TOUT EST DIT

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jeudi 13 décembre 2012

2012, le retour du tiers-état

Le tiers-état, après avoir donné sa sueur, a autrefois donné son sang ; demain, il se contentera de donner son congé.
Dans la France de l'Ancien Régime, le tiers-état finançait par l'impôt et le travail forcé la noblesse et le clergé. La noblesse par sa naissance, le clergé par sa vocation au service du salut de tous. Heureusement, cette France a disparu ; les privilèges ne sont plus, sauf ceux accordés à deux castes, récompensant la condition pour les uns et la vocation au service de l'intérêt général pour les autres ; et le tiers-état, une nouvelle fois composé des producteurs et créateurs de valeur, est heureux de contribuer au confort de ces deux castes, bien qu'on ne lui en laisse pas le choix.

La morale altruiste, inlassablement déclinée par un clergé dévoué corps et âme à l'intérêt général avec l'argent des autres, fait financer par les impôts toujours plus élevés du tiers-état le logement, la santé, l'éducation, l'improductivité, l'emploi d'une caste évidemment noble et irréprochable à laquelle sa naissance n'a accordé aucun avantage ou à laquelle des accidents de la vie ont permis de s'élever au rang d'improductifs chroniques. Il serait honteux que cette noblesse défavorisée n'en vienne à travailler, car gagner de l'argent par son propre effort ne lui rendra pas sa dignité.
A l'inverse des possibles succès du tiers-état pour lesquels il ne tirera aucun crédit, les privilèges consentis à la noblesse de condition par le clergé d'Etat sont à attribuer à sa bienveillance, bien qu'ils seront financés par le tiers-état. Ces intermédiaires entre le commun des mortels et l'intérêt général sont nécessaires au fonctionnement harmonieux de la société ; sans eux, point de salut, ni pour la noblesse de condition qui n'aurait aucun moyen d'imposer ses revendications de faire financer un confort toujours croissant par les autres, ni pour le tiers-état qui n'aurait alors aucun moyen d'atténuer un peu la culpabilité que sa compétence lui impose.
Le clergé peut accorder à l'envi les titres qui siéent à l'intérêt général de ses membres et surtout à ceux de la noblesse de condition : précaire, mère célibataire, chômeur, travailleur pauvre, famille nombreuse, serviteur de l'Etat, autant de titres donnant droit à des avantages sans contrepartie. Il fera financer les droits accordés par ces titres par le tiers-état qui, compte tenu de l'accroissement du nombre de titres, verra la pression fiscale augmenter progressivement, tirant les moins productifs vers la noblesse de condition, poussant les plus productifs à l'exil et laissant les autres à la merci des prochaines exigences de l'intérêt général.
Il se trouve même des membres du tiers-état pour chercher la proximité du clergé, ses faveurs et son appui, sacrifiant une partie de leur liberté pour bénéficier d'avantages que les autres membres du tiers-état paieront. Ces bourgeois, comme les membres du clergé, cherchent à pérenniser l'avantage qu'ils ont, ce qui suppose d'empêcher les autres d'accéder par leur effort à la même situation ; les barrières à l'entrée qui seront érigées contre les uns seront pour les autres une confortable forteresse.
Cet ensemble d'avantages, de droits acquis par la condition et de devoirs acquis par l'effort composent la société française d'aujourd'hui. On sait pourquoi l'Ancien Régime s'est achevé : le tiers-état n'en pouvait plus de financer les privilèges des autres castes. On se demande pourquoi celui-ci s'achèvera : le tiers-état en aura-t-il une nouvelle fois assez, ou les privilégiés se révolteront-ils contre ceux qui financent leurs avantages et ne parviendront plus à répondre à leur appétit toujours croissant ?
Quoi qu'il en soit, le tiers-état, après avoir donné sa sueur, a autrefois donné son sang ; demain, il se contentera de donner son congé.

