TOUT EST DIT

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dimanche 27 janvier 2013

" Les femmes cherchent le prince charmant, je n'ai pas ma chance"

Simon, un chauffeur routier de 36 ans, a recours aux services du site de rencontres "chrétiennes" Iktoos.com. Sans grand succès, pour l'instant.

Simon l'assure: "Je croirai en Dieu jusqu'à mon dernier souffle". Son éducation religieuse et ses nombreux déménagements ont conduit ce chauffeur routier de 36 ans à fréquenter diverses paroisses, et à faire aujourd'hui partie d'une Église évangélique protestante. Il y a fait la connaissance de plusieurs femmes mais aucune d'elles ne correspondait à son idéal de spiritualité. Le trentenaire, habillé d'une veste militaire, s'agace un peu à l'évocation de ces expériences: "les femmes cherchent le prince charmant, je n'ai pas ma chance". 
Simon a donc tenté une autre approche: la "méthode" 2.0. Il vient de s'inscrire le 8 janvier sur Iktoos.com, un site auquel il avait déjà eu recours en 2008. Cette année-là, il rencontre une femme avec laquelle il se mariera l'année suivante. Ils posent ensemble les bases d'une famille et donnent naissance à une petite fille mais les tensions apparaissent rapidement et les choses tournent au vinaigre. "J'ai été trop naïf, raconte-t-il en se tortillant sur sa chaise, j'ai cru à ce qu'elle disait mais ce n'était qu'une apparence, un appât". 
Depuis, Simon revient régulièrement sur Iktoos. De son Smartphone, il se connecte: deux visites et aucun message depuis quinze jours. Il précise néanmoins, "cette fois, je me suis inscrit pour m'amuser". Même s'il croit moins aux rencontres en ligne, Simon veut toujours "fonder une famille". Pour lui, "c'est maintenant ou jamais". Malheureusement, il est souvent déçu par le site. Les profils proposés ne correspondent pas à sa recherche, certains comptes sont factices et seules les dernières femmes connectées sont représentées sur la page d'accueil. "Rencontrer une chrétienne n'est pas une garantie non plus, admet-il. Ma soeur et mon frère ont rencontré leurs conjoints via des sites généralistes. Ils ont fondé des familles et sont très heureux ". 

Steevy Boulay: "J'ai toutes les tares, je suis gay, arabe, de droite et catho!" Ça vous étonne sur ce blog, non ?

Qu'y a-t-il derrière l'espièglerie de ce personnage atypique du Paf, derrière la douce ironie de cet Ovni tombé du nid de Loft Story, en 2001? Enfant de la télé-réalité et de Laurent Ruquier, qui lui mit le pied à l'étrier, Steevy Boulay est bien loin de sa caricature. D'Europe 1 aux chaînes de la TNT, en passant par les planches, ce trentenaire touche-à-tout dit vivre "sur un nuage". 

Rocard : "Travailler jusqu’à 65 ans"

Michel Rocard préconise un report des départs en retraite et une baisse du temps de travail pour lutter contre le chômage. 
Le chômage est en hausse continue depuis vingt ans et a repris son accélération, en dépit de la stabilité de décembre. La Cour des comptes suggère de baisser les indemnités des cadres, parmi les plus élevées du monde. Qu’en pensez-vous?

