TOUT EST DIT

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dimanche 18 novembre 2012

Les dévots de La pensée mythique

Quel est le point commun à ces éminences du clergé médiatique que sont Christophe Barbier, Nicolas Beytout, Dominique Seux, François Lenglet, Jean- Marc Vittori, Franz-Olivier Giesbert, Erik Izraelewicz, Eric Le Boucher, Yves de Kerdrel et consorts ? Nonobstant leurs différences, ils ont fait du « coût du travail » leur cible unique. 

Nos Excellences ne prennent du rapport Gallois que ce qui les intéresse pour fonder le raisonnement suivant : si la France va mal (et c’est le cas), si son industrie s’est rabougrie (et c’est la réalité), si elle exporte moins (et cela ne se discute pas), c’est parce que le travail coûte trop cher. En vertu de quoi, une économie massive sur les « charges » (qui sont la partie du salaire consacrée aux cotisations sociales ) devrait remettre la machine en marche et la faire repartir comme par miracle. Amen.
 
On entend cette petite musique du matin au soir, sans que personne parmi les membres du chœur susdit s’interroge le moins du monde sur les carences d’un tel raisonnement. S’il suffisait de baisser les charges pour relancer les investissements industriels, cela se saurait puisque c’est déjà le système en vogue pour les bas salaires. Si la compétitivité était indexée sur le faible niveau des salaires, la Grèce, l’Espagne et le Portugal devraient figurer dans le top du top. Si les cadeaux aux entreprises sans contre partie permettaient de stimuler le made in France, Arnaud Montebourg serait le premier à brûler un cierge pour fêter l’événement.

Les hauts dignitaires de l’Eglise médiatique ne rentrent pas dans ce genre de considérations. Le coût du travail est leur nouveau mantra, et nul ne les fera dévier de leur mission évangélisatrice. Habitués à se tromper, ils persistent et signent. Tout comme ils étaient pour le traité  de Maastricht en 1992, pour le traité européen en 2005, pour le nouveau traité européen signé par François Hollande, ils sont pour la version « coût du travail » du choc de compétitivité, notion imposée dans le débat public par les tenants de l’orthodoxie néolibérale grâce aux tergiversations d’un PS qui ne sait plus sur quel pied idéologique danser.
 
Les maîtres à (bien) penser ne parlent jamais du coût du capital, du coût des dividendes, du coût de la rente, du coût des délocalisations, du coût des fuites de capitaux, du coût des placements financiers, ou même du coût de la niche fiscale dont ils bénéficient en tant que journalistes. En revanche, le coût du travail salarié, cela les révulse au plus haut point, et ils n’hésitent pas à monter en prêche pour appeler les malheureux à se sacrifier en place publique. Au passage, ils en oublient les voix iconoclastes faisant remarquer qu’il ne faut pas mettre dans le même panier grandes et petites entreprises, et que la compétitivité dépend aussi de l’effort de recherche, de l’innovation, du financement des banques ou du patriotisme industriel, sans lequel nul ne peut résister aux conséquences de la mondialisation sauvage. Pour la nouvelle cléricature, ces considérations impies sont vouées au grand bûcher de l’Inquisition.
 
Quelqu’un a dit : « La difficulté n’est pas de comprendre les idées nouvelles, mais d’échapper aux idées anciennes. » Il s’appelait Keynes. Encore un hérétique.

Comment la pensée unique a imposé au pouvoir socialiste une ligne erronée qu'elle a ensuite reniée

Nous allons droit dans le mur. Les mesurettes cosmétiques prônées par le gouvernement ne peuvent en aucun cas sortir le pays de l'ornière dans laquelle il est embourbé, et encore moins lutter contre l'égoïsme clanique des grands patrons. Le gouvernement à cédé aux sirènes envoûtantes du discours dominant ; mais à quel prix ?

Bienvenu en panurgie
Je suis personnellement tout à fait défavorable à la ligne qu'a choisie le gouvernement en matière économique. J'entends m'en expliquer.

Mais d'abord un simple constat. Terrible. Presque déshonorant. Les mesures que le gouvernement vient d'annoncer (et devant lesquelles la droite, qui les demandait, avait, elle, reculé), l'UMP et le CAC 40 n'étaient pas les seuls à les réclamer. C'est presque l'ensemble du pouvoir médiatique qui relayait ces exigences. Radios, télés, presse écrite : un seul son de cloche, ou presque. Il fallait mettre en œuvre l'ensemble des recommandations du rapport Gallois. S'engager dans le sens tracé par la pétition patronale. Faire entendre un point de vue différent était devenu presque mission impossible.

