TOUT EST DIT

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mercredi 7 novembre 2012

Le bonheur sur ordonnance

La musique, dit-on, adoucit les mœurs. Et sa pratique permet, dans une certaine mesure, de lutter contre Alzheimer. Il me semble donc indispensable de demander, dans les plus brefs délais, que la pratique d'un instrument soit -- enfin ! -- remboursée par la Sécurité Sociale. Comment ça, c'est complètement idiot ? Pourquoi les véliplanchistes et autres trotteurs du dimanche y auraient droit et pas les joueurs de cornemuse ou de triangle ?

Vous ne me suivez pas ?
C'est pourtant simple. Comme le relate une presse gourmande de toutes les implications sociétales que cette nouvelle implique, le Dr. Jacques Bazex de la très sérieuse Académie de Médecine propose que des activités physiques adaptées dans le cadre des prescriptions médicales soient prises en charge par la Sécurité sociale. Que voilà de la bonne idée en barre ! Pensez donc : par ce moyen (les calculs ont d'ailleurs été faits), la dépense occasionnée par ces prescriptions sera rapidement compensée par l'amélioration de l'état des patients, et, bien évidemment, une réduction automatique de la consommation de médicaments : en poussant le petit bouton là, et en tirant le petit levier ici, l'Imaps, une société liée à la Mutualité française, a calculé dans son gros ordinateur que la Sécurité Sociale économiserait 56,2 millions d'euros par an en finançant à hauteur de 150 euros une activité physique ou sportive adaptée à 10% des patients souffrant de cancer, de diabète ou d'insuffisance respiratoire chronique. Cela en fait, du million, non ?
gelafritt 500Mais si. Si les antibiotiques, c'est patotomatique, pour le sport, en revanche, ça l'est : vous êtes malade, on vous prescrit des séances de pilates, c'est chouette car remboursé par la Sécu, vous allez mieux ce qui fait que vous arrêtez de grignoter connement du Xanax pris en compensation d'une surdose de cortisone ou quelque chose comme ça. Bilan : les services sociaux de la Santé Collectiviste Française peuvent arrêter de vous distribuer votre camion de pilules colorées. Tout ça grâce à quelques petites séances. C'est-y pas beau ? Surtout que, si vous poussez le raisonnement sur les millions de Français qui explorent tous actuellement les tréfonds les plus repoussés de la médication psychiatrique, vous allez en faire, des économies !

Bon, évidemment, on ne va pas distribuer ces ordonnances pour du sport à n'importe qui et n'importe comment. Comme l'explique bien le Dr Bazex,

