TOUT EST DIT

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samedi 6 avril 2013

Hollande ne pourra pas aller au bout de son quinquennat : cette idée qui monte, qui monte... Mais si c’était le cas, quel en serait le scénario ?

Selon le baromètre mensuel TNS Sofres pour Le Figaro Magazine, réalisé avant les aveux de Jérôme Cahuzac, la cote de confiance de François Hollande a une nouvelle fois chuté (- 3) en mars à 27 %, le plus bas taux jamais enregistré, depuis 1981, par un chef de l'État au 11e mois de son mandat. Dans ce contexte, sur fond de crise économique, politique et morale, François Hollande pourra-t-il aller jusqu’à la fin de son quinquennat ? Quels sont les scénarios possibles ?

Olivier Passelecq : La crise ouverte par l’affaire Cahuzac, aggravée par les révélations concernant le trésorier de la campagne présidentielle, Jean-Jacques Augier, doit assurément être prise très au sérieux, surtout si de nouveaux développements viennent, dans les jours ou les semaines qui suivent, accabler le pouvoir en place. Mais rien ne permet de dire aujourd’hui qu’il sera impossible à François Hollande d’aller jusqu’au terme de son mandat pour une simple et bonne raison : nous ne sommes plus sous la 3e ou la 4e République, mais dans le cadre d’un système institutionnel extrêmement solide fondé sur une Constitution -celle du 4 octobre 1958- qui a démontré depuis 55 ans qu’elle permettait de surmonter de nombreuses crises particulièrement graves (Algérie, crise politique de l’automne 1962 , événements de mai 1968, cohabitations, etc.).
Le Président de la République dispose en effet, constitutionnellement, d’un arsenal très complet lui permettant de faire face aux difficultés du type de celles qu’il doit affronter à l’heure actuelle. Je rappelle en effet que le Chef de l’Etat, en vertu de l’article 5, est en charge d’une mission essentielle, celle « d’assurer, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’Etat », et que notre Constitution lui fournit précisément tout une série d’instruments pour intervenir.
Les questions relatives à une éventuelle démission de François Hollande conduisent en fait à aborder la question plus générale des différentes hypothèses où un mandat présidentiel ne peut aller jusqu’à son terme. Outre le décès (comme celui de Georges Pompidou en 1974), le cas "d’empêchement" constaté par le Conseil Constitutionnel, pour cause de maladie par exemple, prévu par l’article 7 alinéa 4, et la démission (comme le général de Gaulle en 1969), la Constitution prévoit -ne l’oublions pas- une mise en cause de la responsabilité du Chef de l’Etat par le Parlement, qui peut prononcer sa destitution pour "manquement à ses devoirs manifestement incompatibles avec l’exercice de son mandat" (article 68). Mais rien ne permet aujourd’hui, ni en droit, ni en fait, d’envisager une telle éventualité.
Au-delà du strict point de vue des institutions, il est néanmoins tout à fait vrai que la crise de confiance et d’autorité dont souffre à l’heure actuelle le pouvoir en place peut conduire, compte tenu des graves difficultés économiques et sociales de la France, à des mouvements qui dépasseront de loin le cadre constitutionnel.
William Geynies : Ma réponse est claire le président François Hollande doit et ira  au bout de son mandat et les institutions de la Ve République font de lui le chef de l'Etat désigné par le suffrage universel direct pour cinq ans. Il a conquit une légitimité politique démocratique pour assurer ces fonctions pour la dite période. Et heureusement que c'est comme cela quoiqu'en dise les sondages d'opinion car la démocratie pluraliste ne peut pas remettre en jeu la légitimité acquise lors d'une élection organisée à cette fin.
De plus, il ne faut pas se tromper de nature et de degrés dans l'appréhension de la crise que nous vivons même si celle-ci peut toujours s'aggraver car rien est écrit à l'avance. Du point de vue de la morale  et de  l'éthique politique cela est difficilement acceptable. Mais cela reste une crise politique qui peut-être entrainera un changement de gouvernement mais certainement pas une crise de régime pouvant déboucher à la démission de François Hollande.
 
