TOUT EST DIT

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lundi 25 février 2013

Par delà bien et mal

Par delà bien et mal


Allez, ce titre nietzschéen pour finir un week end neigeux au cours duquel mon épouse m’a reproché, à juste titre, une addiction croissante à ce blog et à facebook… Un hebdomadaire de sensibilité socialiste fait sa « une » cette semaine sur l’histoire de cette « philosophe » qui a eu une aventure amoureuse avec DSK dans le but d’en faire un livre. Un autre quotidien de la même inspiration en tire un article intitulé « le porc magnifique«  avec la photo de l’intéressé en exergue. Comment exprimer le dégoût que m’inspire cette nouvelle chronique de la bassesse de notre époque?  Tout est réuni : le lynchage public, le maudit livré en pature, le traînage dans la boue d’un personnage condamnable par les actes qu’il a commis, mais qui n’en reste pas moins un être humain ; l’opportunisme absolu de celle qui fait usage du corps et des passions à des fins de manipulation et de gloriole écrivassière; et puis cette absence de dignité, de la part d’organes de presse qui ont jadis voué à cet homme un véritable culte en tant que possible futur président,  pendant des années, avant de le jeter aujourd’hui dans les basfonds de la honte et de l’humiliation. « Misère de l’homme sans Dieu » écrivait Pascal dans les Pensées; au sens de la misère d’une humanité sans valeurs, sans dignité, sans honneur. La société française marche à l’aveuglette, le regard perdu dans le brouillard de sa bonne conscience. Et au-delà du voile, elle s’avance à pas de géant vers l’abîme, le précipice de la barbarie.

Non, Hollande n'inversera pas la courbe du chômage en 2013


Le Journal du Dimanche de ce 24 février l'assure, en marge de sa visite au Salon de l'agriculture samedi, le président de la République aurait reconnu que le chômage allait augmenter en 2013. François Hollande s'accorderait donc "implicitement" un délai supplémentaire d'une année pour inverser sa courbe.
Ce ne sera pas pour cette année. Le Journal du Dimanche de ce 24 février l'assure, François Hollande a "implicitement" repoussé sa promesse d'"inverser la courbe du chômage" d'une année. "L'année 2013 sera marquée par une progression du chômage. En 2014, nous serons sur une reprise à l'échelle de l'Europe. A partir de là nous espérons commencer à créer de l'emploi", aurait ainsi reconnu le chef de l'Etat lors d'un point presse organisé samedi en marge du Salon de l'agriculture, selon l'hebdomadaire national.

Hollande y croyait...

François Hollande semblait pourtant y croire. En effet, le président socialiste n'a eu de cesse d'afficher son objectif. "Nous devrons y parenir coûte que coûte" assurait-il ainsi lors de ses voeux télévisés le 31 janvier dernier. De la réforme du marché du travail au crédit d'impôt compétitivité emploi, en passant par les contrats de génération et les contrats d'avenir, le gouvernement s'était d'ailleurs doté de toute une série de mesures afin de gagner son pari.

...mais pas les Français

Mais cet objectif semblait tout de même un peu trop ambitieux. "Les promesses n'engagent que ce qui y croient", dit-on. Et justement les Français n'y croyaient pas. D'après un sondage Ifop paru dans le Journal du Dimanche début janvier, seul un quart des sondés pensait que le président de la République parviendrait à "inverser la courbe du chômage" d'ici fin 2013. Et même les sympathisants socialistes n'y croyaient pas. Ils étaient ainsi 53% à juger que ce "but" ne sera pas atteint. Rappelons que jusqu'à présent, le nombre de chômeurs est allé crescendo, avant de se stabiliser en décembre

Le président socialiste n'entend toutefois pas baisser les bras. "S'il n'y a pas d'objectif, il n'y a pas de volonté, je ne me résigne pas", a ainsi assuré le locataire de l'Elysée.

Pour les 25-30 ans, la frontière entre vie professionnelle et vie privée est poreuse

Selon un sondage d'Opinion Way, la frontière entre vie professionnelle et vie privée semble mince chez les 25-30 ans, notamment en raison de l'usage des réseaux sociaux.

