TOUT EST DIT

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samedi 8 décembre 2012

Florange: la guerre est-elle déclarée entre la CFDT et le gouvernement?

Edouard Martin, syndicaliste CFDT et fer de lance de la lutte des ouvriers d'ArcelorMittal à Florange, a fait du gouvernement son ennemi. Officiellement, la confédération le soutient à 100%. Officieusement, elle tente d'arrondir les angles et continue à négocier.
"Trahison", "écoeurement", "casus belli": les mots sont durs, violents. Ils sont prononcés par Edouard Martin, syndicaliste CFDT. Ils visent le gouvernement. "On a deux ennemis: on va se battre contre Mittal et contre le gouvernement", a déclaré hier le charismatique métallo de 49 ans qui, à coups de réactions fracassantes, est devenu le symbole de la lutte des ouvriers d'ArcelorMittal à Florange (Moselle).
C'est l'annonce du report sine die du projet expérimental Ulcos de captage/stockage du CO2, sur lequel se fondent des espoirs de salut de l'usine lorraine, qui a ravivé la colère des syndicalistes. Ils avaient à peine eu le temps de digérer l'annonce vendredi 30 novembre de Jean-Marc Ayrault d'un accord avec ArcelorMittal, plutôt que d'une nationalisation. Et n'avaient pas tellement été rassurés par leur entrevue avec le Premier ministre à Matignon mercredi soir.

A bout de nerfs après ce nouveau rebondissement, les métallos CFDT conduits par Edouard Martin ont mené jeudi soir une action éclair devant les caméras au pied des hauts fourneaux. Ils ont affirmé avoir "pris le contrôle de l'alimentation en gaz" des installations et promis qu'ils occuperaient réellement les lieux dès qu'ils seront alertés d'une consigne de la direction de couper le gaz permettant leur maintien en veille. Des réunions syndicales sont prévues ce vendredi pour décider d'éventuelles nouvelles actions coup-de-poing à mener la semaine prochaine.
Mais le combat d'Edouard Martin contre le gouvernement est-il celui d'un électron libre ou a-t-il le soutien inconditionnel de sa centrale? Officiellement, la CFDT est à fond derrière le leader de Florange. "Il n'y a pas une feuille de papier de cigarette entre la stratégie d'Edouard Martin et celle de la fédération", indique Dominique Gillier, le secrétaire général de la fédération CFDT de la métallurgie (FGMM).
Trop de négociations sont en jeu pour risquer la ruptureJuste après son intronisation à la tête de la CFDT, jeudi 29 novembre dernier, Laurent Berger est allé apporter son soutien jeudi aux métallos d'ArcelorMittal de Florange qui campaient devant le ministère du Redressement productif. Le nouveau numéro un de la CFDT sait à quel point ce combat est cher aux yeux de son prédécesseur - François Chérèque est né en Moselle d'un père métallo. "Toute la CFDT les soutient et je suis venu le leur dire", a-t-il déclaré à cette occasion.
Officieusement, le discours est plus nuancé. S'il a soutenu le projet de nationalisation de Florange, Laurent Berger a toujours souligné que ce n'était qu'une solution transitoire. "Le gouvernement n'est certainement pas un ennemi", confie Dominique Gillier, qui attribue les propos belliqueux d'Edouard Martin à un sursaut de colère et de dépit d'un homme qui, depuis 18 mois, se bat chaque jour sur le terrain pour sauver son usine.
Dans les faits, la CFDT veut continuer à discuter avec le gouvernement pour obtenir des outils de contrôle de la mise en oeuvre de l'accord avec Mittal, sur trois points: les investissements, la préservation des emplois et surtout le redémarrage des hauts-fourneaux et le maintien de l'activité de la filière liquide grâce au projet Ulcos. La réunion à Matignon mercredi soir et les propos jeudi de François Hollande, qui a promis de veiller à ce que l'industriel tienne ses engagements, "vont dans la bonne direction", indique Dominique Gillier.
Négocier, encore et toujours, pour obtenir satisfaction. C'est l'essence même de la CFDT. La guerre est donc loin d'être déclarée entre le gouvernement et la centrale réformiste. Cette dernière aurait trop à perdre dans une rupture et un conflit ouvert avec l'exécutif. Trop de négociations sur lesquelles la CFDT entend peser sont actuellement en jeu: le marché de l'emploi, le financement de la protection sociale, une réforme systémique des retraites. Sans oublier que le concept de "démocratie sociale", défendu par François Hollande dès juin 2011, est directement inspiré par la CFDT.