Regardez l'entourage, hum, il ne fait que boire...le nul !
Une crise politique peut évoluer vers une crise du régime politique mais pour cela, il faut plusieurs facteurs qui ne sont pas réunis aujourd'hui. Pour qu'il y ait une crise de régime il faut qu'il ait plusieurs facteurs convergeant comme une menace extérieure, une crise de l'ensemble de la classe politique ou un comportement déloyal de la majorité d'entre elle, une absence totale d'efficacité des politiques publiques, voire une faillite de l'Etat (services publics plus assurés et fonctionnaires plus payé). Nous sommes loin de réunir tous ces éléments.
 
Rappelons qu'il s'agit du comportement déviant d'un individu, certes un ministre, mais il serait fallacieux de faire un amalgame avec l'ensemble des élites du gouvernement. Ce qui pose problème, c'est que cette crise politique se conjugue avec la mise en œuvre d'une politique d'austérité budgétaire et d'une politique fiscale forcément peu appréciée par la majorité des citoyens français. De surcroit, cette politique s'inscrit dans les pas de la majorité précédente et donc la tentation de l'amalgame entre c'est "toujours les mêmes qui trinquent" et c'est toujours "ceux d'en haut", droite et gauche confondues qui en profitent, va être plus fort.
 
Néanmoins, il y a fort à parier que le président Hollande peut tout d'abord utiliser l'arme du remaniement ministériel car, après tout, cela relève du gouvernement dont il nomme le chef, il peut également jouer de son statut de chef d’État, c'est-à-dire d'homme politique qui est au dessus de la mêlée et qui a été abusé par un mensonge.
 
Walter Bruyère-Ostells : Je ne crois pas que l’affaire Cahuzac entraînera la démission de François Hollande. A mon sens, il faudrait une conjonction d’éléments pour aboutir à une telle situation et notamment une crise européenne majeure. Il est vrai qu’au premier regard, le contexte ressemble beaucoup à celui des années 1930 avec la synchronisation d’une défiance des Français pour la classe politique, d’une crise économique majeure et qui semble un horizon indépassable et une crise sociale associée. J’ajouterai que le vieillissement de la population rapproche l’actualité de la crise malthusienne des années 1930.

La constitution de la Ve République permet-elle ce type de démission ?Quelle forme pourrait-elle prendre ?

Walter Bruyère-Ostells : La Constitution de la Ve République permet tout à fait la démission du président. Il y a d’ailleurs eu un précédent. Après l’échec du référendum du 27 avril 1969, le général de Gaulle, fondateur du régime, a démissionné. Dans ce cas, la Constitution prévoit que le président du Sénat assure l’intérim jusqu’à l’organisation d’une élection présidentielle. Si François Hollande était poussé à cette extrémité, la forme serait, à priori de la plus grande sobriété possible, sous la forme d’une conférence de presse qui marquerait la solennité du geste.

Existe-t-il des exemples historiques de crises similaires ? Comment se sont-ils déroulés ?

Walter Bruyère-Ostells : Il est rare de voir l’exécutif décrédibilisé au point d’être emporté. Il y a cependant des précédents historiques. En 1799, le Directoire est dans cette situation au point qu’une partie de l’élite politique prépare le coup d’Etat qui marque l’avènement au pouvoir de Napoléon Bonaparte comme premier consul. En 1887, le président Jules Grévy est poussé à la démission par le « scandale des décorations » : son gendre, également député, monnayait des Légion d’Honneur (ou autres) pour des investisseurs qui acceptaient de placer de l’argent dans ses entreprises. La crise qui ressemblerait le plus à la situation actuelle se déroule en 1934 quand l’affaire Stavisky touche le gouvernement Chautemps, notamment son ministre de la Justice. Malgré la confiance votée par les parlementaires fin janvier 34 (scenario  qui se reproduirait aujourd’hui), le président du Conseil Camille Chautemps donne sa démission au président de la République. Or, sous la IIIe République, c’est ce président du Conseil qui est le véritable chef du pouvoir exécutif, comme le président de la République dans la Ve. Quelques jours plus tard, la crise aboutit aux émeutes du 6 février 1934 que la gauche considère à l’époque comme une tentative de coup d’Etat contre la République.

Existe-t-il des traits similaires entre ces crises et celle qui semble se dessiner ?

