TOUT EST DIT

TOUT EST DIT
ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

mardi 5 février 2013

Le Mali, loin de l'Amérique...

Le Mali, loin de l'Amérique...


La France est la seule grande puissance à intervenir au Mali. L'Amérique, si prompte à combattre le terrorisme, brille par sa discrétion. Réticences géopolitiques, une certaine forme d'avarice dans la fourniture (payante) de son aide : l'internationalisme « musclé » de Bush est-il en train de céder la place à un internationalisme prudent, sinon réticent, d'Obama ?

Certes, lors de son second discours d'investiture, le président américain n'a pas manqué de redire, parlant de la politique étrangère : « Nos intérêts et notre conscience nous font obligation d'agir. » Mais le coeur y était-il vraiment ? L'accent était ailleurs, comme si Obama avait décidé de laisser sa marque dans l'histoire par le biais de réformes internes (santé, immigration, contrôle des armes).
En éliminant physiquement Ben Laden, l'Amérique aurait-elle fermé la page du 11-Septembre, tout comme la défaite de Jimmy Carter, en 1980, et son remplacement par Ronald Reagan avaient, pour partie, permis aux États-Unis de clore l'épisode frustrant des guerres de Corée et du Vietnam ?
En 2013, le monde n'est plus tout à fait pour l'Amérique ce qu'il était hier. Il existe comme une tension entre l'internationalisme naturel d'un pays porteur d'un message universel et l'évolution de son rapport au monde. Non pas une pulsion isolationniste : l'univers de la mondialisation est trop interdépendant et transparent pour qu'il en soit ainsi. Mais une hiérarchie nouvelle des priorités, de l'extérieur vers l'intérieur et, à l'extérieur, en direction de l'Asie.
Cette double évolution est renforcée par plusieurs facteurs. De nombreux experts prédisent qu'à la fin de cette décennie, le gaz de schiste aura rendu l'Amérique totalement indépendante en énergie du Moyen-Orient. Dans un premier temps, elle continuera d'importer des énergies classiques d'Amérique Latine ou d'Afrique. Mais le moment où elle faisait « la guerre pour le pétrole » est désormais révolu.
Moins dépendante du monde extérieur en matière énergétique, elle est toutefois devenue plus vulnérable face aux menaces nouvelles. C'est le cas, en particulier, des risques de cyber-attaques. Au lendemain de l'ouragan Sandy, qui avait plongé dans le noir des quartiers entiers de New York, l'ancien chef d'état-major des Armées, le général Pace, avait alerté l'opinion publique américaine sur les risques d'interruption de toute forme de communication qu'une attaque via les réseaux informatiques pouvait faire courir aux États-Unis.
Sandy n'était rien par rapport à la menace du cyber-terrorisme. Cette analyse a pour autre avantage de répondre au souci de l'équilibre budgétaire, devenu la première priorité stratégique de l'Amérique d'aujourd'hui. N'est-il pas moins coûteux de se protéger du cyber-terrorisme que d'imposer la paix au Moyen-Orient ?
Conséquence : après avoir condamné l'hyper-interventionnisme des États-Unis dans le monde, une partie significative de la communauté internationale, tout particulièrement en Asie, face à la montée en puissance de la Chine, s'interroge presque avec inquiétude : « L'Amérique en ferait-elle trop peu, après en avoir fait trop ? »
Les conséquences pour l'Europe sont majeures. Elle n'est pas seule, certes, mais elle ne peut plus se reposer en deuxième ligne face aux menaces qui se rapprochent d'elles. La France, dans ses efforts au Mali, n'est pas anachronique. Elle est peut-être tout simplement à l'avant-garde d'un monde post-américain.

La France et l’Afrique

La France et l’Afrique



L’image du président Hollande acclamé en héros au Mali, qui fait la une des journaux télévisés et des radios depuis avant-hier, me renvoie à des souvenirs. En mai 2006, j’avais accompagné Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur, à Bamako. Le candidat à l’élection présidentielle venait présenter aux Maliens les projets français sur la « gestion concertée de l’immigration ». La visite avait été troublée par des manifestants qui brandissaient une pancarte « Sarkozy raciste », incident ressenti sur place comme mineur mais qui fit les délices des médias français pendant plusieurs jours. Lors de son discours, le ministre avait été plusieurs fois interrompu par des défenseurs des droits de l’homme, fustigeant « l’impérialisme français » le « néo-colonialisme » et lui rappelant « qu’il n’était pas ici chez lui ». Dans les rapports entre la France et l’Afrique francophone, il y a toujours une sorte d’embarras et de malaise implicite, que l’intervention militaire, le triomphe et les bains de foule ne parviennent pas à dissiper définitivement. Tous les gouvernements veulent créer une relation de « partenariat égal à égal » mais, un demi-siècle après la décolonisation, sans y parvenir. La seule question qui importe à mes yeux est celle-ci : pourquoi ce grand pays qu’est le Mali, avec ses quinze millions d’habitants, a-t-il eu besoin de 5000 soldats français pour chasser de ses villes du Nord des terroristes sanguinaires ? Chaque président français marque son passage à l’Elysée par une ou plusieurs opérations militaires en Afrique subsaharienne : VGE à Kolwezi et à Bangui, Mitterrand au Tchad et au Rwanda, Chirac en Cote d’Ivoire, de même que Nicolas Sarkozy à Abidjan, désormais Hollande au Mali. Sans doute, au cas par cas, ne peut-on pas faire autrement que d’intervenir en ce genre de circonstance. Mais la répétition de décennie en décennie de ce type d’intervention n’en soulève pas moins des interrogations de fond : jusqu’à quand la France sera-t-elle amenée à jouer le rôle de gendarme de l’Afrique francophone, 50 ans après lui avoir accordé l’indépendance ? Quand les Etats d’Afrique francophone parviendront-ils s’organiser pour conquérir leur indépendance réelle, c’est-à-dire assurer leur défense, leur sécurité et au-delà, leur développement économique et social ? Au-delà de l’événement médiatique, c’est la question fondamentale, le grand enjeu de l’avenir.