A part cela, la pensée unique est un mythe. On vient cependant de la voir à l'œuvre. Le gouvernement a cédé. L'essentiel de ce que le CAC 40, le centre-droit et l'UMP, la gauche néolibérale et sociale-démocrate, les éditorialistes, les chroniqueurs, les commentateurs, les saltimbanques, les amuseurs et les journalistes économiques appelaient de leurs vœux, en piétinant d'impatience, a été repris à son compte par le pouvoir. Personnellement, je m'en lamente. Mais eux devraient s'en réjouir.

Au nom d'un minimum de cohérence et d'honnêteté intellectuelle, tout ce beau monde devrait saluer le tournant gouvernemental, l'applaudir, même, souligner son courage et sa pertinence, mettre en exergue cette absence de dogmatisme idéologique.

Le Point devrait titrer à la une «Bravo !», l'Express, sauter de joie, les Echos, jubiler, le patronat, exulter, le Monde, euphoriser, les éditorialistes et chroniqueurs, taper des mains en cadence - puisque, de toute façon, tout ce qu'ils disent, ils le disent en cadence -, l'UMP, se rendre un hommage à elle-même en rendant un vibrant hommage à ceux qui lui donnent raison. Eh bien, pas du tout : à l'exception de Laurence Parisot pour le Medef et, en filigrane, du Figaro - et c'est tout à leur honneur -, la droite, les éditorialistes, les commentateurs et les chroniqueurs se sont déchaînés contre les errements du pouvoir. Aucun coup de chapeau. Rien que des coups de griffe.

Classique : mais, à ce niveau, une telle inconséquence défie la raison.

Je propose, faute de mieux, cette explication : même ceux qui exigeaient que le gouvernement adopte l'analyse de la pensée unique et prenne les décisions auxquelles il s'est finalement rallié savaient que l'analyse était inadéquate et les décisions dangereuses ; mais ils les préconisaient parce que, étant convaincus que le pouvoir dit «socialiste» leur tournerait le dos, cela leur permettait de se positionner à moindre frais. Manque de chance, le gouvernement les a pris au mot. Et, puisqu'il s'est en cela déjugé, ils doivent se déjuger à leur tour. La position de l'UMP est, à cet égard, caricaturale.

Venons-en alors au fond du problème. Pourquoi cette orientation, qui revient à chercher à doper, sans garantie et de façon artificielle, une offre, au risque de laisser s'écrouler une demande et d'enclencher ainsi un processus récessionniste à l'espagnole, est-elle une erreur ? Il y a, au départ, au moins deux évidences. La première : la France a vu se creuser le déficit de son commerce extérieur alors que l'Allemagne parvenait, elle, à arrondir son excédent. Moins 75 milliards d'euros d'un côté, plus 140 milliards de l'autre. Verdict implacable. La seconde : la part des exportations françaises dans le commerce mondial en général (passant de 7,1 % à 3,9 %), et européen en particulier (de 13 % à 9 %), n'a cessé de reculer ces dix dernières années.

Donc nous sommes confrontés, à l'évidence, à un problème de compétitivité. Autrement dit, nous avons de plus en plus de mal à vendre nos productions sur un marché mondialisé, alors que d'autres restent très performants en la matière. Quelle en est la raison ?

La réponse que nous serinent les tenants de la pensée unique, c'est que notre déficit de compétitivité découle de la lourdeur des coûts du travail due à des charges, c'est-à-dire à des cotisations sociales excessives, et que, en conséquence, il faut les réduire fortement pour les remplacer par des taxes frappant les particuliers.

Curieuse évidence. J'ai été pendant vingt-deux ans chef d'entreprise, en l'occurrence d'une entreprise de main-d'œuvre, et de main-d'œuvre haut de gamme largement payée au-dessus du salaire minimum ; or, je peux l'affirmer - croix de bois, croix de fer - : il serait légitime d'incriminer la rigidité du marché du travail, une législation sociale trop pesante, les contraintes administratives et bureaucratiques, d'une façon générale, les manques de flexibilité, l'insuffisance de la concurrence chez les fournisseurs, le prix de l'énergie et des matières premières, les effets de la concentration bancaire, voire le manque de souplesse de l'impôt sur les sociétés. Mais, en revanche, le coût du travail, dont participe le niveau des charges (les charges en France sont plus lourdes que dans les pays comparables, mais les salaires généralement plus faibles), ne représente qu'une très infime cause des difficultés que rencontrent nos entreprises.