Hugo et compagnie

Hugo et compagnie 


Jean-Marc Ayrault contre Depardieu (alias Jean Valjean dans Les Misérables) : le duel aurait sûrement passionné Victor Hugo. Seulement, « Jean Valjean » est devenu un acteur renommé qui, à l’entendre, a choisi sa valise plutôt que le cercueil fiscal. Depardieu, qui aime les rôles démesurés, ne peut guère prétendre au statut de bagnard en rupture de ban. Son adversaire, Jean-Marc Ayrault, n’est pas l’inspecteur Javert, même s’il roule des yeux pour impressionner les méchants capitalistes.
En revanche, une chose est sûre : il y a bien en France des pauvres, et ils sont de plus en plus nombreux. Ces « misérables » du XXI e siècle survivent, entre aumônes privées et plans d’urgence gouvernementaux, sans savoir vraiment s’ils réussiront à sortir de leur détresse. Leur avenir est d’autant plus incertain que l’Etat est pauvre et les Français, donateurs potentiels, plus démunis qu’auparavant.
Le gouvernement a annoncé qu’il compte, d’ici 2017, mettre 2,5 milliards d’euros sur la table pour éviter une paupérisation grandissante. Où trouvera-t-il cet argent ? Il y a fort à parier que les contribuables seront appelés à la rescousse, d’une manière ou d’une autre. Et, comme tous ceux qui sont abonnés au fisc n’ont pas les moyens d’aller en Belgique, ils n’auront d’autre choix que de payer.
D’emplois aidés en allocations diverses, le gouvernement tente de colmater les brèches sociales dans la coque du paquebot France, quitte à creuser d’autres trous en maniant la hache fiscale. Notre pays peine à créer de la richesse. Ce n’est pas nouveau. De gauche comme de droite, les majorités successives ont vécu d’expédients ou d’illusions, comme quand le président de la République répète que la crise de l’euro est derrière nous. Bien au contraire, nous sommes au cœur de la tempête. D’autres pays sont bien plus touchés que la France, d’accord. Mais cela ne réjouira pas les millions de pauvres et tous ceux qui craignent de le devenir.
La question est bien de savoir si la France a encore la volonté et la capacité de rebâtir une économie, faute de quoi, Marianne n’aura plus qu’à s’exiler, elle aussi en Belgique. Il reste encore de la place à Waterloo.

L’UMP : produits « avariés » ?

L’UMP : produits « avariés » ? 