Municipales 2014 : la gauche va-t-elle brûler à Paris ?

Alors que les écologistes feront certainement cavalier seul au premier tour, la stratégie des communistes reste la grande inconnue.

Les liens fragiles qui subsistent entre les partis de gauche vont-ils exploser en 2014 ? La bataille qui s'annonce à Paris constituera un premier test. Face à une droite divisée, mais prête à tout pour récupérer la capitale, tombée dans l'escarcelle de la gauche depuis 2001, le Parti socialiste aurait préféré faire front uni dès le premier tour. Mais la perspective d'une primaire ouverte à tous les partis de gauche a fait long feu : ni les écologistes ni le PCF ne semblent disposés à y prendre part. Le poids croissant de la candidature d'une Anne Hidalgo en tête des intentions de vote dans les sondages pourrait même dissuader le PS d'en organiser une. Mettre en compétition "une candidature très forte et d'autres candidatures plus faibles, c'est risqué", juge Guillaume Balas, président du groupe PS à la région Ile-de-France. Le manque de participation, inhérent à l'absence d'un véritable enjeu, risquerait en effet de porter un coup de canif à la campagne de la favorite.
Les deux escrocs de Paris
Fébriles à l'idée que ces municipales se transforment en "élection sanction", certains au PS voient d'un mauvais oeil les velléités d'indépendance des écologistes et du PCF. "Plus ça va, plus le scrutin municipal est un scrutin local indépendant du contexte national", rassure Christophe Borgel, le Monsieur Élection du PS. Ce dernier, louant au passage la bonne gestion des villes par les socialistes, est persuadé que l'électorat urbain "évolue vers la gauche dans le temps". Selon lui, le pouvoir en place pourrait donc conserver les grandes villes, y compris la première d'entre elles, sans coup férir.

EELV fera cavalier seul

Alliés au maire de Paris depuis 2001 et à la majorité gouvernementale depuis le début du quinquennat, les écologistes envisagent néanmoins de présenter des listes autonomes dès le premier tour. Avec le départ de Bertrand Delanoë, c'est une nouvelle ère qui s'ouvre et Europe Écologie-Les Verts compte bien en profiter. "Les écologistes doivent montrer qu'ils n'ont pas uniquement vocation à être la boîte à idées" du PS, justifie David Cormand, chargé des élections à EELV. D'autant qu'un certain nombre de projets, comme celui des Halles, les ont parfois divisés. En matière de transition écologique, "on peut faire plus", acquiesce Denis Baupin, député vert de Paris et ex-adjoint de Delanoë.
Reste à trancher l'épineuse question du prétendant à l'Hôtel de Ville. Si la candidature de Cécile Duflot, occupée à son ministère, paraît de moins en moins probable, celle du nouveau patron d'EELV Pascal Durand commence à séduire le parti. Contrairement aux candidats déjà déclarés comme Yves Contassot (conseiller de Paris) ou Jacques Boutault (maire du 2e arrondissement), le patron des écolos ne fait pas partie des équipes sortantes. Plus facile ainsi d'expliquer aux Parisiens pourquoi les écologistes font cavalier seul. S'il se jette à l'eau, Durand devra toutefois compenser son manque d'expérience en s'investissant "à fond sur les dossiers parisiens", prévient Baupin. 
Décidés à contester au PS son leadership, les écologistes croient pouvoir attirer un vote intermédiaire, entre adhésion totale au PS et vote de contestation à l'extrême gauche. "C'est une erreur stratégique. Les Verts à Paris, c'est plus du tout ce que ça a été il y a quelques années", conteste-t-on côté PS. Quoi qu'il en soit, au second tour, les écologistes s'uniront à leurs alliés socialistes et vraisemblablement à Anne Hidalgo. Ce qui n'est pas du tout pour leur déplaire. "Son principal défaut, c'est de ne pas être membre des écologistes", glisse Baupin, confiant sur leur capacité à trouver un terrain d'entente.

Les communistes doivent encore trancher

La grande inconnue reste la stratégie qu'adoptera le PCF. Forts de la percée électorale du Front de gauche à Paris lors de la présidentielle (11 %) et des législatives (7 %), les communistes pourraient également être tentés de s'émanciper au premier tour de la tutelle socialiste. "On est devenu un acteur à part entière du paysage politique parisien", affirme Ian Brossat, président du groupe PCF-PG au Conseil de Paris. "Le PS aurait tort de jouer les fiers-à-bras avec nous", lâche-t-il, goûtant peu les "menaces" lancées ces jours-ci par la rue de Solférino. "Il y a toujours eu des endroits où la gauche a été divisée au premier tour. Il n'y a pas mort d'homme. Mais ça ne peut pas être une ligne", tempère Lydie Benoît, chargée des élections au PCF, pour qui le Front de gauche est "trop étroit dans ses habits dans certains endroits" et devra donc décider au cas par cas.
Du côté du PG parisien, on espère que les communistes ne s'engageront pas dans une "rupture stratégique" par calcul. "On brouillerait complètement la cohérence de ce qu'on a raconté en étant tout d'un coup sur les mêmes listes que les socialistes", plaide Danielle Simonnet, conseillère PG de Paris. Le PCF s'est donné jusqu'en juin pour trancher. Nul doute que les socialistes seront suspendus à ses lèvres jusqu'à cet instant.