Egoïsmes familiaux et émoluments fous

Bien sûr, si on lui réduit ses charges, un patron sera ravi. Mais si on supprime le Smic et si on repasse aux 45 heures, certains seront ravis aussi.

Au demeurant, nos grands patrons du CAC 40, qui ont pétitionné pour exiger 30 milliards d'allègements de charges, pourraient s'interroger sur leurs propres responsabilités : trop faible représentation des petites et moyennes entreprises dans le panel des sociétés dont l'Etat accompagne la politique exportatrice (quand le président de la République voyage, il n'emmène dans son avion que des patrons du CAC 40) ; insuffisance des investissements dans la recherche et l'innovation ; tendance à s'accrocher trop longtemps à des productions obsolètes au lieu de préparer à temps les mutations nécessaires ; priorité donnée par beaucoup aux opérations financières au détriment du développement de la production ; restriction des réinvestissements au profit des dividendes ; manque parfois de fiabilité et de solidité des produits. A quoi on ajoutera des faiblesses dans le service après-vente et la légèreté de l'implantation dans les pays émergents (un petit tour et puis s'en vont).

Petit aparté : si l'entreprise Lacoste est passée à l'étranger, est-ce à cause du coût du travail ou de l'égoïsme des clans familiaux ? Si la société Wendel traverse des difficultés, est-ce à cause du coût du travail ou des louches manipulations des amis du baron Seillière ?

Le discours sur la nécessité de baisser le coût du travail serait plus audible si certains de ceux qui le tiennent ne s'étaient pas eux-mêmes adjugé des émoluments fous, de l'ordre de 4 à 10 millions d'euros par an.

Quand nos grands patrons exigent, à terme, une réduction progressive des dépenses publiques de l'ordre de 60 milliards d'euros (et fustigent les hausses excessives d'impôts), ils n'ont pas tort, puisqu'il conviendra, parallèlement à la réduction des déficits, de dégager, grâce à ces économies, des sommes nécessaires à une relance ciblée de la croissance.

Mais quand ils préconisent un «pacte» sans annoncer la moindre concession ou le moindre sacrifice de leur part, alors que certains ont, comme Sanofi, affiché des bénéfices de 3 à 11 milliards en 2011, ils ont tort...

... Quand ils se gardent bien de préciser dans quel secteur il conviendrait de faire des économies aussi drastiques (ce qui permet à l'extrême gauche d'affirmer que ce serait dans le domaine social et au détriment des plus fragiles), ils ont tort. Et donnent des verges pour se faire rosser.

Ce qui nous amène à rappeler certaines réalités dérangeantes. Si le coût du travail résumait la question de la productivité, la Grèce et Chypre devraient nous tailler des croupières, l'Irlande devrait flamber de mille feux, l'Espagne, où une heure de travail coûte 22 euros en moyenne contre 33 en France, devrait connaître une situation économique mirifique, tandis que le Luxembourg et la Suisse devraient vivre les affres d'une totale déliquescence. Quant au Bangladesh, pays où le coût du travail est minimum, on se demande pourquoi il ne casse pas la baraque.

- Outre que dans certains secteurs industriels de pointe, y compris l'automobile, le coût du travail en Allemagne et en France est en gros comparable (dans l'industrie manufacturière, 36,24 euros de l'heure contre 36,84 euros), le coût d'un ingénieur ou d'un technicien haut de gamme est plus élevé en Allemagne et même aux Etats-Unis : cela apparemment n'a pas handicapé les exportations allemandes. Sans compter que les voitures haut de gamme allemandes, championnes à l'exportation, sont plus chères que les voitures françaises ; de même que leurs machines-outils, malgré leur prix record, dominent le marché.

- Depuis dix ans, les charges sociales des entreprises n'ont cessé d'être réduites en France (réductions trop souvent ciblées sur les bas salaires, ce qui fut une erreur). Or, pendant le même laps de temps, la compétitivité s'est dégradée.

- Les grands patrons, dans leur manifeste, affirment que la situation s'est dramatiquement aggravée ces dix dernières années. Il y a du vrai. Mais pourquoi se sont-ils tus pendant dix ans ? Parce que l'UMP était au pouvoir ?