Les ajustements brutaux pour cause de crise sont injustes, ils créent des contentieux entre les citoyens et les gouvernants, ils poussent à voter FN. Martyriser la population des cadres n’est peutêtre pas la bonne idée. Le régime d’assurance chômage est l’un des rares systèmes gérés par le patronat et les syndicats. Il faut que ses règles soient négociées, dans la subtilité et l’attention.
Ce régime est coûteux et inefficace, selon la Cour. Faut-il le réformer d’urgence? 
La première des urgences, c’est de faire baisser le chômage. Comme nous n’avons pas de croissance économique, la seule façon d’y parvenir est de réduire le temps de travail, c’est ce que Pierre Larrouturou et moi expliquons dans notre livre*. Ce sujet est un tabou. Je souhaite que la réflexion s’ouvre à nouveau. En France, les salariés travaillent en moyenne 36,5 heures par semaine, contre moins de 33 heures en Allemagne et moins de 31 aux États-Unis. Il faut y parvenir par la négociation, en réduisant les cotisations sociales des entreprises. Un chômeur embauché, ce sont des allocations économisées et des cotisations qui rentrent dans les caisses publiques.
«L'amputation du pouvoir d'achat est imbécile. Le pays a besoin de davantage de consommation»
Ce n’est pas dans les projets de François Hollande…
La bataille du temps de travail est une constante absolue de l’histoire ouvrière. Martine Aubry avait imposé les 35 heures contre la CGT, qui, par sa propre histoire, se consacre davantage aux salariés en poste qu’aux chômeurs. La méthode a donné lieu à des complications infernales dans les entreprises. Nous sommes restés sur cette crispation. Puis Sarkozy a sorti son slogan : travailler plus…, sans dire si cela concernerait chaque actif individuellement ou tout le monde ensemble. Je dis qu’il faut travailler plus tous collectivement pour gagner plus collectivement. Ce qui permettra de réduire un peu la durée de chacun. Si les partenaires sociaux s’en saisissent, Hollande n’ira pas contre.
La France maintient son engagement à réduire son déficit à 3 % du PIB cette année. Le gouvernement doit-il chercher des économies dans les régimes sociaux?
Lorsque j’étais Premier ministre, j’ai réduit le déficit d’un tiers. Je n’ai jamais plaisanté avec ce sujet. Or la France est dans une situation terrifiante. La récession va s’aggraver, donc le chômage va augmenter. Il y a le feu. Regardez où en sont les moteurs de la croissance. La consommation est en panne à cause du chômage, l’investissement aussi puisque les perspectives sont nulles, les exportations sont en berne car l’Europe est en récession et la dépense publique est contrainte par l’objectif de réduire les déficits. Deux Prix Nobel d’économie, Joseph Stiglitz et Paul Krugman, en sont venus aux hurlements. Ils nous demandent de ne plus appuyer sur ce dernier frein. Il faut expliquer aux marchés financiers qu’en poussant à la récession, ils risquent de ne pas récupérer l’argent qu’ils nous prêtent. Il faut donc un autre calendrier pour les déficits, des taux d’intérêt de la banque centrale très faibles – les États-Unis
La gauche au pouvoir s’est-elle condamnée à mener des réformes délicates?
Le gouvernement est acculé. Il n’a pas le choix. Aussi longtemps que nous n’aurons pas fait accepter à nos partenaires européens un ralentissement dans la réduction de la dette, nous serons sous contrainte. Les esprits commencent à bouger en Allemagne, où Angela Merkel parle à nouveau d’expansion. Mais ce mouvement est lent. S’agissant des réformes, elles doivent se faire par la négociation sociale, on l’a vu avec l’accord du 11 janvier sur le marché du travail, qui est une formidable innovation. La loi, elle, est un marteau-pilon, lourd et brutal.
Justement, les partenaires sociaux négocient autour d’un gel des retraites complémentaires, donc une baisse du pouvoir d’achat des pensions. C’est un sacrifice inéluctable?
Aller dans cette direction est dangereux et mauvais. L’amputation du pouvoir d’achat est imbécile, alors que le pays a besoin de davantage de consommation. La seule solution est d’allonger la durée de cotisation, d’aller peut-être jusqu’à 43 annuités. La France est le seul pays développé qui a fixé un âge de droit au départ à la retraite. La réforme Sarkozy a fait passer au forcing les 62 ans… C’est décoratif, cet âge n’est pas une limite physique, ni individuelle.
Il faut donc travailler plus longtemps?
Il faut dire la vérité aux Français, le vrai calcul se fonde sur la durée de cotisations, pas sur un droit lié à un âge borné et inutile. En conséquence, on peut aller jusqu’à 65 ans. C’est vivement souhaitable, à tous points de vue. Il y a une mortalité forte juste après 60 ans car le travail maintient en forme. Et travailler plus longtemps résoudrait le sous-emploi des seniors. Ce serait un apport considérable.
La gauche n'a plus le droit à l'erreur, Flammarion, 367p., 19 euros. 
LA GAUCHE ET LE TEMPS DE TRAVAIL ; 
EH MICHEL ! POURQUOI NE PAS METTRE 
TOUT LE MONDE À MI-TEMPS ???

