TOUT EST DIT

TOUT EST DIT
ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

dimanche 30 septembre 2012

D’où vient le malaise ? 


Quelque chose cloche : c’est l’impression que l’on ressent après l’annonce du budget 2013. Les choix, pourtant, peuvent apparaître courageux et incontournables.
Courageux parce que la gauche, souvent accusée d’être dispendieuse, assume totalement le tournant de la rigueur.
Incontournables parce que notre pays est en « en situation de faillite » : un diagnostic établi par François Fillon, alors Premier ministre. De droite. C’était en septembre 2007 et depuis, la situation a empiré.
30 milliards d’économies à la clef : l’addition présentée hier, est très lourde. Le gouvernement espère que les répercussions négatives seront limitées parce qu’il « charge » davantage les foyers les plus aisées et les entreprises les plus grandes. Pas illogique pour un président socialiste, qui n’avait pas fait mystère de ses intentions durant la campagne électorale. Et défendable, en théorie : s’en prendre aux revenus faibles ou moyens affecte directement la consommation, alors que les plus riches, eux, peuvent ponctionner leur épargne. Préserver, relativement du moins, les PME laisse intact leur potentiel d’embauches.
Si l’on admet une certaine cohérence d’ensemble, d’où vient alors le malaise ?
D’abord de la multiplicité des taxes et des impôts. On a coutume de dire que dans le domaine de la fiscalité, « mieux vaut en mettre une seule grosse louche qu’un millier de cuillères ». Dans ce budget, les cuillères sont innombrables et l’on garde le sentiment que d’autres louches sont à venir.
L’incrédulité provient ensuite d’un autre engagement pris par le chef de l’État : celui d’inverser la courbe du chômage dès l’an prochain. Objectif impossible à tenir avec un budget qui contractera forcément l’activité économique.
Ou le chef de l’État se voile la face, ou il fait un hasardeux pari : si la crise européenne est surmontée, l’économie peut repartir, permettant ainsi d’atteindre, malgré tout, cet improbable double objectif. Si, au contraire, la situation s’aggrave sur Vieux Continent au point de tourner au marasme, c’est toute l’Union européenne qui devra remettre à plat sa stratégie économique et miser sur une relance.
C’est ce non-dit qui laisse planer le doute sur la stratégie élyséenne et gouvernementale.

Panne sèche 


En général, un médecin, après avoir pris le pouls d’un patient, prescrit un remède. Le docteur Hollande, chargé de soigner les maux de la France et notamment ceux de son industrie automobile malade, a préféré, lors de sa visite du Mondial, vendredi à Paris, fixer un nouveau rendez-vous avant d’annoncer la teneur de l’intervention chirurgicale pourtant indispensable. Seulement venu, donc, pour « prendre le pouls » des industriels de la filière, le président de la République a ainsi repoussé à la fin de l’année l’annonce de mesures structurelles. Encore une occasion manquée et trois mois de retard supplémentaires. Un mal bien français.
Mais à quoi donc a pu servir la table ronde organisée autour du président de la République ? À seulement « évoquer les problèmes de compétitivité, les moyens de structurer la filière et d’accélérer les programmes de recherche » ? S’il s’agissait seulement de cela, le président de la République n’avait pas besoin de réunir autour d’une même table les patrons de PSA Peugeot Citroën, Renault et Michelin. Il lui suffisait de lire la presse.
Plus grave, pendant ce temps-là, les mauvaises nouvelles s’enchaînent. Un jour, c’est Sochaux, le lendemain Mulhouse… Jusqu’au stade ultime symbolisé par Aulnay.
Après avoir bricolé à la hâte un « plan de soutien » à la filière, l’exécutif avait une occasion rêvée de dire comment il entend sauver, le mot n’est pas trop fort, l’industrie automobile française. Au lieu de quoi François Hollande s’est contenté d’encouragements. Ce gouvernement manque-t-il donc tant d’idées, de volonté, ou des deux ? Cinq mois après le retour de la gauche aux affaires, l’industrie française en est à attendre un rapport Gallois dont on sait déjà qu’il pointera, entre autres, le poids des charges et la rigidité de l’organisation du travail parmi les faiblesses du modèle français. Puis viendront les consultations, la concertation… Ce n’est pas parce que la droite a tout fait pour retarder la divulgation des mauvaises nouvelles au lendemain des échéances électorales du printemps que la gauche doit sans cesse repousser les décisions. La politique de la panne sèche ne mène nulle part. Si le gouvernement refuse la baisse des charges, de 5 à 10 %, réclamée par les industriels, qu’il le dise. S’il est d’accord, qu’il le fasse. Mais qu’il agisse ! Car le temps presse.