Quitte à y aller plus fort en direction de certaines baisses de charges, mais non répercutées sur le pouvoir d'achat ou la consommation et contre des donnant-donnant en matière d'emploi très contraignants. La droite prétend vouloir réhabiliter le travail en tant que valeur centrale. Mais alors cette question : pour elle, le travail, est-ce une richesse ou un coût ? J'en ai la conviction : les mesures que la pensée unique vient d'imposer au gouvernement, malgré quelques points positifs, ou des velléités intéressantes, loin de doper notre productivité, auront des effets plus pervers que positifs.

Si c'est malheureusement le cas - et je préfèrerais me tromper et le reconnaître -, ceux qui n'ont cessé de plaider en faveur de cette orientation, à les entendre, miraculeuse, admettront-ils qu'ils se sont et nous ont fourvoyés ?

De toutes les couleurs

Dans plusieurs grandes villes de France, des manifestations ont eu lieu, ce samedi, contre le « mariage pour tous ». Hier également, forte mobilisation, au nord de Nantes (dont l’ancien maire est aujourd’hui Premier ministre) afin d’empêcher la construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, déjà rebaptisé Ayraultport ou Notre-Dame-de Hollande. La cible est désignée, au sommet de l’État. A priori, on serait bien en peine d’unir ces deux mouvements protestataires.
- L’hostilité au mariage homo rassemble très majoritairement des citoyens étiquetés à droite, citoyens parmi lesquels défilait, hier à Lyon, « en civil » le cardinal Barbarin, Primat des Gaules. L’église se veut un peu plus discrète qu’en 1984, lors du rassemblement de « L’École libre ». La montée en puissance de la hiérarchie catholique avait beaucoup contribué, à l’époque, à faire reculer le pouvoir socialiste, qui voulait intégrer les écoles privées à « un grand service public ». C’est ce précédent dont rêvent, bien entendu, les opposants au « mariage pour tous », qui ont défilé hier sous les couleurs « bleu-blanc… rose ».
- Le projet d’aéroport qui vise à favoriser le développement économique du Grand Ouest, alors qu’existe déjà l’aéroport Nantes-Atlantique, est combattu par une coalition à dominante verte, où l’une des composantes de la majorité de gauche, Europe Écologie, est en première ligne. Mais lorsqu’il s’agit de s’opposer au duo Hollande-Ayrault, Jean-Luc Mélenchon (Front de gauche) n’est jamais loin, pas plus que José Bové, qui fut l’un des animateurs de la « lutte du Larzac » : dix ans de guerre, de 1971 à 1981, contre l’extension d’un camp militaire, abandonnée par François Mitterrand à son arrivée au pouvoir. C’est également ce fait d’arme qui conforte les opposants à « l’Ayraultport », opposants parmi lesquels de très nombreux jeunes. Ici on est donc davantage au cœur de l’électorat majoritaire, embarras supplémentaire pour l’exécutif. Mais il aurait tort de sous-estimer l’autre mobilisation, qui elle aussi compte bien décoller.
« Bleu-blanc-rose » d’une part, « vert » d’autre part, le couple (politique) Hollande-Ayrault pourrait en voir de toutes les couleurs, avec ces deux nouveaux dossiers à risque.

Les Femen brutalisées lors de la manifestation contre le mariage gay

Des militantes du mouvement féministe Femen et des journalistes, parmi lesquels Caroline Fourest, ont été pris à partie et certains «roués de coups» à la manifestation organisée ce dimanche contre le mariage gay par l'institut Civitas, proche des catholiques intégristes. Les incidents ont eu lieu au début de la organisée à entre le ministère de la Famille (VIIIe) et l'Assemblée nationale.

«Une dizaine de militantes des Femen avaient décidé de faire une protestation pacifique et drôle, d'arriver habillées en nonnes avec des slogans humoristiques. Et quand elles se sont avancées vers les manifestants, des types les ont pris en chasse, déchainés», a raconté la journaliste et essayiste Caroline Fourest. «Les filles ont pris des coups dans toutes les parties du corps», a-t-elle ajouté.

 
«J'ai été tabassée d'abord parce que je filmais. Ils m'ont mise à terre, mon bonnet est tombé, là ils m'ont reconnue et ils m'ont poursuivie, insultée et retabassée», a relaté Caroline Fourest, disant avoir «pris des coups dans les côtes, dans un genou et dans un poignet».