La situation en Grèce est encore pire que ce que vous imaginez

La Grande Dépression a duré 4 ans aux Etats-Unis. La Grèce entre dans sa sixième année. Depuis 2008, le pays a perdu plus d’un quart de son PIB. La dynamique de la crise grecque est bien plus grave que ce que les politiques parcellaires de la «troïka» sont en mesure de guérir.

Quand les ministres des Finances européens ont approuvé le déblocage de 49,1 milliards d’euros supplémentaires pour la Grèce en décembre dernier, les europhiles ont poussé un ouf de soulagement collectif. La catastrophe économique avait été évitée et l’éventualité d’un «Grexit», une sortie de la zone euro, semblait alors écartée. Ces 49,1 milliards, comme les autres prêts, devaient permettre d’assouplir le programme d’ajustements fiscaux –le plus sévère de l’histoire– et la Grèce devait progressivement sortir la tête de l’eau.
Mais à l’intérieur du pays, la nouvelle n’a pas rassuré outre-mesure. Le gouvernement de coalition a bien sûr fait planer un vent d’optimisme, mais les citoyens, accablés et surtaxés, ne partagent pas son enthousiasme face aux sinistres perspectives économiques nationales. Renflouement ou pas, la détresse économique s’abat désormais sur la Grèce.
D’un point de vue fiscal, les réformes ont été un succès. Le déficit budgétaire est passé de 15,6% du PIB en 2009 à 7% estimés en 2012. Pour 2013, le gouvernement table même sur un excédent primaire. Dans le même temps, l’indice général de la bourse d’Athènes enregistrait en 2012 la meilleure performance des marchés ouest-européens, avec un bond de 33%, et les taux d’intérêt des emprunts grecs commencent à fléchir.
Mais le coût des réformes économiques est stupéfiant. En Grèce, 2013 sera la sixième année de «Grande Dépression». Depuis 2008, le pays a perdu plus d’un quart de son PIB. Aux Etats-Unis, la Grande Dépression avait coûté 27% du PIB mais n’avait duré que quatre ans, de 1929 à 1933, et le pays avait retrouvé son niveau de PIB d’avant la crise en seulement huit ans. Il l’avait même dépassé l’année suivante. On imagine mal que ça pourrait se produire en Grèce d’ici 2020.
Et puis la dynamique de la crise grecque est bien plus grave que ce que les politiques parcellaires de la «troïka» (le Fonds monétaire international, l’Union européenne et la Banque centrale européenne) sont en mesure de guérir.
Le revenu par tête est en chute libre depuis 2010 et il est peu probable que les salaires ne rebondissent avant des années. La production nationale s’est en outre effondrée, jusqu’à retrouver les niveaux qui prévalaient dans les années 1990, avant que quasi deux décennies d’intégration européenne ne propulsent le PIB par habitant presque à la moyenne européenne. Et si la soutenabilité de la dette a été mise à rude épreuve depuis le début de la crise, la capacité de la société à supporter toutes ces difficultés l’a été tout autant.

Une génération sacrifiée

Alors que l’Etat-providence grec s’atrophie, toute une génération voit ses attentes, ses revenus et sa qualité de vie rétrogradés. Cette même génération, qui avait pris l’habitude d’accéder à des crédits pas chers après l’entrée de la Grèce dans la zone euro en 2001, s’efforce maintenant d’apprendre à vivre avec bien moins.
Dans le secteur privé, les salaires ont diminué de plus de 30% depuis 2010 –c’est 22% pour le salaire minimum mensuel et 32% pour les salaires des moins de 25 ans. Pourtant, les prix ont été maintenus à des niveaux élevés par le manque de concurrence, les comportements oligarchiques et la hausse des taxes.
Le taux de chômage devrait dépasser les 26% en 2014, selon la Banque de Grèce, voire les 31%, selon l’Institut de Kiel pour l’économie mondiale, un centre de recherche allemand. Si ces prévisions sont justes, on dépassera donc les 24% atteints au pire moment de la Grande Dépression américaine.
Plus de 60% des chômeurs grecs sont sans travail depuis plus d’un an, une tendance préoccupante vu la difficulté à résorber le chômage de longue durée. Le chômage des jeunes, qui pointe à 55%, est déjà supérieur à celui de la plupart des pays ayant des taux similaires de participation au marché du travail.
Et la lumière au bout du tunnel est encore très loin. En analysant des crises précédentes, l’Organisation internationale du travail a montré que, dans les pays où l’emploi des jeunes finit par retrouver son niveau d’avant la crise, le délai est en moyenne de onze ans.
C’est du secteur privé que vient l’essentiel des 1,2 million de chômeurs grecs. Jusqu’à maintenant, les fonctionnaires ont été protégés, seulement 100.000 ont cessé de travailler, la plupart pour partir à la retraite. Le secteur public est le dernier bastion de l’élite politique. Si le nombre de fonctionnaires diminue –lentement– c’est uniquement parce que la troïka surveille de près les embauches.
A ce jour, aucun responsable politique de premier rang ne s’est en effet engagé à aller jusqu’à renvoyer des employés du secteur public. Les chiffres sur le nombre de fonctionnaires en Grèce ne sont pas très fiables, mais on estime qu’ils sont environ 800.000.
Créer de l’emploi est une tâche redoutable et c’est là-dessus que seront jugés les politiciens grecs dans les années qui viennent. De 1970 à 2009, 800.000 nouveaux emplois sont venus s’ajouter aux 3 millions déjà existants dans le secteur privé. La majorité de ces créations d’emplois ont eu lieu dans le bâtiment, le commerce (gros et détail) et le tourisme. Mais dans le contexte économique, avec la demande qui fléchit, le commerce de détail est davantage susceptible de se contracter que de se développer. Des emplois pourraient être créés dans le secteur du tourisme, mais la Grèce devra faire beaucoup d’efforts pour développer pleinement son potentiel.

