TOUT EST DIT

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vendredi 15 février 2013

Élus locaux, on vous aime !

Élus locaux, on vous aime 



Vous auriez imaginé Nicolas Sarkozy privant les collectivités locales de trois milliards supplémentaires en deux ans ? La droite en a rêvé, la gauche - avantage de l'alternance - pense le faire.

Car il n'y a que les socialistes à pouvoir mettre les élus locaux à la diète, tout en leur en imposant des dépenses nouvelles - le financement des rythmes scolaires - à un an des municipales !
Elle est la seule à l'oser, parce que les Régions (sauf une), les conseils généraux (aux deux tiers), la plupart des grandes villes et presque toutes les associations d'élus sont tenues par les socialistes. Solidarité politique et réalisme budgétaire obligent : ils ne peuvent pas s'en prendre à des choix qu'ils cautionnent et à un exécutif issu de leurs rangs.
Il y a deux façons de participer à l'effort collectif de redressement : l'une, rapide mais aveugle ; l'autre, longue mais prometteuse.
La première ? Stigmatiser le laxisme des élus pour raboter uniformément leurs budgets. Mais cette politique des coupes claires, compréhensible dans l'urgence, évite de réfléchir aux priorités, de distinguer les dépenses qui plombent et les investissements qui dynamisent. En taillant à l'aveugle dans les investissements et dans les aides sociales, on risque de priver les plus nécessiteux et de contribuer au ralentissement de la croissance. Mauvaise pioche.
La seconde ? Elle consiste à mener des réformes de structure. Parce que, oui, il y a des économies à faire. Les collectivités ont un train de vie et des dépenses de personnel, non pas scandaleux, mais inefficients car décalés par rapport à leurs compétences réelles.
Avec les mêmes frais de fonctionnement, elles pourraient exercer plus de responsabilités et alléger d'autant la dépense de l'État. Au lieu d'être un coûteux étage de plus, l'intercommunalité doit fournir l'occasion de moderniser cette France, historiquement paroissiale, en mutualisant les moyens communaux. Avec des procédures simplifiées, on instruirait mieux, plus vite et à moindre coût des dossiers d'investissement. Avec une simplification des compétences et une lisibilité fiscale, on gagnerait en efficacité.
Parions que si l'impôt local était direct et limpide, le maire, le conseil départemental - il s'appellera ainsi demain - et le conseil régional seraient davantage responsabilisés. Reconnaissons que s'il n'y avait pas cette obscure tuyauterie dans laquelle on verse, sans trop le savoir, soixante milliards à l'État qui les redistribue ensuite aux territoires, la sanction de l'électeur contribuable serait plus redoutée.
Prend-on le chemin de cette révolution ? François Hollande ¯ engagement N° 54 ¯ promet un acte III de la décentralisation. Avec le respect qu'elle leur voue, la gauche peut exiger un effort de ses élus. Mais parce qu'il émane de pouvoirs locaux qui agissent comme autant de lobbies, le pouvoir central est bridé dans ses ambitions réformatrices.
Soumise à tant de pressions, la ministre Marylise Lebranchu se débat dans un projet encore brouillon où interfèrent pouvoirs locaux, modes de scrutin et calendrier électoral. L'Élysée s'en inquiète. L'occasion est pourtant unique, s'il n'est pas trop tard, de concilier les économies qu'impose la crise, l'efficacité qu'appelle le redressement et la clarté qu'exige la démocratie locale.