« Sur l'ordonnance devra figurer le détail des activités physiques: nature du sport, intensité, durée et fréquence des séances, suivi et contrôles médicaux à observer. »
Effectivement, ce serait assez dommage qu'on laisse saboter une aussi belle idée, celle du sport qui raffermit les chairs, vivifie les esprits et ravive les comptes de la Sécurité Sociale. Ce serait dramatique, même, qu'on commence à distribuer des ordonnances comme si on les coinçaient dans les essuie-glaces de voitures à l'instar de vulgaires flyers en quadrichromie pour des clubs de fitness, non mais oh et puis quoi encore ! On commence comme ça et on se retrouve avec les mêmes problèmes que les cures de thalassothérapie dont certains (Cour des Comptes ?) soupçonnent légèrement qu'ils sont en réalité des vacances payées en douce par la collectivité à l'assuré social.
On peut donc s'attendre, si l'idée fait son chemin, à ce que des contrôles efficaces et pointus soient mis en place afin d'éviter tout dérapage (fut-il en bi-cross et sous ordonnance). Et cela tombe bien parce que justement, l'idée progresse au sein du gouvernement surtout que (franchement, ça tombe bien toutes ces nouvelles, vous ne trouvez pas ?) le ministère de la Santé doit bientôt dévoiler son plan en faveur de l'activité physique ! Fouchtra, quelle coïncidence ! Alors bien sûr, pour ne pas louper une si belle conjonction astrale favorable et complètement inopinée, les uns et les autres rivalisent d'inventivité pour faire comprendre que le sport-remboursé-par-la-sécu, c'est une bonne idée qu'on devra mettre en place. Et puis, cela ira très bien dans la mouvance du moment dans laquelle, soit dit en passant, Valérie Fourneyron, ministre des Sports, a proposé la mise en place de "certificats d'indication" plutôt que les méchants certificats de "non contre-indication" à la pratique sportive tels qu'ils sont pratiqués actuellement. Et pour enrober le tout, elle a aussi noté que "certains publics restent éloignés de la pratique physique, ce qui renforce les inégalités en matière de santé", arrivant ainsi à injecter une petite goutte supplémentaire d'égalitarisme dans un domaine qui le dose pourtant de façon micrométrique. Décidément, l'adoucissement de la société dépasse toutes les espérances, et l'abrasion de la rugosité sociale arrive à un point tel que vivre en France va devenir une sinécure morbide cotonneuse dans laquelle les courses de momies boudinées de ouate deviendront un must à ne pas louper.
Las.
Au milieu de cette tempête de bisous, il me faut sans doute rappeler mes lecteurs à la raison.
Non, il n'y aura pas en France de séances de curling remboursées par la sécu, pas plus qu'il n'y aura de cours de jujitsu à l'oeil pour convalescent des cités. On sait déjà, avant même que la mesure soit mise en place, que la liste des sports désignés compatibles au remboursement sera extrêmement restreinte au début. Bien sûr, dans les prochaines années, cette liste sera appelée à grandir, mais ne comptez pas trop sur les matchs de polo gratuits tout de suite. Mais plus prosaïquement, cette mesure semble arriver à point nommé pour achever définitivement le système collectif de santé puisqu'on voit mal par quel miracle on va pouvoir contrôler précisément qu'il n'y aura pas d'abus. Oui, il est évident que la mesure compensera largement ses gains (forts hypothétiques) par une fraude décontractée tous azimuts. C'en est même banal que de le dire.
Et au-delà de ces considérations, cette idée même de sport sur ordonnance sent obstinément la mauvaise idée rance qu'on sort d'un placard poussiéreux lorsqu'on n'a plus aucune autre idée pour sauver la mise. En effet, l'explication officielle (réduire la facture par une pratique sportive adaptée) ne tient pas la route : s'il suffisait de prescrire par ordonnance pour qu'immédiatement, le malade emboîte le pas du médecin, des millions d'individus aux habitudes destructrices auraient largement retrouvé le chemin printanier de la santé.
La réalité est qu'une ordonnance n'est bien souvent que l'acte final et bruyamment réclamé d'une conversation rémunérée entre un médecin et un individu à la recherche d'une oreille compatissante et compréhensive. C'est, en quelque sorte, le papelard officiel administratif permettant de conclure à la nécessité des jérémiades qui le précédèrent. Les statistiques de consommation des barbituriques et autre benzodiazépines en France laissent à ce sujet peu de doute sur l'état psychique catastrophique d'une partie importante de la population.
Surtout, avec cette proposition douteuse, l'Académie de médecine prétend vouloir enraciner le sport dans les habitudes de vie dès le plus jeune âge (la France étant le pays où la pratique du sport chez les préadolescents est la plus faible d'Europe) ; là encore, on a bien du mal à comprendre par quel raisonnement tortueux l'Académie parvient à trouver un charme quelconque aux petits crobards gribouillés par un médecin, charme qui brisera la malédiction du peu d'engouement des petits Français pour le sport. Alors que les équipements de sports pullulent en France, que les associations lucratives ou non à buts sportifs sont pléthoriques, que les dépenses du ministère concerné n'ont jamais été aussi élevées, que les ventes de survèt/casquettes/baskets pulsent vigoureusement dans tout le pays, les Français ne font pas de sport, zut et zut. Penser que c'est pour des raisons de coûts (et de non remboursement) c'est tout de même faire preuve d'un manque cruel d'imagination. Et puis, vouloir forcer le sport à tous et toutes, par tous les moyens possibles, dès le plus jeune âge, cela continue de faire penser à cette manie qu'ont certains régimes de vouloir des gens tous en excellente santé parce que les vieux, les mal fichus et les faibles détonent dans le tableau, et coûtent un pont aux autres...
Enfin, cette idée qu'il faut, in fine, un médecin pour s'occuper de vous, un coach pétillant et vitaminé pour vous conduire dans une vie plus fruitée, plus colorée, plus bondissante et évidememnt plus citoyenne, c'est tout de même foutrement déresponsabilisant : encore une fois, l'Etat va ici s'interposer entre les individus et leur santé, au motif que si celle-ci se détraque, c'est d'autant plus leur faute que cela sera facturé à toute la collectivité. Et dans sa grande bonté doublée d'un parfait aveuglement, l'Etat va donc piocher dans les poches des uns pour que d'autres puissent faire du trampoline, du stepping ou de la zumba.
D'Orwell et de Huxley, c'est finalement Huxley qui avait raison : le communisme ou collectivisme brutal, tel que l'envisageait Orwell, a misérablement échoué. Le collectivisme douillet, qui enrobe et étouffe doucement les individus dans une épaisse couche de gentillesse gluante, comme le décrivait Huxley, fonctionne bien et les gens qui le subissent foncent vers l’abîme la tête légère (ou baignée d'anxyolitiques). La proposition de l'Académie de Médecine n'en est qu'un nouvel exemple.