Walter Bruyère-Ostells : Les similitudes entre les années 30 et aujourd’hui sont nombreuses. Le contexte économique et social est très comparable. Sur le plan politique, l’extrême-gauche (communiste à l’époque) et l’extrême-droite (ligues) sont puissantes comme aujourd’hui, non à l’assemblée mais dans l’opinion. Comme aujourd’hui, elles développent un discours populiste autour du thème « tous pourris ». Enfin, la dernière caractéristique est qu’elles se donnent la main pour faire tomber le gouvernement : l’ARAC, association d’anciens combattants proche du parti communiste défile le 6 février comme les ligues d’extrême-droite. Or, on observe tant dans les votes des communistes au Sénat que dans les déclarations convergentes de Marine Le Pen et de Jean-Luc Melenchon des aspects frappants de ce point de vue. Ils critiquent tous les deux les « banksters », sous-entendant une délinquance de la « grande finance internationale », thématique très proche des années 1930. L’une des dernières polémiques a ainsi porté sur la dénonciation des « 17 salopards » de l’eurogroupe par le Front de Gauche.

Si François Hollande en venait à démissionner, la situation ne serait-elle pas encore plus chaotique ?

Walter Bruyère-Ostells : Incontestablement, la droite est profondément divisée et ne pourrait pas porter au pouvoir un « homme providentiel » comme Napoléon Bonaparte en 1799. Il y a encore quelques mois, la droite était la risée de la France avec le feuilleton de l’affrontement Copé-Fillon. Dans l’autre camp, le parti socialiste entier serait broyé par une démission présidentielle. Au centre, François Bayrou ne me semble pas non plus suffisamment légitime depuis ses déboires électoraux pour incarner une alternative. La seule porte de sortie serait un gouvernement technocratique et là encore, je ne crois que cela serait bien reçu par les Français.

De quelles solutions François Hollande dispose-t-il pour éviter d'en arriver là ?

Olivier Passelecq : La première solution lui est fournie par l’article 8 : changer de Premier ministre et de gouvernement. Elle rappellerait la décision prise par François Mitterrand de se séparer d’Edith Cresson, considérée comme vraiment pas à la hauteur, moins d’un an après l’avoir nommée (15 mai 1991- 2 avril 1992). La deuxième solution peut être celle de l’article 11, consistant à consulter les français par référendum, en reprenant par exemple les excellentes propositions de la Commission Jospin sur la moralisation de la vie politique. Le risque étant, l’expérience le prouve, que dans ce cas les électeurs se préoccupent moins de la question qui leur est posée que de celui qui la pose ! La troisième solution, plus radicale, est de prononcer la dissolution de l’Assemblée nationale (article 12) et de demander au peuple de se prononcer en réélisant les députés : compte tenu du niveau d’impopularité qui est le sien, il est plus que probable que dans ce cas François Hollande se retrouvera face à une majorité parlementaire de droite et donc face à une "cohabitation". Le souhaite-t-il réellement ?  On voit donc bien que dans les circonstances actuelles, la meilleure solution pour François Hollande serait de changer d’équipe gouvernementale.
William Geynies : Le président Hollande n'est pas armée de la machine à remonter le temps, il ne peut de fait refaire l'histoire sur ce qui s'est passé. Par contre, dans la foulée du rapport Jospin sur la moralisation de la vie politique, il peut mettre en œuvre une série de réformes rapidement pour réaffirmer sa volonté politique en la matière. De même, il pourrait aller plus loin en s'inspirant de ce qui se fait au États-Unis lors de la nomination des ministres et "political appointee" lors d'une alternance d'administration présidentielle.  
 
L'ensemble des postes les plus importants sont soumis à l'approbation du Sénat, approbation qui est faite après une enquête sur la probité des personnes nommées afin d'éviter les conflits d'intérêts. Ces enquêtes très sérieuses et très poussées sont diligenter par un service du FBI, et si l'on découvre l'ombre d'un doute concernant la personne nommée, elle n'est tout simplement pas investie du dit poste. Ainsi, il est peut être plus fin de se donner les moyens d'écarter les problèmes en amont et d'avoir une République vraiment vertueuse.