L'énorme coût de la démocratie

Le pays doit mettre sur pied un cadre plus favorable aux affaires, améliorer ses infrastructures, alléger sa bureaucratie, de type communiste, et simplifier sa fiscalité, en la rendant aussi plus juste. On estime que la paperasserie dans la bureaucratie grecque coûte au pays 6,8% de son PIB. Il semble au final quasi impossible de créer 1,2 million de nouveaux emplois d’ici 2025. D’autres domaines que la construction et le commerce vont devoir être les moteurs de l’emploi; la Grèce devra développer son secteur des services, et c’est le tourisme qui doit montrer la voie.

Alors que le chômage grimpe et que la classe moyenne se retrouve pressée de toutes parts, les «nouveaux pauvres» sont de plus en plus nombreux. La part de ménages grecs risquant de basculer dans la pauvreté est passée à 21,4% en 2011 –c’était 20,1% en 2010, le pays était alors le quatrième plus mal placé d’Europe derrière la Bulgarie, la Roumanie et l’Espagne. Mais la récession s’est aggravée depuis et, inévitablement, le nombre de pauvres va augmenter en Grèce.

Selon l’agence nationale de la statistique, Elstat, plus de la moitié des Grecs avaient des difficultés à payer leurs factures en 2011 et 63% disaient avoir «des difficultés» ou «de grandes difficultés» à joindre les deux bouts. Depuis le début de la crise, le taux de suicide en Grèce a quasi doublé, passant de 3 à presque 5 suicides pour 100.000 habitants.

Evasion fiscale, corruption, rien n'a été fait

Dans le même temps, l’Etat doit faire face à une crise de ses propres revenus, en partie due à l’ampleur de l’évasion fiscale. En 2012, selon les estimations de la Commission européenne, l’économie souterraine représentait 24% du PIB et engendrait une perte de revenus annuelle de 10 milliards d’euros. Le think-tank américain Global Financial Integrity évalue, lui, à 120 milliards d’euros la perte causée par des activités illicites comme la corruption et l’évasion fiscale durant la décennie 2000.
En 2010, dernière année pour laquelle on a des chiffres, seulement 83 citoyens grecs ont déclaré un revenu annuel de plus de 800.000 euros, sur près de 7 millions de contribuables.
Pour lutter contre l’évasion fiscale, il faut améliorer la collecte de l’impôt et payer suffisamment les personnes chargées de le faire, elles seront ainsi mieux armées contre la corruption et l’ingérence politique.
Selon la «Task Force» de la Commission européenne pour la Grèce, seulement un tiers des contrôles fiscaux sur les gros patrimoines qui devaient être réalisés l’ont été jusqu’ici, à cause du manque de capacités d’action de l’administration et de son inertie. En 2012, la Grèce était le pays européen le plus mal classé dans l’indice de perception de la corruption de Transparency International. Quatre-vingt-quatorzième sur 174, elle pointe carrément 19 places derrière la Bulgarie, le deuxième pays européen le plus mal classé.
L’évasion fiscale émane en partie en Grèce de règles injustes et laxistes. Mais ce qui explique la corruption de ce pays, c’est surtout le manque de moyens des institutions, le déficit de responsabilité politique, et le fait que les acteurs du système politique se protègent les uns les autres.
Aucun élu de haut-rang n’a jamais été condamné pour corruption en Grèce et, selon un rapport de 2011 de l’inspecteur général de l’administration publique, 2% seulement des fonctionnaires défaillants tombent sous le coup de procédures disciplinaires. Le copinage est toujours roi au sein de la trinité maudite affaires-médias-politique, malgré les reportages de plus en plus nombreux des journalistes étrangers et le déluge de scandales qui ont affecté les gouvernements.

Attention à la malédiction du pétrole

A long terme, les perspectives économiques de la Grèce seront également fragilisées par la fuite des cerveaux et la démographie. Le problème de l’émigration des travailleurs qualifiés n’est pas nouveau, mais il s’aggrave avec la crise. Selon les derniers chiffres, 85% des quelque 30.000 Grecs qui étudiaient à l’étranger en 2010 n’avaient nullement l’intention de rentrer. Et puis la démographie grecque n’arrange pas les choses: seulement 14,4% de la population a moins de 14 ans (le pays est 218e sur 226).
Pour couronner le tout, les immigrants retournent dans leurs pays d’origine. Des contribuables de moins en moins nombreux et disposant de revenus de plus en plus faibles devront donc porter à bout de bras une économie qui ne génère déjà plus suffisamment de richesses pour se soutenir elle-même.

L’Etat est désormais obligé de se réformer. Améliorer le climat des affaires est certes crucial alors que le pays travaille à la restructuration de son économie. Mais les privatisations qui doivent convaincre les investisseurs étrangers de revenir ne peuvent être menées en l’absence de réformes plus fondamentales encore. Il serait évidemment dangereux de vendre les biens de l’Etat à des oligarques privés. Les banques ne pourront en outre se remettre à prêter de l’argent que quand la confiance sera de retour et que le cercle vicieux de la dépression et des créances douteuses, qui représentent actuellement plus d’un quart des prêts en cours, commencera se désamorcer.

La reprise en Grèce est conditionnée au retour de la confiance entrepreneuriale et des investissements. Ceux-ci doivent être dopés par le programme d’ajustements économiques, mais aussi par un certain nombre de projets majeurs financés par les fonds européens. Car sans injection d’investissements extérieurs, l’économie grecque a peu de chances de redécoller. Les seuls fonds nationaux ne suffiront pas pour réaliser les investissements nécessaires en matière de capital humain, de recherche et développement et d’amélioration des infrastructures.