Sur le droit de vote des étrangers

Sur le droit de vote des étrangers


« Les étrangers participent à la vie locale, paient des impôts locaux, donc il est normal de leur donner le droit de vote aux élections locales. » A l’heure ou le débat revient au premier plan de l’actualité, cette affirmation est au cœur de l’argumentation des partisans du droit de vote des étrangers. L’idée qu’il existerait un lien entre le droit de vote et la contribution à l’impôt n’est pas nouvelle. Elle est le fondement du suffrage censitaire dont l’abbé Sieyès fut l’un des principaux théoriciens sous la Révolution de 1789. Selon lui, l’électeur est « un actionnaire de la grande société » et la participation à la vie citoyenne doit être conditionnée à l’acquittement d’une contribution minimale. Est citoyen actif celui qui prend part au financement de la dépense publique. Dès lors, le vote est une « fonction, non un droit » comme le souligne François Furet dans la Révolution 1789-1880, dont les pauvres sont exclus. Au contraire, pour les partisans du suffrage universel, le vote ne s’attache pas au paiement de l’impôt, mais à l’appartenance à la communauté nationale. La nationalité et la citoyenneté (la participation à la vie politique), dans la tradition démocratique et républicaine française, sont étroitement liées. Le suffrage censitaire, en dehors de brèves parenthèses, s’est appliqué en France jusqu’à l’avènement de la Seconde République en 1848 qui instaure durablement le suffrage universel. Revenir à l’affirmation d’un lien entre paiement de l’impôt et droit de vote constituerait ainsi un recul historique évident.
Aujourd’hui, l’octroi du droit de vote aux étrangers lors des élections locales aurait d’ailleurs un impact considérable sur la vie politique française, avec le risque d’émergence de forces politiques liées à des communautés étrangères ou à des Etats, entraînant une aggravation des phénomènes communautaristes, une parcellisation de la vie démocratique et en réaction, une montée en puissance des partis extrémistes. Mais surtout, il aurait pour effet de dévaloriser, banaliser le principe de la nationalité : à quoi bon devenir Français si le droit de vote ne s’attache plus à cette qualité ? Cette réforme aboutirait inévitablement à affaiblir le lien national et l’idée même de la nation. L’argument de la différence de nature intrinsèque entre les élections nationales et municipales ne tient plus aujourd’hui : avec les lois de décentralisation, les collectivités territoriales ont un pouvoir considérable et parfois supérieur à celui de l’Etat dans beaucoup de domaines. D’ailleurs, les scrutins locaux, notamment municipal, représentent un événement de portée politique nationale majeure. De même, la dénonciation d’une supposée discrimination entre les Européens (qui disposent du droit de vote aux élections locales) et les autres étrangers, n’est pas non plus recevable : la citoyenneté européenne existe et elle est un principe fondamental de l’Europe communautaire. Et puis, à quoi bon relancer ce débat qui aurait pour effet de déchirer le pays ? Aujourd’hui, les étrangers accèdent au droit de vote dans toutes ses dimensions, nationale et locale, par l’acquisition de la nationalité française qui bénéficie à environ 150 000 personnes chaque année. La France est l’un des pays d’Europe de loin les plus ouverts  à la naturalisation avec un taux de 2,1 pour 1000 personnes chaque année contre une moyenne de 1,4 dans l’Union européenne, 1,2 en Allemagne, 0,9 en Italie (Eurostat). Les Français sont massivement opposés au droit de vote des étrangers, à une majorité de 56% selon IFOP, non par racisme, non par xénophobie, non par frilosité, comme le disent tant de commentateurs, mais par simple bon sens et attachement aux valeurs de la démocratie, de la nation, de l’unité nationale.

L'islam de France est-il sous influence étrangère ?


Hassen Chalghoumi, imam de Drancy et auteur avec David Pujadas du livre "Agissons avant qu'il ne soit trop tard", a déclaré jeudi que l'islam en France subissait "une ingérence étrangère". Atlantico revient avec lui et deux islamologues sur les réalités du phénomène.

Quelles sont les réalités de l'ingérence étrangère dans l'islam de France ?