Walter Bruyère-Ostells : Il y en a de nombreuses. Tout d’abord, mais pour l’instant, il a plutôt échoué de ce point de vue, des interventions fortes, pleine de sincérité devant les Français. L’annonce de mesures rapides pour moraliser la vie politique est un outil évident (contrôle du patrimoine, prise en compte des conflits d’intérêts, mandat unique,…). Cela calmerait l’opinion happée par d’autres actualités. Je ne crois pas, en revanche, que la voie référendaire soit un bon outil. Il ets souvent compris par les Français comme un plébiscite, sauf à avoir un consensus dans la classe politique qui serait une vraie nouveauté. Surtout, il ya possibilité d’allumer des contre-feux, de faire jaillir d’autres affaires qui prendraient la première place. Il y a enfin des mesures électrochocs : remaniement (mais il est politiquement difficile de le faire « à chaud »), voire dissolution. Toutefois, l’exemple de Jacques Chirac en 1997 devrait l’inciter à ne garder cette solution qu’en ultime recours avant sa propre démission.

La descente aux enfers de François Hollande ne fait-elle que commencer ?


La célébration du premier anniversaire de l’élection de François Hollande dans quelques semaines s’annonce sous les auspices les plus sombres dans un climat de fin de règne. Rarement un tel faisceau de mauvaises nouvelles, d’indicateurs dégradés, a été observé dans notre pays à la faveur d’un hiver qui se prolonge. On croyait qu’un sommet avait été atteint avec les aveux détaillés du ministre du Budget Jérôme Cahuzac, grand argentier stratège pour son propre compte de la fraude fiscale qu’il était chargé officiellement de combattre. Mais les langues se délient pour faire croire qu’il s’agissait d’un  secret de polichinelle, malgré les dénégations maladroites proférées dans les hautes sphères de l’Etat. Les propos martiaux de François Hollande en faveur d’une république irréprochable ont fait long feu au moment où le journal le Monde provoquait un nouveau séisme en annonçant que son trésorier de campagne, Jean-Jacques Augier, était actionnaire de deux sociétés off shore dans les îles Caïman...
Ça il sait faire !

Alors qu’il est à un nouveau plus bas dans les sondages, le chef de l’Etat se trouve cerné de toutes parts : grogne au sein de sa majorité, avec diatribes de plus en plus sévères pour ne pas dire injurieuses sur sa gauche, jugements sévères dans la presse internationale sur son impuissance, harcèlement permanent des adversaires du mariage pour tous contre les membres du gouvernement impliqués dans le projet, hostilité de plus en plus grande dans toutes les couches de la population, où la crise sociale pourrait bien s’ajouter à la déroute économique.

François Hollande est tenté de céder à sa tactique coutumière : faire le gros dos, appliquer la méthode du hérisson, pour donner du temps au temps. Mais la passivité dont a fait preuve jusqu’ici la majorité des Français ne va sans doute pas durer devant la dégradation de la situation. Selon le vieil adage « l’excès d’impôt tue l’impôt », l’argent  rentre moins bien dans les caisses de l’Etat, alors que les prélèvements obligatoires sont déjà revenus l’an dernier à leur niveau historique de 44,9%, enregistrés en 1999 et établiront cette année un nouveau record à 46,3%. Car, les dépenses continuent d’augmenter : les plans d’économie ne parviennent pas à endiguer la marée dépensière à tous les niveaux de l’Etat et des collectivités locale. Paris va être obligé de renégocier avec Bruxelles des délais supplémentaires  pour parvenir à l’objectif de ramener le déficit à 3% du produit intérieur brut, alors qu’on risque de dépasser 4% cette année, dès lors qu’il n’y aura pas de croissance pour absorber la prodigalité de l’Etat. Aujourd’hui, ce n’est pas d’un choc de simplification dont le  pays a besoin, mais bien de coupes claires dans le train de vie d’un Etat qui coûte dix pour cent plus cher que celui de l’Allemagne. La situation française est si inconfortable, que notre pays  devient selon certains économistes le maillon faible de l’Europe.
On ne voit pourtant aucun signe de courage, de volonté  politique, mais seulement des incantations que n’écoute même plus l’opinion. Alors, les Français tentent de survivre selon leurs moyens. Les plus habiles essaieront  la « méthode Cahuzac » en ouvrant des comptes à l’étranger : avec les 40 000 jeunes qui s’expatrient chaque année, cela ouvre des perspectives ! Les autres auront  recours au travail noir, pour compenser la perte de revenus de l’aide  à domicile. Autant d’expédients qui vont accroître l’hostilité au gouvernement, alors que 7% seulement  des Français selon un sondage BVA croient à la possibilité d’inverser en fin d’année la courbe du chômage, le  vrai détonateur de la crise sociale qui pourrait un jour envahir la  rue.