Métal hurlant

Métal hurlant 


La France est brusquement sortie du théâtre de boulevard de l’UMP. Dans le spectacle donné à Florange, le tragique n’est pas loin. Le pays semble saisi d’effarement à mesure qu’avance la pièce et qu’en sont dévoilés les à-côtés secrets ou cyniques.
Même sans forcer, on se croirait en pleine tragédie grecque. Mais si! Ecoutez ces cris croisés de trahison, voyez ces mouvements de toge indignés dans les palais de la République. À ce détail près qu’on est dans la réalité. Et que la querelle entre caciques du je-te-tiens-et-tu-me-tiens finit par les larmes non pas d’un public qui aurait payé sa place, mais de vraies gens. En témoignent ces pleurs surprenants d’un héraut syndical jusque-là cantonné au registre de la harangue.
À cet instant du scénario, la question pourrait être: Mittal s’est-il joué de la France? On devrait surtout se demander par quelle mécanique un gouvernement en vient à mettre sa crédibilité et son image entre les mains d’un industriel, quel qu’il soit.
Plus encore que l’enjeu des 600 emplois, dans un pays où ils s’évaporent par dizaines de milliers, est livrée sur la scène publique la fragilité d’un pouvoir, au désespoir même de ses propres soutiens. Il ne s’agit plus d’un couac, malheureusement, pour qui espérait le changement. Mais de l’amorce d’une cassure.
Ce gouvernement qui voulait en finir avec les errements du sarkozysme expose lui-même le pays à un feu ahurissant de critiques patronales, étrangères, syndicales, idéologiques. Il se paie de surcroît le luxe d’une dissension ministérielle.
À trop vouloir s’arroger les premiers rôles, le politique refait cette expérience amère que la mise en scène est de plus en plus souvent réglée par la puissance économique. Face à elle, il paraît illusoire, même pour un État, de dicter un épilogue à sa façon.

Tensions et crispations

Tensions et crispations 


Les tensions sont multiples actuellement dans le monde, bien sûr, mais aussi dans notre pays. Pas de jour sans que nous soyons provoqués par un événement qui fait choc. On assiste, par exemple, avec grande stupéfaction à ce qui se passe à droite dans l'UMP. Là, on ne sait pas très bien s'il s'agit d'ambitions personnelles qui s'affrontent ou de choix politiques incompatibles.
Dans le domaine social, l'affaire d'ArcelorMittal nous sidère. D'abord parce que le problème apparaît comme nouveau alors qu'il s'agit de celui de la sidérurgie qui est posé en France et en Europe depuis des années. Mais personne n'a voulu ou n'a su ni l'affronter ni le résoudre. Il éclate aujourd'hui et l'on comprend la déception et l'amertume de ceux qui se trouvent placés dans une situation qui apparaît de plus en plus sans issue. Mais on avait fait des promesses dont on voit aujourd'hui qu'elles ne reposaient sur rien. C'est ce qui explique les divisions et les oppositions que l'on constate à gauche au sein du Parti socialiste et de ses alliés, et aussi dans les syndicats. Ce drame, car c'en est un, révèle des divergences qui relèvent pour une part des ego, mais surtout des divergences idéologiques qui avaient été soigneusement masquées par la volonté de l'emporter dans la dernière élection présidentielle.
Pas de lucidité sans sérénité
La polémique lancée à propos du relogement de plusieurs milliers de personnes est un autre exemple de crispation. Aussitôt, certains se sont enflammés parce que la ministre du Logement, Cécile Duflot, a mentionné l'Église catholique dans l'interview qu'elle a donnée au journal Aujourd'hui en France (1). Mais qu'avait-elle dit de si agressif ? « Je souhaite faire appel à toutes les bonnes volontés et faire appliquer la loi à tous ceux qu'elle concerne. Par exemple, il semble que l'Archevêché de Paris possède des bâtiments quasiment vides... Je ne comprendrais pas que l'Église ne partage pas nos objectifs de solidarité. »
L'Église était mentionnée après SNCF, gendarmerie, bureaux administratifs. Il n'y avait rien d'anormal à cela, sauf une sorte de doute insinué sur l'authenticité de la volonté de l'Église. Les autorités ecclésiastiques auraient pu réagir moins agressivement, fortes qu'elles sont de leurs actions multiples et bien connues en ce domaine à travers tous les diocèses de France. Monseigneur Dubosc ne s'y est pas trompé : « Il y a effectivement une urgence et c'est bien que la ministre fasse choc sur ce sujet. Ce qu'elle a dit à propos de l'Église a été amplifié car elle appelle tout le monde à se mobiliser et pas simplement l'Église. » (2).
La situation de crise actuelle rend tout le monde nerveux. Or, plus la situation est grave, plus il faut garder son calme. Chacun sait cela. Cependant, plus on est bousculé, plus on a tendance à se crisper, d'autant plus que « le mouvement est accentué par les réseaux numériques dont la prolifération et le chaos favorisent le n'importe quoi » (3). Pas de lucidité sans sérénité, voilà bien ce que chacun devrait méditer en ces moments difficiles.