La culture selon Filippetti

La ministre de la culture, Aurélie Filipetti, considère que la culture n’est pas compatible avec le marché. Vraiment ?

Sinistre de l'inculture
Quand j’avais 12 ans, il y avait chez mes parents un petit tourne-disque et 5 disques en vinyle : Charles Aznavour, Enrico Macias, Claude François et Yves Montand. Aujourd’hui, mon fils de 12 ans collectionne dans son Ipad plus de 1000 titres (jazz, pop, rock, techno). Pourtant, la ministre de la culture, Aurélie Filipetti, considère tranquillement que la culture n’est pas compatible avec le marché. Certes, les socialistes ne sont pas à une bêtise prés. Mais, le problème, c’est qu’ils détiennent tous les pouvoirs en France.
Pour ma part, je considère que la culture n’est pas compatible avec le pouvoir qui implique contrainte, soumission et monopole. Un artiste, pour être accepté par le marché, doit trouver son public. Alors les socialistes me rétorquent que le public n’est pas éduqué. Mais n’est-ce pas pourtant l’État qui a la mission et le monopole de l’éducation des masses ?
Pardonnez-moi, madame la ministre, mais les Beatles, Elvis Presley, Pink Floyd ou Michaël Jackson sont nés dans les pays capitalistes où les gens sont libres et non pas dans les régimes socialistes où les gens sont « éduqués »… ou internés. À aucun moment, ces artistes n’ont quémandé de subventions (auprès de qui d’ailleurs ?) et ils sont simplement partis à la rencontre du public, salles après salles, concerts après concerts, qu’ils ont conquis pour l’éternité.
Dans les années 70, les intellectuels suédois ont fustigé le groupe Abba parce que ce groupe gagnait de l’argent en faisant du disco. Quelle horreur ! Il est vrai que le succès planétaire du groupe était tel que les ventes de disques ont contribué à redresser la balance commerciale de la Suède. Mais, pour les socialistes, Abba gagnait de l’argent, ce qui n’était pas compatible avec la culture. Aujourd’hui, quarante ans plus tard, on joue tous les soirs à Londres à guichet fermé la comédie musicale Mamamia qui met en scène les chansons d’Abba, et personne ne remet plus en cause l’apport musical de ce groupe. Même le chanteur du groupe U2 leur a rendu un vibrant hommage. Mais les socialistes ont toujours été, en ce domaine, très ambivalents. Ils portent toujours aux nues le peuple, croyant parler en son nom, mais ils sont les premiers à dénigrer ses choix et ses goûts culturels. Il est vrai que les gens préfèrent écouter du disco que Pierre Boulez.
En fait, si se nourrir est un besoin physiologique, la façon de répondre à ce besoin vital est aussi un acte culturel, car manger est un art de vivre. Or, il y a un marché pour McDo, et il y a un marché pour la gastronomie française ou italienne. Grâce à la mondialisation, à Londres, Paris ou Perpignan, on peut goûter la cuisine chinoise, thaï, libanaise ou corse. Jamais, nous n’avons eu autant de diversité. Pourtant, il y a toujours de beaux esprits pour affirmer que la mondialisation détruit la diversité culturelle. Mais les esprits étriqués croient que le monde est étriqué alors que c’est leur vision du monde qui est réductrice.
On nous parle toujours de l’impérialisme linguistique pour masquer notre inaptitude structurelle aux langues vivantes. Sous l’empire romain, les artistes parlaient le latin. À la cour de Louis XIV ou du Tsar, les artistes et les penseurs s’exprimaient en français. Aujourd’hui, il est suicidaire de s’exclure de l’anglais. John Lennon a affirmé un jour que, sous l’empire romain, le centre culturel était à Rome mais qu’aujourd’hui, il était à New-York. Alors nos chanteurs officiels, mondialement méconnus, se réfugient derrière l’exception culturelle, à l’abri des quotas de diffusion et des subventions, en invoquant la barrière linguistique et la beauté de la langue française (qu’ils massacrent allègrement au passage).
Mais Maurice Chevallier, Charles Trenet, Charles Aznavour ou Yves Montand ont eu une carrière mondiale, ponctuée par de nombreuses tournées américaines où ils ont fait rayonner la langue française. Les américains adorent comme ils ont récemment adoré Jean Dujardin dans The Artist. Elton John lui-même avait beaucoup d’admiration pour Michel Berger.
En fait, les marchés sont pluriels tandis que l’État se conjugue au singulier. Il y a des marchés pour le « pinard » et il y a des marchés pour les grands Bordeaux. Et ces marchés ne sont pas cloisonnés car la même personne peut, selon ses envies et les circonstances, goûter et apprécier tous ces produits. Il en est de même dans la musique ou le cinéma où se côtoient les majors et les labels plus confidentiels.