Nicolas Sarkozy joue la «prudence»

Il ne commente pas le possible non-lieu dans l'affaire Bettencourt et affiche sa confiance dans l'institution judiciaire.

Nicolas Sarkozy n'a pas encore juré de raser sa barbe. Il le pourrait néanmoins, si la fuite révélée vendredi matin était confirmée. Selon des sources judiciaires, le parquet de Bordeaux aurait transmis au parquet général un avis négatif sur la demande de mise en examen pour abus de faiblesse de l'ancien président, décidée par le juge Jean-Michel Gentil le 21 mars. Cet avis reste seulement consultatif, mais s'il était confirmé officiellement, il fragiliserait considérablement le dossier de mise en examen de Sarkozy voulue par le juge Gentil.
Dans un contexte national extrêmement tendu, marqué par les aveux spectaculaires de Jérôme Cahuzac, Nicolas Sarkozy ne veut pas se réjouir trop tôt, et surtout ne pas braquer les magistrats. «Il a toujours dit qu'il ferait confiance à l'institution judiciaire», commente sobrement le député européen Brice Hortefeux. «On ne confond pas le juge Gentil avec l'institution elle-même», ajoute-t-il.
Prudence, donc, d'autant plus que rien, pour le moment, n'est confirmé. «C'est un sujet délicat, et nous ne dirons rien tant que cette fuite n'est pas confirmée. Le parquet de Bordeaux a un fonctionnement compliqué. L'épouse du juge Gentil est procureur adjoint au tribunal de Bordeaux», rappelle un autre proche de Sarkozy. Par ailleurs, Nicolas Sarkozy a bien vu qu'au même moment le juge Gilles Tournaire avait lancé une série de perquisitions chez son conseiller politique, Patrick Buisson, dans le cadre d'une autre affaire, celle des sondages de l'Élysée: «Il ne faut pas se raconter d'histoires, ils vont tout faire pour nous faire tomber», met en garde un proche de l'ancien président.

Son rytme habituel

Ce dernier continue donc à afficher son rythme habituel de rendez-vous, comme l'architecte Jacques Rougerie qui met au point le projet «Nautilus» d'exploration des hauts-fonds marins. Ou la navigatrice Maud Fontenoy. «En ce moment, il aime bien l'océan!», glisse-t-on dans son entourage. «Comme sur son affiche de campagne», ajoute-t-on avec un large sourire. Nicolas Sarkozy traversera d'ailleurs l'Atlantique à la fin du mois pour se rendre à New York puis Montréal. Il sera notamment l'invité principal de la banque Goldman Sachs.
Mais l'ancien hôte de l'Élysée observe aussi la dégradation accélérée du climat politique. «Il arrive ce que nous avions prévu, mais beaucoup plus tôt que ce que nous pensions», confie l'un de ses collaborateurs. L'ancien président s'étonne du manque de précaution de son successeur dans l'affaire Cahuzac. «Comment Hollande n'a-t-il pas anticipé les problèmes que lui poserait Cahuzac?», se serait-il demandé, selon un proche. «On connaissait son train de vie, son activité professionnelle dans la chirurgie esthétique, il n'aurait pas dû le mettre dans son gouvernement.» L'ancien président «n'a jamais pris dans son gouvernement son ami Patrick Balkany déjà condamné dans plusieurs affaires», rappelle un visiteur régulier, et il a attendu l'extinction définitive de toute poursuite contre le sénateur Gérard Longuet avant de lui proposer le ministère de la Défense. Il avait également demandé à un autre proche, Brice Hortefeux, de quitter le gouvernement. L'ancien ministre de l'Intérieur faisait l'objet d'une action judiciaire pour «racisme» lors d'un échange avec un militant UMP, qui depuis a été rejetée en appel et en cassation.
«Sarkozy avait demandé à André Santini de quitter le gouvernement parce qu'il faisait l'objet d'une mise en examen dans une affaire de détournement de fonds», se souvient l'un de ses anciens collaborateurs. De fait, Santini a été condamné à deux ans de prison avec sursis en janvier 2013. En revanche, il n'avait pas prévu qu'Éric Woerth serait mis en cause dans l'affaire Bettencourt. «Mais Woerth n'était précédé d'aucune réputation sulfureuse et à ce jour, il n'y aucune preuve matérielle contre lui. En revanche, il y a toujours eu des rumeurs très insistantes sur Cahuzac», affirme-t-on.

