TOUT EST DIT

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ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

dimanche 4 novembre 2012

Qui est l'homo oeconomicus ?

Au cœur du paradigme dominant de la science économique, se trouve une hypothèse qui fait rire : l'homme, homo oeconomicus, serait rationnel.
Au cœur du paradigme dominant de la science économique, se trouve une hypothèse qui fait rire : l’homme serait rationnel.  N’en déplaise aux économistes, ceux d’entre nous qui ne vivent pas la tête dans les nuages, font ici-bas l’expérience quotidienne de la bêtise et des passions irraisonnées de la plupart de leurs semblables.
Pourtant, depuis la fin du XIXème siècle, les penseurs néoclassiques raffinent notre intelligence pour faire des échanges librement consentis le principe organisationnel de l’économie. Depuis plus d’un siècle au cœur de la microéconomie, qui étudie la manière dont agissent les individus, le modèle néoclassique s’est étendu à la macroéconomie, qui étudie l’économie à l’échelle des grands agrégats. Et même l’essentiel de la pensée keynésienne en a largement adopté les méthodes.
En généralisant les modèles fondés sur l’hypothèse de rationalité des individus, l’économie académique s’est coupée du grand public, et d’un grand nombre de ses étudiants. L’individu qu’elle décrit comme l’humain type semble si mal décrire l’expérience de la vie quotidienne qu’il attire les sobriquets sarcastiques : homo œconomicus, Robinson Crusoé…
Les moqueries ont deux origines. Tout le monde a une opinion sur l’économie, mais bien moins nombreux sont les gens comprenant ce qu’est une dérivée. Si cette première origine n’est pas de la responsabilité des économistes, la seconde l’est bien davantage. Confortés par leur formalisme mathématique, les économistes ont totalement négligé leur sémantique et le choix des mots décrivant leurs hypothèses…

Les individus sont rationnels
Le choix du mot « rationnel » est une de ces négligences de langue. « Cohérent » eut-été bien meilleur pour décrire l’homo œconomicus. Le mot « rationnel » chez les néoclassiques décrit une réalité bien plus humble que dans le sens courant :
Définition
Un individu est « rationnel » si et seulement si :
1) Complétude : entre deux choix, A et B, il est capable de dire si 1) il préfère A à B ou 2) il préfère B à A ou 3) il est indifférent.
2) Transitivité : s’il préfère A à B, et B à C ; alors il préfère A à C.
Vous avez sans doute des connaissances dont les capacités de raisonnement vous paraissent assez limitées. Pour autant, si ces personnes ont des préférences complètes et transitives, vous ne pourrez pas vous en servir de contre-exemple aux hypothèses du modèle standard de la science économique.
Ces dernières années, la psychologie a beaucoup apporté à l’économie en montrant que parfois les préférences n’étaient pas « rationnelles » au sens néoclassique. Complétude et transitivité restent pour autant un point de départ relativement modeste et convaincant pour décrire des généralités au risque d’omettre quelques paradoxes.
Notez que la « rationalité » ne prétend pas expliquer vos préférences. Aussi ne peut-on dire que quelqu’un est irrationnel au sens néoclassique du seul fait qu’il ait des préférences qu’on juge déraisonnées.
La collectivité n’est pas rationnelle
Que vous soyez ou non convaincu que les individus soient « rationnels », vous devrez admettre que les décisions collectives ne le sont pas.
Dans le cadre d’un vote majoritaire, Nicolas de Condorcet démontre, par exemple, que la décision collective peut ne pas respecter le principe de transitivité. Imaginons une société de trois individus (1,2 et 3), devant choisir entre trois alternatives (A,B et C). Les préférences des individus sont les suivantes :

Individu 1 : A>B>C
Individu 2 : B>C>A
Individu 2 : C>A>B
Ce qui donne, au scrutin majoritaire :
A>B
B>C
C>A
Ces trois résultats sont clairement une entorse à la rationalité la plus basique. Le Paradoxe de Condorcet montre qu’un groupe décidant selon la règle démocratique peut préférer A à B, B à C et pourtant ne pas préférer A à C !
Le résultat est généralisé au XXème siècle par le théorème d’impossibilité de Kenneth Arrow, qui démontre l’inexistence d’un système de décision collective rationnel.
Au fond, la critique de l’homo œconomicus néoclassique est assez amusante. Au prétexte de l’absurdité de l’hypothèse de rationalité, cette critique justifie une préséance de la collectivité sur l’individu. Pourtant, une fois la rationalité définie, son applicabilité aux individus est une hypothèse assez convaincante, tandis que l’irrationalité du groupe est une certitude mathématique !
Cet homme qui résout des lagrangiens
Dans les modèles de microéconomie, les individus modélisés résolvent des problèmes mathématiques impliquant des dérivés, des Lagrangiens, des matrices hessiennes… Or l’essentiel de la population – et peut-être vous chers lecteurs – ne maîtrise pas ces concepts. Aussi paraît-il délirant de modéliser les agents économiques comme s’ils avaient les capacités analytiques de mathématiciens.
Pourtant, les sciences naturelles utilisent des mathématiques avancées pour modéliser le comportement d’objets dénués d’intelligence. Quand vous calculez la longueur de l’hypoténuse d’un triangle rectangle, vous n’attribuez pas à l’hypoténuse la capacité cognitive d’élever au carré la longueur des autres côtés du triangle.
Dans le cadre de la microéconomie standard, l’utilisation de méthodes de l’analyse mathématique est permise par l’utilisation des fonctions d’utilité. Une fonction d’utilité est une application mathématique qui attribue à chaque décision d’un individu une valeur de « bien-être » (ou d’utilité).
Une incompréhension fréquente des fonctions d’utilité est de croire que les économistes prétendent pouvoir mesurer l’utilité, c’est-à-dire mettre une valeur sur le bonheur. Si je fais cela mon bonheur sera de 3,197 alors qu’une autre option m’offre un bonheur de 7,352.
En vérité, une fonction d’utilité est un concept bien plus humble. C’est une fonction qui, si vous préférez A à B, associera une valeur supérieure à A qu’à B, formellement U(A)>U(B). Un même individu peut être représenté par une infinité de fonctions renvoyant des valeurs totalement différentes. Le seul rapport entre ces fonctions sera que si U1(A)>U1(B), alors on aura U2(A)>U2(B).
Similairement, les physiciens mesurent la chaleur à l’aide de fonctions différentes, par exemple la mesure Celsius et la mesure Fahrenheit. Pour un même niveau de chaleur, les deux fonctions renverront des valeurs différentes, mais elles donneront la même hiérarchie des niveaux de chaleur.
Les fonctions d’utilité classiques ne sont que des constructions « ordinales », elles ne mesurent pas le bien-être mais ordonnent les préférences. Il est simple de montrer que si un individu a des préférences transitives et complètes, alors on peut les ordonner par une fonction d’utilité.
Une fois qu’on sait ces fonctions existantes, on peut leur appliquer des instruments de l’analyse des fonctions, sans que cela signifie qu’on suppose que les individus soient capables d’effectuer de tels calculs. Ainsi, nombre de calculs si compliqués que doivent comprendre les étudiants en économie n’impliquent pas des individus modélisés davantage qu’avoir des préférences complètes et transitives.
Conclusion
A la différence des sciences naturelles, l’économie n’est pas seulement une science descriptive, elle a aussi une vocation normative. D’une certaine manière, c’est un art. Son objet est de conseiller les consommateurs, les producteurs, les investisseurs, les gouvernants. Aussi, ses modèles n’ont pas vocation à vous expliquer ce que vous devriez faire si on vous supposait stupide. Ce que vous attendez de l’économiste, c’est qu’il vous dise ce que la raison conseillerait.
Inversement, dans une économie compétitive, la stupidité est un handicap. Aussi, la rationalité, dans un sens plus étendu, trouve un fondement darwiniste. Sauf évidemment dans les pays où on offre l’argent public aux dirigeants médiocres.
Au cours du XXème siècle, la résolution de problématiques plus complexes que les résultats fondamentaux du néoclassicisme ont nécessité des hypothèses plus fortes sur l’intelligence des individus et leur clairvoyance.
En particulier, les efforts des théoriciens des anticipations dites rationnelles ont montré que le keynésianisme faisait l’hypothèse de l’incapacité des individus à anticiper une hausse d’impôt future pour rembourser les dépenses non financées présentes et leur incompréhension que la planche à billet provoquait l’inflation.  Ces hypothèses de débilité généralisée sont-elles rationnelles ? Et si on les accepte, est-ce raisonnable de justifier une politique par les erreurs de jugements qu’elle provoquera chez les citoyens ?