La douteuse politique de la Banque Nationale Suisse à l'égard de l'euro

Tout se passe comme si la Suisse venait d'adhérer à l'euro, sans l'avoir souhaité, sans l'avoir voté. 
L'arrimage du franc suisse à l'euro par la Banque nationale suisse remonte à un an et demi environ. Ayant dénoncé à l'époque cette manœuvre comme une véritable hérésie ne pouvant mener qu'à la catastrophe, celle-ci tarde à se concrétiser.
Ce qui ressemble à une bonne nouvelle dépend en réalité de la signification de cette sérénité relative. Est-ce le calme tout court ou le calme avant la tempête ?
Les nouvelles venues d'Europe sont pour le moins mitigées. Bien sûr, du côté des officiels, l'heure est à l'optimisme, qu'il s'agisse du Commissaire européen aux questions financières Olli Rehn, du chef de la Banque centrale européenne Mario Draghi ou de beaucoup d'autres. Mais comme le fait remarquer avec une certaine ironie Mikhaïl Delyaguine, connaisseur des institutions européennes, l'heure est toujours à l'optimisme : "presque n'importe quel fonctionnaire ou bureaucrate européen est obligé d'être un optimiste. C'est l'exigence de la profession". Et d'ajouter que "dans six mois, ils oublieront leurs propos ou tâcheront de ne pas se les rappeler."
Malgré ce verdict sévère, tout n'est pas qu'affaire de communication. Il existe des signes tangibles de détente sur le front des taux. Le Portugal emprunte à dix ans à moins de 6%, l'Espagne autour de 5%. L'euro s'est raffermi contre le franc suisse, au point qu'il faut désormais 1,24 CHF pour un euro. Pour la première fois depuis longtemps, on s'éloigne du "taux plancher" fixé à 1,20 CHF par la BNS.
Pourtant, l'Europe n'est pas sortie du trou. Le chômage explose et ne montre aucun signe d’essoufflement. L'Espagne n'arrivera pas à contenir ses déficits pour 2013. La croissance du continent restera atone cette année. Et évidemment, pas un seul pays européen n'a réduit sa dette d'un seul centime...
Ces derniers jours, une petite nouvelle a rapidement glissé dans la presse : les taux français à court terme sontrepassés dans le positif. Ce modeste retour à la normalité doit être mis en parallèle avec un autre chiffre, le taux de change entre franc suisse et euro passé nettement au-dessus des 1,20.
Reprenons : l'euro monte, la BNS n'a plus besoin d'agir pour faire baisser le franc suisse. La BNS ne fait rien, ou disons, plus rien. Au même moment, les taux français à court terme passent dans le positif. De là à comprendre que la BNS a directement influé sur les taux français à court terme, il n'y a qu'un pas, que je franchis allègrement.
Tentons une explication.
La BNS s'est lancée dans une stratégie de lutte contre le renchérissement du franc suisse en y associant des moyens "illimités", pour reprendre les propres termes de la banque. Elle a donc créé des milliards de francs suisses pour acheter des euros jusqu'à ce que le franc suisse baisse. Ces euros n'ont pas été acquis sous forme de numéraire, mais à travers des souscriptions à des emprunts d’État de la zone euro.
Or, si les banquiers centraux suisses luttaient contre la force du franc, ils n'en sont pas moins restés des banquiers : quitte à acheter de l'euro sous forme de dette, ils n'allaient pas prendre n'importe quoi. Ils ont donc privilégié la dette de "qualité" (bien notée) c'est-à-dire la dette allemande, et jusqu'à une époque récente, la dette française. Il est probable que la BNS aurait préféré exclusivement du Bund allemand aux OAT françaises, mais peut-être que les volumes ne suffisaient pas...
On comprend dès lors comment les taux des pays "bien notés" de la zone euro sont devenus négatifs. La BNS cherchait moins le rendement qu'à simplement se placer. Un taux d'intérêt négatif n'était par ailleurs qu'une modeste perte pour être sûr de remporter les adjudications. Enfin, le phénomène ne concernait que les taux courts : la BNS cherchait à spéculer contre le franc suisse au jour le jour, pas à obtenir des rendements d'obligations sur dix ans.
Si on devait résumer le processus en une phrase, la BNS a fait baisser le franc suisse en achetant de la dette. Et de la dette française pour une bonne partie.
Les Suisses, si on leur demandait, apporteraient probablement un soutien massif à la politique de la BNS. Les discours sont tellement unanimes en faveur de ce contrôle des changes... D'ailleurs, ajouteraient-ils, tout va bien, n'est-ce pas ? Non seulement le taux plancher est maintenu mais la BNS affiche fièrement un bénéfice comptable de 6 milliards.
L'histoire est un peu trop belle pour être vraie, malheureusement.
Revenons en 2011 : cette année-là, la BNS prévoyait de ne plus verser de dividendes aux cantons à l'avenir, la faute au franc fort. Cette mesure logique s'inscrivait dans la gestion traditionnelle de la monnaie par une banque centrale ; c'était avant le changement de cap historique, la grande aventure de la planche à billets. Désormais, la BNS est, disons, plus souple. Elle peut afficher n'importe quel bilan puisqu'elle imprime au besoin !
Arroser les cantons d'une manne inattendue (fût-elle en billets de monopoly) ressemble fort à de la corruption. Mais pourquoi la BNS aurait-elle besoin de s'acheter la complicité des cantons-actionnaires ? Sans doute pour éviter que ceux-ci ne s'attardent trop sur le bilan de l'institution.
Une infographie du Financial Times nous montre ainsi l'évolution de celui-ci comparé au taux de change franc suisse/euro, agrémenté des divers événements de la banque centrale helvétique :
En haut, le taux de change entre franc suisse et euro. En bas, le volume des engagements de la BNS. La "stabilité" du franc suisse n'a été atteinte qu'au prix d'un engagement démentiel dans les dettes des pays de la zone euro. Dettes de pays pas trop mal notés certes, mais on sait ce que valent les notes des agences...
Depuis la décision d'arrimer le franc suisse à l'euro, le bilan de la BNS a plus enflé qu'un cadavre de cachalot échoué sur la grève. L'affaiblissement du franc suisse ne s'est fait qu'au prix d'une augmentation absurde du bilan de la banque. Il atteint plus de 400 milliards de francs suisses aujourd'hui, à comparer aux 580 milliards de PIB du pays !
Ces montants sont si élevés qu'ils en deviennent presque abstraits ; mais chacun comprendra quand même deux problèmes qui se posent :
1. Nous sommes aujourd'hui profondément engagés dans le financement de la dette des pays de l'Union européenne, perspective très rassurante s'il en est !
2. Ces devises, il va bien falloir en faire quelque chose.
Si elles sont revendues, l'euro s'écroulera et le franc suisse s'envolera. La BNS essuiera des pertes chiffrées en dizaines de milliards que les cantons, et à travers eux les contribuables, devront éponger.
Si elles ne le sont pas, la BNS n'aura alors d'autre choix que poursuivre la fuite en avant : imprimer toujours plus de francs suisses pour acheter de l'euro, liant le destin des deux monnaies jusqu'à ce qu'il soit inextricable. Les engagements en monnaie étrangère seront tels au bilan de la BNS que celle-ci aura perdu toute indépendance en matière de politique des taux. Nous avons déjà pratiquement atteint ce stade aujourd'hui.
Voilà comment la Suisse, sans l'avoir souhaité, sans l'avoir voté, vient d'adhérer à l'euro.
Que ceux qui pensent le contraire m'expliquent quand et comment la BNS pourra se débarrasser de ces délirantes réserves en devises !
Quant à célébrer la fin de la crise et la réussite de l'action de la BNS, attendons de voir par quelle magie l'institution parviendra à dégonfler son bilan pour retrouver l'équilibre d'une banque centrale saine.
Comme on voit, il est un peu tôt pour se réjouir.

Lagarde appelle à l'assouplissement monétaire pour la BCE : le règne de la Bundesbank touche-t-il à sa fin ?

