat a estimé aujourd'hui a estimé jeudi que l'allongement de la durée de cotisation était "la mesure la plus juste à condition qu'elle soit appliquée à tous".
l'"Prolonger la durée de cotisation est la mesure la plus juste à condition qu'elle soit appliquée à tous et à tous les régimes", a indiqué jeudiFrançois Hollande à propos de la réforme des retraites, en ouverture de la deuxième conférence sociale qui se tient les 20 et 21 juin au Conseil économique social et environnemental (CESE), devant l'ensemble des partenaires sociaux.
Pour combler le déficit des régimes de retraite qui doit s'élever à 20 milliards d'euros en 2020, "les efforts devront être équitablement répartis", a-t-il rappelé.
Mais l'allongement de la durée de cotisation doit aussi "tenir compte de la pénibilité des tâches", selon lui .Un autre élément "doit être dans la discussion", c'est "l'allongement de la période des études qui appellera nécessairement un effort contributif calculé d'une manière différente d'aujourd'hui", a poursuivi le chef de l'Etat."Etre responsable", c'est "tirer toutes les conséquences de cette chance formidable qu'est l'allongement de l'espérance de la vie", a-t-il affirmé.
Dans ce cadre, l'autre option évoquée est d'"augmenter l'âge légal de départ à la retraite" mais "j'ai considéré que cela revenait à pénaliser ceux qui ont commencé tôt à travailler", a-t-il estimé.
Pendant sa campagne, François Hollande s'était engagé à ne pas reculer davantage l'âge légal de départ à la retraite, fixé depuis la réforme de 2010 à 62 ans. Cette déclaration intervient après la remise du rapport Moreau sur l'avenir des retraites, remis vendredi 14 juin au gouvernement.

Partenaires sociaux ou ennemis de classe ? Pourquoi l’Etat et les syndicats français transforment le dialogue social en une guerre sans vainqueur


La deuxième conférence sociale sous François Hollande s’ouvre ce jeudi dans un climat tendu. Marylise Lebranchu vient de confirmer que le point d'indice, gelé depuis 2010, va rester inchangé en 2014 tandis que le rapport Moreau sur les retraites préconise un rapprochement des modes de calcul des pensions du public et du privé.

Marylise Lebranchu vient de confirmer que le point d'indice, gelé depuis 2010 va rester inchangé en 2014 tandis que le rapport Moreau sur les retraites préconise un rapprochement des modes de calcul des pensions du public et du privé. La rencontre entre le patronat, les syndicats et le gouvernement lors de lors deuxième conférence sociale promet d’être explosive. Comment expliquez-vous que la France ne semble pouvoir envisager le dialogue social que dans la confrontation ?

Dominique Andolfatto : Le plus surprenant serait plutôt que, pour le moment, en termes de rapports syndicats-gouvernement, prévaut une sorte de grand calme… ou de torpeur. Comme si les syndicats, face à un gouvernement de gauche, étaient inhibés ou, compte tenu du contexte économique gravissime, et de ressources mobilisables aléatoires, étaient comme paralysés, attentistes… même si certains – la CGT notamment – commencent à parler de manifestations pour la rentrée, s’agissant de la nouvelle réforme des retraites. Mais la confédération dirigée désormais par Thierry Lepaon peut-elle faire moins ?

Pour le moment, en tous les cas, on n’a pas du tout l’impression que les syndicats seraient en train de fourbir leurs armes… Et c’est même plutôt le Medef – à tout le moins Laurence Parisot – qui monte au front en déplorant la pauvreté du rapport Moreau compte tenu des enjeux… comme si on y avait dissout un antalgique qui tranquilliserait encore un peu le patient et les groupes d’intérêts qui s’agitent habituellement autour de lui. Pour autant, en termes plus positifs, on peut supposer aussi qu’un esprit de responsabilité serait en train de prévaloir.

Eric Verhaeghe : En fait, je suis très nuancé sur votre affirmation. Je distinguerais très volontiers ce qui se passe dans les entreprises, ce qui se passe dans les administrations, et ce qui se passe dans les appareils nationaux. Dans les entreprises, le dialogue social est beaucoup plus fluide qu'on ne le dit, y compris avec la CGT. Beaucoup de délégués CGT signent des accords avec leur employeur, contrairement à l'image véhiculée dans les medias. De ce point de vue, on ne peut parler légitimement de confrontation.