Pour sortir du marasme actuel, on a beaucoup parlé ces derniers temps de ce que pourrait apporter l’exploitation des réserves de gaz naturel offshore, estimées à 464 milliards d’euros, c’est-à-dire plus que la dette publique du pays. Mais même si ces ressources étaient confirmées, les profits tirés de cette manne d’hydrocarbures seraient davantage une malédiction qu’une bénédiction sans de profondes réformes économiques et institutionnelles.

La crise grecque est loin d’être terminée et le dangereux environnement politique du pays pourrait bien réduire à néant les efforts actuellement menés pour relancer la machine. Au final, l’avenir économique dépend ici d’un difficile équilibre à trouver entre unité sociale, volonté politique et soutien extérieur attentif.
Même si le gouvernement dit le contraire, la situation va probablement d’abord continuer à se détériorer avant de s’arranger. Le pessimisme va gagner du terrain et la confiance en un système politique considéré comme corrompu et incompétent va reculer encore. La reprise économique sera longue et se fera attendre, et les Grecs se sentiront de plus en plus étouffés par la pression fiscale à mesure que le programme d’ajustements de l’économie sera appliqué.
La zone euro a peut-être survécu, mais difficile de se montrer optimiste face à la situation grecque.
LA FRANCE NE VA PAS TARDER A

 RESSEMBLER À LA 

GRÈCE...PATIENCE.


Rocard : "La gauche n'a plus droit à l'erreur"


La gauche n'a plus droit à l'erreur s'ouvre sur la une du quotidien Le Soir du 24 novembre 2017. "La Chine a envahi Taïwan et les États-Unis entrent en guerre", titre la reproduction pastiche du journal belge. De la politique fiction, bien évidemment. Mais pour Michel Rocard et Pierre Larrouturou, spécialiste des questions économiques, ce scénario d'un troisième conflit mondial n'a rien d'improbable. Comme lors de la Seconde Guerre mondiale, le monde pourrait bien en partie basculer à cause de la crise économique.
Le tableau dressé par les deux figures du PS fait froid dans le dos. La situation européenne reste apocalyptique malgré la détente observée sur les taux d'intérêt réclamés aux pays du Sud et la progression des principales places européennes depuis près de six mois. En France, les chiffres du chômage - pourtant catastrophiques - sont sous-estimés. L'armée de travailleurs en "fin de droits", qui ne bénéficient parfois d'aucune aide, n'est pas comptabilisée. Et la situation est encore plus grave en Grèce, en Espagne, en Italie, en Grande-Bretagne. Au point qu'un scénario de vingt ans de crise, à la japonaise, ne peut être exclu.

La Chine atterrit

Ce n'est pas des États-Unis que viendra le salut. Malgré des compromis successifs, la falaise budgétaire se rapproche inexorablement. Les bonnes vieilles recettes de relance keynésienne en prennent au passage pour leur grade. Le "multiplicateur" keynésien, qui veut qu'un euro de dépense publique génère deux ou trois euros d'activité, ne tient plus la route. Dopés à l'endettement public et privé (la dette totale américaine dépasse 360 % du PIB) et par des torrents de dollars déversés par leur banque centrale, les États-Unis arrivent tout juste à générer 1,5 % de croissance en 2012. Et encore. Ce chiffre tient beaucoup à sa croissance démographique. Rapporté au PIB par tête, il tombe à 0,5 %.
Mais c'est en Chine que la situation est le plus explosive. "La bulle immobilière a atteint un volume deux fois plus important que le maximum atteint par la bulle immobilière aux États-Unis en 2007. Et elle vient d'éclater", rappellent les auteurs. Contrairement à une idée reçue, l'excédent commercial chinois n'a rien d'éternel. En mars dernier, le déficit a atteint plus de 30 milliards de dollars. Face au ralentissement de son économie, la Chine jouerait donc déjà la carte du nationalisme pour préserver la cohésion nationale. 
On pourrait reprocher à Michel Rocard et Pierre Larrouturou de dramatiser. Ils s'en défendent. De fait, Pékin a annoncé en mars 2012 le doublement de son budget militaire d'ici 2015. La menace est suffisamment crédible pour que l'hebdomadaire britannique libéral The Economist lui ait consacré sa une en avril 2012 ("China's military rise"). D'où l'interrogation centrale de l'ouvrage. "Allons-nous attendre qu'il soit trop tard pour mesurer la gravité de la crise, en Europe et dans le reste du monde ?"

La valeur ajoutée confisquée

Pour Michel Rocard et Pierre Larrouturou, l'Europe, première économie mondiale, peut encore changer le cours des choses. À condition que ses dirigeants, la gauche française en particulier, décident enfin "d'arrêter les rustines". Cela suppose de prendre conscience des causes réelles de la crise financière : la déformation du partage de la valeur ajoutée depuis l'arrivée au pouvoir de Ronald Reagan aux États-Unis et de Margaret Thatcher en Grande-Bretagne. 
Pour avoir mis fin au compromis fordiste grâce auquel des salariés bien payés pouvaient consommer toujours plus de biens industriels (automobiles), les deux chantres du néolibéralisme porteraient une lourde responsabilité dans la crise actuelle. Alors qu'en 1982 la part des salaires représentait en moyenne 67 % de la richesse nationale dans les pays de l'OCDE, elle est tombée à 57 % en 2007. Le profit des entreprises a beau augmenter, il n'est plus réinvesti faute de débouchés. Ce sont les actionnaires qui en profitent. Bilan, "les profits d'aujourd'hui" ne font plus "les investissements de demain et les emplois d'après-demain, contrairement à la fameuse maxime du chancelier allemand Helmut Schmidt. Pire, les néolibéraux auraient cassé l'État providence en baissant les impôts, notamment sur les plus riches. Et ont entretenu l'illusion que la croissance était possible grâce à l'endettement, privé ou public. Une fuite en avant arrivée à son terme. 