On n’invoque alors la puissance hégémonique américaine. Mais Hollywood est une toute petite ville et l’annuaire des professionnels du cinéma américain n’est pas plus gros que l’annuaire des Pyrénées-Orientales. D’ailleurs, au moment où les frères Lumières en France inventaient l’appareil cinématographique, des immigrés italiens ont fondé à Hollywood les premiers studios cinématographiques tandis qu’un inconnu nommé Walt Disney, dans son atelier, photographiait des dessins pour produire Blanche-Neige, le premier dessin animé long-métrage. Depuis, l’empire Disney a inventé les premiers parcs d’attraction touristique et a basculé au numérique avec l’achat des studios Pixar.
On me dit alors que la culture n’est pas une marchandise. C’est exact et c’est même un truisme ! Mais l’accès à la culture serait le seul fait d’une élite privilégiée sans la généralisation de ses supports matériels que sont les DVD, les livres ou le numérique. Or, la production et la distribution de ces supports (les produits culturels) obéissent à une logique marchande, pour notre plus grand bénéfice à tous. Pareillement, grâce aux entreprises japonaises, les guitares électriques sont désormais accessibles à tous, et notamment aux enfants, tandis que seuls les guitaristes professionnels peuvent s’offrir le rêve de jouer sur une Gibson ou une Fender. À ce propos, je vous mets au défi de me trouver une entreprise française qui fabrique des guitares électriques (ou tout autre instrument ou matériel de musique d’ailleurs). C’est pourtant une inépuisable source d’emplois (mais veut-on vraiment travailler en France alors que l’on s’échine à asphyxier un à un tous les gisements d’emplois).
Cependant, comme toujours, l’État est très contradictoire à ce sujet. Quand le prix d’une place de concert est exorbitant, il va dénoncer le marché et la dictature de l’argent qui exclut les plus pauvres (il prend donc la défense du consommateur). Mais quand on peut désormais télécharger gratuitement des films ou de la musique, il va dénoncer cette gratuité qui menace le revenu des artistes (et prend donc la défense du producteur). Les artistes sont des travailleurs comme les autres et doivent donc vivre de leur travail vivant (les concerts, le spectacle vivant) que l’on ne pourra jamais télécharger tandis que la diffusion la plus large possible des œuvres permet de faire connaitre les artistes.
Dois-je enfin rappeler à notre ministre de la culture que la première œuvre littéraire majeure, l’Iliade et l’Odyssée, qui met en scène la guerre, l’amour, des cyclopes et des sirènes, a été écrite pour distraire les gens (les faire rêver, les effrayer, les faire pleurer) et non pour flatter les puissants.
Les socialistes sont si aveuglés par l’idéologie qu’ils refusent de voir la réalité du monde tel qu’il est, préférant nous imposer leur monde tel qu’ils le rêvent. Mais le rêve des uns tourne souvent au cauchemar pour les autres. Dans le régime national-socialiste, l’art officiel avait pour fonction de flatter le Reich et le Führer tandis que les livres hérétiques étaient brûlés. Dans le régime socialiste soviétique (encore du socialisme), l’art officiel avait pour fonction de célébrer la révolution prolétarienne et l’ardeur au travail au service des objectifs du plan (stakhanovisme). Dois-je rappeler enfin que la révolution « culturelle » initiée par Mao a consisté à exécuter les intellectuels chinois tandis que, dans les salons parisiens, les intellectuels faisaient l’apologie du maoïsme ? En fait, le bilan du socialisme culturel est aussi affligeant qu’effrayant. Pourtant, les manuels d’histoire officiels ne l’enseignent guère, préférant fantasmer sur « l’horreur libérale ».
L’art officiel n’a laissé rien de beau (tout y était même laid) tout comme la science officielle ou l’information officielle débouche sur la propagande, le contraire de la connaissance. Au fil des siècles, seules la foi, la passion et la  liberté furent les plus puissantes sources d’inspiration et de créativité artistiques et elles ne seront jamais compatibles avec l’idéologie, le pouvoir et le monopole. Vous l’aurez compris, quand les socialistes parlent d’économie, ils font bondir l’économiste que je suis ; mais quand ils parlent de culture, ils font hurler le musicien que je reste.
Il est désormais bien loin le temps où le Général de Gaulle savait s’entourer du plus brillant économiste français, Jacques Rueff, et du plus grand ministre de la culture, André Malraux, que la France a connu.