La présidente du Fonds monétaire international plaide avant tout pour une action volontariste afin que l'Europe retrouve la voie de la croissance et de l'emploi. 
Lors de sa conférence de presse pour la nouvelle année, Christine Lagarde a clairement orienté son propos sur la croissance et l'emploi. De ce point de vue il y a une inflexion hiérarchique puisqu'elle indique sans ambiguïté que pour éviter un retour en arrière et un regain de crise il fallait se préoccuper des questions relatives à l'activité. Les questions financières, importantes forcément, ne sont plus nécessairement la clé de tous les problèmes posés.

En fait, elle considère que des changements importants ont été mis en œuvre récemment, notamment dans la zone Euro. Ces changements institutionnels doivent maintenant être implémentés pour stabiliser l'ensemble de l'économie et in fine favoriser son retour à la croissance. En d'autres termes, à la question sur la fin de la crise de la zone Euro, Christine Lagarde a une réponse simple. Les Européens ont mis en place une série d'institutions dont l'objet est de stabiliser la dynamique monétaire et financière de la région. C'est un pas essentiel pour stabiliser la zone. Cependant, il faut que ces institutions soient effectivement à l'œuvre pour faciliter le retour de la croissance et de l'emploi qui sont les vraies problèmes de la zone Euro. Ces institutions doivent être opérationnelles pour cela mais elle n'écarte pas cependant la possibilité voire la nécessité pour la Banque centrale européenne d'adopter une stratégie encore plus accommodante.
Le FMI suggère implicitement par la voix de Christine Lagarde que la BCE devrait élargir son mandat et ne pas se cantonner à la question de l'inflation.
Quand on regarde le comportement des autorités monétaires européennes on observe qu'elles prennent déjà en compte cette question de l'activité. Ainsi l'évolution sur 6 mois du taux de refinancement de la BCE est-il mieux corrélé à l'évolution d'un indicateur d'enquête (type PMI/Markit) que de l'évolution de l'inflation.
Cela peut paraitre paradoxal mais est finalement assez simple à comprendre. Dans la deuxième partie des années 90, lors de la préparation de l'Euro, toutes les banques centrales de la future zone Euro avaient adopté des stratégies cohérentes relatives à la stabilité des prix. Ceci correspondait à une convergence de stratégie compte tenu de la nécessaire stabilité et cohérence des objectifs dans le cadre de la mise en place de l'Euro. Cela a plutôt bien marché, on se souvient en France des épisodes du Franc fort. En d'autres termes, les banques centrales ont toutes acquise collectivement une crédibilité en matière de gestion de l'inflation. Cela suivait assez sensiblement la politique mise en œuvre par la Banque centrale allemande (la Bundesbank). Lorsque l'Euro est mis en place la BCE conserve l'objectif de stabilité des prix et aussi la crédibilité dont disposaient les banques centrales régionales.
En d'autres termes, les investisseurs savent que la BCE ne laissera jamais le taux d'inflation dérivé. En moyenne, la BCE a rassuré sur sa capacité à maintenir le cap de la stabilité des prix et les investisseurs étaient persuadés de sa capacité à le faire. Dès lors les instruments de la politique monétaire doivent se concentrer sur ce qui pourrait faire dévier la BCE de cet objectif. Ces déviations peuvent provenir de l'activité où des tensions excessives peuvent engendrer des pressions sur les prix et les salaires.
C'est clairement ce que montre le graphique. 
Madame Lagarde suggère ainsi que les gouvernements étant contraints par la nécessité de retrouver une certaine soutenabilité budgétaire, les efforts doivent porter sur les institutions mises en œuvre et sur la politique monétaire pour converger vers un sentier de croissance plus favorable à l'emploi.
Le point souligné par Christine Lagarde n'est pas tout à fait cohérent avec le point de vue de Mario Draghi et des banquiers centraux de la zone Euro qui ont estimé lors de leur réunion du début janvier qu'il n'était pas nécessaire d'adopter une stratégie plus accommodante.
Dans sa conférence de presse Mario Draghi évoquait la relative stabilisation des enquêtes et le probable retour de la croissance sur la deuxième partie de l'année 2013. Outre le fait que c'est ce qu'il expliquait déjà au début de l'année 2012, on perçoit une divergence sur le profil de l'activité entre la BCE et le FMI. Ce dernier semble moins certain d'une reprise ou tout au moins suggère que pour avoir une reprise il faudra être suffisamment actif notamment sur la politique monétaire.
Le FMI apparait plus volontariste dans sa stratégie que ne peut l'être la BCE dans son propos. A l'image des orientations données de longue date par la Bundesbank, la BCE considère quand même que la stabilité des prix est probablement une condition suffisante pour retrouver de la croissance. Dès lors si le système bancaire est stabilisé et qu'il y a peu de risque sur une hausse de l'inflation la BCE considère que sa politique est la bonne. La crise actuelle de la zone Euro, qui est désormais une crise de croissance et d'emploi pourrait donner tort aux banquiers centraux car 2013 sera la 3ème année d'activité faible voire négative (depuis le printemps 2011) et de hausse rapide du chômage.

QUE LA PRESSE ARRÊTE


DE NOUS PRENDRE EN ÔTAGE AVEC CETTE JEUNE FEMME, MERCI.


On ne sait rien de sa véritable histoire, 
sauf ce qu'elle a bien voulu nous
dire, maintenant qu'elle est "libre"
nous lui souhaitons bons vents 

"La bataille du chômage ne se gagne pas en un mois", OK. Mais en combien de temps alors ?