Selon elle, les agresseurs étaient «une trentaine», répartis en «plusieurs petits groupes de durs». «Ils ont insulté les militantes et juré d'aller se venger au centre des Femen, dont ils ont crié l'adresse», a-t-elle ajouté. «La police a fait un cordon pour nous protéger et là, on nous a exfiltré», a-t-elle expliqué.

Des journalistes qui les avaient filmées ont également été pris à partie. Des photographes ont été «molestés», rapporte un photographe de l'AFP.

Economie : la duperie sociale-libérale

Il faut maintenant se rendre à l’évidence : la politique économique conduite par François Hollande n’a rien à voir avec ce qu’il avait laissé entendre durant la campagne présidentielle. Candidat, il avait suggéré qu’il fixerait le cap à gauche – pas à gauche toute, mais à gauche tout de même. Devenu président, voilà qu’il crée la surprise en conduisant une politique sociale-libérale.
 
Que l’on se souvienne des débats de la campagne présidentielle. A l’époque, François Hollande avait certes envoyé des signes multiples de sa prudence. Sur la politique budgétaire, en écornant le programme de son propre parti et en proposant que la réduction des déficits publics sous les 3 % du PIB soit atteinte dès 2013 et non en 2014 ou 2015. Sur la politique fiscale, en prenant insensiblement ses distances avec la « révolution » qui était aussi gravée dans le marbre du projet du PS et dont le projet phare devait être la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG. Ou encore sur la politique salariale, en préconisant la modération.
 

Mais, envers et contre tout, François Hollande a veillé à ce que la petite musique de son projet garde une sonorité de gauche. C’était la raison d’être de sa proposition d’une taxation à 75 % des revenus au-delà de 1 million d’euros, ou encore de quelques-unes de ses sorties enflammées : « Mon ennemi, c’est la finance ! »
 
Et puis, voilà qu’à peine installé à l’Elysée il met en œuvre une politique économique qui n’a plus rien à voir avec cela – une politique dont les inspirations philosophiques ont beaucoup de points communs avec les brûlots libéraux qu’ont l’habitude de produire l’OCDE et le FMI pour promouvoir ce qu’ils appellent pudiquement des « réformes structurelles ».
 
La première illustration de ce changement de cap, c’est évidemment la priorité donnée à la question du coût du travail, dont l’allégement au profit des employeurs sera payé, au moins partiellement, par les consommateurs, par le biais d’une hausse de la TVA. Car, dans ce cas, la source d’inspiration ne fait guère de doute : il suffit de lire les rapports en faveur d’un « choc de compétitivité » publiés en janvier par l’Institut de l’entreprise ou en mars par l’Institut Montaigne pour comprendre que le gouvernement a été puisé dans des rapports patronaux pour construire la charpente idéologique de sa réforme.
 
Mais cet immense transfert de charges en faveur des entre- prises et au détriment des salariés n’est pas une embardée – une sorte de concession aux milieux patronaux, comme pour les amadouer. Non ! C’est une réforme libérale qui va s’articuler avec de nombreuses autres, dont l’inspiration sera la même. Le gouvernement s’apprête, ainsi, à ouvrir un autre grand chantier, dont le chef de l’Etat n’a parlé que de manière allusive, en évoquant les 60 milliards d’euros d’économies qu’il faudra réaliser sur la durée du quinquennat, soit les 50 milliards d’euros d’économies déjà programmés auxquels il faut ajouter 10 milliards d’euros de coupes supplémentaires du fait de la réforme de la compétitivité. D’une phrase, François Hollande a levé le voile sur ce qui est en gestation : « Cela représente 1 % des dépenses publiques et nous pourrons les trouver par une réforme de l’Etat, dans la protection sociale et par une nouvelle organisation territoriale. »
 
Pour être elliptique, la formule n’en est pas moins transparente : ce ne sera pas par un durcissement uniforme des normes d’évolution des crédits budgétaires que l’objectif sera atteint, mais par une « réforme de l’Etat ». Traduction : pour ne pas éveiller de mauvais souvenirs, ce nouveau chantier ne sera pas baptisé « RGPP » (révision générale des politiques publiques), mais cela y ressemblera fort.
 