(1) Aujourd'hui en France, lundi 03/12/2012
(2) Le Figaro, mardi 04/12/2012
(3) Alain-Gérard Slama, Le Figaro, mercredi 05/12/2012

Dette publique : dansons sur le fil du rasoir

Qui est l'acheteur type de la dette publique française, et pourquoi nous fait-il ainsi généreusement crédit ?
Depuis mercredi 5 décembre 2012 en début d’après-midi, on a observé plusieurs fois un phénomène aussi historique qu’il est symbolique : le taux des obligations assimilables du Trésor (OAT) à 10 ans sur le marché secondaire [1] cote en deçà du seuil des 2%. C’est historique parce que jamais, aussi loin que nous porte notre mémoire, le taux de référence des emprunts d’État français n’avait atteint un niveau aussi bas. C’est symbolique parce que 2%, c’est le niveau d’inflation cible de la Banque Centrale Européenne ; en deçà de ce seuil, à supposer que la banque centrale parvienne à atteindre son objectif dans les années à venir, l’État français peut emprunter à un taux réel – c'est-à-dire ajusté de l’inflation – négatif.

Cette année 2012 est d’ailleurs celle de tous les records en la matière. Malgré la perte de notre AAA chez Standard & Poor’s suivie, quelques mois plus tard, de celle de notre Aaa chez Moody’s, jamais le Trésor public ne s’était endetté à si bon compte. Depuis cet été, le taux de nos emprunts à 10 ans est inférieur à 2,5% et l’Agence France Trésor [2] est même parvenue à emprunter quelques milliards d’euro à des taux négatifs sur les échéances les plus courtes (bons du Trésor à 3 et 6 mois). Alors que le programme d’émission de cette année est pratiquement entièrement exécuté, l’AFT estime que les nouveaux emprunts à moyen et long terme (2 ans et plus) contractés par l’État cette année lui coûteront 1,87% d’intérêts annuels [3].
L’État français, avec 1 377 314 738 602 euros de dette émise sur les marchés au 31 octobre 2012, semble donc en passe de rejoindre le club des États qui peuvent emprunter sur une décennie en payant moins de 2% d’intérêts au même titre que les États-Unis (1,58%), le Royaume Uni (1,73%), l’Allemagne (1,30%) et les Pays-Bas (1,53%) sans parler de la Suisse (0,40%) [4].
Naturellement, cette situation exceptionnelle donne l’occasion à un certain nombre de nos élus de vanter le succès des politiques gouvernementales et de moquer le manque de crédibilité des agences de notation [5]. Les marchés financiers, hier désignés comme l’ennemi du peuple, auraient finalement été touchés par la grâce du discours politique et deviennent à cette occasion un baromètre officiel de sa vertu. C’est de bonne guerre mais ces rodomontades ne doivent pas nous faire perdre de vue les véritables questions : qui, pourquoi et pour combien de temps encore ?
Le profil-type du généreux donateur
L’identité des créanciers de l’État est une information bien gardée ; officiellement, d’ailleurs, elle n’existe pas : même lorsqu’un député pose la question, on lui oppose une fin de non recevoir en lui expliquant qu’il est illégal de collecter de telles informations. C’est évidemment tout à fait regrettable [6]. Néanmoins, avec un peu d’astuce et quelques tuyaux de M. Philippe Mills, le Directeur Général de l’AFT, on peut se faire une idée assez précise de l’identité de nos généreux donateurs.
Dans un premier temps, il y a la grosse masse de nos créanciers habituels : les compagnies d’assurance, mutuelles et autres organismes de prévoyance français qui détiennent, selon mes estimations, un bon cinquième de notre dette publique à elles seules (principalement dans le cadre de leurs contrats d’assurance-vie en euro [7]) ; il y a aussi, comme en témoigne la liste des 50 plus gros détenteurs privés de dette française publiée par l’agence Reuters, les sociétés de gestion de portefeuille qui achètent des obligations d’État pour le compte de leurs clients et, dans une moindre mesure, les banques qui, comme vous le savez certainement, n’achètent de la dette publique que parce que les règles prudentielles internationales (i.e. les accords de Bâle) les y obligent [8].