Misère de l’intelligence

La condition de porte-parole du gouvernement est ingrate par les temps qui courent. La jolie dame commise à ce sacerdoce s’évade quelquefois de la langue de bois rituelle pour émettre des propositions pittoresques. Ainsi a-t-elle souhaité abolir la prostitution, rien de moins.
Le voeu demeura pieux, mais l’imagination a gardé sa fertilité. À preuve cette suggestion de signaler dans les manuels scolaires les orientations sexuelles de nos personnages historiques. Il fallait y penser. Des générations de potaches ont végété dans le pire obscurantisme, ignorant si Vercingétorix était homo, Jeanne-d’Arc lesbienne, Ronsard bi, Voltaire trans. Je mesure par le fait le puits sans fond de ma propre inculture : j’ai lu nos classiques, et un peu nos modernes, sans savoir à quelles sauces mes écrivains de prédilection accommodaient leurs batifolages. L’ingénieuse ministre a cru devoir citer deux exemples d’auteurs qu’on ne saurait apprécier sans connaître les labyrinthes de leur sexualité : Verlaine et Rimbaud.

« Les sanglots longs /Des violons /De l’automne […] » : ces sanglots sont homos, il n’y a pas à s’y tromper. « Petit-Poucet rêveur, j'égrenais dans ma course /Des rimes […] » : ce poucet ne saurait être trivialement hétéro. Pourquoi les profs ont-ils si longtemps mis sous le boisseau des vérités aussi capitales ? Il aura fallu attendre l’audace libératrice de ladite ministre pour envisager un terme à notre aliénation.
Trêve de c…ies ! Ce qui mérite d’être retenu, après cette ineptie ubuesque, c’est l’atonie du système médiatique. Journalistes et chroniqueurs auraient dû faire résonner un énorme rire rabelaisien. Or ils sont restés cois, comme s’ils ne savaient plus apprécier la différence entre une proposition politique “normale” et une vanne d’Alphonse Allais.
Supposons que la ministre persévère dans son étrange velléité pédagogique, et prenne le temps d’apprendre le rudiment de l’histoire de France. Elle risque d’être déçue en découvrant que l’écrasante majorité de nos héros, de nos grands écrivains, de nos grands hommes d’État et de nos grandes amoureuses fut irrécusablement hétéro. Elle pourra toujours rétorquer que certains refoulaient leur homosexualité pour n’être pas stigmatisés. Nul ne connaîtra ce sort à l’avenir car la même ministre, dont les neurones ne prennent jamais de repos, suggère que la politique du gouvernement soit communiquée aux citoyens, à part égale, par des hétéros et des homos. Ainsi la verra-t-on sur les écrans coprésenter au peuple français les initiatives de Hollande, Ayrault et consorts, avec un homo breveté. Beau si possible, pour qu’ils fassent la paire. Selon cette logique – si l’on peut dire – , elle devrait exiger une nouvelle “avancée” de la parité : chaque ministre serait flanqué d’un alter ego venu de l’autre rive sexuelle. Un homo, une hétéro ; une homo, un hétéro : enfin, la France incarnerait pour de bon ce paradis de l’égalitarisme intégral dont osaient à peine rêver Robespierre, Marat, Saint-Just, Lénine, Castro, Pol Pot et même Mengistu. Peut-être parce que ces apôtres de la table rase étaient hétéros. Ou du moins croyaient l’être.
Soit Mme Najat Vallaud-Belkacem tâche d’amuser la galerie avec du “sociétal”, à l’injonction de sa hiérarchie, pour escamoter de mauvaises nouvelles sur le front économique. Auquel cas elle s’acquitte d’un job moralement discutable. Soit elle croit à ce qu’elle nous raconte, et c’est un triste symptôme d’une intelligence dévoyée par sa soumission à l’air du temps. Beaucoup d’homos commencent à s’aviser qu’ils sont otages d’un parti pris d’indifférenciation. Ils perçoivent la manip d’une sollicitude qui les enrôle en vue de promouvoir une société où aucune norme n’aura plus droit de cité. Aucune frontière, dirait Régis Debray. Une société dont l’unique credo sera la morne équivalence de tout et de rien. Un androgynat au ras des pâquerettes, gris comme un ciel de novembre. Moins qu’une société : un agrégat informe d’individus sans domiciliation affective, spirituelle, esthétique. À la limite : sans désir et sans prochain. On n’est pas très pressé de choir dans cet enfer.