Le ministre du Travail Michel Sapin, a affirmé que "la bataille contre le chômage ne se gagne pas en un mois, elle se gagne sur la durée". Pour remporter cette victoire, il faudra attendre cinq à dix ans, après des réformes coûteuses.

Alors que le taux de chômage en France est de 10,3% au sens du BIT - le Bureau international du travail - selon les chiffres de l'Insee, Michel Sapin, le ministre du Travail, a déclaré sur Europe 1 : "la bataille contre le chômage ne se gagne pas en un mois, elle se gagne sur la durée". En combien de temps la France pourra alors commencer à recréer des emplois ? A quel taux de chômage pouvons-nous dire que la bataille de l'emploi est gagné pour un pays comme la France ?

Gilles Saint-Paul : En France, le chômage est structurel et dû aux rigidités du marché du travail. La question n'est pas tant de "créer des emplois", condition qui est satisfaite lorsque la conjoncture est favorable, mais de créer un contexte où le marché du travail est suffisamment "huilé" pour pouvoir accueillir les nouveaux entrants, garantir un retour à l'emploi rapide pour les chômeurs, et faciliter les réallocations de main d’œuvre qu'impliquent les innovations et les modifications structurelles de l'économie. Pour y parvenir, il faut des réformes courageuses et coûteuses à court terme, qui ne portent leurs fruits qu'après cinq à dix ans, une fois que les entreprises sont convaincues qu'elles sont dans un nouveau "régime" de politique économique.
La bataille du chômage sera gagnée quand ce-dernier n'excédera pas 8 % au plus fort d'une récession et tombera à 3 ou 4 % après un pic d'activité, mais aussi et surtout lorsque la durée du chômage ne dépassera pas en moyenne deux à trois mois et que la proportion de chômeurs de longue durée sera au-dessous de 20%.

L'accord conclu entre les partenaires sociaux le 11 janvier dernier - qui comprend entre autres une taxation des CDD ou encore une mise en place de droits rechargeables (qui permettent de conserver tout ou partie des indemnités chômage si un chômeur reprend un emploi avant la fin de sa période d'indemnisation) - va-t-il en ce sens ?

Cet accord n'aura qu'un effet marginal. Les entreprises n'y gagnent qu'une plus grande flexibilité concernant la mobilité interne des salariés et l'ordre de priorité dans les licenciements collectifs, mais les coûts de licenciement ne sont pas réduits. En revanche les nouveaux droits et portabilités proposés aux salariés seront coûteux à financer et amoindrissent l'intérêt du crédit d'impôt décidé en novembre. Indirectement, une partie des gains de ce crédit d'impôt est transférée aux "insiders" déjà employés qui étaient assis à la table des négociations au lieu de se traduire par un coût du travail plus faible et donc plus de création d'emploi.
Enfin, la taxation des CDD nuira aux secteurs qui en ont le plus besoin. En l'état elle ne détruit que peu d'emplois mais cette mesure crée un précédent en instaurant une taxe spécifique qui sera à l'avenir un "curseur" supplémentaire sur lequel le gouvernement pourra jouer de façon discrétionnaire. Il en résulte une incertitude néfaste à la création d'emploi.

Dans un contexte de crise, comment se situe la France en Europe en termes d'emploi et de chômage ?

Paradoxalement, la France ne s'en tire pas trop mal pendant les crises, car les rigidités du travail, et notamment la protection de l'emploi, qui sont en moyenne néfastes pour l'économie, jouent un rôle de stabilisateur automatique (c'est pour cette raison qu'il est préférable de mettre en œuvre des réformes structurelles en phase d'expansion). D'autre part l'économie française est plus diversifiée que les économies espagnoles ou irlandaises, ce qui a également contribué à amortir la crise. La vraie question est de savoir si le tour de vis fiscal ne va pas entraîner une transition vers un nouvel équilibre nettement plus défavorable en termes de croissance et d'emploi que ce que nous avons connu jusque-là, et si la persistance des déficits publics et l'absence d'engagement sérieux sur une réduction des dépenses ne va pas entraîner une attaque des marchés contre la dette publique française suivie d'une spirale contractionniste.

Réflexions et mise en perspective sur le mariage homosexuel


Le parlement doit examiner mardi 29 janvier le texte de la loi Taubira permettant aux homosexuels de se marier et d’adopter un enfant. Cette réforme est le fruit d’une longue histoire qui a commencé dans les années 1970. Qu’est-ce qui l’a rendue possible ? Pourquoi suscite-t-elle des craintes chez certains ? Récit et mise en perspective.

Délire de lesbienne a qui il faut dire NON, pas de PMA !
Ce n’est qu’un début. Nul ne peut prévoir aujourd’hui les conséquences du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe qui sera discuté au parlement le 29 janvier prochain. Ce projet est une révolution anthropologique, un bouleversement juridique, et surtout une grande réforme laïque imposant l’égalité de tous devant la loi. 

Il signe « la reconnaissance de l’égale dignité des parents, qu’ils soient hétérosexuels ou homosexuels », selon Eric Garnier, qui a écrit le meilleur livre sur « L’homoparentalité en France » (1). Il a déjà fait couler beaucoup d’encre, au point de laisser croire qu’il se réduisait à un affrontement entre les partisans du mariage pour tous et ses opposants. On ne compte plus les articles parus dans la presse, les débats à la télévision ou sur les ondes, et le nombre d’auditions devant la commission des lois à l’Assemblée Nationale ; ce projet est une aubaine pour les amateurs de polémiques qui sont partie prenantes, mais il est décevant quant à la forme qu’il a pris. Il fait souvent fi des doutes et interrogations de ceux qui n’ont pas d’avis préétabli, et il efface parfois les points litigieux concernant la filiation et les problèmes de bioéthique qui en découle. Le débat sur le mariage pour tous se présente alors comme l’arbre qui cache la forêt. Il déchaîne les passions, mais pour les faire taire. 