Mais cette année 2012 aura surtout été marquée par l’extrême générosité d’un nouveau type de donateur. C’est M. Mills lui-même qui nous en dresse le portrait : « il y a une forte part de banques centrales et de fonds souverains (environ 50%) » et, un peu plus loin, « la moitié des acheteurs nets de la dette française vient d’Asie et du Moyen-Orient. » En extrapolant un peu, on voit se dessiner le profil-type de notre nouveau financier : une banque centrale ou un fonds souverain (c'est-à-dire un État) d’Asie (du sud-est) ou du Moyen-Orient (un producteur de pétrole). Établissons une brève liste des suspects : au Moyen-Orient, il y a, bien sûr, l’Arabie Saoudite, les Émirats arabes unis (surtout Abu Dhabi et Dubaï) et, dans une moindre mesure, le Koweit et le Qatar ; plus à l’est, on citera Singapour, la Corée du sud et, bien sûr, l’Empire du milieu, ses quatre fonds souverains géants et la People’s Bank of China.
Tous aux abris !
Ce qui nous amène tout naturellement à la question suivante : pourquoi diable ces gens nous prêtent ils des milliards gratuitement ou presque ? Étant bien entendu qu’aucun de nos suspects n’est connu pour sa nature philanthropique et que, de toute évidence, ce n’est pas du rendement qu’ils viennent chercher sur notre montagne de dettes, il nous reste une seule explication plausible : ce petit monde cherche désespérément à se mettre à l’abri.
Il faut bien comprendre un principe simple : sur un territoire donné, l’emprunteur le plus sûr – c'est-à-dire celui qui vous offre les meilleures garanties de remboursement de l’argent que vous lui avez prêté – c’est l’État. La raison en est fort simple : l’État, par définition, détient le monopole de la coercition et peut donc fiscaliser à loisir les autres débiteurs avant d’être lui-même incapable de faire face à ses engagements. C’est pour cette raison que, traditionnellement, les investisseurs réservent une part de leur placement aux emprunts d’État : ça ne rémunère pas beaucoup mais c’est ce qui se rapproche le plus d’un investissement sans risque.
Seulement voilà : cette crise a considérablement réduit la quantité de dette souveraine présumée sûre. Prenez le cas, par exemple, de la crise de l’euro : quelques États – le Club Med – se trouvent dans des situations économiques et budgétaires compliquées qui provoquent, au sein de leur population, une certaine forme de mécontentement. Du point de vue des investisseurs, ce mécontentement se transforme en risque politique : très précisément, les créanciers de ces États craignent qu’un nouveau gouvernement prenne le pouvoir, claque la porte de la zone euro et dévalue dans la foulée sa monnaie nationale nouvellement recréée – ce qui revient à dire qu’ils courent le risque d’être remboursés en monnaie de singe.
Du coup, lesdits investisseurs bradent leurs obligations espagnoles et italiennes – ce qui provoque l’effondrement des prix et donc l’envolée des taux – et réinvestissent ce qui leur reste… sur la dette de pays présumés plus stables : l’Allemagne, les Pays-Bas, la France. La crise de l’euro, c’est ça : un risque politique d’explosion de la zone ; c’est précisément cette situation que les critères de Maastricht cherchaient à éviter… sans grand succès.
Bref, si nous pouvons nous endetter à si bon compte, c’est parce que les investisseurs du monde entier cherchent désespérément une denrée devenue rare : des obligations émises par des États fiscalement viables qui ne risquent pas trop de recourir à la planche à billet pour régler leurs problèmes de dettes. Par chance, nous faisons partie des heureux élus… Jusqu'ici.