Un sondage d'Opinion Way pour Kaspersky Lab (éditeur informatique) révèle lundi que la frontière entre vie professionnelle et vie privée semble mince chez les personnes de 25 à 30 ans. Principale raison : l'usage des réseaux sociaux qui représentent un outil de travail pour 46% de cette tranche démographique très connectée à internet (98% ont une messagerie personnelle).
Facebook, réseau social le plus utilisé
Le réseau social le plus utilisé (81%) par cette catégorie de population reste Facebook. Les 25-30 ans se connectent essentiellement avec un ordinateur portable (70%) ou un smartphone (55%). Si 96% d'entre eux surfent sur internet avec leurs propres outils, ils sont 44% à le faire avec des supports de leur entreprise. En moyenne, les personnes interrogées se connectent 6,4 fois par jour aux réseaux sociaux depuis leur travail, 6,3 fois par jour en situation de mobilité et 7,4 fois par jour depuis leur domicile.
Les connexions pour utiliser les réseaux sociaux ou une messagerie personnelle se font essentiellement à domicile (97%) mais aussi en situation de mobilité (60%) ou au travail (57%).
1 personne sur 2 travaille parfois depuis son domicile

Plus d'un répondant sur deux (55%) déclare travailler, même occasionnellement, depuis son domicile. 27% des personnes interrogées déclarent souhaiter travailler uniquement depuis le bureau, 25% d'entre eux sont d'accord pour le faire "de temps en temps depuis le domicile" et 14% voudraient travailler "uniquement" à domicile.
A 80%, les 25-30 ans sont d'accord pour travailler dans une entreprise qui interdit l'usage des réseaux sociaux avec le matériel de l'entreprise. 27% d'entre eux préféreraient travailler uniquement depuis le bureau tandis que 25% ne verraient pas d'inconvénient pour le faire "de temps en temps depuis le domicile". Seulement 14% voudraient enfin travailler "uniquement" à domicile.
Réalisé par internet du 28 janvier au 4 février auprès d'un échantillon de 1.001 individus âgés de 25 à 30 ans, représentatif des Français en termes de sexe et de régions.

Peillon a sûrement besoin de (longues) vacances !

Pour Hervé Gattegno, le projet de 6 semaines de vacances durant l'été montre que le ministre de l'Éducation n'est peut-être pas un homme politique.

RMC : Le ministre de l'Éducation nationale a ouvert une nouvelle polémique en se prononçant hier sur BFM TV pour des vacances d'été de 6 semaines et la création de 2 zones. Les syndicats et l'opposition protestent. Votre parti pris :Vincent Peillon a sûrement besoin de (longues) vacances. Que voulez-vous dire ?
Il est fatigué pépère, ça chauffe là haut !!
Hervé Gattegno : On a reproché à Vincent Peillon sa maladresse dans l'affaire des rythmes scolaires - ce n'est pas toujours juste, car il se heurte aussi à une somme de corporatismes. Mais il est vrai qu'il a laissé occulter sa "refondation" de l'école par la question de la semaine de 4,5 jours. Ce n'était déjà pas habile. Relancer une polémique sur les vacances au moment où il est censé apaiser les esprits, c'est pire : presque de la provocation. En tout cas, c'est contre-productif pour la réforme... et pour lui-même. Peut-être que Vincent Peillon est un ministre surmené ; il fait tout pour être un ministre malmené.
Il a quand même précisé - dans la même émission - que c'était une réflexion qui ne serait ouverte qu'en 2015 et que la priorité restait la réforme des rythmes scolaires...
Mais, alors, pourquoi en parler maintenant ? C'est tout le problème de Peillon : c'est un homme très fin, un homme de conviction, un "honnête homme" au sens du XVIIe siècle, mais la question est : est-ce un homme politique ? Sa sincérité est louable, et en l'occurrence, il a raison sur le fond : nos enfants ont des vacances d'été trop longues, donc un nombre de jours de classe insuffisant, d'où des journées surchargées et des résultats médiocres. Le problème, c'est qu'il promet la concertation en annonçant ce qu'il va décider... Il l'a déjà fait pour les rythmes scolaires : les mêmes causes risquent de produire les mêmes effets. Et pendant ce temps-là, le vrai débat - sur les programmes, les filières, la sélection - n'a pas lieu.
Vous pensez qu'en l'annonçant trop tôt il a d'ores et déjà condamné cette réforme ?
Ce n'est pas seulement un problème de calendrier, mais un gâchis politique. Vincent Peillon avait tout pour être le chouchou dans la classe de François Hollande - y compris une bonne estime de soi... L'Éducation a été déclarée prioritaire, son budget est moins amputé que les autres, il a 60 000 postes à créer - c'est plus gratifiant que des fermetures d'usine... Et puis les enseignants ont voté en masse pour François Hollande et la plupart des grandes villes sont dirigées par le PS. Malgré tout cela, c'est la guerre de tranchées. Il faut croire que Vincent Peillon est un alchimiste si maladroit qu'il change l'or en plomb !
Ce n'est pas pour l'excuser, mais est-ce que tout cela ne révèle pas, surtout, l'impossibilité de réformer l'éducation nationale ?
C'est vrai que les ministres de l'Éducation arrivent en général la tête pleine de grands projets et qu'à l'arrivée on a au mieux des réformettes, au pire des crises et des grèves - et à l'arrivée, le plus souvent, rien du tout. Comme d'autres, Vincent Peillon a rêvé de laisser une trace dans ce ministère. Jusqu'ici, il a seulement réussi à creuser un fossé avec les enseignants. Il va peut-être finir par tomber dedans.