Le président et la stratégie du dos rond

François Hollande et le gouvernement s'efforcent de recentrer leurs discours sur la crise économique, en attendant que la tempête déclenchée par l'affaire Cahuzac se calme.

Après une semaine de scandale politique, les images auraient été décalées. François Hollandea renoncé au déplacement envisagé samedi en Corrèze, son fief. Le chef de l'État voulait une rencontre populaire. Il ne voulait pas avoir à répondre à nouveau à l'affaire Cahuzac. Il ne pouvait pas non plus prendre le risque de s'exposer aux interrogations de son électorat, en pleine crise de confiance, et à l'exaspération de ses opposants.
Quelques petites manifestations étaient prévues: opposants au gaz de schiste, à l'aéroport Notre-Dame-des-Landes, au mariage pour tous, des syndicalistes aussi… Le chef de l'État se contentera d'un aller-retour rapide à Tulle, pour une remise de la Légion d'honneur à la préfecture à des personnalités du département. «Il s'y était engagé», explique-t-on à l'Élysée. Les cartons d'invitation étaient déjà envoyés! Il déjeunera ensuite avec des élus qui lui feront part de leurs avis sur la crise. Et puis repos? François Hollande continuera de consulter, écouter et réfléchir à la meilleure façon de faire face.
L'hypothèse d'un remaniement écartée, le chef de l'État est décidé à faire le dos rond. L'orage va passer, estime-t-il. D'ailleurs, dans l'avalanche de sondages, l'un d'eux peut le conforter. Selon l'institut BVA 42 % des Français considèrent que l'affaire ne concerne pas le gouvernement. Et 45 % des personnes interrogées sont satisfaites de la manière dont le chef de l'État gère le scandale. Vu la tempête, ce n'est pas si mal. Le tout étant de savoir si le plus gros est passé ou si d'autres révélations vont venir alimenter à nouveau la crise. Deux ministres se trouvent désormais en difficulté: les ministres de l'Économie et de l'Intérieur,Pierre Moscovici et Manuel Valls. Tous deux sont sommés de dire ce qu'ils savaient de l'affaire.

«Faire reculer tous les risques d'atteinte à la loi»

En attendant, le gouvernement s'efforce de recentrer son propos sur la crise économique et sociale et les «outils» mis en place pour en sortir. Lundi, Jean-Marc Ayrault se rendra ainsi en Indre-et-Loire pour visiter deux entreprises et vanter le plan de compétitivité présenté début novembre. Tout pour éviter d'entretenir le feuilleton. Mais forcément, le premier ministre ne peut pas échapper aux questions.
Vendredi lors d'un déplacement en Bavière il a assuré être «en train de préparer» des mesures «d'une très grande fermeté» sur la moralisation de la vie politique et promis que le gouvernement prendrait «les décisions les plus sévères et les plus courageuses» pour «faire reculer tous les risques d'atteinte à la loi, d'atteinte à la probité».
Avant l'aveu de Jérôme Cahuzac, ni le premier ministre ni le président de la République n'étaient très audibles sur leurs mesures de sortie de crise. Cela s'est lourdement aggravé. «On travaille, il n'y a pas de panique à bord», assure-t-on à l'Élysée. «François Hollande a beaucoup de sang-froid. (…) Les Français ne supportent pas ce qui s'est passé. Mais ce n'est pas une crise de régime, c'est une crise de confiance qui prend sa source dans la question du chômage», a déclaré le député de Paris Jean-Christophe Cambadélis, vendredi sur i-Télé en proposant un «référendum» sur les institutions.
Pris en tenailles entre une droite qui ne le lâche pas et une gauche de la gauche qui lui a déclaré la guerre, le pouvoir exécutif est comme asphyxié. D'autant qu'au Parti socialiste, c'est toujours la sidération. «Les relations se tendent avec les électeurs et les militants», constate un député. Les déclarations de certains ministres, jeudi, ont aussi participé à l'exaspération. Notamment quand Manuel Valls a assuré que lui, contrairement à Jean-Marc Ayrault, aurait «viré» Arnaud Montebourg lors de l'affaire Florange. «Certains ministres se sont lâchés», semble-t-on regretter à l'Élysée sans vouloir dramatiser. Pour organiser la riposte, François Hollande va devoir à nouveau rappeler à l'ordre son équipe.