Et puis, il y a un troisième grand chantier, que François Hollande a présenté comme un « rendez-vous majeur », celui de la réforme du marché du travail, qui fait actuellement l’objet d’une concertation entre les partenaires sociaux et sur lequel, en cas d’échec, le gouvernement légiférera. Or, ce projet, même si ces contours sont encore imprécis, a une inspiration qui est bien connue : dans une logique libérale ou sociale- libérale, il s’agit d’avancer vers l’un de ces systèmes dits de « flexisécurité », dont tous les rapports de l’OCDE ou du FMI font l’apologie. Pour la gauche, il s’agit donc d’une révision doctrinale majeure : en 1981, les socialistes estimaient que « le contrat de travail à durée indéterminée redeviendra la base des relations du travail » — c’était la 22e  des « 110 propositions » ; trois décennies plus tard, les mêmes socialistes plaident en faveur de davantage de flexibilité.
 
Et c’est en cela que la politique économique surprend. Non pas qu’elle ait été amendée au fil des mois, au point de devenir un tantinet cafouilleuse ou incohérente. C’est précisément l’inverse : progressivement, on comprend que la politique qui se met en place a une cohérence forte, s’inscrivant dans une philosophie économique qui a été à l’évidence mûrement réfléchie. Mais une philosophie qui n’avait pas été affichée pendant la campagne présidentielle. 
S’il faut dire méchamment les choses, François Hollande s’expose à un procès inédit : non pas en reculade ou en reniement, mais en duperie.

Radioscopie de l’UMP

Au fond, c’est mystérieux, un parti politique! Quel est son socle psychologique? Qu’est-ce qui fait vibrer ces hommes et ces femmes qui, à rebours du scepticisme ambiant, croient encore assez à la force des idées pour payer une cotisation et s’imaginer que leur engagement va infléchir, sinon le cours de l’histoire, du moins l’issue d’un scrutin?
On a tellement pris l’habitude de mélanger électeurs et militants qu’il est intéressant d’avoir une radioscopie en grandeur réelle. Cela peut conduire à des surprises. Souvenons-nous des Verts avant l’élection présidentielle. Le cercle large de l’écologie voulait Nicolas Hulot, les membres du parti, bien plus intégristes, ont adoubé Eva Joly…
C’est ce type de nuances que va révéler le duel qui oppose François Fillon à Jean-François Copé. En d’autres temps, un tribun dédaigneux aurait conclu que c’est «bonnet blanc et blanc bonnet». Ils sont tous deux contre les 35 heures, contre le mariage entre homosexuels, contre le vote des étrangers non-européens. Mais si leurs idées sont proches, leur imaginaire et leur stratégie diffèrent.
L’UMP, qui se voyait comme une formidable machine à gagner, fait le difficile apprentissage de l’opposition. La glorieuse unanimité de façade affichée du temps de Nicolas Sarkozy a volé en éclats. Il faut, comme au parti socialiste, admettre l’existence de courants distincts.
Ce qui se joue aujourd’hui, c’est le positionnement tactique et idéologique face à la montée du Front national et à la timide renaissance du centrisme via Jean-Louis Borloo.
Si Copé gagne, ce sera le maintien de la barre à droite voulu par Sarkozy et son conseiller Patrick Buisson. Si Fillon est élu, ce sera la seconde rupture avec l’ère Sarkozy, une sorte de désaveu interne de la méthode du précédent quinquennat. C’est entendu, le duel d’aujourd’hui est microcosmique, mais il va quand même au-delà du simple choc des ambitions personnelles - et présidentielles.