USA : Pire que Chutzpah !


CHUTZPAH : désigne le dernier degré de l’arrogance, de l’impudence, de la plus totale absence de honte ou de scrupules. Synonyme généralement péjoratif d’audace, d’insolence, d’impertinence, il cesse d’être péjoratif dans les milieux où l’impudence est de règle… En hébreu, le mot chutzpah marque une indignation envers quelqu’un qui a dépassé outrageusement et sans vergogne les bornes du comportement acceptable.
Quand on voit la Secrétaire d’État Hillary Clinton et le président Barack Obama, l’air grave et offusqué, mettre en garde la Syrie contre un recours aux armes chimiques, « totalement inacceptable » selon Obama, ou « qui passerait la ligne rouge et dont les responsables auraient à en répondre » selon H. Clinton, et qu’on voit le New York Times [comme la plupart des médias occidentaux] et tout l’establishment occidental reprendre et soutenir ces déclarations, on reste baba devant une aussi époustouflante hypocrisie. Alors que les États-Unis, précisément, détiennent le record d’utilisation des armes chimiques dans le monde, se sont toujours opposés à la signature d’accords internationaux visant à en interdire l’utilisation, et utilisent aujourd’hui régulièrement leur armement à uranium appauvri (armement à la fois nucléaire et chimique, dont le nombre et le type de victimes va bien au-delà des cibles directes) dans tous les conflits qu’ils déclenchent ! L’utilisation massive d’Agent orange au Vietnam ou de munitions au phosphore blanc en Irak, tout le monde connait, non ? Serait-il possible que seuls Clinton, Obama et les médias occidentaux ne soient pas au courant ? Ou doit-on y voir une fois de plus la seule arrogance du pouvoir et cette conviction qu’il ne saurait y avoir de moralité ou de droit international que lorsque l’ennemi fait quelque chose de choquant ?
C’est peut-être bien un mélange des deux, tant le double standard et la mauvaise foi sont souvent remarquables. L’archétype de ce genre d’attitude pourrait bien être l’histoire des « pluies jaunes » – des poisons chimiques que les Soviets auraient déversé dans le ciel du Laos au début des années 1980. Le flagrant manque de preuves n’avait pas empêché à l’époque l’administration Reagan d’en tirer le meilleur parti pour mieux diaboliser « l’Empire du mal ». On eut beau démontrer que l’accusation était fausse, un chercheur américain, Matthew Meselson, ayant apporté la preuve que lesdites pluies jaunes n’étaient en réalité que des déjections d’abeilles, elles n’en furent pas moins toxiques grâce au Wall Street Journal et aux autres médias de masse. Bien après le démontage de cette campagne d’intox, Peter Kann, éditeur du Wall Street Journal, citait encore les « champs empoisonnés du Laos » pour montrer « qui étaient les bons et qui étaient les méchants » de part le monde (“Clinton Ignores History’s Lessons In Vietnam,” [Clinton fait l’impasse sur les leçons d’histoire au Vietnam] WSJ, 9 septembre 1992). Autrement dit, Kann faisait totalement l’impasse sur la guerre chimique monumentale et bien réelle que les États-Unis avaient mené au Vietnam, au Cambodge et au Laos, mais n’en ramenait pas moins cette vieille histoire de pluies jaunes soviétiques, fut-elle démontrée fausse de longue date. En fait d’hypocrisie, de malhonnêteté ou des deux à la fois, difficile de faire mieux ! Ironiquement, c’est justement dans son propre journal qu’un article de 1997 évoquait les 500 000 enfants vietnamiens souffrant d’anomalies congénitales précisément dues aux méthodes de ceux que Kann appelle « les bons » [the “good guys”]. (Peter Waldman, “Body Count: In Vietnam, the Agony Of Birth Defects Calls An Old War to Mind,” WSJ, 12 décembre 1997).
Aujourd’hui, les zélateurs de l’impérialisme américano-centrique s’efforcent eux aussi de noyer le poisson sur les guerres chimiques du Vietnam et d’ailleurs, ou sur l’uranium appauvri. Dans son récent « classique du genre » encensé par l’establishment et la critique, The Better Angels of Our Nature: Why Violence Has Declined ([Les meilleurs penchants de notre nature : Pourquoi la violence a diminué],Viking, 2011), Steven Pinker ment ostensiblement sur la question, expliquant au lecteur que ce qui atteste de ce regain de moralité dans le monde et de la diminution de la violence – progrès que les grandes démocraties occidentales peuvent se prévaloir d’avoir apporté au reste du monde – c’est leur condamnation des armes chimiques et leur refus d’en faire usage. Mais dans les quelques pages que Pinker consacre aux violences qui ont marqué la guerre du Vietnam, pas une seule ligne n’évoque l’utilisation massive de ces armes chimiques dans l’Opération Ranch Aid et divers autres programmes menés dans ce pays.