La fin de la croissance

Peut-on espérer un retour "magique" à la croissance pour équilibrer les comptes ? Ce serait se bercer d'illusions. "Si tout va bien, si nous évitons l'explosion de la zone euro, si le système bancaire anglais ne s'effondre pas, si la Chine arrive à gérer intelligemment l'éclatement de la bulle immobilière, si les États-Unis ne s'écrasent pas au pied de la falaise fiscale, nous devons miser sur une croissance zéro", prédisent les auteurs. Même à supposer que le PIB reprenne sa marche en avant, cela ne suffirait pas à vaincre le chômage. À les croire, l'explosion de la productivité est trop forte pour permettre au marché du travail de donner du travail à chacun. 
Et qu'on ne vienne pas leur parler du modèle allemand, assimilé à un "passager clandestin". Non seulement il mènerait l'Europe à la ruine si tous les pays tentaient de l'imiter, mais surtout, il serait fondé sur le dumping social (multiplication des mini-jobs, hausse de la pauvreté et des inégalités) et l'explosion des temps partiels. Une sorte de partage du travail subi. 
Mais La Gauche n'a plus droit à l'erreur n'est pas qu'une longue tirade sur le délabrement de l'économie. Après avoir établi leur diagnostic, les deux médecins dressent leur ordonnance. Alors que François Hollande semble se diriger vers un remède social-démocrate, voire social-libéral, Michel Rocard et Pierre Larrouturou plaident clairement pour des solutions marquées à gauche.

Baisser le temps de travail, encore

Comme la lutte contre contre les paradis fiscaux, le découpage des banques en deux, ou l'encadrement des salaires des dirigeants... Mais rien ne sera possible sans le renouvellement quasi gratuit des vieilles dettes auprès de la Banque centrale. Pour cela, pas besoin de changer les traités. La BCE peut prêter à des organismes de crédits, comme la Banque européenne d'investissement, pour servir d'intermédiaires. Autre urgence, mettre fin au dumping fiscal européen. Il suffirait pour cela de mettre en place un impôt sur les dividendes à l'échelle de l'Europe (ce qui aurait l'avantage de rééquilibrer le partage de la valeur ajoutée). ! 
Michel Rocard et Pierre Larrouturou se font fort de s'attaquer enfin vraiment au fléau du chômage, identifié comme la cause majeure de la déformation du partage de la valeur ajoutée depuis 30 ans. Cette fois, le modèle allemand est convoqué pour sa capacité à maintenir l'emploi en période de crise aiguë, grâce au recours au chômage partiel. À contre-courant, ils proposent de réduire à nouveau le temps de travail hebdomadaire. Et sans baisse de salaires. Logique, quand on estime que la croissance ne sera plus jamais au rendez-vous et que les gains de productivité détruiront sans cesse plus d'emplois. Le coût pour les entreprises serait compensé par une baisse de charges, conditionnées au volume réel de créations d'emplois. 
Pour redonner enfin aux Français les moyens de consommer, ils proposent par ailleurs d'investir l'essentiel de l'argent du fonds de réserve des retraites dans la construction. Le but, faire baisser rapidement les prix aux niveaux pratiqués en Allemagne. Couplé à la lutte contre le réchauffement climatique (y compris grâce au nucléaire) et à la construction de nouvelles institutions pour l'Union européenne, Michel Rocard et Pierre Larouturou espèrent faire de l'Europe le nouveau modèle à suivre pour le reste du monde. Et prévenir une crise mondiale. 
Il faudra d'abord commencer par convaincre François Hollande.

La gauche n'a plus droit à l'erreur, chômage, précarité, crise financière, arrêtez les rustines !, Flammarion 19 euros.

    Gauche décomplexée : si Madame Taubira n’existait pas, la droite la plus cynique aurait dû l’inventer...