Hassen Chalghoumi : Il est clair que la majorité des lieux de prière en France sont gérés par des ambassades. La Grande Mosquée de Paris est gérée par l’Algérie, le RMF (rassemblement des musulmans de France) est géré par le Maroc et plusieurs mosquées sont directement dépendantes de la Turquie, de l’Egypte et du Qatar. Nous réalisons très bien qu’il y a une grande ingérence.
Haoues Seniguer : L'inquiétude de Hassan Chalghoumi peut se comprendre dans la mesure où il a lui-même, par le passé, fréquenté des madrasas (écoles religieuses traditionnelles où l'on mémorise notamment le Coran) en Syrie, en Inde, au Pakistan, etc. à tel point qu'il a même été favorable, au moins un temps, au voile intégral. Ses prises de position récentes peuvent donc s'éclairer à la lumière de cette expérience peut-être traumatisante de ses premières années. 
Maintenant, il faut être précis sur la nature des dites ingérences, réelles ou supposées. Elle peut être de deux types : d'abord, au niveau théorique, du fait de la mondialisation il est vrai que les idéologies circulent facilement, se diffusent très largement d'un espace à un autre, avec, dans le paysage islamique français, la prééminence indubitable de l'idéologie des Frères musulmans qui s'est très bien implantée toutes ces dernières années dans l'hexagone. Ensuite, au niveau des financements, on sait que des pays octroient, ponctuellement ou régulièrement, de l'argent à des fidèles musulmans, par ailleurs concitoyens, comme le Maroc, qui, par exemple, a financé la grande mosquée de Saint-Étienne baptisée même mosquée Mohammed VI du nom du souverain alaouite actuel. Il y a aussi des mécènes du Golfe qui font des dons réguliers, plutôt discrètement depuis le 11 septembre 2001, afin d'éviter une levée de boucliers de la part des pouvoirs publics de notre pays et de l'opinion française, qui pourraient les suspecter de favoriser le "terrorisme". 
Ali Adraoui : Hassan Chalghoumi n’est pas le premier à s’inquiéter, cette question de l’ingérence se posant de manière récurrente aux musulmans français et européens. Il faut néanmoins différencier deux phénomènes :
  • Si l’on parle du paysage  « représentatif » de l’Islam hexagonal il y a effectivement certains acteurs qui sont liés à des états du monde arabe, comme par exemple le RMS (Rassemblement des Musulmans de France) qui est clairement lié à la monarchie marocaine ou encore la Fédération de la Grande Mosquée de Paris qui se rattache à l’état algérien.
  • Si l’on évoque la communauté musulmane dans son ensemble, il est important de rappeler qu’il n’y a pas d’allégeance organisée capable d’avoir un impact net sur les pratiquants. Le tissu social musulman, depuis plusieurs années, réclame davantage l’instauration d’une citoyenneté qui lui permettrait d’échapper aux mécanismes de stigmatisation.

Quels sont les principaux acteurs de cette ingérence ? D'où viennent-ils et quelle est leur organisation ?

Hassen Chalghoumi : Les Frères Musulmans ont une influence notable qui est d’ailleurs connue de tous, même de l’Etat. Il y a une centaine d’imams qui viennent d’Algérie avec un contrat de quatre ans, de même pour les imams Marocains et Turcs.
Haoues Seniguer : Outre les pays que je viens de mentionner, je montre très largement dans un article paru hier dans la revue scientifique Confluences méditerranée, que les pays tels que le Qatar, s'invitent de plus en plus dans l'islam, en dehors de leurs propres frontières. D'ailleurs, le Qatar pourrait faire une percée au niveau de l'islam européen en général, et français en particulier, dans les prochaines années, en raison de la proximité de plus en plus grande entre nos deux pays, et de l'implantation de l'idéologie des Frères musulmans en Europe, laquelle est particulièrement prisée par la seconde épouse de l'Émir Hamad Ben Khalifa Al-Thani, la cheikha Moza bint Nasser Al-Misnad. Ne perdons pas de vue également que cette dernière est proche de Yûsuf Al-Qaradhâwî, théologien islamiste de notoriété mondiale. À ce propos, il n'est pas inutile de rappeler que Tariq Ramadan, qui jouit d'un grand prestige auprès du public musulman francophone, et qui est souvent invité en France par différentes associations ou organisations musulmanes, a inauguré, en mars 2012, à Doha, le CILE (Centre de Recherche sur la Législation Islamique) dont il est depuis lors le directeur. Ce centre est justement financé et est largement soutenu par la seconde épouse de l'Émir du Qatar. 
Ali Adraoui : Plusieurs Etats, dont ceux que j’ai déjà cités, utilisent le prisme religieux comme un outil d’influence sur les populations immigrés d’origine musulmane, notamment à travers la création d’associations. Sur un plan historique, ces structures ont remplacé les amicales (franco-marocaine, franco-algériennes) fondées dans les années 1960 ainsi que les réseaux traditionnels formés par les consulats des pays arabes. Cela passait par exemple par l’organisation de vacances ou par des cours d’Arabe destinés aux jeunes originaires des pays concernés. Depuis les années 2000 ce schéma a évolué, notamment avec la création du Conseil Français du Culte Musulman, vers une dimension plus religieuse comme on le voit aujourd’hui. La création de cet « Islam consulaire » vise à maintenir les groupes d’immigration issus de l’Algérie, du Maroc ou encore de la Turquie dans une logique nationale, voire nationaliste. Il faudrait préciser que malgré cette logique d’influence, ces réseaux font toutefois attention à ne jamais entrer en conflit avec l’Etat Français.