De même pour la Syrie, les propagandistes officiels n’affirment pas que le gouvernement syrien ait d’ores et déjà recours à de telles armes, mais seulement que les Occidentaux ont la preuve que la Syrie se préparerait à en faire usage en dernier recours. « Ce qui nous inquiète, c’est que le régime d’Assad, de plus en plus aux abois, ne finisse par recourir à ses armes chimiques ou n’en perde le contrôle, au bénéfice de l’un des nombreux groupes qui opèrent actuellement en Syrie » (Hillary Clinton). A ce propos, ce n’est que récemment que Washington et les médias de masse ont fini par admettre la présence d’Al-Qaïda parmi les « nombreux groupes » de « combattants de la liberté » que les Occidentaux soutiennent en Syrie – et ce que cette présence a de préoccupant.
Ce genre d’opportunisme pourrait bien se terminer une fois de plus par un magistral revers de manivelle, comme après avoir soutenu Al-Qaïda en Afghanistan ou en Libye, les États-Unis soutenant à nouveau ceux qu’on appellera ensuite « les pires des pires » – passant du statut de « combattants de la liberté » très généreusement armés et soutenus, à celui de candidats à la détention illégale, à la torture et aux assassinats ciblés.
Outre la menace d’armes chimiques en Syrie, les représentants occidentaux se disent très préoccupés par l’utilisation de bombes à fragmentation par l’armée syrienne contre des civils, dans le cadre de ce conflit (C.J. Chivers, “In Syria, Cluster Munitions Takes Its Toll,” New York Times, 21 décembre 2012). Là encore, cas de figure à la fois familier et comique, les médias polarisés collaborent une fois de plus à un effort hypocrite, problématique au regard des faits, mais surtout lamentable, de diabolisation sélective.
On a accusé les Serbes de « nettoyage ethnique », sans tenir aucun compte du contexte de guerre civile encouragée par l’OTAN. Mais pas question d’utiliser ce terme au sujet du nettoyage ethnique pratiqué de longue date et à grande échelle par Israël en Palestine. Kadhafi menaçait soi disant Benghazi d’un bain de sang, c’est donc avec la bénédiction des mêmes médias et de l’ONU que les États-Unis, leurs alliés de l’OTAN, leurs rebelles autochtones et leurs mercenaires importés, purent s’offrir un vrai bain de sang avec pour point d’orgue le lynchage et le meurtre de Kadhafi. Et Hillary Clinton de déclarer toute fière dans un ricanement : « Nous sommes venus, nous avons combattu, il est mort ! » [“We came, we fought, he died !” parodiant pompeusement le “Veni, Vidi, Vici !” de César].
De même les mythiques armes de destruction massive de Saddam Hussein avaient-elles servi de prétexte pour la guerre d’agression des États-Unis contre l’Irak, avec là encore l’anéantissement d’un pays, le massacre de sa population et l’assassinat du “méchant” dirigeant. Au tour de la Syrie à présent ! Autre « méchant », l’Iran aussi menace le monde avec son entêtement à poursuivre son programme nucléaire. C’est sans doute le prochain sur la liste, dans le programme de production d’États ratés [failed states] des Grandes Démocraties – comme Pinker les appelle, ces gouvernements radicalement non-violents.
Mais pour en revenir aux bombes à fragmentation, les États-Unis les ont utilisés massivement au Vietnam et au Laos, en Irak et plus tard dans leur guerre aérienne contre la Serbie, en 1999 (entre autres). Israël s’en est montrée elle aussi particulièrement généreuse dans son agression du Liban, en 2006, et notoirement dans les derniers jours de ce conflit, alors que la paix était à portée de main, parsemant les champs de ces graines de mort et d’horreur éparpillées à travers tout le pays. L’armée israélienne a laissé derrière elle environ un demi-million de bombies après son dernier assaut contre le Liban. Un commandant d’escadre de bombardiers israéliens déclarait à ce sujet : « Ce que nous avons fait est démentiel et monstrueux ; nous avons couvert des villes entières de sous-munitions explosives » (Meron Rappaport, “IDF commander: We fired more than a million cluster bombs in Lebanon” [Un commandant de forces israéliennes déclare: nous avons largué plus d’un million de bombes à sous-munitions au Liban] Haaretz, 12 septembre 2006). Mais sur ces opérations là, les responsables américains et les médias n’avaient aucune critique particulière à faire – sans parler de mises en gardes ou de menaces ; douleurs inévitables de l’accouchement d’un Nouveau Proche Orient – ou de son agonie.
Comme tous les grands médias, le New York Times n’a jamais cité ni découvert un seul commandant des forces israéliennes qui dénoncerait l’utilisation de bombes à fragmentation par son pays comme « monstrueuse ». Son unique éditorial sur le sujet ne donnait ni le nombre de bombes larguées ni aucune précision sur le moment ou sur les zones où elles l’avaient été, ni sur leurs effets. Il n’émettait pas non plus la moindre critique sur leur utilisation par Israël et ne risquait surtout pas de la qualifier de criminelle ou de monstrueuse. Dans la grande tradition de l’apologie de nettoyage ethnique, l’info restait dûment aseptisée (“No Place For Cluster Bombs,” 26 août 2006). On remarque aussi en regardant les titres, que les articles du New York Times ne mettaient jamais en avant le fait que les civils ou les zones civiles étaient la cible privilégiée de ces bombardements et de leurs destructions – contrairement aux articles sur la Libye de Kadhafi ou sur la Syrie d’Assad. S’agissant d’Israël au Liban, ce qu’on peut trouver de plus proche serait quelque chose comme : « Libanais et humanitaires découvrent le danger des décombres » (25 août 2006), bien que le journal ait effectivement publié un article où Human Rights Watch qualifie la politique israélienne de crime de guerre (Kifner, 24 août 2006), et un autre qui donne quelques détails sur la sauvagerie et le caractère anti-civil et foncièrement délétère de l’agression israélienne (Worth et Kifner, 25 août 2006).