La guerre des gauches continue

Tous les opposants de gauche au président socialiste – et même quelques alliés – se trouvaient ces derniers jours rassemblés dans la campagne nantaise. Bottes en caoutchouc fraîchement acquises aux pieds, tournevis à la main et n’écoutant que leur courage, ils ont libéré des maisons aux portes et aux fenêtres condamnées par les expropriateurs.
Le Larzac de M. Jean-Marc Ayrault s’appelle Notre-Dame-des-Landes. Depuis quarante ans, des opposants refusent l’implantation d’un aéroport, à une vingtaine de kilomètres au nord de Nantes. Malgré cette opposition, les élus ne renoncent pas à un projet qu’ils jugent indispensable, en raison de l’augmentation du trafic aérien.
Le débarquement de chefs vendredi et de manifestants hier était destiné à montrer au chef de l’État et à son Premier ministre qu’ils ont bel et bien une opposition à leur gauche, et qu’elle entend prendre toute sa place. Celle qui a davantage voté contre Nicolas Sarkozy que pour François Hollande retrouve ses vieux réflexes. Le programme du président de la République n’a rien à voir avec son combat.
Ces gauches, finalement, ne se retrouvent qu’au moment des élections. Pour le reste, à peu près tout les sépare. La gauche de la gauche est elle-même constituée de chapelles qui s’écharpent régulièrement, mais qui cherchent de temps à autre la cause qui les réunira, le refus qui les rapprochera. François Hollande se demande avec inquiétude si Notre-Dame-des-Landes sera l’un de ces ciments.
Au départ, la cause est écologique. Les Verts, qu’ils soient politiques ou bucoliques, sont présents depuis le début, mais bientôt renforcés par des militants altermondialistes et anarchistes, et rejoints désormais par des dirigeants du Parti de gauche ou du NPA. Il y a de la tactique dans ce rassemblement (être plus forts pour s’opposer à la gauche de gouvernement), mais aussi convergences des luttes.
Dans cet aéroport qui n’arrive pas à se faire, qu’on empêche de sortir de terre pour ne pas en ravager un bout, il y a le rejet de la vitesse, qui brûle et pollue ; la remise en cause de voyages éclairs qui n’apportent rien, d’échanges de marchandises dont on pourrait se passer ; la négation d’une interconnexion planétaire qui se nourrit de croissance à tout prix ; le refus d’un monde plein de bruit et de fureur.
Sous ces allures modernes, le conflit autour de Notre-Dame-des-Landes est la répétition de contradictions anciennes. D’un côté une gauche réformiste qui accepte l’épreuve de gouvernement, s’arrange un peu avec sa doctrine, mais se confronte au réel et le fait bouger. De l’autre une gauche qui ne transige pas avec la réalité et voudrait la soumettre entièrement, et reste prudemment éloignée d’un pouvoir à l’exercice duquel sa pureté ne résisterait pas.

Mariage gay : entre 70 000 et 200 000 opposants ont défilé à Paris

Arborant des T-shirts roses et des ballons bleu blanc et rose, des dizaines de milliers de personnes ont pris part samedi dans toute la à la «manif pour tous», premier grand défilé contre le projet d'ouvrir le mariage et l'adoption aux couples homosexuels. La mobilisation, qui se voulait apolitique, «transreligieuse» mais aussi «contre l'homophobie», selon ses organisateurs, a réuni plus de 100000 personnes, selon les autorités.


Dans la capitale, quelque 70000 manifestants selon la police, 200000 selon les organisateurs, ont de la place Denfert-Rochereau aux Invalides. A ,  environ 22000 personnes ont été recensées par la préfecture du Rhône, 27000 par les organisateurs, tandis qu'à Marseille, les chiffres oscillent 6000 et 8000 personnes. 4500 personnes ont également défilé à Nantes, selon la préfecture, et 2500 à Rennes.

«On est mariageophile, pas homophobe !»

«C'est un grand mouvement qui se met en marche !», a lancé au mégaphone, avant le départ du défilé parisien, l'humoriste catholique Frigide Barjot, fondatrice du Collectif «Pour l'Humanité durable», à l'initiative de la manifestation qui, dans l'après-midi a troqué son T-shirt rose pour une robe de mariée. «Nous sommes nés d'un homme et d'un femme, un enfant c'est le résultat d'un orgasme d'un homme et d'une femme», a-t-elle scandé, avant de préciser: «On est mariageophile, pas homophobe !»

Dans la foule compacte, de toutes générations et parsemée de poussettes, T-shirts et ballons bleus, blancs ou roses arboraient le même dessin de deux personnes de sexes opposés tenant deux enfants par la main. C'est un livre rouge que Frigide Barjot a brandi: le code civil. «Nous tenons à notre code civil (...), base même de notre société». «Il ne faut pas que disparaissent les mots père et mère pour laisser la place à des termes indifférenciés», a-t-elle prêché.

Plusieurs associations de gauche dans le cortège

Outre Frigide Barjot, fondatrice du Collectif «Pour l'Humanité durable», Xavier Bongibault, de «Plus gay sans mariage» (homosexuels opposés au projet de loi), ou Laurence Tcheng, de «La gauche pour le mariage républicain», font partie des organisateurs du mouvement soutenu, selon eux, par plusieurs délégations locales des Associations familiales catholiques (AFC), les Fils de France, des musulmans «patriotes», ou encore de l'association pro-vie Alliance Vita.