A la barre du Titanic

«  C’est comme un navire lancé à pleine vitesse », a reconnu lui-même Michel Sapin, le ministre du Travail, en commentant les épouvantables chiffres du chômage pour le mois de septembre.
Puisque la France a vu le nombre de ses demandeurs d’emploi augmenter de 46 900 en un mois. Ce qui constitue la plus forte progression depuis plus de trois ans.
Désormais, notre pays compte officiellement 3 057 900 chômeurs n’exerçant aucune activité et 4,8 millions de personnes inscrites à Pôle emploi car elles ne bénéficient que d’une activité réduite. Ce qui est le plus impressionnant, c’est que ce gouvernement, en place depuis plus de cinq mois n’ose même plus évoquer l’héritage du passé pour expliquer ces chiffres désastreux. Car ils sont pires de mois en mois. Comme si le phénomène s’accélérait. Comme si ce “bateau ivre” était effectivement “lancé à pleine vitesse”.
Personne ne peut se réjouir de l’échec du gouvernement en matière de politique de l’emploi, tant il y a de drames personnels derrière cette question du chômage, tant cette inactivité chez les jeunes participe de la déconstruction de la société, et tant notre pays semble s’enfoncer dans une horrifiante paupérisation collective. Mais comment comprendre que cette majorité socialiste qui a fait campagne, pendant des semaines, contre Nicolas Sarkozy en le dénigrant, notamment sur son bilan en matière d’emploi, n’ait pas considéré ce sujet comme une priorité ? Comment comprendre qu’au lieu de s’attaquer de front à cette plaie qu’est le chômage, le gouvernement ait préféré faire de la gesticulation sur les salaires des patrons d’entreprises publiques, mettre en chantier le mariage homosexuel, ou construire cette “usine à gaz” qu’est la Banque publique d’investissement ?
Bien sûr, il y a un mois, voyant sa popularité s’effondrer avec la fin des “cent jours”, François Hollande est venu expliquer à la télévision qu’il se fixait comme objectif d’inverser la courbe du chômage au bout d’un an. Hélas, ce pari est perdu d’avance. Car le président de la République a beau avoir été élève d’HEC et professeur d’économie à Sciences Po, il a oublié que pour qu’un pays recommence à créer de l’emploi, il lui faut d’abord faire de la croissance (au moins 1,5 à 1,7 %). Or la France affichera au mieux cette année une croissance zéro et dans le meilleur des cas l’an prochain une décroissance de 0,5 %, si l’on se fie aux estimations des économistes.
Cela signifie que non seulement les entreprises ne pourront plus créer d’emploi, car leur activité, leurs carnets de commandes et leur confiance dans l’avenir seront insuffisants. Mais surtout, les licenciements, les plans sociaux (même si ceux-ci ne représentent qu’une petite partie des emplois perdus) et le non-remplacement des personnes en retraite vont s’accélérer. La plupart des experts s’attendent à une destruction de 200 000 à 300 000 emplois supplémentaires au cours des douze mois à venir.
Ce ne sont pas les “mesurettes” annoncées par Michel Sapin qui vont changer grand-chose à ce drame du chômage de masse. D’un côté, le ministre du Travail a annoncé la création de 40 000 contrats aidés dans le secteur public (cantonniers, employés municipaux, surveillants de collèges…). Ce qui porte à 500 000 le nombre de jeunes employés de manière temporaire dans ces nouveaux “ateliers nationaux” qui coûtent très cher à l’État et aux collectivités, mais qui visent à nettoyer les statistiques de Pôle emploi. D’un autre côté, le grand projet de François Hollande – les contrats de génération consistant en l’embauche d’un jeune lié au maintien en activité d’un senior dans l’entreprise – va entrer en fonction début 2013. Mais cela ne changera rien à la dérive des chiffres de l’emploi, dans la mesure où cela va créer un effet d’aubaine pour les entreprises souhaitant titulariser des contrats à durée déterminée ou des jeunes en apprentissage.
Même François Mitterrand avait fini par comprendre, en mars 1984, après sa visite dans la Silicon Valley, qui lui a servi de “chemin de Damas”, que pour créer des emplois la meilleure solution était encore de créer des employeurs, comme le dit si bien Yvon Gattaz. Mais pour cela il faut tout faire pour faciliter la création d’entreprise, l’accès aux financements et aux investisseurs, et surtout alléger les contraintes qui pèsent sur l’emploi, et fluidifier le marché du travail.
François Hollande a préféré s’inscrire dans une démarche idéologique de dénonciation de la richesse, de taxation de toutes sortes de profit, et d’antagonisme entre ceux qui apportent le capital et ceux qui voudraient mettre leur force de travail à disposition des employeurs. Ce faisant, il a fait de l’économie française “un navire lancé à pleine vitesse”. Mais un navire sans pilote et se dirigeant tout droit vers un iceberg. Une sorte de Titanic qui aurait appareillé le 6 mai dernier. Que faudra-t-il pour ouvrir enfin les yeux du commandant et éviter un tel naufrage ?

L’indiscipline au pouvoir

L’indiscipline au pouvoir 


Les socialistes auraient tout pour être heureux. Un des leurs est à l’Élysée. Ils disposent de tous les leviers du pouvoir mais, hélas, la conjoncture n’est pas de gauche.
En 1981, les caisses étaient pleines, François Mitterrand avait pu dispenser ses largesses pendant deux ans avant de fermer les robinets, vu les dégâts causés à l’économie. Le socialisme ne marchant pas, il entonnait un nouveau credo : “l’Europe”.
En 1997, Lionel Jospin accédait à Matignon pour cinq ans au moment où la croissance s’envolait. La croyant pérenne, il s’est dispensé de réformer les retraites. Il a mis en place les 35 heures, l’industrie en a payé le prix. L’hôpital ne s’en est toujours pas remis.
Mais en 2012, comment réenchanter le rêve quand tous les clignotants sont au rouge (dette, chômage, commerce extérieur) et qu’il faut, pour rassurer les marchés, réduire d’urgence le déficit à 3 % (ce qui est courageux) ?
Alors, on fait payer les riches, bien sûr. Mais pas qu’eux – 6 Français sur 10, selon les calculs – et les entreprises aussi – 10 milliards d’euros. On n’augmente pas les dépenses (seulement 0,3 %) mais on ne fait pas d’économies.
La conjoncture mauvaise n’explique pas les couacs à répétition. Il y en a toujours eu, dans tous les gouvernements. Il faut du temps pour s’installer au pouvoir, prendre ses marques. Mais pour la première fois dans l’histoire de la Ve République, le président, le premier ministre, trente-trois excellences sur trente-huit n’ont jamais été ministres.
La culture du gouvernement n’est pas innée chez les socialistes où la culture des courants n’est pas la grande école de la discipline. Rester dix ans dans l’opposition n’est pas non plus la meilleure préparation aux affaires. On s’oppose. On travaille peu.
Jean-Marc Ayrault est sur la sellette. La presse en a fait son bouc émissaire. Les socialistes rappellent que les six premiers mois furent aussi terribles pour François Fillon, mais ça n’était pas le même cas de figure. Avec Nicolas Sarkozy, tout se décidait à l’Élysée, tout partait de lui. Son cabinet était une sorte de gouvernement bis avec des poids lourds : Raymond Soubie, pour le social, et Claude Guéant s’exprimaient à leur guise. Ce dernier avait donné une interview la veille de la déclaration de politique générale de François Fillon, qui l’avait très mal pris.
Du jamais-vu en effet ! L’Élysée lui pompait son oxygène. Pour la presse, il était “Mr. Nobody ”.
À contrario François Hollande laisse toute latitude à Jean-Marc Ayrault pour agir et s’exprimer. Il savait d’avance qu’il n’était pas un grand communicant mais quelqu’un de loyal qui ne guignerait jamais l’Élysée. Le chef d’état-major idéal.
On en arrive au problème de la gouvernance élyséenne. François Mitterrand réunissait chaque semaine le premier ministre, les présidents de groupe, le premier secrétaire pour caler l’action et la communication. François Hollande, lui, refuse par principe tout contact officiel avec eux. Il ne reçoit pas non plus les parlementaires. Vous vous souvenez de son « Moi, président […] ». Ce qui ne l’empêche pas de tirer les ficelles par des coups de téléphone tous azimuts. Jean-Marc Ayrault y perd son latin, d’où cette impression de flou. 