Il accélère le pas, mais il brouille le sens de la marche. Les associations favorables ou pas au projet donnent le « la » et tentent d’imposer une hégémonie culturelle – la leur – qui reflète de manière imparfaite le besoin de comprendre de la majorité de la population. Il fallait réagir à cette rhétorique antifasciste ou religieuse, et c’est ce que nous avons tenté de faire. Il fallait étayer ce qui se dit aujourd’hui de la famille, de l’homosexualité, du mariage, de la filiation, et des nouvelles techniques de procréation qui s’émancipent dorénavant de la sexualité.
 

Ce n’est pas rien ! D’autant que lorsque « l’opinion publique a pris une pente, il est bien difficile de la lui faire remonter », disait déjà Balzac dans « Le contrat de mariage » (1835). Quelle pente ? Certainement pas celle que dénonçait l’auteur de la Comédie Humaine, la prison du mariage qui soumettait les femmes à la loi du mari ; le Code Civil qui a mis la femme en tutelle ; la tyrannie paternelle ; plutôt celle d’une réhabilitation du mariage dans un contexte inédit. On pourrait l’appeler la pente de l’inéluctable, si on considère à juste titre que le droit des homosexuels prend la suite du droit des femmes, et qu’il permet enfin aux homosexuels d’entrer dans le droit « par la grande porte du Code Civil » (Robert Badinter). 

Ce projet de loi se présenterait alors comme l’aboutissement d’une lutte qui aurait commencé sous la Révolution française. C’est la thèse de José Luis Zapatero : grâce au mariage pour tous, la République Française sera plus républicaine. Qu’il y ait des homosexuels qui ne veulent pas se marier ne change rien à l’affaire. Pas plus que de savoir qu’aujourd’hui en France 56% des enfants naissent hors mariage. Seul importe un droit légitime, dès lors que le droit au mariage – et le droit d’héritage – s’inscrit dans une longue marche, dont l’horizon ne peut être que l’égalité de tous devant la loi. Cette révolution inéluctable, que la France prend avec un train de retard, au regard de l’Espagne, par exemple, qui a enregistré 3380 mariages entre personnes du même sexe sur 163 085 mariages en 2011, ce qui est somme toute minime, repose cependant sur certains présupposés qui ne sont pas toujours explicites. 

Pourquoi parler de « mariage pour tous » ? Le mariage, par définition, ne peut pas être « pour tous ». L’accès au mariage est assorti de conditions – âge, consentement, notamment – et d’interdits, on ne peut épouser son père ou sa mère, il ne peut donc être accessible à qui veut. Etait-il nécessaire de légiférer pour tous à l’occasion d’une faculté de se marier et d’adopter pour quelques uns ? Fallait-il au nom de l’homoparentalité – qui nécessite évidemment un cadre juridique – faire la chasse au nom de père et de mère et tordre les mots de la loi existante afin de pouvoir écrire d’un enfant qu’il est « fils de » et non « né de » ? Ces questions ont évidemment surgi dans les nombreuses tribunes qui sont parus dans la presse. Mais elles sont vite apparues comme le révélateur d’une guerre de tranchées entre les partisans de l’ordre familial – la Manifestation pour tous du 13 janvier – et les bataillons des nouvelles familles. Il aurait fallu qu’elles soient moins massives et moins intimidantes pour éviter les amalgames. 

Car le débat sur le mariage pour tous est un débat à plusieurs étages, il faut d’abord monter au premier, celui de la famille, avant d’atteindre le palier du mariage, et celui de la filiation. 

Ce projet surgit dans une époque où le nombre de mariages ne cesse de baisser depuis le pic de l’an 2000, où 305 000 couples s’étaient alors mariés. On en compte 249 000 en 2010. Il est aussi la conséquence du lent déclin de la présomption de paternité – le fait de déduire du mariage (fait connu), le fait que le mari de la mère est le père de l’enfant (fait inconnu) – qui fut pendant des siècles le pilier de l’ordre familial. Et il aura fallu deux guerres mondiales et la montée en puissance du féminisme pour que le droit de la famille rattrape son retard sur les mœurs. Il aura fallu passer par ce que la sociologue Irène Théry aujourd’hui acquise à la cause du mariage pour tous a appelé dans un livre fondateur « Le démariage » (1993). La famille fut longtemps en effet un sujet de littérateurs, elle est depuis Durkheim, le fondateur de la sociologie, devenue un vivier pour toutes les sciences humaines. Elle mêle l’archaïque (la prohibition de l’inceste) et le moderne (le désir d’autonomie), et est en proie aux interprétations les plus diverses, laissant croire aux uns à sa désinstitutionalisation, aux autres à son regain de vitalité. Mais ce qu’on a commencé à appeler la crise de la famille est finalement assez récent. 