    Cette semaine, Gilles-William Goldnadel revient aussi sur les 80 victimes assassinées à l’université de Damas et l'intervention au Mali.
    Dans ma dernière chronique, j’évoquais le besoin compulsif de la gauche française de mobiliser les fantômes de la Deuxième Guerre mondiale pour combler les vides de son discours. La manifestation pour le ‘’mariage pour tous’’ et ses suites ne m’auront, hélas, pas démenti cruellement.
    Entre la photo d’Anne Frank exhibée dans les rues de Paris et légendée ainsi : ‘’Le mariage pour tous ! Les fachos l’auront dans le cul !‘’, les déclarations du député socialiste de l’Hérault, Christian Assaf, considérant à l’Assemblée nationale que : « le temps du triangle rose est terminé », et celle de Pierre Bergé déclarant que les opposants au mariage gay incarnaient la vieille France antisémite, tous les poncifs post-shoatiques auront été servis sans grande parcimonie. Les nostalgiques du Troisième Reich ne sont décidément plus là où l’on veut le faire croire.
    Si, lors de la ‘’manif’ pour tous’’, de tels errements avaient été constatés, l’imagination humaine est impuissante à prévoir les réactions qu’ils auraient déchainées.
    Si Madame Taubira n’existait pas, la droite la plus cynique aurait dû l’inventer.
    Pas une semaine ne se passe sans  que ses bourdes ou ses provocations ne viennent contredire dans les faits la pondération Hollandaise.
    J’ai beau avoir ici même écrit que la politique présidentielle, sournoisement ambivalente, tenait à dessein du yin et du yang, le yang Taubiresque est en passe, par son ubuesque, de dissoudre le yin qui apaise. C’est ainsi que la publication de la circulaire de Christiane Taubira sur la régularisation des enfants nés de mères porteuses à l’étranger aura plongé le gouvernement et sa majorité dans un embarras inespéré pour son opposition. Sur le fond, si la fameuse Gestation Pour Autrui ne venait pas pallier ici la cruelle carence de la nature pour les couples homosexuels, il y a peu de doute que la gauche serait la première à s’insurger contre la marchandisation du corps féminin.
    Certes, ce n’est pas la première fois que celle-ci est prête à s’asseoir sur les principes dont elle se fait habituellement le héraut le plus bruyant : chantre de la laïcité, elle se voile les yeux, Ligue des Droits de l’Homme en tête, lorsqu’il s’agit de l’Islam.
    Héroïne du féminisme, elle ne voit pas les femmes violées sur la place Tahrir. Avocate de la cause homosexuelle, le sort des concernés en Orient lui est indifférente.
    Abolitionniste en chef, les crimes de masse du terrorisme la rendent parfois philosophe quand elle n’est pas théoricienne. Contemptrice hier de l’antisémitisme, elle est aujourd’hui bonne fille envers l’antisionisme radical. Veut-elle éradiquer la faim dans le monde ou incarner le Progrès, qu’elle interdit les OGM ou toutes recherches sur les nouvelles énergies gazières au nom de son alliance avec le médiévisme vert.
    La gauche s’est-elle trahie, ou est-ce toujours la même ?
    Pour en revenir à la Garde des Sceaux, c’est aussi sur son pré carré  pénal que la madone de la gauche décomplexée aura donné toute sa démesure.  L’organisation le 14 février prochain d’une « Conférence de Consensus » tellement consensuelle qu’elle sera présidée par une figure du Syndicat de la magistrature en est la démonstration flamboyante.
    L’ensemble de l’édifice anti-récidive concocté par le précèdent gouvernement est promis à la déconstruction : c’est ainsi que la ministre envisage de développer des « peines de probations »  dont on imagine déjà sans peine le caractère dissuasif pour les délinquants chevronnés. La rétention de sûreté, privative de liberté, pour les grands criminels est promise également à la suppression.
    Là encore, les pauvres, premières victimes de la criminalité et théoriquement protégées par la gauche, seront les  victimes premières de son idéologie.
    Au Mali, l’armée française avance sans rencontrer de résistance. Les tortionnaires du peuple malien se sont pour l’heure évanouis sans combattre. Il suffisait de leur dire non pour libérer les territoires conquis. C’est ce que j’écrivais lorsque, au début de l’offensive française, j’indiquais que le combat « devait d’abord être gagné dans les têtes ».
    Pour avoir approuvé sans barguigner la décision présidentielle, je peux tempérer le zèle un peu intempestif de certains de ces zélateurs. Ainsi de Thomas Wieder, ordinairement mieux inspiré, qui n’hésite pas à écrire sans rire (Le Monde du 30 janvier) : « l’intervention de la France au Mali peut lui permettre (François Hollande) de devenir le grand réformateur qu’il n’est pas encore. Les français ont appris que les succès militaires pouvaient être les préludes à de grandes lois. Napoléon, bien sur, De Gaulle, évidemment. »
    Un peu excessif, non ?
    Dans ce contexte de  lutte contre le djihadisme, l’attitude, pour l’instant impunie du Qatar commence enfin à être dénoncée. Ainsi on lira avec profit l’interview du pourtant très tempéré Gilles Kepel dans le Nouvel Observateur du 24 janvier : « il faut souligner le rôle des États arabes du golfe dans le développement de ces groupuscules d’Al-Qaida. Car l’essentiel du financement des mouvements djihadistes vient de donateurs privés de la péninsule arabique à l’insu ou non de ses dirigeants. [...] Ceux qui ont menacé ce processus de la manière la plus radicale, ce sont les Qataris, principal sponsor des révolutions arabes, avec leur bras cathodique Al Jazeera. »
    Sur le même sujet, la toujours très factuelle Natalie Nougayrède note (Le Monde du 30 janvier) « Ce qui est moins mentionné par l’ancien entourage de Nicolas Sarkozy c’est le rôle obscur du Qatar, l’allié de la guerre de Libye. L’émirat gazier a ses accointances avec la mouvance islamique au Sahel. François Hollande en a brièvement parlé début novembre 2012, devant la presse, évoquant des ‘’financements’’ opaques. D’autres officiels européens vont plus loin et racontent que « deux avions qataris se sont posés à Tessalit », au printemps 2012, en pleine zone malienne contrôlée par les salafistes armés. Tessalit est située à une courte distance de la frontière de l’Algérie, qui a laissé faire.
    Avec le scandale naissant de la corruption au sein du football mondial (France Football de cette semaine), il semblerait que l’étoile de la petite monarchie pétrolière commence à pâlir dans le firmament médiatique parisien.
    Mais ici, pour être juste ce n’est pas la gauche qu’il faut incriminer pour avoir trahi ses idéaux démocratiques et patriotiques.
    Cette semaine, Le Monde aura titré avec justesse sur la catastrophe humanitaire sans précédent dont la Syrie est la victime.
    Les 80 victimes assassinées par on ne sait qui à l’université de Damas n’ont eu le droit qu’à quelques entrefilets, tant la liste des suppliciés s’allonge un jour puis l’autre. À la page Débats du Monde du 31 janvier, Philippe Ryfman professeur à l’université Paris I, interpelle avec justesse les consciences : « le temps de grandes campagnes de collectes de fonds pour la Syrie (dont l’absence depuis presque 2 ans interpelle) pourrait être venu, et les médias auraient aussi un rôle à y jouer. »
    Quitte à interpeller les grandes consciences, Mr. Ryfman aurait pu également s’étonner, comme je le fais ici régulièrement de l’absence de la moindre manifestation de celles-ci sur les pavés parisien. Il est vrai que l’on ne s’indigne de République jusqu’à Nation que lorsque l’on peut conspuer l’Occident ou bien Sion.