La dictature des Verts

Chaque jour, ils avancent leurs pions à défaut d’imposer leur loi. Qu’il s’agisse de la sortie du nucléaire, du débat qu’ils entendent imposer sur la drogue ou de leur critique obsessionnelle de la famille, leur influence se fait sentir à défaut d’être toujours décisive.
Mais qui sait vraiment ce qu’ils souhaitent en matière d’immigration, de défense ou d’entreprise ? Pour qui se donne la peine d’étudier leur programme – ce que Valeurs actuelles a fait cette semaine – , il saute aux yeux qu’aucun aspect de la vie en société n’est épargné. Leur diagnostic est total et leurs remèdes… totalitaires !
Quand le PS, par exemple, assouplit les conditions d’acquisition de la nationalité française pour les immigrés extra-européens, les Verts surenchérissent en prônant la “dépénalisation du séjour irrégulier”, ce qui implique une pleine ouverture des vannes ! Et ainsi de suite pour le logement, dont le prix au mètre carré serait autoritairement plafonné, ou pour les revenus, qui le seraient aussi, non moins autoritairement ! Certes, entre les préconisations des Verts et ce que décide le gouvernement, il y a une marge, heureusement appréciable. Mais que le PS ne soit nullement choqué de gouverner avec un parti qui arbore des propositions aussi authentiquement soviétiques n’est pas neutre. D’où l’intérêt de les exhumer quand, entre deux campagnes électorales, la mémoire s’estompe…

Les “faits divers” de Taubira

Les chrétiens d’Orient, notamment les orthodoxes, sont très attachés à la notion de générosité divine. Voilà pourquoi les prénoms Théodore ou Théodora (“cadeau de Dieu”) sont chez eux si populaires. Tournerais-je théologien ?
Non : j’ouvre le lecteur à l’idée que, pour les criminologues, Mme Taubira est un merveilleux cadeau de Dieu. Impavide catéchumène de la “culture de l’excuse”, notre garde des Sceaux va – involontairement bien sûr – susciter un maelström criminel et ainsi ruiner pour de bon cette idéologie pernicieuse.
Ce catéchisme de la “culture de l’excuse” débute par un rituel de conjuration (“pratique de magie consistant à frapper de nullité un fait qui dérange, en le proclamant mineur ou dérisoire”). Ce qu’il s’agit ici d’annuler, c’est le réel criminel, si impitoyablement contraire aux songes creux idéologiques.
Et de fait, quand le Monde l’interroge ce 20 septembre, Mme Taubira balaie d’une phrase primesautière la (timide) évocation de l’effervescence criminelle de cette rentrée 2012 : « On ne peut imaginer un monde sans faits divers. »
“Faits divers”, vous avez bien lu.
Plus loin, la garde des Sceaux enfonce joyeusement le clou : « Bien sûr qu’il y aura encore des faits divers. »
Mais à quelles broutilles, incidents ou anicroches Mme Taubira fait-elle ici allusion ? Quelle menue poussière la garde des Sceaux balaie-t-elle ainsi sous le tapis ? Voilà donc ce que sont, ces derniers temps, les “faits divers” de Mme Taubira :
À Échirolles (Isère), Kevin et Sofiane sont lynchés par une horde sauvage, massacrés de dizaines de coups de couteau et de marteau. Le ministre de l’Intérieur, lui, parle d’« actes barbares ».
Ailleurs en France, les fusillades mortelles se multiplient (à Mougins, Nice, Marseille, Vénissieux, en Corse, à Paris et en banlieue), avec, au choix, kalachnikov, revolvers, fusils à pompe. Et ça prolifère : Amiens a ainsi ses “règlements de comptes à la marseillaise”. Dans un jardin de Stains, un “détenu en fuite” s’entraîne paisiblement à la kalachnikov, avec l’aire de jeu pour stand de tir.
Au rayon braquages, on a l’embarras du choix : fourgons blindés, bijouteries, grandes surfaces… Sept hold-up en six mois à Limoges ! Une bijouterie deux fois braquée en trois semaines à Coudekerque-Branche.
Qui dit mieux ? À Marseille, entre deux flingages on braque même l’aéroport – des avions sur la piste, une première mondiale. Des Lituaniens attaquent une bijouterie à Monaco ; dans l’Est, des nomades balkaniques séquestrent des commerçants. À Carrières-sous- Poissy (Yvelines), la Poste refuse de livrer les colis dans un quartier dangereux.
Les cambrioleurs ne chôment pas non plus : les cambriolages sont en augmentation de 20 % à Manosque, des broutilles à côté de Concarneau (+ 70 %). Flairant l’enivrant parfum du laxisme, les cambrioleurs affluent de partout. Récemment, on a démantelé à Rennes une “filière de voleurs mongols” qui opéraient également à Tours.
Et la justice ? À Perpignan, le palais de justice est assiégé par une bande de racailles, tandis qu’à Grenoble un homme comparaît pour avoir violé son avocate. Une “malheureuse victime de l’exclusion et du racisme”, sans doute, ce violeur ? Non. Selon le psy, c’est plutôt une inquiétante « personnalité psychopathique, avec une absence d’empathie, une impulsivité et une violence sans limites ».
Et n’oublions pas les policiers et gendarmes rossés, voire écrasés volontairement, leurs voitures percutées par celles des bandits, ou incendiées, etc.
La criminalité en col blanc ? Pas terrible non plus : côté infractions à la carte de paiement, la France est la mauvaise élève de l’Europe. On signale en outre une explosion des cas de fraude identitaire et une prolifération des fausses plaques d’immatriculation.
Comment réagissent les Français à tout cela ? Ils sont “sous le choc”, expression qui revient quotidiennement dans les médias.
Venons-en au second volet de la “culture de l’excuse” : la pétition de principe, qui “conclut au fait désiré du seul fait qu’on le désire” (en bon français : prendre ses désirs pour des réalités).
Pétition n° 1 : sortons du “tout-carcéral”. Mais alors, et les 82 000 peines de prison ferme non exécutées ? Les milliers de malfaiteurs condamnés mais libres comme l’air ? Et dans le propre ministère de Mme Taubira, la Direction des affaires criminelles et des grâces voit le chiffre réel plutôt proche des 90 000 peines non exécutées…
Pétition n° 2 : plus de prison, mais des peines alternatives. Sauf que la Grande-Bretagne, premier État de droit d’Europe, sort de plusieurs années d’une telle politique, et que le résultat est désastreux ! Sur 172 910 condamnés à des community services, 43 000 ont récidivé ou déserté leur “travail d’intérêt général”, et 18 000 de ces condamnés “alternatifs” commettent un crime violent ou un viol dans l’année suivant cette sentence. Cela fait cinquante “faits divers” par jour... 