Quelle peut être la réaction de l'islam de France face à ce phénomène ?

Hassen Chalgoumi : L’islam de France a eu besoin de ces imams pendant une période certes, on leur dit merci, mais à partir de maintenant il faut dire « stop ». Nous avons besoin d’un coup de pouce du gouvernement pour former les imams. On peut le faire dans des universités où ne s’applique pas la loi de 1905 comme en Alsace-Lorraine. Si l’Etat n’accepte pas de prendre part aux débats religieux, il doit être cohérent et ne pas laisser d’autres Etats imposer leur loi sur notre territoire. Ce serait de l’hypocrisie.
Haoues Seniguer : Il y a des réactions différentes et multiples car le champ islamique français est traversé par de profonds clivages ou divisions, qui sont aussi bien d'ordre idéologique que structurel. Il est clair, toutefois, que de nombreux acteurs de l'islam de France s'opposent farouchement à toute forme d'ingérence étrangère, idéologique ou financière. Mais force est de constater qu'ils ne sont pas majoritaires; ils sont surtout très peu audibles par rapport à des structures comme l'Union des Organisations Islamiques de France (UOIF). Celle-ci dispose effectivement de moyens humains et matériels autrement plus importants que d'autres structures communautaires plus petites et beaucoup moins visibles dans l'espace public. 
Ali Adraoui : Le principal problème de l’islam de France est qu’il n’est pas vraiment représentatif. Cette structure a été pensée pour régir le culte musulman dans l’Hexagone, pas vraiment pour offrir un portevoix aux principaux concernés. Il y a de plus une sorte de pêché originel dès le départ car, dès sa fondation en 2003, le président du CFCM a été désigné avant les élections, ce qui traduit une certaine méfiance qui peut être préjudiciable à long-terme. « L’islam de France » n’a pas été pensé par et pour les Français, mais par une partie du pouvoir en lien avec les autorités des autres pays déjà évoqués plus haut. Cette instance a jusque-là été une instance de régulation et les populations musulmanes n’y accordent en conséquence que très peu de crédit quand elles n’ignorent tout simplement pas son existence. « L’islam de France » tel qu’il existe aujourd’hui n’a donc qu’un faible rôle à jouer dans cette affaire.

L'Etat français peut-il jouer un rôle ou doit-on laisser la société civile prendre le relais ?

Hassen Chalghoumi : Les deux. Les pouvoirs publics peuvent jouer un rôle de taille, cas par cas, ville par ville. Avec la montée de l’islam radical dans les pays arabes et les menaces au Mali, l’Etat doit prendre ses responsabilités. Les associations également. Il est nécessaire de permettre l’application d’un islam français comme le réclamait Nicolas Sarkozy à l’époque et aujourd’hui Manuel Valls, actuel ministre de l’Intérieur.
Haoues Seniguer : Il est difficile de faire "jouer" un rôle à l'État français compte tenu de la laïcité qui impose précisément une certaine neutralité et prise de distance vis-à-vis des affaires religieuses et/ou cultuelles. Ainsi, il revient, en effet, à la société civile, et au premier chef aux premiers concernés eux-mêmes que sont les musulmans, de s'organiser au mieux en interne, en vue de pacifier et d'harmoniser leurs relations publiques.
Ali Adraoui : L’Etat jouera toujours un rôle dans le sens ou l’Islam français doit se construire dans un cadre laïque, égalitaire et républicain.  L’actuel déficit de légitimité des organes censés le représenter pose problème, et cela ne pourra être résolu que par une présence accrue sur le terrain qui permettra de dégager des nouveaux acteurs. Par ailleurs il ne faut pas simplement revoir l’organisation des structures concernées mais aussi la perception qu’a le monde politique du phénomène.