Le paquet compétitivité

Le paquet compétitivité


C'est un trop grand pas d'affirmer que le Premier ministre a gardé l'essentiel du rapport Gallois. Certes, il lui a épargné l'affront de la poubelle où il serait allé rejoindre ses cousins Attali et Pébereau, mais le document a été raboté de bien de ses aspérités politiques. Le choc devenu pacte, comme le souhaitait François Hollande, évite une seconde secousse après la première salve de rigueur budgétaire. Il envoie aussi quelques signes d'apaisement à la gauche du parti socialiste braquée contre l'allégement de charges aux entreprises. Entre la peur d'un coup fatal porté à la demande, donc à la relance, et la lourde dégradation du produit intérieur brut de la France, la voie était escarpée pour Jean-Marc Ayrault.
Les annonces de Matignon marquent une indéniable volonté de donner un peu d'air frais aux industries et à la création d'emplois. Même s'il y a fort à parier que ni du côté du patronat, ni de celui des syndicats on ne trouvera son compte dans ces décisions. Le Medef leur reprochera en particulier l'effet différé et mou des aides à l'innovation et à la recherche peu adaptées à l'urgence qu'il y a de regagner des marchés.
Après avoir laissé entendre qu'il ne se sentait pas engagé par le rapport Gallois, le président de la République surprend la droite en décidant de la mise en 'uvre de 20 milliards de crédit d'impôts et d'une augmentation de la TVA à laquelle pourtant il ne devait pas toucher. Il montre ainsi du doigt la mauvaise foi du procès d'intention qui lui était fait par anticipation. L'autre habileté de ce paquet compétitivité est d'éviter une distribution générale d'argent aux entreprises par la baisse du coût du travail et de toujours possibles fuites dans le dispositif. Mieux ciblé le crédit impôt recherche leur crée une obligation d'investissement en France et les oblige à faire la preuve de leur engagement dans la création d'emplois.
Il ne peut y avoir de relance sans investissement à long terme et sans une politique qui garantisse la qualité des services publics. La compétitivité passe aussi par la qualité de la formation, des infrastructures et la qualité de vie dans les territoires. La compétitivité se fera au détriment de la relance si elle en est l'élément unique.

Ayrault peut enterrer le rapport Gallois : il est mauvais

La vérité est que ce rapport est extrêmement décevant, convenu, passéiste : une véritable sclérose en matière de politique économique dans le pays.
Le tant attendu rapport de Louis Gallois sur la compétitivité a fini par être publié. Les médias ont fait leur une sur la seule proposition dérangeante : la diminution de la dépense publique. Et encore, ce point apparaît au milieu d'une proposition de diminuer les charges sociales, qui se traduirait également par un simple report des prélèvements vers d'autres personnes. La vérité est que ce rapport est extrêmement décevant, convenu, passéiste. Le mot qui vient à l'esprit, peut-être est-il un peu fort, est la sclérose. Une véritable sclérose en matière de politique économique dans le pays.