On revote quand ?

On revote quand ?


Ce gouvernement est parti à la dérive. Le discours pathétique de Jean-Marc Ayrault, les invectives pitoyables d’Harlem Désir au congrès du PS de Toulouse sont venus le confirmer : les socialistes se comportent encore comme un parti d’opposition qui continuerait à vouloir battre la droite au pouvoir…
En cinq mois, ils ont épuisé le crédit qu’ils avaient acquis par leur élection : les voilà (dernière enquête OpinionWay pour le Figaro) à la cote d’alerte : 36 % de satisfaits. Un électeur de François Hollande sur trois ne le suit plus ; 43 % des électeurs de Mélenchon et quasiment un électeur jeune sur deux ne lui font plus confiance. Qui se souvient encore d’avoir voté pour lui ? Ce ne sont ni le projet de loi pour le mariage homosexuel ni celui sur le droit de vote des étrangers qui lui permettront de reconquérir l’opinion. La droite fait bloc comme rarement.
Il est vrai qu’à défaut de choc de compétitivité, le choc fiscal a dépassé toutes les annonces de campagne, surtout lorsqu’il est associé au dénigrement orchestré des chefs d’entreprise, tandis que les projets de réformes de société ou d’éducation vont à peu près tous dans le même sens – la préférence immigrée (assistance médicale aux sans-papiers, régularisation par naturalisation), le détournement de la morale à l’école (sur la sexualité, l’usage des drogues, l’absentéisme), le dépérissement de la famille (depuis l’alourdissement de la fiscalité jusqu’à la mise en cause de l’autorité en passant par le mariage), sans négliger ces mesures partisanes et symboliques qui divisent, l’hommage rendu l’autre semaine aux victimes algériennes des manifestations du 17 octobre 1961 sans un mot pour les dizaines de milliers d’autres victimes du fait du FLN ce jour-là et tant d’autres jours, ou encore ce projet consistant à faire du 19 mars 1962 la date anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie, vieille revendication communiste, qui soulève la protestation de la plupart des anciens combattants.
C
ette accumulation a pour effet de crisper la société française, de dresser contre l’exécutif non seulement les patrons, grands ou petits, mais aussi les couches populaires, cette France travailleuse des maisons modestes et des pavillons qui n’aime pas voir son pays défiguré. La “droitisation” qui émeut tant M. Harlem Désir n’est que la conséquence de la politique Hollande-Ayrault conduite depuis leur arrivée aux affaires, laquelle ne rallie pas pour autant l’extrême gauche révolutionnaire qui se plaindra toujours.
Cette défiance généralisée débouche sur une question : quand retourne-t-on aux urnes ? Ici, il faut bien rappeler aux 500 000 ou 600 000 électeurs de droite, du centre ou de la droite extrême qui ont joué leur voix aux scrutins présidentiels et législatifs qu’ils ne peuvent pas être surpris par le pire puisque c’est cette politique qu’ils ont assumée. Les enjeux avaient été clairement exposés ; c’est d’ailleurs ce qui explique que l’écart entre Hollande et Sarkozy se soit autant resserré : 1,5 point entre eux au premier tour, à peine plus de 3 au second. Il y avait un rattrapage possible aux législatives ; là encore les mêmes – et d’autres – calculaient qu’il fallait laisser la gauche faire ses bêtises plutôt que de donner à Hollande une majorité qui l’en empêcherait. Ceux-là n’avaient sans doute pas imaginé l’ampleur de ces bêtises.
M
ais les institutions sont claires : la gauche est à l’Élysée et à Matignon pour cinq ans. Certes, Jean-Louis Borloo a été le premier à l’analyser publiquement : si les choses devaient continuer à se dégrader à cette allure, Hollande n’aurait qu’une issue pour retrouver de la légitimité : dissoudre. François Fillon n’est pas loin de le penser aussi. Et quand Copé se dit prêt à descendre dans la rue, c’est encore dans une telle perspective. Mais pourquoi dissoudre pour faire battre son propre parti (comme Chirac en 1997) ? Pour pouvoir ensuite se représenter “blanchi” par une cohabitation avec la droite (comme Mitterrand en 1988) ? Que l’électeur de droite, traumatisé par la défaite et révolté par la politique actuelle, veuille en découdre au plus tôt, on le comprend. Que les leaders de l’opposition l’entretiennent dans cet espoir, c’est naturel ; plutôt se mobiliser pour “résister” que baisser les bras.
Mais les seules élections prévues au calendrier sont celles de 2014, municipales, européennes, sénatoriales. D’ici là, le Conseil constitutionnel va nous donner d’autres occasions de voter, lors de ces élections partielles qui font suite à l’annulation de scrutins législatifs. Il y en a déjà trois, il y en aura peut-être plus. En janvier 1982, François Mitterrand, qui était au pouvoir depuis neuf mois, les perdit toutes.

Et une crise de plus

Et une crise de plus 


Parler de gros sous est toujours houleux. Surtout en Europe où, sans même évoquer la crise de l’euro, s’additionnent les égoïsmes nationaux. La nouvelle discorde porte sur le budget pluriannuel 2014-2020 de l’UE que les gros contributeurs, dont la France, veulent couper de 70 à 100 milliards par rapport au projet de la Commission (1 033 milliards d’engagement sur six ans).
Pour les Britanniques qui exigent aussi davantage de ristournes à leur profit (principalement payées par la France), cette ponction n’est pas encore suffisante : David Cameron, sérieusement mis en demeure par la Chambre des Communes, menace de son droit de veto au cas où les projections budgétaires dépasseraient les prévisions inflationnistes. Avec l’appui plus ou moins prononcé de la Suède, de la Finlande et des Pays-Bas….
Inutile d’insister sur l’europhobie du Royaume-Uni… Mais ailleurs aussi l’Europe (exprimée par son budget) n’est synonyme d’engagement politique que lorsqu’elle correspond à des avantages bien sentis. Par exemple, la France officiellement prête aux vertueuses mesures d’épargne, ne veut surtout pas qu’on touche à la Politique agricole commune ! Elle représentait encore en 2011 44 % des dépenses annuelles de l’UE. Une part qui devrait être rabaissée jusqu’à 33 % à l’horizon 2020, grâce à de vraies réformes à l’avantage des exploitations « raisonnées » et non des grands groupes agro-industriels ou des propriétés foncières de la famille royale britannique.
Les « riches » de l’UE (12 pays sur 27 sont contributeurs nets), tout en rognant de fait certains postes financièrement minimes (dont le très populaire programme d’échanges d’étudiants Erasmus) cherchent surtout à réduire la « politique de cohésion » (43 % du budget) en faveur du développement des pays du Sud et de l’Est. Au grand dam de ces derniers qui savent aussi peser très lourd, notamment la Pologne.
Bref, à la crise de l’euro toujours d’actualité, les Européens s’offrent le luxe d’ajouter une crise budgétaire avec, évidemment, un nouveau « sommet extraordinaire » le 22 novembre. Ses résultats font douter, malgré les efforts de l’Allemagne, partout en pointe.
Pourtant, il y a urgence. Après la présidentielle américaine, la spéculation financière risque de reprendre de plus belle. Et l’Europe, incapable de sortir de la crise de l’euro, incapable aussi de faire preuve de cohésion à tous les niveaux, se présente en cible privilégiée.