Y'a t-il un risque de confrontation entre un islam modéré et un islam plus radical qui pourrait amener à des divisions internes ?

Hassen Chalghoumi : Quand vous parlez à la jeunesse, les Algériens, les Marocains, les Egyptiens se considèrent avant tout Français. Ils veulent un lieu de prière pour eux, Musulmans de France. Mais vous vous doutez qu’avec l’influence de l’argent, les intérêts de chacun, certains ne sont pas d’accord. Les moyens on peut les trouver dans des solutions internes telles que la vente de viande halal. Nous n’avons pas besoin de personnes extérieures afin de financer nos lieux de prière. Il y a beaucoup de lieux de prières qui subissent les tensions entre les radicaux et les modérés. Salafistes et Frères Musulmans viennent parfois se mêler au conflit. On entend même des menaces de morts… Bien sûr on n’est pas là pour généraliser les choses. L’image de Mohammed Merah a donné une perception bien triste de notre religion à l’étranger. C’est assez terrible. D’un autre côté, nous restons confiants et comptons sur nos concitoyens. Le pouvoir semble être déterminé à faire barrage aux fanatiques.
Haoues Seniguer : Je suis très sceptique sur les catégories "islam modéré" versus "islam radical ou plus radical". Pourquoi ? D'abord, parce que radical, étymologiquement, correspond "à la racine". Ensuite, et subséquemment, parce que "radicaux" comme "modérés" se réclament de l'islam, et prétendent, de la sorte, en incarner la meilleure et la plus parfaite des expressions. Cependant, il est des musulmans "modérés", c'est-à-dire des fidèles beaucoup plus souples quant à leur rapport aux textes classiques de l'islam (Coran et traditions prophétiques), tandis que d'autres sont beaucoup littéralistes, et n'hésitent pas, parfois, à passer à l'acte violent, verbalement ou physiquement. 
Ali Adraoui : Je ne pense pas. C’est une vue de l’esprit de croire qu’il y a une progression de l’Islam radical en France : si cela était vraiment le cas nous aurions eu par exemple des manifestations beaucoup plus importantes lors de la parution du film l’Innocence des Musulmans (phénomène qui a réuni 200 personnes, NDLR). Beaucoup ont utilisé l’affaire Merah pour affirmer le contraire mais il faudrait rappeler que ce personnage se situait clairement à la marge de la communauté musulmane. On trouve des radicaux dans l’Islam, et d’aucuns déclarent qu’ils montent en puissance, mais ces constats subjectifs résistent peu à l’épreuve des faits.

Le catholicisme quitte l’Europe

Lors de sa dernière messe, le pape Benoît XVI a appelé les catholiques à se rappeler que la foi sans actions est pareille à l’arbre sans fruits. Il est possible que ce soit « une voix qui crie dans le désert », ce désert qu’est l’Europe séculaire postchrétienne pour de nombreux experts.