«Nous sommes là pour faire échec à ce projet de loi qui dénature le mariage», a déclaré Xavier Bongibault. «La majorité des homosexuels se moquent éperdument de ce projet de loi. Nous pensons qu'un enfant a besoin d'un homme et d'une femme pour évoluer correctement», a-t-il ajouté.

Présents également, des élus et personnalités politiques comme le maire DVD du Chesnay (Yvelines), Philippe Brillault, qui a indiqué que l'ancien président du Sénat Gérard Larcher, président du comité de soutien de François Fillon, devait se joindre à la manifestation.

Quelques «kiss-in» et contre-manifestations organisées

En désaccord, Fanny Neige et Anaïs, homosexuelles, étaient venues faire valoir leur point de vue, s'embrassant au vu et au su de tous. «On est là en tant que lesbiennes, parce qu'on fondera une famille qu'ils le veuillent ou non», a expliqué Fanny Neige. La provocation pacifique a reçu une réponse non moins pacifique: des applaudissements, comme l'avaient souhaité les organisateurs.  Selon Fanny Neige, quelque 1500 personnes avaient annoncé sur une page Facebook dédiée leur intention de contre-manifester par des «kiss-in».

A Marseille, Toulouse, Lyon et Rennes, plusieurs partisans du mariage gay ont été défier les opposants, suscitant quelques face-à-face tendus.

Toulouse,  Marseille et Lyon : la police s'interpose entre pro et anti 

A Toulouse, un face-à-face tendu a opposé une bonne partie de l'après-midi plusieurs milliers de personnes participant à une manifestation autorisée contre le mariage homosexuel et plusieurs centaines d'autres qui y sont favorables et dont la manifestation n'était, elle, pas autorisée. Un important cordon de policiers a dû faire le tampon entre les deux camps tout l'après-midi pour empêcher des heurts.Mais les policiers ont fini par tirer quelques gaz lacrymogènes pour libérer le passage et permettre aux manifestants contre le mariage homosexuel de suivre l'itinéraire prévu jusqu'à la place du Capitole.

A Marseille, des contre-manifestants ont déployé une banderole «votre modèle de société est mort, bienvenue à Sodome et Gomorrhe»(QUELLE BANDE DE TARÉS!) en haut de la Canebière, où la manifestation anti-mariage gay a débuté dans une ambiance tendue, les cortèges se défiant à coups d'insultes. Des grenades lacrymogènes ont été tirées par les forces de l'ordre pour empêcher tout affrontement entre les deux groupes.

A Lyon, environ 200 militants pro-mariage gay sont venus défier le cortège au départ de la manifestation. Un cordon de CRS a été dressé entre les deux groupes et les perturbateurs ont été priés de partir. Face à leur refus, la police a procédé à cinquante arrestations.


Hollande et Ayrault toujours en baisse dans les sondages

Depuis son élection en mai, François Hollande a perdu 20 points dans cet indice de satisfaction. Jean-Marc Ayrault chute, lui, de 6 points.

La cote de popularité du président François Hollande a baissé très légèrement à 41 % (- 1) en novembre tandis que celle de son Premier ministre Jean-Marc Ayrault a chuté de six points à 43 %, selon le baromètre mensuel Ifop pour le Journal du Dimanche à paraître le 18 novembre. 
S'agissant du chef de l'Etat, 58 % (+1) des personnes interrogées se déclarent "mécontentes". Le nombre des "plutôt mécontents" passe en un mois de 33% à 34% et celui des "très mécontents" reste stable à 24 %. 41% des sondés (-1) sont "satisfaits" du président de la République. 37 % (-1) sont "plutôt satisfaits", 4 % "très satisfaits".  1 % ne se prononce pas. Depuis son élection en mai, François Hollande a perdu 20 points dans cet indice de satisfaction.
Jean-Marc Ayrault perd 6 points
La cote de popularité du Premier ministre chute, elle, de 6 points. 43 % des personnes interrogées (-6) sont satisfaites de Jean-Marc Ayrault. Les "très satisfaits" ne bougent pas à 4%, mais les "plutôt satisfaits" à 39 % reculent de 6 points. 55 % (+6) sont "mécontents". Les "plutôt mécontents" progressent de 3 points à 38 % et les "très mécontents" également de 3 points à 17 %. % ne se prononcent pas. Depuis mai, la cote de popularité de François Hollande a baissé de 20 points et celle de Jean-Marc Ayrault de 22 points.
Sondage réalisé par téléphone du 8 au 16 novembre auprès d'un échantillon de 1.917 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. Méthode des quotas.