La sociologue Evelyne Sullerot a raconté également en 1997 dans un livre désormais classique le grand remue-ménage qui s’est produit après le familialisme consensuel des années 1945-1955. Il devait déboucher à ses yeux sur un démaillage systématique de la cellule familiale (2). Dans la maison du père assiégée les murs se fissuraient de partout. La reconnaissance de l’égalité des époux ne pouvait être différée plus longtemps et les lois régissant mariage, divorce, filiation, autorité parentale devaient être profondément modifiées de 1965 à 1975. C’est ainsi que dans la foulée en 1966 la loi portant réforme de l’adoption – la fameuse adoption plénière – par imitation forcée de la nature, permit aux enfants adoptés d’avoir les mêmes droits et les mêmes obligations que les enfants dits légitimes et permit également l’adoption par une seule personne. Un an plus tard, et en attenant la loi Veil sur l’IGV en 1975, les femmes eurent la possibilité d’avoir recours à la contraception, les naissances non désirées se firent plus rares, les enfants adoptables aussi. Ce fut néanmoins le véritable acte de naissance de la parenté sociale ; une brèche en tout cas dans la sacro sainte parenté biologique qui permit plus tard, lorsque se développèrent les études sur l’homoparentalité en France (3), de distinguer trois dimensions de la parenté et de leur donner un statut distinct : être né de (lien biologique), être enfant de (lien légal de filiation), être élevé par (lien social). 

Une deuxième brèche fut tout autant essentielle. Le cœur du mariage qui fut représenté pendant des siècles par la présomption de paternité, s’est déplacé au cours de ces années décisives du côté du lien que constitue le couple. « Ce qui importait auparavant n’était pas que la paternité repose sur la vérité biologique, mais qu’elle s’inscrive dans le mariage, seul lieu légitime de la procréation. La loi du 3 janvier 1972 a entamé cette idée en prônant l’idée que l’intérêt de l’enfant serait que sa filiation soit conforme à sa réalité biologique. Cette idée a été confortée ensuite car les progrès de la science ont permis de savoir par une expertise biologique qui est le père », écrit Anne-Marie Leroyer, professeur de droit à la Sorbonne (4). La présomption, ravalée au rang de simple règle de preuve, fut ainsi progressivement écartée, et donc plus facilement contestée, par le père, la mère, voire plus tard par l’enfant, ouvrant ainsi la voix aux actions en contestation de paternité. 

Comme le souligne Irène Théry qui défendit un temps l’union civile pour les couples de même sexe, « le mariage n’est pas une institution éternelle » ; et le déclin de la présomption de paternité en apporte la preuve. On dira, quel drôle d’institution, que celle qui repose sur une présomption ! Mais c’est que le mot mariage aujourd’hui n’a plus le même sens que celui qui fut le sien du XIII siècle, où émergea le droit canon, au terrible XX siècle ! Il était censé organiser la société, il n’organise plus qu’un rapport de couple. C’est pourquoi on se trompe de bataille en en faisant le nerf de la guerre sociale entre gardiens d’un ordre disparu et prophètes d’un monde nouveau. Le mariage civil  homosexuel ne rétablit pas une « aura » du mariage laquelle ne perdure plus que dans les lieux de culte, il fait partie intégrante de cette mutation, et ce en dépit de l’enjeu éminemment symbolique de la revendication du « mariage », et non d’une union spécifique pour les couples homosexuels, laquelle est cependant revendiquée par certains d’entre eux. Car ce « mariage pour tous » ne plaît pas à tous, pour un certain nombre de couples homosexuels il est perçu plutôt qu’un progrès comme une régression à un modèle religieux du passé qui ne concevait de filiation légitime que dans le mariage. Ainsi certaines femmes ayant eu ou adopté seules des enfants se voient-elles dans l’obligation d’épouser leur compagne pour ensuite divorcer officiellement – alors qu’elles en sont déjà séparées en bons termes – afin que ces dernières puissent bénéficier d’un droit de garde. 

Le mariage redevenant ainsi la voie royale permettant d’atteindre la félicité domestique. Ce paradoxe n’efface pas cependant l’essentiel. Puisqu’il ne repose plus sur une complémentarité hiérarchique des sexes, puisque la loi de 1972 a établi l’égalité des droits des enfants nés dans le mariage et hors mariage, la fiction du mariage, c’est était une, a perdu de sa consistance, hors les religions qui ont le devoir de la maintenir. Précisons toutefois que ce n’était pas pour des raisons de mœurs que la loi de 1972 fut votée, la part des enfants naturels étaient à  l’époque finalement très faibles, mais pour des raisons de légitimité. Mais en élargissant le cadre de cette légitimité – au père, à la mère, aux enfants mêmes – une brèche s’est ouverte dans le droit de filiation qui ne s’est jamais refermée. 

Ces années charnières – 1966 et 1972 – elles impriment encore de nos jours leurs marques. Et si Robert de Saint Loup, père de famille, homosexuel, militaire, qui perdit sa croix de guerre au bordel, déchiré entre sa sexualité et sa paternité, comme Colette, mais sur un mode mineur, entre la sienne et son amour pour sa mère, font figure de personnages d’un autre temps, il n’est pas sûr que le droit puisse répondre à toutes les questions que posent l’homoparentalité ou plus simplement les parents homosexuels. Et c’est heureux. Car si le droit avait réponse à tout, ce n’est pas simplement la fiction du mariage qu’il faudrait anéantir, mais la fiction propre aux rencontres. Il n’en demeure pas moins que le droit est ce qui porte à conséquence concernant le concept de filiation. 