A l’instar d’Israël, les États-Unis ont refusé de signer la convention de 2008 sur les bombes à sous-munitions, qui en interdisait l’utilisation (la Russie, la Chine et plusieurs autres pays aussi d’ailleurs). D’après Richard Norton-Taylor, “Amnesty InternationalOxfam, et Article 36 – un groupe chargé de la coordination de l’opposition à ce type d’armement – auraient déclaré que dans les pourparlers sponsorisés par les États-Unis, les préoccupations des humanitaires avaient été totalement laissées de côté, et qu’ils en appelleraient aux Britanniques mercredi prochain pour tenter d’empêcher les USA d’avaliser ce qu’ils considèrent comme un « permis de tuer » à coup de bombes à fragmentation » (“US pushing UN to lift ban on cluster bombs, say campaigners” LeGuardian, 22 novembre 2011). Mais de leur côté les Américains assurent que les derniers modèles de CBU [Cluster Bomb Unit] ont une action vraiment ciblée, avec un taux d’échec très bas. On doit donc supposer que les CBU dont dispose l’armée syrienne sont les anciens modèles, ceux qui sont mauvais. Ou peut-être les États-Unis, leurs alliés et leurs clients – c’est-à-dire « les bons » quel que soit le conflit – seraient en réalité les seuls à pouvoir détenir et utiliser des bombes à fragmentation.
L’une des principales caractéristiques des bombes à fragmentation et de leur utilisation, c’est la place privilégiée des enfants parmi leurs victimes – les responsables américains et les médias se montrent d’ailleurs particulièrement sensibles au sort des enfants dans les conflits armés. Le président Obama ne pleurait-il pas récemment sur celui des enfants tués à Newtown, au Connecticut ? Les médias n’étaient-ils eux aussi pas particulièrement émus par cette tragédie ? Bon, d’un autre côté, on a ces 500 000 enfants atteints de malformations au Vietnam, un pays où des centaines de milliers d’autres ont été tués, mutilés, traumatisés sans que cela suscite grand-chose comme intérêt, regrets, voire compensation ou assistance post-conflit aux victimes (si ce n’est 18 années de boycott punitif).
Il y a aussi la fameuse réponse de Madeleine Albright en 1996, au sujet de la mort de 500 000 irakiens de moins de cinq ans victimes des « sanctions de destructions massive » : « Ça vaut bien ce prix là ! ». Cette réponse est passée littéralement comme une lettre à la poste dans nos médias polarisés, sans susciter d’indignation outrée ni de réactions particulières. Et puis il y a aussi ce continuum de « frappes ciblées » de nos drones, contre des « militants » – avec leur cortège de « négligences » [casualties] ou « dommages collatéraux » en bas âge – dirigés par le même Obama éploré, et suscitant toujours aussi peu d’émotion ou de réactions dans nos médias. Dans la région de Fallujah, en Irak, on constate une extraordinaire augmentation du nombre de malformations congénitales, de fausses couches et d’enfants mort-nés, dus à l’utilisation massive d’armes et munitions de toutes sortes par l’armée américaine dans ce secteur, et qui devient une véritable « crise de santé publique » (Sarah Morrison, “Huge Rise in Iraq Birth Defects Linked to US Cluster Bombing,” The Independent [UK], 15 octobre 2012).
Nos médias ne se sont jamais spécialement intéressés au sort de ces enfants tués ou mutilés au loin, même lorsque nos dirigeants proclament que chaque vie humaine est précieuse. A franchement parler, la vie ou la santé des minots de chez nous, aux États-Unis même, leur est tout aussi indifférente. Combien sont massacrés dans les rues des ghettos, sans même parler de ceux qui, de plus en plus nombreux, peuvent à peine survivre dans un monde d’inégalités croissantes où le système social s’effondre.
Le niveau d’hypocrisie des représentants de l’establishment lorsqu’ils parlent d’armes chimiques, de bombes à fragmentation ou du sort des enfants dans le monde est littéralement vertigineux. Mais ce qui est pire que chutzpah, c’est lorsque Clinton et Obama, pontifiant et mettant en garde la Syrie sur ses armes chimiques et ses bombes à fragmentation, ne semblent même pas conscients de l’arrogance et de l’indécence de leur flagrant double standard (deux poids deux mesures). Apparemment, ils ne doutent même pas une seconde que leurs messages moralistes sont aussi purs qu’apolitiques. Et nos médias de masse emboitent le pas, tout empressés de faire valoir à qui mieux mieux cette manière de voir pire que chutzpah !