Les entreprises "malades de la peste"

La maladie dont souffrent nos entreprises, qui tue les unes et épuise les autres, c’est l’État, ses prélèvements obligatoires et ses réglementations paralysantes.
« Ils ne mourraient pas tous, mais tous étaient frappés ». Jean de La fontaine garde toute son actualité, avec sa fable sur « les animaux malades de la peste ». S’il revenait aujourd’hui il s’interrogerait sur « ce mal qui répand la terreur », sa métaphore animale visant cette fois les entreprises. Elles sont malades en effet, et tous les indicateurs sont dans le rouge. Mais toute maladie nécessite un diagnostic : cette peste dont souffrent nos entreprises, qui tue les unes et épuise les autres, c’est l’État, ses prélèvements obligatoires et ses réglementations paralysantes. Quant aux chefs d’entreprise, ils sont souvent considérés comme des pestiférés.

Pour aller plus loin, Hollande c'est l'IMBACILLITÉ au pouvoir
L’investissement productif en chute libre
La croissance a disparu des écrans radars ; l’INSEE l’a annoncé : 0% de réalisés ou de prévus pour chacun des quatre trimestres 2012 ; le FMI l’a confirmé : ce sera 0,1% en 2012 et 0,4% en 2013, mettant au passage à mal les hypothèses sur lesquelles le gouvernement a bâti son budget pour 2013.
Faut-il s’en étonner ? Au-delà des fantaisies sur les soi-disant moteurs de la croissance, il est évident que celle-ci ne peut venir que du secteur productif, c’est-à-dire des entreprises : ce sont elles qui créent des richesses. Or elles sont malades.
Elles renoncent à investir. L’investissement des entreprises, l’investissement productif, va diminuer en un an de 0,2%, avec une accélération de la chute : - 0,4% au troisième trimestre et - 0,7% au quatrième. Or l’investissement d’aujourd’hui, c’est la production et l’emploi de demain : sans investissement, l’entreprise ne peut créer de richesses nouvelles et ne peut se développer. C’est l’investissement qui prépare l’avenir.
Les investissements sont découragés par les incertitudes étatiques
Pourquoi cette chute accélérée ? Pour investir, il faut le vouloir et le pouvoir. Pour cela il faut d’abord bénéficier d’une certaine visibilité. La vie économique est faite d’incertitudes et c’est le rôle des entrepreneurs que d’anticiper, de prévoir les besoins et les marchés de demain, de créer ce qui n’existe pas encore et donc d’innover. Les entrepreneurs savent le faire, en utilisant toute l’information qu’ils perçoivent avant d’autres, infiniment mieux que ne pourrait le faire un bureaucrate, ne serait-ce que parce que leur rémunération en dépend.
Ce que les entrepreneurs ne peuvent pas faire, c’est gérer les incertitudes artificielles créées par les gouvernements. Comment anticiper si on ne sait pas si demain le pouvoir se met à inventer plusieurs impôts, plusieurs réglementations, qu’il s’agisse de lois « sociales », de règles administratives, de contrôle des prix, de fixation arbitraire du SMIC, etc. Le niveau des prélèvements ou des réglementations est une chose, mais l’incertitude en est une autre, peut-être encore pire, car elle vient déjouer tous les projets, même les plus innovants.
Si les entrepreneurs hésitent à investir, c’est en raison de ces incertitudes artificielles. Les réactions des « pigeons » en sont un exemple. Il n’y a rien de pire que de changer les règles du jeu au milieu de la partie.
Les marges des entreprises sont au plus bas
Mais pour investir, il faut aussi en avoir les moyens.
C’est d’abord le profit qui sert à financer l’investissement : l’autofinancement est la formule la plus économique. On se souvient de la formule de l’ancien chancelier social-démocrate d’Allemagne, Helmut Schmidt : « les profits d’aujourd’hui font les investissements de demain, et les emplois d’après demain ».
Or le profit est présenté en France comme illégitime, douteux dans ses origines et dans ses utilisations. Le profit, c’est le mal, c’est l’exploitation. Bienheureuses les pertes ! Donc il ne faut pas hésiter à le surtaxer. Dans ces conditions, faut-il s’étonner que le résultat d’exploitation soit réduit au minimum ? Le taux de marge a baissé depuis deux ans ; il était de 30,5% avant la crise et il sera l’an prochain à 27,7%, taux le plus faible depuis 1985. Le résultat d’exploitation de l’industrie, à mi-2012, en rythme annuel, était de 49 milliards d’euros en France contre 184 en Allemagne.
Faute de profits, les entreprises pourraient emprunter davantage. Pourquoi ne pas profiter des taux d’intérêt assez faibles ? Le financement externe est utile pour des entreprises qui veulent se développer rapidement. Mais il a un coût, il est difficile de s’endetter plus en période d’incertitude, notamment fiscale, et l’épargne disponible est largement détournée de son utilisation dans les entreprises, au profit de l’État : le financement de la dette publique vient concurrencer celui des entreprises, et l’État ne se prive pas d’accorder à ceux qui lui prêtent des avantages substantiels.
Dernier avatar dirigiste : la création de la Banque Publique d’Investissement, qui drainera vers les décideurs publics toute l’épargne des livrets A. L’argent disponible pour les entreprises est ainsi confié aux inspecteurs des finances, bien plus intelligents – cela va de soi – que de simples entrepreneurs ou de pauvres banquiers.
L’impôt donne le coup de grâce
L’épisode récent de la taxation des plus-values, qui a provoqué la révolte des Pigeons, illustre l’ignorance de la classe politique de tout ce qui touche à l’entreprise, et en particulier à une start-up. Le choix du gouvernement Ayrault, pour le budget 2013, d’augmenter fortement le poids des impôts, au lieu de réduire les dépenses publiques, va provoquer un effondrement de l’investissement l’an prochain.
Mais il n’y a pas que l’impôt. La question du coût du travail est elle aussi essentielle, et le poids des charges sociales vient peser lourdement sur la rentabilité des entreprises. Notre « chère sécu » ruine nos entreprises.
L’ouverture internationale oblige nos entreprises à s’adapter et à faire des gains de productivité ; c’est heureux et le vent du grand large est profitable et stimulant. Mais dans une économie paralysée par les réglementations, où les entreprises ne peuvent s’adapter, où tout est contrôlé, où des prix sont figés ou sont de faux prix, où le salaire minimum ne cesse de grimper, où le licenciement est si complexe qu’il est impossible ou ruineux, les entreprises ont du mal à faire les gains de productivité nécessaires. Nous ne cessons de perdre des parts de marché à l’exportation. Elles se contentent alors, faute de pouvoir s’adapter, de rogner sur leurs marges de profits, donc sur l’investissement futur.
« Laissez-nous faire ! »
Il y a une incohérence à prétendre d’une part vouloir stimuler la croissance, en poussant nos partenaires à adopter un pacte de croissance reposant sur des redéploiement de crédits publics, ce qui a échoué partout, et d’autre part prétendre renforcer la compétitivité en reportant les charges sociales sur d’autres. Seules la réduction des dépenses publiques et la baisse des taux d’imposition pourraient provoquer le choc de compétitivité nécessaire.
Toutes nos entreprises sont frappées, même si certaines sont plus malades que d’autres ; les pseudo-remèdes et bricolages étatiques n’y changeront rien ; la peste, c’est l’interventionnisme étatique et l’hyper-fiscalité. Pour en sortir, les entreprises n’ont besoin que de liberté. « Laissez-nous faire » est le cri unanime des entrepreneurs d’aujourd’hui. La liberté est le seul remède contre la peste de l’étatisme.