Dans les services publics et les monopoles d'Etat, la réalité est très différente. Les syndicats y nourrissent volontiers une logique de confrontation, en grande partie parce que le service public n'a plus d'objectif cohérent, n'est pas managé, et n'est pas soumis à une contrainte de performance comme les entreprises peuvent l'être. Par exemple, savez-vous qu'à Paris ERDF n'a pratiqué aucun branchement de nouveau compteur électrique pendant une semaine parce que les agents étaient en grève. Il est extravagant que dans l'une des villes les plus riches du monde, dans une mégapole de 12 millions d'habitants, dans la ville du monde la plus visitée, une poignée de grévistes décide de ne plus pratiquer de raccordements électriques. Ce genre d'aberration, qui constitue un usage disproportionné du droit de grève, est propre à des secteurs sous statut où la notion de service aux citoyens s'est dissipée.

Au niveau national, tout est fait pour maintenir la fiction d'une lutte des classes sourdes, avec de petits jeux pervers qui permettent à la CFDT de se positionner comme le partenaire incontournable du gouvernement, pendant que la CGT se campe dans le rôle du syndicat où l'on donne de la voix. En quoi ce jeu très parisien, très courtisan, tourné vers le pouvoir politique, correspond-il à une réalité citoyenne? Je vous laisse répondre.

Cette situation est-elle liée à un problème structurel ?  

Eric Verhaeghe : Nous sommes encore les héritiers d'un système d'après-guerre, où les règles du jeu étaient fixées par le pouvoir politique. Les syndicats ont longtemps tenu leur représentativité du gouvernement. Le fameux arrêté ministériel de 1966 avait désigné 4 concurrents officiels à la CGT, pour affaiblir celle-ci. Cette pratique a pour longtemps dissuadé les syndicats français d'aller à la pêche aux adhésions, puisqu'ils étaient représentatifs même groupusculaire. Cette pratique a aussi soulagé le patronat, puisqu'il a dissuadé les syndicats d'investir les entreprises pour y faire des émules. Ce système confortable d'après-guerre, nous en payons le prix fort aujourd'hui: nous n'avons pas développé de culture syndicale, de culture de négociation au sens où les Allemands peuvent l'entendre. Or une grande partie de la compétitivité allemande provient de sa capacité à faire ramer salariés et employeurs dans le même sens. 

La réforme de la représentativité de 2008 a commencé à infléchir les choses, puisque les syndicats détiennent désormais leur représentativité nationale par la légitimité des élections dans les entreprises. Mais le changement sera long. Une démocratie sociale, ça se bâtit sur des cycles qui durent plusieurs décennies. 

Dominique Andolfatto : Les rapports sociaux obéissent effectivement en France à certaines particularités. Il n’y a sans doute pas lieu de s’en émouvoir. C’est la même chose ailleurs. Quoiqu’il en soit, il importe de poser les bons diagnostics, de trouver de bons compromis.
L’absence de représentativité des partenaires sociaux et le fait que les salariés du privé soient très peu syndiqués expliquent-ils l’absence de compromis ?

L’absence de représentativité des partenaires sociaux et le fait que les salariés du privé soient très peu syndiqués expliquent-ils l’absence de compromis ?


Eric Verhaeghe : Je le présenterais autrement. Très longtemps, les syndicats restaient représentatifs, c'est-à-dire conservaient leur capacité à négocier dans les entreprises, quelle que soit le nombre de leurs adhérents. Ils ont donc pu maintenir des logiques d'affrontement déconnectée de la réalité salariale sans aucune crainte: ils n'avaient pas besoin de l'approbation de la base pour agir, et avaient même intérêt à jouer aux avant-gardes révolutionnaires pour obtenir le maximum de contreparties de la part des employeurs.

A ce phénomène, il faut quand même ajouter la situation très singulière de la CGT, où les structures dirigeantes sont majoritairement contrôlées par des fonctionnaires, alors que la base se situe plutôt dans le privé. A titre d'exemple, la négociatrice de la CGT pour l'accord sécurisation de l'emploi était une permanente de Radio-France, qui n'a donc aucune expérience concrète de l'entreprise. Le poids des fonctionnaires à la CGT explique largement les positions confédéraux rigides. 

Personnellement, je trouverais bienvenu que l'on oblige les syndicats à se scinder entre syndicats du public et syndicats du privé, puisque le droit applicable à ces personnels sont différents.

Dominique Andolfatto : On ne peut dire que les partenaires sociaux ne sont pas représentatifs. Une réforme est d’ailleurs intervenue en 2008 pour consolider la représentativité des organisations syndicales (une autre devrait concerner les organisations d’employeurs). Sans doute que les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes ou des espoirs. Au vu de la première mesure de représentativité publiée en mars dernier, les syndicats ne peuvent guère se prévaloir que du soutien d’un tiers des salariés. Cela étant, ils sont – juridiquement – considérés comme s’exprimant au nom de l’ensemble des salariés.