Municipales à Paris: la guerre des bobos?

La campagne municipale débute, et je ne résiste pas à la question: Paris a-t-il changé depuis 30 ans que j'y vis? Réponse: énormément. Le visage de la rue parisienne n'est pas ce qu'il était en 1983. Voyez alors les rues de New York sur 30 ans: peu de changement. Les avenues de Manhattan ont certes des allées pour autobus, mais l'on n'y verra qu'une poignée de bicyclettes, et ce à toute heure hors week-end.

À Paris le Vélib, il faut le rappeler, a quasiment doublé le nombre de vélos dans la rue. En quelques semaines, la place du cycliste fut acquise. Sans être parfaite, cette place est à mille lieues de celle de 1983, lorsque le cycliste solitaire passait pour un téméraire absolu, un adepte du risque! Fouillez vos souvenirs, ou regardez un film de cette époque. Le deux-roues anthromobiles (mot que j'invente pour l'occasion) sont rarissimes, excentriques, surannés, et parfaitement dangereux. Seuls les vélos de course se frayaient un chemin respectable sur la voirie. Cette situation reste encore le cas à Manhattan.
Si c'est bien Bertrand Delanoë qui a osé le Vélib, introduit massivement et du jour au lendemain, le 15 juillet 2007, n'oublions pas que Jean Tiberi avant lui avait introduit les premières pistes cyclables sur le boulevard Richard-Lenoir notamment. Ces pistes partiellement délimitées par des plots en plastique blanc, qui se faisaient arracher régulièrement par les voitures, au point de vite disparaître. Il fallut les réinstaller. Les piétons stationnaient souvent dans ces pistes avant de traverser, et les cyclistes, plus nombreux déjà en ces années 1990, sonnaient frénétiquement pour obtenir le passage. Toujours est-il que Tiberi ouvrit la danse du vélo, que Delanoë la paracheva massivement en multipliant pistes, contresens cyclables, et voies sur le trottoir en partage avec les piétons. Je passe par-dessus Autolib, trop jeune pour être jugé, mais qui n'est même pas imaginé dans le New York qui constitue LA RÉFÉRENCE obsessionnelle de trop de Parisiens, trop de Français. Mais pas de votre serviteur ex-new-yorkais.
Oui, et il y a le tramway. On aime, on n'aime pas, c'est quand même une nouveauté radicale dans Paris, la capitale mondiale avec, ne l'oublions pas, une densité de stations de métro record au km2! Là aussi, Delanoë. Au fait, le maire sortant a créé la culture bobo, "bourgeois-bohême", expression utilisée par Balzac en son temps. Je suis bobo, je crois, et pourquoi en avoir honte? Vélib, tram, métro, café en terrasse, expos, nouilles japonaises, raviolis chinois, plats du terroir réel ou imaginaire de France, voilà quelques marqueurs de la bobo-itude, que le maire lui-même n'aime pas trop assumer. Une légère hostilité envers l'automobile -- disont auto-sceptique. Nuit blanche, Paris Plage, jardins écologiques, culture homo, logement social (qui ne s'applique pas principalement aux gros des troupes boboes, mais qui suscite l'admiration), Nouvel An chinois (la droite en son temps avait commencé à s'y intéresser, et Tiberi s'y est pointé et je l'y ai attrappé avec mon microphone de journaliste), citoyennetés d'honneur au Dalaï Lama et à une foule de dissidents à l'autre bout du monde...
Bref, qui d'Anne Hidalgo ou de NKM sera la parisienne la plus tendance? La grande bataille de l'image commence. Et aucune des candidates n'ira dire qu'elle est bobo, boboe, bobette, et ira probablement nier cette évidence qui n'a rien, au fond, d'infamant. Un bon quart des Parisiens, indéniablement bobos, devront méditer cette frayeur de leurs candidates.

Marcela Iacub ou la synthèse extraordinaire du libertarisme le plus flamboyant et du fascisme le plus prophétique


