Avec la crise de 2008, l’économie s’est installée solidement au centre de l’actualité. Une partie considérable des journaux et des sites Internet nous livrent quotidiennement des informations sur les cours des monnaies, les taux de chômage, ou les transformations dans des différents secteurs industriels. Cette augmentation du flux d’information économique coïncide avec une période financière difficile pour les médias. Ce qui remet en cause la qualité du traitement de l’information économique.
Dans un rapport présenté à la mi-mai, l’Institut français pour le développement de l’information économique et sociale (IDIES) s’alarme sur la dégradation de la qualité de l’information dans les médias français.
Si les journalistes en France sont de plus en plus diplômés (la moitié ayant au moins le niveau Bac+4, selon IDIES), leur niveau de formation en économie baisse. En 2008, selon les calculs réalisés d’après les données fournies par le centre de délivrance des cartes de presse françaises, environ 85 % des journalistes avaient suivi des cursus dits « littéraires » (lettres, langues, communication), contre seulement 6% possédant une formation en économie ou en gestion. Un pourcentage qui n’est pas en rapport avec la progression des sujets économiques dans l’actualité d’aujourd’hui. En outre, les rédactions françaises sont obligées de faire face à un manque croissant d’effectifs, provoqué par des plans de départs volontaires. L’année dernière, environ 200 journalistes ont quitté les rédactions des grands quotidiens français, dont 80 celle du Figaro.
Le manque de formation économique des journalistes et la nécessité de travailler vite, sous la pression de temps, sont un autre problème pour les journalistes économiques en France. C’est pourquoi environ un tiers d’entre eux reprennent des chiffres publiés dans des communiqués des entreprises sans les vérifier. Mais déjà en 1996, une étude révélait que 47 % des journalistes économiques étaient incapables de lire les comptes des entreprises, et 51 % ne maîtrisaient pas les opérations de restructuration financière. Depuis lors, ces résultats ne se sont pas améliorés, s’alarme le rapport d’IDIES.
La demande en information économique est différente en Russie
En Russie aucune étude similaire n’a été réalisée, mais les experts russes s’accordent à dire que le niveau des journalistes économiques russes est en moyenne inférieur, comparé à celui de leurs confrères occidentaux. Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène. La demande en information économique spécialisée est beaucoup moins forte en Russie. Si la plupart des médias russes sont dotés aujourd’hui de services économiques, ces derniers font surtout de la vulgarisation économique et non pas de l’analyse. Un travail en plus mal rémunéré, les rédactions connaissant de sérieuses difficultés économiques.
L’information économique est apparue à la fin des années 1980 avec la libéralisation des médias en URSS. Et pendant la première décennie qui a suivi l’éclatement de l’URSS, cette information économique avait un rôle de formation, expliquant le b.a.-ba de l’économie à tous ceux qui se lançaient dans l’entreprenariat. C’est ainsi qu’ont été créées en Russie la maison d’édition Kommersant et l’agence économique RBK.
 « Certes, l’économie commence à dominer dans le flux des informations générales en Russie, c’est une tendance qui s’accentue depuis une dizaine d’années », explique Andreï Vyrkovski, chargé de cours à la faculté de Journalisme de l’Université d’Etat de Moscou. « Mais on ne peut pas comparer les médias russes au Financial Times, par exemple. Je ne sais pas comment cela se passe en France, mais dans les pays anglo-saxons, toute une catégorie de personnes possèdent des actions ou des parts dans des sociétés diverses. Une classe entière de journalistes se trouve au service de ces personnes, leur livrant des analyses et des informations ».
Vers une spécialisation des médias économiques ?
Malgré des différences au niveau de la demande, les médias russes, tout comme les médias étrangers, ne sont pas épargnés par la crise.
Selon Andreï Vyrkovski, le modèle économique des médias dans le monde ressemble aujourd’hui à celui du XIXe siècle. Ils ciblent de petits auditoires ayant des centres d’intérêt précis. Une transformation qui se produit sur fond de crise du modèle publicitaire qui existait depuis le début du XXe siècle. Aujourd’hui, la publicité qui finançait notamment le travail des journalistes, peut contourner les médias et se retrouver directement sur Internet.
« Il faut donc revenir au modèle de vente du contenu », conclut l'expert. « Les médias devraient devenir moins généralistes et plus spécialisés, pour que leur auditoire accepte de payer pour un contenu de qualité. Cela permettra d’augmenter la qualité de l’information économique qu’ils diffusent ».