Mardi soir François Fillon et Jean-François Copé se sont de nouveau rencontrés. Cinquième rencontre (pour la frime ?) depuis le 18 novembre, et qui, comme les précédentes, s’est conclue sur un constat de désaccord. Le matin même, Fillon avait lancé au micro d’Europe 1 un impérieux : « Ça suffit ! » Devenu jusqu’au-boutiste, l’ex-Premier ministre semble plus résolu que jamais à mettre la pression sur son rival. A travers notamment l’initiative de deux de ses partisans : Bernard Accoyer (ex-président de l’Assemblée nationale) et Gérard Larcher (qui présida lui le Sénat).
Les deux hommes réclament l’organisation dans huit jours d’un référendum auprès des élus UMP, qu’ils souhaitent réunir mardi prochain. Un référendum pour convaincre le président en titre de l’UMP – « imposteur » et « putschiste » – de se soumettre à un « nouveau processus électoral », qui se déroulerait, selon une déclaration de François Fillon, « dans un délai raisonnable, au printemps prochain, en tout cas avant qu’on n’entre dans la préparation de cette succession d’élections locales et nationales qui nous attend ». Mais Copé ne veut rien céder sur le calendrier.
Nous nous interrogions hier dans Présent : et si le « succès » – même guillemetté, comme disait Jacques Perret qui a développé toute une théorie sur l’art du guillemettage et de son bon ou mauvais usage en matière journalistique – des candidats de l’UMP lors des trois élections partielle ne faisait que conforter les deux sabreurs fous dans leur antagonisme belliqueux ? Supprimant du même coup « l’électrochoc » nécessaire qu’aurait pu être pour le parti de l’ex-majorité une débâcle électorale retentissante ? Limitée certes à trois circonscriptions, mais suffisante pour déclencher l’alerte rouge, même dans les cerveaux embrumés d’arrivisme et de fureur destructrice des deux Ostrogoths en guerre tribale… Au lieu de cela, cette « victoire » en trompe-l’œil (il ne s’agit certes que d’un premier tour, mais la gauche paraît dans l’impossibilité de renverser la tendance dimanche prochain) peut provoquer chez les dirigeants de l’UMP une illusoire impression d’euphorie… Et convaincre ainsi les deux duellistes enragés, puisque les électeurs n’ont pas tous déserté, qu’ils peuvent continuer leur baston de chefs de gang en toute impunité. Hypothèse vers laquelle les deux pugilistes se dirigent.
Oxygénation pour UMP oxydée
Fillon explique : « S’il s’agit de revoter avant l’été avec une réforme des statuts en ouvrant complètement le jeu à de nouvelles candidatures pour assurer une sorte de réoxygénation de notre parti politique, j’y suis favorable. » Il envisage même la perspective de n’être pas lui-même candidat : « Je ne me bats pas pour moi. Ce n’est plus le sujet. » Quel est donc le sujet ? « C’est un nouveau départ pour l’UMP. Il faut des nouveaux candidats (exit donc Copé), il faut une nouvelle campagne, il faut des nouveaux statuts qui fassent en sorte que cette élection puisse être irréprochable. » Fillon accepterait de n’être plus candidat à condition bien sûr que Copé se retire aussi.
Mais ce dernier reste sur la position qu’il a exprimée lundi soir à Chartres : « Le plus important, dans les quinze mois qui viennent, est de se mettre ensemble pour gagner, en 2014, les élections municipales. » Après quoi, parole d’Iznogoud, il remettra son mandat en jeu. Sauf bien sûr si l’UMP reconquiert des municipalités. Copé argumente : « Faut-il se retaper une deuxième fois ce que nous venons de vivre avec les mêmes statuts ? Les mêmes causes produiraient les mêmes effets, ce serait suicidaire. » Pour empêcher ces « mêmes effets » il suffirait peut-être de supprimer la triche, cause principale de tout ce chambardement ? Et sans doute, changer aussi les candidats… C’est le souhait semble-t-il de plus en plus de militants et de sympathisants au sein de l’UMP. Une suggestion qui agace Copé : « Je serais élu pour deux cents ans, je dirais “OK, il y a un problème” : mais là je le suis pour trois ans et je propose de couper mon mandat par deux. »
A ceux qui demandent sa démission, Copé leur répond par un slogan emprunté au film La vérité si je mens : « Donnez la chance au produit ». A quoi les fillonnistes répondent : « Pas la peine : le produit est trop avarié ». Leur champion n’est pourtant pas très frais lui non plus…
Les deux camps de l’UMP « échangent », se console un élu du mouvement… Mais ils « échangent » surtout des gnons (au sens métaphorique) plutôt que des idées.
Un navet indigeste
Le Monde de mercredi rapportait cette apostrophe d’un « vieux militant » à Jean-François Copé : « Pendant qu’on se bagarre les socialistes rigolent. Soit on revote, soit on se met d’accord, mais qu’on arrête notre cinéma. » Coupez ! comme disent les metteurs en scène mécontents. Il y a en effet trop de longueurs, trop de redites, trop de cabotinage de la part des deux premiers rôles pour ce scénario burlesque sur pellicule sépia… Les spectateurs déçus trépignent de colère ou pire encore, commencent à bâiller d’ennui. Certains commencent même à sortir de la salle sans attendre le dénouement… Et les plus furieux d’entre eux, s’estimant grugés, réclament d’être remboursés : ils avaient cru voter pour un remake de Nicolas Sarkozy et se retrouvent devant un navet indigeste et légèrement débile, signé par deux tâcherons irréconciliables.