L'essayiste Marcela Iacub a entretenu une liaison de sept mois avec Dominique Strauss-Kahn. Dans "Belle et Bête", elle raconte l'être aimé : mi-homme, mi-porc. A travers son livre, l'auteur expose un féminisme féroce, sans pitié pour les hommes prédateurs et encore moins pour les femmes qui ne sont pas prêtes à être prédatrices. Et si la pire trahison de l'auteur était celle de son camp en révélant au grand jour l'horreur idéologique d'une certaine gauche ?
Tout le monde s’énerve à propos du livre de Marcela Iacub, Belle et bête, qui paraît le 27 février chez Stock, et dont Le Nouvel Obs a déjà proposé un fameux effeuillage - au grand dam des consciences de gauche qui n’aiment pas tellement qu’on révèle au grand jour leurs contradictions socialo-individualistes ou marxo-hédonistes. Les mêmes que Clouscard et Houellebecq avaient stigmatisés depuis longtemps : on est socialiste économiquement (du moins, on essaye) mais on est ultralibéral sexuellement (et là, on ne transige pas). Il est vrai que ce n’est pas tous les jours qu’on assiste à une synthèse extraordinaire entre le libertarisme le plus flamboyant et le fascisme le plus prophétique, celle qu’incarne à coup sûr cette Merteuil sans complexes.
Car le seul véritable intérêt que va présenter ce livre sado-misandre (parce que la dimension "littéraire" si vantée par Laurent Joffrin et Gérard Lefort n’apparaît pas encore évidente au vu des pages qu’on a pu lire et malgré une comparaison, disons stupéfiante, avec Esope, Kafka et Orwell !) est qu'il va exciter, secrètement ou non, l'instinct de vengeance de certaines femmes qui rêveraient d’être aussi intensément manipulatrices que cette Marcela et le fantasme inavouable de certains hommes qui se damneraient pour rencontrer ce genre de femmesA travers Marcela, voici donc une sorte de féminisme (ou de masochisme) féroce, sans pitié pour les hommes prédateurs et encore moins pour les femmes qui ne sont pas prêtes à être prédatrices - et qui du coup imaginent qu’un viol ne peut être autre chose que "traumatique", les pauvres chéries. Une nouvelle et très vengeresse guerre des sexes où l'on couche non pour se perdre mais pour perdre autrui, et où la logique tradi du "sucer, c'est tromper" laisse la place à celle, indéniablement plus féministe, du "sucer pour tromper". Tout cela risquant paradoxalement de rendre DSK sympathique et de confirmer Anne Sinclair dans son rôle de madone sacrifiée - et cette fois-ci par une femme... Mais la femme est un loup pour la femme.
Bien entendu, on n’a pas cessé depuis deux jours de rappeler qui était Marcela Iacub, cette Zahia qui se prend pour Lou Andrea Salomé, ses déclarations fracassantes sur Auschwitz, le viol et les mères porteuses - et qui n’indigneront au fond que ceux qui n’ont pas encore compris qu’aujourd’hui le ressenti de l’individu l’emporte sur le sentiment collectif et que l’exception ou la singularité font loi bien plus que l’universel. Son propos sur les gens qui seraient revenus des camps de la mort sans être "traumatisés" est certes insoutenable du point de vue de la conscience historique et de la morale collective, et une insulte faite aux rescapés, mais d’un point de vue purement subjectif, singulier, dénué de Surmoi, et qui n’a cure de l’Histoire, y compris de la sienne, j'allais dire : d'un point de vue post-moderne et fier de