Le fil du rasoir
D’autres, avant moi, ont prononcé le mot en « B » et je pense qu’ils ont tout à fait raison : c’est une énorme bulle ; une bulle financée par la politique monétaire de nos banquiers centraux et habillement dirigée par nos pouvoirs publics là où ils en avaient immédiatement besoin : sur la dette publique. Si le montage tient encore, nous ne le devons pas à nos vertus mais aux vices des uns et à la peur des autres. Mais, il existe un vieil adage boursier qui dit que « les arbres ne montent pas jusqu’au ciel » ; c’est le principe de gravitation universelle appliquée aux marchés de la dette : ce qui monte (le prix des obligations d’État) doit fatalement redescendre un jour – surtout quand ça a beaucoup monté, pour de mauvaises raisons et qu’il y a un plafond. En gros, il y a deux scénarios.
Dans le premier, le pire, nous continuons sur notre lancée : plus de dépenses publiques, plus d’impôts, plus de déficit budgétaire (a.k.a. « politique de croissance ») et plus de dette. C’est l’option « choc fiscal », le scénario à la grecque : exode fiscal et entrepreneurial massif, économie en récession, explosion du chômage et des dépenses sociales. Tôt ou tard, l’État sera incapable de faire face à ses engagements et devra – officiellement ou via un retour au franc et une dévaluation – provoquer un bain de sang sur les marchés obligataires (ruinant au passage, vous l’avez compris, l’épargne de nos concitoyens).
Dans le second, le scénario optimiste, nous réduisons notre dépense publique et faisons en sorte que notre économie retrouve un second souffle. On peut espérer un retour de la croissance (et donc des rentrées fiscales), une baisse du chômage et une reprise du crédit ; laquelle, étant donné la montagne d’euro imprimée ces dernières années par la BCE, se transformera sans doute assez rapidement en une belle poussée inflationniste… qui provoquera un bain de sang sur les marchés obligataires (et les mêmes conséquences que précédemment).
Bref, nous marchons (et nos dirigeants dansent) sur le fil du rasoir ; la suite sera quoiqu’il arrive douloureuse. Charge à nous de choisir entre une paire de gifles et l’Armageddon.
Notes :
  1. Le marché secondaire, c’est le marché de l’occasion ; là où s’échangent les titres déjà émis. Le marché primaire, c’est le marché du neuf ; là où l’Agence France Trésor, via le réseau des spécialistes en valeurs du Trésor (SVT), emprunte effectivement de l’argent pour le compte de l’État.
  2. Placée sous l’autorité du directeur général du Trésor, c’est l’agence gouvernementale qui est chargée de la gestion de la dette et de la trésorerie de l'État.
  3. Sauf, naturellement, lorsque le créancier est aussi un contribuable auquel cas le Trésor peut récupérer jusqu’à 39,5% des intérêts qu’il paye sous formes d’impôts et de prélèvements sociaux.
  4. Taux des obligations souveraines à 10 ans à l’heure où j’écris ces lignes.
  5. Ce en quoi ils n’ont pas tout à fait tort : les agences ont perdu toute crédibilité au cours des années 1970, lorsqu’elles ont été instrumentalisées par les pouvoirs publics dans le cadre de la régulation prudentielle des banques.
  6. Et ce, d’autant plus que l’absence de sources officielles donne libre cours à l’imagination débridée des amateurs de théorie du complot.
  7. Par opposition aux contrats en unités de compte ; l’assurance-vie en euro, c’est le placement préféré des Français (un bon tiers des placements des ménages français à elle seule).
  8. Soit pour constituer des réserves en fonds propres, soit en nantissement de leurs emprunts auprès des banques centrales.