La démission de Benoît XVI n’a pas été une surprise seulement pour les ouailles et la curie, mais aussi pour les spécialistes. Le pape lui-même explique son geste par des problèmes de santé. Les experts, eux, blâment la crise de l’Église catholique. Au départ, on voyait en le pape l’homme capable ne fut-ce que de contenir la sécularisation croissante de l’Europe. De toute évidence, cela ne s’est pas produit. Au cours des huit dernières années, les Européens ne sont toujours pas revenus dans le giron de l’Église catholique.
Qui plus est, Benoît XVI s’est avéré beaucoup moins populaire que son prédécesseur Jean-Paul II (qui,justement, a été accusé de flirter avec des valeurs libérales). Il faut croire que la majorité des Européens n’a finalement pas entendu les paroles du théologien allemand conservateur. Et lui, probablement non plus, n’a pas trouvé les bonnes paroles. Donc, la démission du pape prouve la crise du catholicisme européen. Au point que Kurt Koch, président du conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, a fait une déclaration assez osée : « L’avenir de l’Église catholique n’est pas en Europe ». Selon lui, s’il devait choisir entre un Européen et un non-Européen, à condition qu’ils en soient tous les deux dignes, il choisirait un représentant de l’Afrique ou de l’Amérique latine.
Iouri Tabak, théologien et traducteur, estime que c’est un hommage au politiquement correct :
« Il s’agit de l’exécution de certaines nouvelles normes, qui sont devenues familières dans le monde contemporain. Le choix ne sera pas centré sur l’Europe. Le choix va être fait comme le désire l’Église. Sans aucun doute, il y a une crise. Il s’agit des scandales de pédophilie, qui, quelques années auparavant, ont carrément ébranlé l’Église. Cela concerne aussi la question de la contraception, qui entre en contradiction totale avec la lutte contre le SIDA. Il n’est pas possible de faire coïncider l’interdiction des contraceptifs et la protection de la santé des millions catholiques, dont les Africains. C’est aussi le célibat des prêtres. Beaucoup d’entre eux demandent la levée de cette interdiction médiévale. Il existe même une association qui comprend plus de 80 000 anciens prêtres mariés, qui exigent des réformes de l’Église. Les mouvements de protestations sont également forts dans le pays de Benoît XVI. Les évêques germaniques sont uns des plus libéraux du monde catholique. Le pape lui-même est accusé de ces nombreux péchés indirects. »
On a depuis longtemps, même lors du dernier conclave en 2005, émis la possibilité d’élire un pape de couleur noire. Il n’y a rien d’extraordinaire à cela : c’est plutôt le reflet des tendances objectives au sein de l’Église catholique romaine. Le caractère laïc de la majorité des pays où le catholicisme est répandu, lance à l’Église catholique de nouveaux défis. Selon Iouri Tabak, le pape, se rendant compte qu’il n’est pas en mesure de régler ces problèmes, a pu se résoudre à céder sa place à son successeur.
« L’Église en tant qu’institution religieuse a un problème, et cela concerne toutes les confessions. Dans sa nature, l’Église est appelée à préserver des valeurs conservatrices, c’est-à-dire d’assurer la continuité avec le passé. Elle ne doit pas courir après la vie de la société. Elle doit garder intègre, préserver comme si c’était son bien le plus précieux tout ce qu’il y avait de meilleur dans le passé, à savoir les normes éthiques traditionnelles. En même temps, l’Église ne peut pas devenir une sorte ghetto, où les valeurs deviennent rigides comme des reliques. Elle doit marcher dans la même cadence que la société, la mener et l’instruire. On peut admettre que, actuellement, l’Église y échoue. »
Dans cette optique, le départ de Benoît XVI est considéré par de nombreux experts comme un bon signe. Il s’agit d’une révolution d’époque qui va exercer une influence psychologique énorme sur les croyants.
« L’avenir de l’Église catholique n’est pas en Europe principalement à cause la répartition géographique des catholiques. En effet, la plupart ne vivent pas en Europe (comme la plupart des habitants de la Terre ne vivent pas en Europe). Deuxièmement, la crise de l’Église n’est pas forcément totalement négative. Une crise, c’est la possibilité de réévaluer la situation, c’est la possibilité de faire des changements. Une crise a toujours des conséquences positives pour le développement d’une civilisation »,explique Igor Kovalevski, représentant des prêtres catholiques de Russie.
La majorité des analystes s’accordent sur le fait que l’Église a besoin d’un dirigeant qui aurait à la fois une expérience pastorale et une expérience administrative. Mais ce n’est pas le principal. Le plus important est que le nouveau pape soit relativement jeune et qu’il ait du charisme pour attirer la sympathie d’une large communauté. Si c’est le cas, son origine et sa nationalité resteront du domaine privé et la chrétienté aura une nouvelle chance en Europe.