L’un des problèmes resterait sans doute l’émiettement de cette représentativité qui, malgré la réforme de 2008, perdure. Malgré tout, au niveau national, dans les branches d’activité, comme dans les entreprises, des compromis sont effectivement négociés. On peut toujours considérer que cela reste insuffisant, que l’Etat reste trop présent dans les relations industrielles et fausse par ses injonctions les compromis négociés, qui seraient trop formels, trop artificiels ou obligés. Ce sont des rapports de confiance qu’il s’agit de construire et, sauf à prôner la table rase, on ne peut que s’accommoder de l’existant, certes avec l’ambition de le transformer.

La tradition interventionniste et étatique de la France annihile-t-elle d’emblée toute possibilité de dialogue entre les syndicats et le patronat ?

Dominique Andolfatto : Elle ne l’annihile pas mais, comme je viens de le dire plus haut, elle lui enlève une part de sens. Les partenaires sociaux vont agir par obligation… et n’agir finalement que de façon minimaliste – simplement pour se conformer au droit – et en faisant bouger le moins possible les situations acquises par les uns ou les autres, en refusant même de jouer la transparence… ou en ne le faisant que de façon uniquement cosmétique. En France, on n’aime pas tellement le « parler vrai ».

Eric Verhaeghe : Au niveau national, c'est-à-dire interprofessionnel, le dirigisme étatique biaise complètement le dialogue social, qui n'est pas un dialogue, mais un trilogue: l'Etat prend l'initiative de l'ordre du jour, fixe les objectifs et fait pression sur les partenaires pour arriver à ses fins, en menaçant d'arbitrer in fine si les partenaires sociaux ne se mettent pas d'accord comme il le souhaite. Cette situation est à rebours de ce qui se passe en Allemagne, où l'Etat reste neutre et n'interfère jamais dans le dialogue social national. 

Peut-on également y voir un problème culturel ?

Dominique Andolfatto : Sans aucun doute. Un certain contexte, une histoire, pèse… Mais une fois cela constaté, ce qui n’est pas propre à la France, on n’a pas réglé grand-chose…

Eric Verhaeghe : Incontestablement, la France est restée prisonnière de sa tradition anarcho-syndicaliste, où le dialogue social apparaît comme forcément suspect. Cette tradition date d'il y a plus d'un siècle, et il faudra du temps pour la changer. Elle s'est bâtie sur le désert laissé par les décrets d'Allarde et la loi Le Chapelier de 1791. Vous le voyez, notre conception du dialogue social s'enracine dans des logiques longues, lentes, patientes, et nous ne pourrons pas les changer d'un coup de baguette magique. Les Français aiment la loi, aiment que la loi décident de tout, et se méfient de ces corps intermédiaires qui négocient en marge du parlement.

Ce réflexe culturel traverse le débat politique et transcende le courant droite-gauche. Souvenez-vous des réactions de Nicolas Sarkozy contre les corps intermédiaires et reprenez les propos de Mélenchon contre la loi sur la sécurisation de l'emploi. Vous y liez entre les lignes le même penchant jacobin, l'un bonapartiste, l'autre robespierriste, qui nous ramène aux fondamentaux du débat politique français. Sans surprise, un Hollande, comme un Chirac, se retrouvent beaucoup plus dans une logique girondine où l'on limite le poids du législateur, où l'on se repose sur le corps social pour avancer, mais toujours sous le contrôle de l'Etat.

Au-delà de cette référence, on remarquera d'ailleurs que, sous l'Ancien Régime, la France refusait le dialogue social d'entreprise, et lui préférait l'équivalent du dialogue social de branche. Cette tendance est relativement à l'oeuvre sous le gouvernement actuel. La question de la généralisation de la complémentaire santé l'a montré. Le gouvernement comptait favoriser les accords de branche, là où le Conseil Constitutionnel a considéré que ces accords entravaient la liberté d'entreprendre.

L’héritage révolutionnaire imprègne-t-il toujours l’esprit des négociations ? Qu'en est-il du souvenir des luttes sociales du XIXe siècle et du début du XXe siècle ?