Toumou et le seul patron de gauche qui s'y soit collé.
Il y aurait beaucoup à écrire. Le rapport est basé essentiellement sur l'interventionnisme, accuse la concurrence internationale, la politique monétaire, bref, les poncifs habituels. Rien de nouveau. Mais c'est dès le titre que ce rapport est si décevant, et l'orientation définie par ce titre ne peut que le mener vers les mauvaises conclusions habituelles. Ce rapport s'intitule : « Pacte pour la compétitivité de l'industrie française».
Tout est dit dans le titre. Ce n'est pas un pacte pour la compétitivité de l'économie française. Non, seule l'industrie est digne d'intérêt. La France a les yeux rivés sur l'Allemagne voisine, et ne voit que la réussite de son industrie. Et oublie totalement la plus grande puissance mondiale, qui écrase le monde de son hégémonie : les USA. Quelle est la part de l'industrie dans le PIB US ? Selon le Bureau of Economic Analysis, du département du commerce des USA, cette part s'élevait à 12,2%, hors construction, en 2011. Comme en France, donc, puisque, selon le rapport de Louis Gallois, la part de ce secteur s'élevait à un peu moins de 12,5% dans notre pays en 2011.
Les USA sont en crise à cause de leur politique monétaire, de la politique du crédit facile. Mais ils restent le moteur de l'innovation en économie.
Il est convenu de dire que c'est l'industrie qui mène l'économie. Pourtant, c'est plutôt l'inverse qui est observé. Ainsi, l'industrie a besoin des services pour proposer de nouveaux produits, et donc perdurer. Ce sont des services de recherche, des logiciels, des études. Aujourd'hui les jouets Lego intègrent de l'électronique. Il y a donc un logiciel à l'intérieur. Il a fallu utiliser un logiciel pour les concevoir. Les moteurs automobiles intègrent de plus en plus d'électronique. C'est une entreprise de l'immatériel, Google, qui a conçu la voiture sans conducteur autorisée à circuler en Californie. Les voitures sont conçues grâce à des logiciels, qui réduisent le coût de conception. Les avions, merveilles industrielles, dépendent complètement des logiciels pour leur pilotage de nos jours. Un Rafale est trop instable pour voler sans ses programmes informatiques. Sans ces logiciels, qui sont inclus dans les statistiques de services, d'immatériel, l'industrie ne serait pas aussi dynamique.
Prenons également un exemple de la nouvelle économie, la société de vente sur internet Amazon. Amazon, ce sont des investissements dans des entrepôts, de la logistique. Elle achète des services de transport. Elle gère des serveurs informatiques, qui génèrent des besoins en construction, en maintenance. Amazon est un moteur pour l'économie. De même, les mobiles d'Apple, comme le système d'exploitation Androïd de Google, entraînent la création de nouvelles sociétés, de nouvelles activités. Youtube de Google permet à des particuliers, à des entreprises, de diffuser des films, des sketchs, et de gagner de l'argent ainsi. Ce qui entraîne des besoin en énergie, des besoins en serveur, des besoins en technologie, en constructions. De la croissance. C'est la nouvelle économie qui tire la croissance, pas l'industrie.
L'économie peut se développer de différentes manières. Si l’État veut vraiment intervenir, autant développer les atouts du pays. Par exemple, le tourisme et l'art de vivre pour la France. Notre pays a une richesse incroyable en ce domaine, et reconnue dans le monde entier. Les esprits chagrins se moqueront. Mais une des grosses multinationales américaines ne s'appelle-t-elle pas The Walt Disney Company, qui gère des parcs d'attractions, des hôtels ? Qu'est-ce-qui qui fait la richesse de Las Vegas ?
La France a une entreprise comme Louis Vuitton, qui n'a rien d'une entreprise artisanale. Elle a sa richesse gastronomique, ses spécialités qui peuvent se vendre dans le monde entier. Il y a du potentiel. Et, surtout, le potentiel de soutenir l'économie. Et, même, de soutenir les nouvelles technologies !
Ainsi, une recherche sur les agences web montre qu'il y en a un certain nombre plus ou moins spécialisées dans le secteur du tourisme. Ce qui est fort logique, car les ventes se font sur internet. Cela signifie des sites vitrines, des systèmes de réservation, de paiement.
Last but not least, que fait Citroën pour développer une image de constructeur haut de gamme en Chine, pour sa gamme DS ? Il prend un concept car, Numéro 9, et le photographie dans les lieux typiques de Paris, capitale du luxe et de l'art de vivre pour les chinois. Le tourisme au secours de l'automobile. Les USA ont une image puissante, qui sert leur économie. La France dispose de tels atouts.
Le rapport de Louis Gallois ignore totalement tout cela. Ce rapport est tourné vers le passé. Il refuse l'avenir. Il refuse l'innovation, l'évolution. Il ressasse les opinions d'énarques, d'X-Mines, qui ne connaissent rien à l'économie.
Le problème de la France, c'est qu'on considère que c'est la politique industrielle qui a permis le rattrapage économique du pays dans les années 50-60. Alors que c'est le déferlement de produits nouveaux, de magasins nouveaux, de nouveaux modes de vie, qui en sont à l'origine. La France s'est ouverte à la nouveauté. Elle a connu une accélération du changement. Elle a adapté sa législation, ses règlements, à la nouvelle économie de l'époque. Elle avait une attitude plus pragmatique.
Aujourd'hui, elle fait l'inverse. Elle se replie sur elle-même, sur ses dogmes, sur son idéologie. Elle veut faire entrer la nouvelle économie dans son cadre de pensée, au lieu de surfer sur la vague du changement, du progrès.