Ce n’est donc pas un hasard si le débat s’est focalisé sur celle-ci. Le fait que l’acte procréatif ait été dissocié de la sexualité ouvre naturellement – si on peut dire – la porte à toutes les formes de fécondation. Pour l’heure, le gouvernement socialiste n’a pas fourni toutes les clés. Il s’en tient à l’adoption plénière pour les couples du même sexe. Mais cela n’empêche pas de faire un inventaire de l’état des lieux avant le débat parlementaire. Tout n’est pas limpide dans l’univers impitoyable de la filiation, même si on se rassure en insistant outre mesure sur la capacité narrative des parents à raconter la véritable histoire de leur enfant, né d’une PMA, ou d’une mère porteuse. Ils ne feront ni mieux, ni plus mal, avec les moyens du bord, en fonction de leur trajectoire de vie, comme tous les parents du monde, uniques en leur genre, et tout aussi aventureux. Sans doute. Cette quiétude a néanmoins des limites. La filiation n’est pas qu’un  roman familial, elle est un lien de droit qui unit un enfant au père ou/et à la mère que le droit désigne. Elle est un lien que le droit institue et non un fait que la nature désigne. Ce lien donne une place à l’enfant dans la parenté et une identité dans la société. Et comme le mariage, il a connu des ruptures récentes, qui nous obligent à le reconsidérer. Jusqu’où ? Ce sera l’enjeu de ce siècle. La filiation en effet a d’abord désigné à partir du XIII siècle le lien charnel du père avec le fils. Elle était une notion juridique fondée sur la mimétique avec la nature. Une acception qui a perduré jusqu’à nous. « La première rupture est le détachement progressif de la notion juridique de filiation de l’engendrement. Ce détachement est très net avec la loi du 11 juillet 1966, introduisant la possibilité pour une personne seule d’adopter » souligne Anne-Marie Leroyer. Il s’est poursuivi ensuite avec les lois portant réforme de la filiation : l’ordonnance du 4 juillet 2005 qui stipule que le père ou la mère que le droit désigne peut ne pas être le géniteur. 

« Ce détachement est aussi net avec le droit de la procréation médicalement assistée, encadré par les lois des 29 juillet 1994 et 6 août 2004, les père et mère étant ceux légalement désignés et non les tiers donneurs », souligne Anne-Marie Leroyer. Mais la seconde rupture, la plus importante, pour l’heure non consacrée par le droit français, et c’est l’enjeu du débat, réside dans le détachement du concept de filiation de l’idée de reproduction bisexuée. Le père et la mère s’effacent devant les parents. Et cela se traduit par un changement de vocabulaire dans les textes, comme on le vérifie dans les pays qui ont admis l’adoption conjointe par deux personnes du même sexe. Le terme parent introduit alors un vocabulaire de la filiation qui ne distingue plus les sexes. 

Et la notion de filiation se retrouve sans lien avec l’altérité sexuelle. Faut-il s’en plaindre ? La question est presque dépassée. Elle concerne pourtant tous les citoyens. Car si la filiation « est sans rapport avec l’engendrement ni avec la reproduction bisexuée, elle devient un concept juridique détaché de la nature des choses et qui n’a plus guère de raison d’en suivre ni le modèle, ni les limites », précise la professeure de droit qui sur ce point a horreur du vide. 

On en est là. Exit la nature, exit la généalogie, la filiation n’est plus qu’un concept nominaliste, un nom qui s’est affranchi de ses attaches générationnelles pour vivre sa vie de concept sans avoir de comptes à rendre à quiconque. La science a pris le dessus, et le droit s’incline ? Car dans cette perspective, pourquoi poser des conditions d’âge pour l’établissement de ce lien de filiation ? Pourquoi limiter le nombre de parents à deux ? Interdire un lien qui modifierait les structures généalogiques de la parenté ? Ces questions sont sous-jacentes au débat concernant l’assistance médicale à la procréation aux couples du même sexe. Elles ne sont pas sans rapport avec la prudence du gouvernement qui s’en tient pour l’heure à l’adoption plénière qui a le grand avantage de rompre in abrupto le lien avec la biologie. Mais elles étaient déjà en germe dès lors que furent dissociées la filiation et l’engendrement. 

Une chose est sûre, ces ruptures dont certains craignent qu’elles aillent trop loin sont trop récentes pour les appréhender à leur juste valeur. Nous manquons de recul pour en mesurer les effets. N’était la confiance dans l’humanité qui anime l’anthropologue Françoise Héritier, peu encline cependant à satisfaire la gestation pour autrui, il est trop tôt pour savoir ce que produira à l’échelle du monde ce grand chambardement juridique. Reste qu’aujourd’hui des enfants naissent encore sans passeport juridique à cause de leur origine procréative. Ils ne peuvent être tenus responsables de leur mode de conception. Le chantier éthique risque donc de se prolonger. Et le combat, continuer. 

Comme le clamait une manifestante lors de la manifestation pro mariage pour tous du 16 décembre 2012 : « mes parents sont hétéros, pourtant je suis névrosée ». Et comme l’affirme la psychanalyste Geneviève Delaisi de Parseval, « le brevet de bon parent n’existe pas ». Mais le droit, lui, s’il n’est pas une simple règle malléable à merci, a le pouvoir de limiter la casse. Il institue la vie ; il énonce une limite. C’est la seule chose que l’on puisse attendre d’un débat parlementaire qui accouchera d’un nouvel état civil : instituer l’enfant, l’aider à trouver sa place, pour qu’il puisse dire un jour : « mes parents sont homosexuels, pourtant je suis névrosé » ! 

(1) Editions Thierry Marchaisse, 19 euros. 
(2) Le grand remue-ménage, Fayard. 
(3) Homoparentalité une chance pour la famille ? de Stéphane Nadaud, 2002. Et : Qu’est-ce que l’homoparentalité de Martine Gross, Payot. 
(4) Droit de la famille, PUF, 15 euros.