l'être, où l'indifférence revendiquée va de pair avec l'innocence la plus cathare, on trouvera toujours quelqu'un pour soutenir sincèrement cette position (un peu comme, disait George Steiner, on trouvera toujours quelqu'un pour soutenir sérieusement que Shakespeare, c'est de la merde). De même, on rencontrera toujours des femmes (ou des hommes) trouvant très malin de faire une pipe à six millions d'euros. Iacub se dit du côté des cochons qui vivent leurs pulsions sans calcul mais elle se retrouve bien, et personnellement, physiquement, sexuellement, du côté des chiennes qui calculent ce qu’elles peuvent tirer en gloire et en fric auprès d’un pauvre diable. Beau jeu d’écrire ensuite qu’elle a trouvé ce dernier touchant dans sa cochonnerie, émouvant dans sa boulimie sexuelle, tombant dans tous les pièges qu’une femme peut tendre, le dernier étant à ce jour, le sien, mais qu’elle-même se trouve formidable d’avoir vécu une liaison si "poétique".
Quant aux mères porteuses épanouies et persuadées de vivre "une grande aventure humaine", telle Colleen, la mère porteuse courage que l’on voit dans Naître père, ce documentaire de Delphine Lanson sur ce couple gay qui a décidé d’avoir des enfants et qui a eu recours à ce qu’Elisabeth Badinter appelle sans pleurer une "GPA éthique", où est le problème ? Toute femme, du moment qu'elle est assez forte pour l'assumer et assez sensuelle pour en jouir, a le droit de louer son ventre ou son vagin sans qu’on n’en puisse rien y redire. En vérité, Iacub s’intéresse non pas tant aux minorités opprimées qu’aux minorités de minorités qui font leur beurre de cette oppression. Son rayon, c’est la pute bienheureuse, l’esclave épanouie, la rescapée je m’en foutiste, la violée-que-ça-va-pas-m’empêcher-de-vivre. Triomphe d’une volonté féministe, en quelque sorte, mais d’un féminisme absolument pas fraternelle, d’un féminisme individualiste, autarcique ou surhumain - au choix.
Alors oui, on pourra dire que Marcela Iacub est en effet une individualiste ultra-ultra libérale, sans Dieu ni maître, qui ne perçoit le monde qu’à travers la subjectivité en rut (qu’elle appelle cochonnerie) et selon cette idée très performative et au fond très fasciste que la raison la plus basse est toujours la meilleure : est en effet fasciste celle qui ne raisonne que selon le sang, le sol, le sperme et le tout. Une féministe d’un genre nouveau, le genre reptilien, pour qui la seule réalité est sexuelle, financière et individuelle. Une sorte d’ Alain Soral en jupon pour qui qui la bagatelle est toujours un massacre, la séduction un préliminaire à l’extermination et la civilisation une pure hypocrisie que l’on fait passer pour un malaise et qu’il faut gérer fissa. Bref, l'aboutissement d'une certaine pensée anarchico-gauchiste, beatniko-libertaire (à dix mille lieues de Jaurès ou de Chevènement, on est d'accord), et qui comme toujours avec ce genre de pensée aboutit à une forme de totalitarisme du plus fort ou de la plus fatale.
Mais on pourrait dire aussi autre chose de cette succube, quelque chose qui expliquerait le tollé qu’elle a déjà commencé à susciter auprès de la gauche morale, quelque chose d’impardonnable sur le plan idéologique et qui ne se fait ni à droite ni à gauche ni nulle part, au risque de ridiculiser tout le monde, quelque chose qui s’appellerait… vendre la mèche.