La finance meilleure amie de François Hollande ? Comment persuader le Président d'accomplir des réformes structurelles quand la Bourse est au plus haut et les taux d'intérêt au plus bas ?

Depuis quelques semaines, les marchés font preuve d'un incroyable optimisme. Dans ce contexte et malgré la hausse constante du chômage, le gouvernement continue de jouer la carte de l'immobilisme.
C’est un paradoxe : les marchés paraissent s’incliner devant l’exception française qui conduit notre pays à narguer tous les autres en continuant à ignorer superbement l’obligation qui nous est faite d’adapter notre économie à la marche du monde, pour arrêter le déclin largement amorcé. La Bourse a ainsi terminé la journée du 6 décembre à son plus haut niveau depuis le début de l’année, tandis que la France, qui avait pourtant été dégradée par les agences de notation et perdu le fameux triple A, a pu emprunter à dix ans à moins de 2% pour financer une dette dont les annuités représentent la deuxième dépense de l’Etat. Elle aura pu ainsi "économiser" 2,4 milliards sur les prévisions faites en début d’année.
Ce ne sont pas les efforts déployés pour desserrer le carcan qui l’étreint qui expliquent ces statistiques favorables, auxquelles personne ne croyait il y a seulement quelques mois. En fait, le climat international a changé. Les marchés font preuve d’un incroyable optimisme depuis quelques semaines. La politique de création monétaire à guichets ouverts de la Fed et de la banque centrale européenne a inondé le monde de liquidités, en ramenant les taux d’intérêt à des niveaux proches de zéro, voire même inférieurs. La décision de l’Europe d’assurer la survie de la Grèce et par voie de conséquence celle de l’euro ont fait baisser la tension sur les marchés et éclipsé les craintes nées de l’arrivée de la récession sur le Vieux Continent.
Dans ce contexte, malgré la sourde menace que fait peser un chômage en hausse constante, le gouvernement français, tiraillé entre les courants contraires de sa majorité, aura tendance au laisser aller et à la facilité puisqu’il n’est pas poussé pour l’instant par la contrainte extérieure. L’immobilisme continuera d’être la norme, d’autant que la moindre tentative de réforme et le plus petit changement entrainent aussitôt des vents de révolte à tous les étages de la société.
Pourtant, l’accalmie risque d’être provisoire, car elle repose sur une anomalie. La France profite des difficultés des pays du Sud, auxquels elle appartient par la géographie pour bénéficier des avantages des nations du Nord, sous prétexte qu’elle représente encore à l’heure actuelle un risque moins élevé. Un retournement peut se produire à tout moment, alors que notre pays sera l’an prochain le premier emprunteur sur les marchés pour financer sa dette et que rien n’est prévu pour s’y préparer. Et l’on aurait tort de continuer de se reposer sur l’Allemagne, pays vertueux par excellence qui affiche un budget en équilibre, en espérant qu’elle continuera d’assurer les fins de mois d’autres pays que la Grèce. Angela Merkel n’entend pas engager une relance de son économie qui profiterait aux mauvais élèves de la classe européenne. Mais la France aura-t-elle le courage de choisir le bon camp ?