Dominique Andolfatto : Là, je crois qu’on est dans le mythe. Un négociateur d’aujourd’hui n’a pas en tête la grande révolution ou le souvenir du Front populaire lorsqu’il s’assoit à la table des négociations. Une certaine mode serait d’ailleurs plutôt à la déconstruction de la révolution. Certes, à la CGT, ou au sein de SUD – cette dernière organisation étant présente toutefois dans peu de secteurs -, l’action syndicale est souvent perçue comme une succession, plus ou moins héroïque, de« luttes ». Mais le recours à la grève est devenu très faible, exceptionnel, même dans les entreprises publiques ou semi-publiques. Par exemple, à la Sncf, en 2012, on a comptabilisé 0,6 jour de grève par agent au cours de l’année, à l’Edf, 0,1 journée… Et, plus globalement, les salariés français font en moyenne un jour de grève tous les 8 ans ! On ne saurait donc réduire l’action syndicale aux luttes. Les salariés ont bien d’autres raisons de s’absenter de leur poste de travail… Mais l’action syndicale, à l’exemple d’autres évolutions, s’est sans doute bureaucratisée et, naturellement, juridicisée. Or c’est un socle plus sociologique qu’elle doit retrouver pour peser véritablement.

Objectivement, les syndicats ont-ils des raisons d’être méfiants ? Par le passé les engagements et les promesses des gouvernements successifs ont-ils été trahis ?

Dominique Andolfatto : Le rôle des syndicats (comme des organisations patronales) est de défendre les intérêts matériels et moraux de leurs adhérents et, en lien avec la notion de représentativité, ceux plus globalement des salariés (ou des employeurs). Cela les oblige aussi à rendre des comptes et au final, s’agissant des syndicats, ce sont bien les salariés qui sont appelés à trancher, notamment lors des élections professionnelles. Donc les syndicats – en fonction des intérêts à défendre – peuvent se montrer méfiants, se dire trahis, s’opposer à certaines réformes… Pour autant, comme j’avais eu l’occasion de le montrer avec mon collègue Dominique Labbé, dans un article paru dans « Le débat » en 2011, ils peinent à élaborer des stratégies cohérentes pour peser sur la décision publique. Il ne suffit pas d’appeler à des manifestations de rue pour faire échec à certaines réformes. Il ne suffit pas non plus de ne jouer qu’un rôle institutionnel, soit de discuter dans les ministères. Il s’agit de constituer une organisation « vivante », avec des adhérents et des sympathisants nombreux.

Eric Verhaeghe : Mais je ne crois pas que les syndicats soient méfiants. Je pense qu'ils sont dans une posture de méfiance, parce qu'une négociation est d'abord un jeu de posture, mais en réalité les grandes lignes de la conférence sont déjà tracées en accord avec les syndicats. Sur la réforme des retraites, la CGT fera un baroud d'honneur, comme d'habitude, et ne négociera pas. La CFDT portera la réforme. Elle obtiendra en échange des mesures favorables à la carrière des syndicalistes et au développement de l'adhésion en entreprise avec des systèmes comme le chèque syndical. Quant au contenu de la réforme des retraites, il est connu: désindexation partielle, allongement de la durée de cotisation, augmentation des cotisations. Il reste juste quelques inconnues sur les fonctionnaires, sur le rapprochement de l'AGIRC-ARRCO avec la CNAV, et sur une éventuelle baisse des exonérations fiscales appliquées aux retraités. En fait, le menu est connu. Ce qui manque juste, c'est le fromage et les zakouski.

L’affrontement et le recours à la rue en guise de dialogue social sont-ils des fatalités ?  La France a-t-elle une chance de voir un jour aboutir un dialogue social apaisé ? Comment ? 

Eric Verhaeghe : Question difficile. Je crois que les acteurs de l'économie française resteront toujours pris dans un balancement entre la branche, l'Etat et l'entreprise, entre l'autorité et le dialogue, entre le rapport de force et la coopération. Au gré des époques, le curseur bouge et ne reste jamais en place complètement, même si des dominantes se dégagent. En revanche, je pense qu'il faut un New Deal: il faut changer la base de ce jeu permanent entre les contraires. Cela passe par une réforme du financement du syndicalisme, qui doit devenir transparent, et la mise en place d'une part minimale de cotisations dans les ressources globales des syndicats. Cette part doit constituer l'essentiel des ressources des syndicats, pour bien asseoir leur représentativité. 

Dominique Andolfatto : Ces grandes conférences ne donnent-elles pas un visage assez apaisé des relations entre les partenaires sociaux et l’Etat ? Reste à s’entendre sur que ce qu’on fait dans ces lieux, pour qu’ils n’apparaissent pas trop formels sinon coupés des réalités que vivent les salariés.

Il ne s’agit ni de négociation, ni même de concertation. Cela ressemble à un colloque, avec ses tables rondes et leurs échanges civils entre experts : emploi, formation, retraite, protection sociale, services publics, Europe sociale figurent au menu. Si on peut supposer que l’écoute mutuelle doit justement éviter l’affrontement direct, cela transforme aussi toute réforme en une course de lenteur et laisse croire que diverses options sont possibles. Est-ce vraiment le cas ? Et l’heure de vérité peut-elle être encore différée ?