Baverez : "Un nouveau capitalisme plus solidaire"

Dans la foulée de La Cité de la réussite, forum consacré au thème du partage, l’économiste et historien Nicolas Baverez revient sur la nécessité d’inventer un nouveau capitalisme et sur les dangers qui guettent la France.

Vous appelez, dans votre dernier livre*,  les Français à se réveiller face à un moment clé de l’Histoire. Est-ce si grave?
Trois crises majeures restent devant nous : 1. La crise du capitalisme mondialisé, qui a été contenue à grandpeine par la politique économique depuis 2008. Le décollage des pays émergents s’est considérablement ralenti, ramenant le taux de croissance de l’économie mondiale à 2,5 %. Face à eux, les pays développés ne disposent plus de marges de manœuvre en raison d’un niveau d’endettement sans précédent des États, de l’installation durable des taux zéro et du gonflement du bilan des banques centrales. 2. La crise de la zone euro, qui cumule la récession, le chômage de masse et une menace sur la survie de la monnaie unique. 3. La crise française est en passe de s’emballer, avec l’effondrement de notre appareil productif et de la compétitivité de notre territoire.
Peut-on inventer un nouveau capitalisme?
La solution des grandes crises passe toujours par la transformation du capitalisme. L’invention du salariat a permis de sortir de la grande récession de la fin du XIXe  siècle ; la régulation keynésienne et l’État providence, de surmonter la déflation des années 1930; la mondialisation, de dépasser les chocs pétroliers des années 1970. Les problèmes du capitalisme d’aujourd’hui ne pourront pas être résolus sans un changement des modèles économiques et sociaux, des innovations technologiques et des changements profonds dans les institutions, les normes, l’éthique des dirigeants.
L’avenir du capitalisme, c’est la solidarité?
La mondialisation dérégulée est morte. Le capitalisme universel doit s’appuyer sur une coopération entre des grands pôles et un réseau d’agences internationales spécialisées dans la gestion des grands risques : financiers, environnementaux, technologiques, sanitaires… Il existe un vrai potentiel de croissance avec la nouvelle classe moyenne des pays émergents qui rassemble 1 milliard d’hommes et en comptera 2,5 milliards dans vingt ans, avec l’économie de la connaissance et les activités liées à l’environnement.
Ce nouveau capitalisme ne s’oppose-t-il pas à l’idée d’une "démondialisation" qui a gagné en popularité pendant la présidentielle?
La réponse protectionniste est un contresens complet. Elle est le meilleur moyen de relancer une grande déflation mondiale comme dans les années 1930. Les mots clés du capitalisme qui émergera de la grande crise actuelle sont productivité, réformes et coopération en Europe comme dans le monde. Pour la France en particulier, le protectionnisme serait suicidaire. Nous ne pouvons maintenir ni notre appareil de production, ni notre niveau de vie, ni notre protection sociale à partir d’un marché national de 65 millions d’habitants.
Le rapport Gallois, déjà mort-né, a-t-il livré tous ses secrets?
Il est sans précédent de voir un gouvernement condamner les conclusions d’un rapport qu’il a lui-même commandé avant même sa publication. Cela dénote de la persistance du déni concernant le déclin de la compétitivité des entreprises et du territoire français. Je ne connais du rapport Gallois que ce qui en a été dévoilé dans la presse, mais il proposait une stratégie globale de redressement qui allait dans le bon sens, en cumulant un choc de 30 milliards de baisse des coûts des entreprises et un effort de long terme sur la compétitivité structurelle : l’investissement, l’innovation, les filières de production. Avec sa mise à l’écart tout comme celle du rapport de la Cour des comptes qui offrait des clés pour relever nos finances publiques à travers un effort de 120 milliards d’euros sur cinq ans, nous perdons nos dernières chances de moderniser notre modèle économique et social avant la sanction prévisible des marchés.
La France sera-t-elle néanmoins au rendez-vous de l’Histoire?
Non, elle sera au rendez-vous de la récession! Elle est en croissance zéro depuis 2011. La richesse nationale a chuté de 2% et la production industrielle de 10 % depuis 2007. Le revenu par habitant est inférieur à la moyenne de l’Union et le pouvoir d’achat diminue. Le chômage réel touche 5 millions de personnes si l’on intègre les travailleurs exclus. Les profits, les investissements et la recherche des entreprises sont à un plus bas historique. La dette publique atteint 91% de notre produit intérieur brut. En bref, l’économie française est en train d’être happée par une spirale déflationniste. Depuis 2011, elle subit un choc fiscal sans précédent de 65 milliards d’impôts, soit 3 % de la richesse nationale, qui va lui porter le coup de grâce en transformant la stagnation en récession.
Quelles réformes devrions-nous engager?
La priorité absolue, c’est un nouveau pacte productif qui passe par le relèvement de la durée du travail, préférable à la baisse des revenus, la diminution du coût du travail à travers la réduction des charges, les coupes dans les dépenses publiques improductives. Seul un choc de compétitivité peut nous permettre de lutter contre le chômage et le désendettement. Ce pacte doit avoir pour pendant un pacte social qui donne plus de flexibilité à l’emploi et plus de sécurité aux travailleurs français. C’est la condition pour enrayer l’inégalité croissante qui résulte de l’hyperprotection des uns compensée par l’exclusion des autres, à commencer par les jeunes, les immigrés et leurs descendants.
Quels sont nos atouts?
Notre démographie et notre main-d’œuvre, nos talents et cerveaux, nos entreprises engagées souvent avec succès dans la compétition internationale, nos infrastructures, une partie de nos services publics, notre patrimoine et notre culture, notre place centrale dans le grand marché européen. La particularité française, c’est que les fléaux de la sous-compétitivité, du chômage de masse et du surendettement de l’État ne remontent pas au choc de 2008 mais à trois décennies de croissance à crédit. Il ne dépend que de nous de cesser de dilapider nos atouts.
Le choix du prix Nobel d’économie 2012 vous surprend-il?
Il s’inscrit dans le droit fil de ce temps des crises. Lloyd Shapley et Alvin Roth ont été distingués pour leurs travaux sur l’ajustement de l’offre et de la demande en l’absence de prix. C’est précisément la situation qu’ont connue les marchés financiers au lendemain de la faillite de Lehman Brothers, en septembre 2008. Plus largement, leurs travaux sont fondamentaux pour comprendre le capitalisme universel du XXIe  siècle qui superpose des marchés mondiaux, un système multipolaire, des valeurs et des institutions très différentes. Ces empilages créent des risques de défaillance ou d’effondrement des marchés qu’il faut connaître et prévenir.
* Réveillez-vous !, Fayard, 180 p., 11,90 euros.