    «Il y a une montée de la xénophobie»

    C'est une première en France: une centaine d'imams, réunis sous l'égide de Hassen Chalghoumi, le célèbre imam de Drancy, vont se recueillir, ce lundi soir au Mémorial de la Shoah établi dans cette ville de la banlieue parisienne.

    Coorganisateur de cet événement, l'écrivain d'origine juive polonais Marek Halter en explique l'enjeu: la Shoah demeure un sujet de controverse entre juifs et musulmans. Plusieurs personnalités religieuses de haut rang sont attendues. Manuel Valls, ministre de l'Intérieur, est annoncé.
    Pourquoi réunir au Mémorial de la Shoah de Drancy une centaine d'imams?
    On l'entend un peu trop, lui. Qu'il ferme un peu son claque merde.
    Marek HALTER. - C'est une première pour la France. Déjà, en novembre dernier, nous avions visité Yad Vashem, le mémorial de la Shoah de Jérusalem, avec 16 imans musulmans venus de France. Là, ils avaient pu prier devant la flamme qui rappelle l'extermination de six millions de juifs. Cela ne s'était jamais fait et cela a eu un impact énorme dans le monde arabe et en Israël. À Drancy, l'enjeu est le même. Alors que les tensions montent de partout, il faut que les gens comprennent qu'ils peuvent se parler et qu'ils n'ont pas besoin de s'entre-tuer.
    D'autant que nous sommes dans une crise et que les tensions s'expriment souvent par la violence. Il s'agit donc d'apaiser les tensions au sein de la société française. C'est une bombe à retardement: beaucoup de mes amis intellectuels se préoccupent du monde entier mais ils oublient que nous avons nos propres problèmes! Cette initiative est donc d'abord pour la France. Ensuite, par ricochet, cela peut servir au Proche-Orient. Quand les Israéliens et les Palestiniens verront les images de cette centaine d'imams rendant hommage à la mémoire juive et ces juifs rendant hommage aux musulmans et à leur religion, personne ne restera indifférent. Et tout cela peut contribuer à l'apaisement.
    Qui sont ces imans présents à Drancy?
    L'initiative revient à l'iman de Drancy, Hassen Chalghoumi. Il passe souvent devant le Mémorial de la Shoah établi en sa ville dans l'ancien centre de transit qui servait à envoyer les juifs à Auschwitz. C'est lui qui m'a sollicité pour organiser ensemble la venue dans ce mémorial d'une centaine d'imams représentatifs. Il ne faut jamais oublier que l'iman Hassen Chalghoumi est non seulement critiqué par des intégristes mais il est menacé de mort par des extrémistes musulmans, ce qui lui vaut une protection policière…
    Moi, je suis un juif d'origine polonaise mais je me considère comme un laïque. Nous constatons tous les deux que l'époque actuelle n'a plus d'espoir. Nos parents et grands-parents ont connu des espoirs laïcs comme le socialisme, le communisme, le libéralisme… Mais aujourd'hui il n'y a rien, sinon Dieu! Ce qui explique que les religions jouent un rôle extrêmement important. Cette responsabilité déborde le cadre de l'église, de la mosquée, de la synagogue. Il faut que les responsables religieux, qui drainent derrière eux des masses de gens à la recherche de l'espoir, ne soient pas en désaccord. Ils doivent montrer l'exemple.
    Mais comment expliquer l'ambiguïté entre islam et judaïsme à propos de la Shoah?
    J'ai toujours refusé de lier le destin d'Israël à celui de la Shoah. Israël ne doit pas son existence à la Shoah mais aux terroristes juifs qui ont combattu l'occupation britannique jusqu'à la reconnaissance par l'ONU qui a voulu créer deux États, dont Israël, ce que les Arabes ont refusé. Mais, dans l'esprit de la plupart des gens - et pas seulement des musulmans, même nos amis chrétiens pensent cela - les deux, Israël et Shoah, sont liés.
    Or j'essaie de dénouer ce lien. La Shoah c'est une affaire de toute l'humanité et un problème qui concerne tout le monde. Quant à Israël c'est un problème de revendication nationale, justifiée. Mais une ambiguïté subsiste car la plupart des musulmans refusent d'admettre la Shoah. Non seulement ils ne feraient jamais le pas accompli par ces imams à Drancy mais ils n'admettent même pas que cela ait existé car ils s'imaginent qu'en l'admettant, ils reconnaîtraient Israël…
    Pensez-vous vraiment peser sur une histoire qui semble irréconciliable?
    Il y a une crise économique. On nous annonce des fermetures d'usines et encore d'autres demain. La xénophobie va monter car elle se développe partout où il y a crise. La mère de famille ne comprend tout simplement pas pourquoi son mari n'a pas de travail pour nourrir ses enfants alors qu'un “étranger”, lui, a du travail. C'est une réaction terrible mais elle est humaine. Nous devons lutter contre ces simplismes mais nous devons nous attendre à une montée de xénophobie, de racisme et d'antisémitisme. Il faut être extrêmement vigilant et ne rien laisser passer.
    Quand il y a crise, les minorités se tournent vers les autres minorités. On l'a vu en Amérique, lors de la grande crise des années 1930 quand les Noirs ont pris pour cible les juifs alors que les avocats juifs avaient défendu leurs droits! Il est toujours plus facile pour une minorité de prendre pour cible d'autres minorités. Il faut donc commencer par pacifier les minorités car il y a un énorme danger potentiel. C'est bien que le ministre de l'Intérieur se soit ainsi annoncé à Drancy. L'Église envoie aussi une délégation car c'est bien de la France qu'il s'agit! Et non de juifs et de musulmans qui auraient trouvé là un lieu pour se réconcilier ou se faire la guerre. Non, c'est une affaire française! Je le répéterai à l'infini.