Un virage et un pari

Un virage et un pari 


Jean-Marc Ayrault peut remercier Louis Gallois. L'encre à peine sèche, son rapport offre au Premier ministre l'occasion de rebondir à travers un plan qui place l'opposition face à son bilan. Et qui permet d'oublier certaines promesses électorales.
En qualifiant le plan compétitivité d'emblématique et en estimant les vingt milliards de crédit d'impôt plus efficaces que ses propres préconisations, ce grand patron délivre au gouvernement, qui en avait besoin, un brevet de crédibilité.
Les 35 mesures retenues, parmi lesquelles une baisse équivalant à 6 % du coût du travail, constituent en effet un arsenal ambitieux. Si ambitieux qu'il est analysé, selon le point de vue, comme un choc de compétitivité, un coup de bambou pour le consommateur ou un chèque en blanc aux entreprises.
Assez ambitieux donc, et habile. Sur le terrain politique, le « pacte » gouvernemental retire des arguments à la droite - elle avait trop vite prédit l'enterrement du rapport Gallois - quitte à contredire le candidat Hollande sur quatre points. Il reconnaît l'existence d'un gros problème de compétitivité. Il considère comme importante la question du coût du travail. Il juge indispensable de relever la TVA de plus de six milliards. Et il baisse la dépense publique de dix milliards.
Trop, trop peu, trop tard ?
Habile aussi sur le plan économique et social : il allège le coût du travail, sans toucher aux salaires ni au financement de la protection sociale, et soigne l'environnement des entreprises. Il instaure une fiscalité antidélocalisation, mais qui ne porte surtout pas le nom, tant décrié, de la TVA sociale de Nicolas Sarkozy. Il efface, sans le dire, une partie du fardeau fiscal infligé aux entreprises. Il fait payer le consommateur, moyennant une dose de justice fiscale. Il alourdit les taxes dans le bâtiment et la restauration - et donc la facture - mais il en corrige l'effet en allégeant le prix de la main-d'oeuvre.
Un modèle de perfection, le « pacte » Ayrault ? Pour en juger, il faudra répondre par l'affirmative à plusieurs questions.
S'il y a urgence, pourquoi attendre le budget 2014 ? Même si toutes les entreprises, bénéficiaires ou déficitaires, auront la possibilité de faire figurer le crédit d'impôt dans leur bilan 2013, ce crédit, jugé complexe et insuffisant, ne sera décaissé par le Trésor qu'un an après.
Qu'en feront les entreprises ? L'absence de conditions, malgré une plus grande transparence, n'empêchera pas de privilégier l'actionnaire, de licencier, voire de délocaliser. Le Premier ministre fait ainsi le pari de l'incitation et du civisme dont on ne mesurera qu'a posteriori les effets sur l'innovation, l'emploi et les prix.
Qu'en penseront les Français, sensibles à toute hausse de la TVA ? Si ce plan a sa cohérence, il est difficile de suivre un pilotage fiscal qui joue, un jour sur le frein, le lendemain sur l'accélérateur de la croissance.
Quelle majorité pour le voter ? Moins indulgente que le patronat, la droite promet un combat parlementaire acharné. Moins compréhensive que les syndicats réformistes, la gauche de la gauche rejettera un dispositif qui taille dans la dépense publique, d'ailleurs sans dire où, et qu'elle présente comme un cadeau aux patrons. Les optimistes y verront la preuve du meilleur équilibre possible.