Les Juifs sont-ils partout ?

Les Juifs sont-ils partout ?


Hollande et Nétanyahou ont rendu hommage aux enfants juifs assassinés par Merah. Un prétexte pour faire ressurgir le vieux reproche de double allégeance.

Avant de se rendre à Toulouse le président de la République et le Premier ministre israélien se sont livrés à une (toute petite) passe d'armes. Hollande a dit que les Juifs français avaient toute leur place en France. Nétanyahou a affirmé qu'ils avaient toute leur place en Israël. Une déclaration critiquée car elle impliquerait un manque de fidélité patriotique de la part des Juifs.
Pour ce qui est du patriotisme il faut raison garder. On n'a pas entendu en effet de rappeur juif chantant "nique la France" (j'ignore comment cela se dit en hébreu ou yiddish). On n'a pas vu non plus de drapeaux français arrachés des frontons des mairies pour être remplacés par le blanc et bleu des couleurs israéliennes. On n'a pas enfin sifflé la Marseillaise lors de matchs de foot avec des équipes israéliennes, les supporters d'origine juive étant pourtant réputés aussi excités que les autres.
Reste qu'il arrive, rarement il est vrai, qu'on croise des Juifs portant sur leurs épaules le drapeau avec l'étoile de David. Cela choque certains. Double allégeance ? La vérité oblige à dire qu'il n'y eut aucun drapeau de ce type place de la Concorde le soir de l'élection de François Hollande. En revanche on put observer la présence de drapeaux algériens, tunisiens et marocains. Cela ne choqua personne. La double allégeance est, comme chacun sait, une spécialité juive au même titre que le foie haché et la carpe farcie…
Les Juifs ont toutefois un privilège qui n'est pas accordé à tout le monde : la loi du retour qui leur ouvre les portes d'Israël. Certains d'entre eux en usent. Ils sont chez eux en Israël (comme dit  Nétanyahou). Ils sont aussi chez eux en France (comme dit Hollande). Mais ils ne sont plus partout. Nombre de Juifs ont en effet déserté le 93, les cités du nord de Marseille, certains quartiers d'Amiens, de Roubaix et, évidemment, de Toulouse où Mohamed Merah fait figure de héros.
Ils habitaient là bas parce qu'ils n'étaient pas riches (eh oui, il y a des Juifs pauvres). Ils sont partis. Quelques-uns pour Israël. Un privilège dont sont privés ceux qu'on appelle les "Français de souche" obligés de rester dans des coins où les "céfran" ne sont pas mieux traités que les Juifs. Si c'est tout ce qu'on peut reprocher aux Juifs…

Balkans: ces Bulgares qui envient les Grecs

Grâce à de faux certificats de résidence, des milliers de Bulgares qui ont travaillé quelque temps en Grèce tentent d'obtenir une retraite grecque.
Qui aurait imaginé que le sort des retraités grecs, souvent présentés comme les plus touchés par la crise, puisse encore faire des envieux? C'est pourtant le cas pour bon nombre de leurs voisins balkaniques, Bulgares et Roumains. Ils seraient des milliers à avoir récemment déposé des demandes de mise à la retraite auprès de l'Ika-Etam, le plus important fonds de pension privé grec. Anciens travailleurs saisonniers ou précaires, ils espèrent ainsi décrocher une pension minimale, soit 486 euros, une somme astronomique en Bulgarie où la retraite moyenne dépasse rarement la centaine d'euros.
" Il n'y a rien de mal à cela. Simplement, certains ont compris qu'il leur suffisait, du fait des règles en vigueur dans l'Union européenne, d'avoir cotisé quelques mois en Grèce, pour pouvoir prétendre à ce minimum. La nouvelle s'est ensuite propagée comme une traînée de poudre parmi tous ceux qui avaient été employés chez notre jadis opulent voisin du Sud ", explique passablement amusé un fonctionnaire du Ministère des Finances bulgare. Si leur dossier est accepté, ces retraités transfrontaliers peuvent également déposer en Grèce une demande pour une allocation supplémentaire de 230 euros, destinée aux plus démunis. De quoi mener une "vie de pacha" dans un pays où le salaire minimum ne dépasse pas 135 euros, si l'on en croit un quotidien populaire de Sofia , lequel s'est fait un plaisir de dénicher quelques uns de ces petits malins qui vivent en Bulgarie tout en percevant leur retraite grecque.
Certes selon la législation grecque, il faut aussi résider de façon permanente dans le pays pour pouvoir percevoir sa retraite et des aides sociales. Mais les resquilleurs semblent avoir trouvé la parade. Selon le quotidien économique grec Imerisia, des fonctionnaires véreux délivreraient régulièrement de fausses attestations de résidence à des étrangers en échange de pots-de vins. Les enquêteurs de l'Ika auraient ainsi découvert que plusieurs de ces retraités transfrontaliers étaient domiciliés à la même adresse. Certains, en outre, parviennent à toucher des sommes qui n'ont rien à avoir avec le nombre de leurs années de cotisation. Le journal décrit ainsi le cas d'une Bulgare de 66 ans arrivée l'année dernière en Grèce mais qui, selon son dossier, totaliserait déjà 25 ans de cotisations à l'Ika. Une erreur de comptabilité, sans doute...