La Cour des Cassandre

La Cour des Cassandre


Avec ses avertissements à répétition, avec sa distribution de bons et, surtout, de mauvais points, la Cour des comptes prend de plus en plus l'allure d'une Cour des Cassandre ! Ce qui a le don d'agacer souverainement certains députés socialistes. Il n'en faudrait pas beaucoup plus pour qu'ils qualifient le premier président de l'institution, Didier Migaud, ancien député socialiste, de « social-traître ». Sûr que la remise du rapport public annuel des Sages de la rue Cambon à François Hollande ne va pas contribuer à apaiser les esprits. Dans un pavé de près de deux kilos, on ne peut évidemment éluder le poids des mots.
Et il faut bien admettre qu'il constitue un avertissement pour le gouvernement, et exprime des doutes sérieux sur ses objectifs budgétaires. Bien plus, la Cour des Comptes s'en prend ouvertement au tabou d'un déficit ramené à 3 % du PIB en 2013, reposant sur des prévisions de croissance (à 0,8 %) « trop favorables ». Et les Sages d'en appeler à une vigoureuse maîtrise des dépenses et une meilleure gestion de l'argent public.
Après avoir, fin janvier, tiré le signal d'alarme sur les déficits « insoutenables » de l'assurance chômage, les Sages persistent dans la voie de la rigueur. Il serait trop simple, comme le voudraient certains socialistes, de les renvoyer à leurs calculettes en les invitant à ne pas s'autoriser d'ingérence politique. Au fond, la Cour des comptes ne fait que confirmer ce que disent depuis longtemps le FMI, l'OCDE et d'autres encore.
Au nom de la « transparence », François Hollande n'a pas écarté un « ajustement » sur la prévision de croissance. Doux euphémisme pour une tardive reconnaissance de ce que l'on savait. Après le recours aux hausses d'impôts, l'heure est venue de réformes porteuses d'économies substantielles encore mal précisées (selon la Cour des comptes). Alors, sans jouer les Cassandre, il ne pouvait y avoir plus préoccupante perspective pour l'exécutif, au moment où s'accentue la demande sociale.

« L’enjoliveur »

« L’enjoliveur »


Ce n'était pas une tâche facile mais, hier, le président du directoire de PSA Peugeot Citroën, Philippe Varin, s'est efforcé de jouer les « enjoliveurs ». Avouez qu'il n'était pas commode de présenter les pertes abyssales du groupe (5 milliards d'euros en 2012) et de véhiculer en même temps un message d'optimisme pour l'avenir. Et pourtant, Philippe Varin l'a fait, en annonçant le plan Rebond 2015 sur une base 2012 « assainie ». Beaucoup trouveront évidemment « l'assainissement » un peu cruel sur le plan humain. Ce qui n'a pas été le cas de la Bourse, qui a donné dès hier un coup de booster de 7,3 % à l'action Peugeot, en chute libre depuis des mois.
On peut comprendre la colère des syndicats, qui suspectent la direction d'avoir noirci le tableau en passant 4,7 milliards de dépréciations d'actifs, pour mieux faire passer la pilule du plan social. Il n'empêche que les résultats de la division automobile devenaient insupportables. Il serait superflu de revenir sur la crise qui a sinistré le marché européen, comme il serait vain de rappeler les erreurs stratégiques des dirigeants de PSA, victimes d'un patriotisme d'entreprise étriqué et inadapté.
On notera, d'ailleurs, que l'Etat a cessé de vilipender la famille Peugeot. Même Arnaud Montebourg s'est acheté une conduite en reconnaissant avoir été un peu rude avec elle. Désormais, l'inéluctable plan social (bonifié) de PSA semble sur les rails et le gouvernement a abandonné toute velléité d'entrer au capital, se contentant, à travers la présence de Louis Gallois au conseil de surveillance du groupe, d'un système de… direction assistée.
Reste à espérer que le repositionnement des marques Peugeot et Citroën ainsi que les investissements sur les marchés en croissance seront bénéfiques. Avec l'accord de compétitivité en bonne voie chez Renault, l'industrie automobile française se « réarme ». Il est grand temps qu'elle revienne dans la course pour « enjoliver », aussi, le sort de ses salariés.