Valls sans hésitation


Dans une rentrée gouvernementale plombée par les dossiers sociaux, un budget de rigueur et l'adoption du Traité européen, un ministre demeure immaculé, voire accroît sa popularité : Manuel Valls. Son ascension n'a pourtant rien d'évident, vu le contexte. Et au vu de son propre itinéraire. Voilà douze mois, c'était un concurrent minoritaire de François Hollande aux primaires du PS. Battu, il réussit un premier rétablissement en squeezant les « hollandais » historiques pour devenir l'un des hommes forts de la campagne présidentielle, directeur de la communication omniprésent. Nouvelle réussite lors de l'attribution des maroquins ministériels, où il devance un autre « hollandais », François Rebsamen. Depuis son arrivée place Beauvau, il a soigné sa différence - et sa marque - via l'abandon du récépissé de contrôle pour les policiers, la poursuite des expulsions de roms ou à une récente sortie contre les « intégristes musulmans ». Sans tomber dans la « paresse intellectuelle » - qu'il dénonce dans l'interview qu'il nous accorde ce jour - consistant à le classer « à droite », il faut convenir que son positionnement singulier se renforce. Celui qui s'est affiché « blairiste », paraît mêler le rocardisme de ses origines à un républicanisme qui renvoie plus à un Clémenceau qu'aux figures classiques du panthéon de la gauche. Son engagement à rendre la gauche « plus efficace que la droite en matière de sécurité » a valeur de ligne politique. Il peut aussi être pris comme un challenge face à l'un de ses prédécesseurs à l'Intérieur à qui son parcours fait de plus en plus songer : Nicolas Sarkozy. Pas sûr que cela lui déplaise tant que ça.

NOUVEL HYMNE NATIONAL

Ah ! ça ira, ça ira, ça ira,
Le peuple en ce jour sans cesse répète,
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira,
Malgré les mutins tout réussira.
Nos ennemis confus en restent là
Et nous allons chanter « Alléluia ! »
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira,
Quand Boileau jadis du clergé parla
Comme un prophète il a prédit cela.
En chantant ma chansonnette
Avec plaisir on dira :
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira !
Suivant les maximes de l’évangile
Du législateur tout s’accomplira.
Celui qui s’élève on l’abaissera
Celui qui s’abaisse on l’élèvera.
Le vrai catéchisme nous instruira
Et l’affreux fanatisme s’éteindra.
Pour être à la loi docile
Tout Français s’exercera.
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira !
Pierrette et Margot chantent la guinguette
Réjouissons-nous, le bon temps viendra !
Le peuple français jadis à quia,
L’aristocrate dit : « Mea culpa ! »
Le clergé regrette le bien qu'il a,
Par justice, la nation l’aura.
Par le prudent Lafayette,
Tout le monde s’apaisera.
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira,
Par les flambeaux de l’auguste assemblée,
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira,
Le peuple armé toujours se gardera.
Le vrai d'avec le faux l’on connaîtra,
Le citoyen pour le bien soutiendra.
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira,
Quand l’aristocrate protestera,
Le bon citoyen au nez lui rira,
Sans avoir l’âme troublée,
Toujours le plus fort sera.
Petits comme grands sont soldats dans l’âme,
Pendant la guerre aucun ne trahira.
Avec cœur tout bon Français combattra,
S’il voit du louche, hardiment parlera.
Lafayette dit : « Vienne qui voudra ! »
Sans craindre ni feu, ni flamme,
Le Français toujours vaincra !
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira !
Les aristocrates à la lanterne,
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira !
Les aristocrates on les pendra !
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira !
Les aristocrates à la lanterne.
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira !
Les aristocrates on les pendra.
Si on n’ les pend pas
On les rompra
Si on n’ les rompt pas
On les brûlera.
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira,
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira,
Nous n’avions plus ni nobles, ni prêtres,
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira,
L’égalité partout régnera.
L’esclave autrichien le suivra,
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira,
Et leur infernale clique
Au diable s’envolera.
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira,
Les aristocrates à la lanterne ;
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira,
Les aristocrates on les pendra ;
Et quand on les aura tous pendus,
On leur fichera la paille au c...,
Imbibée de pétrole, vive le son, vive le son,
Imbibée de pétrole, vive le son du canon.
Couplets improvisés dans la matinée au champ-de-Mars, pendant une averse :
Ah ça ira, ça ira, ça ira !
En dépit d'z aristocrat' et d'la pluie,
Ah! ça ira, ça ira, ça ira !
Nous nous mouillerons, mais ça finira.
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira !
On va trop bien l'nouer pour que ça s'délie,
Ah ! ça tiendra ! ça tiendra ! ça tiendra !
Et dans deux mille ans on s'en souviendra3!

Lettre de Charlie Hebdo à M. Mohammed Moussaoui, Président du CFCM (Conseil Français du Culte Musulman

 Monsieur Moussaoui,

La publication du  numéro de "Charlie Hebdo" représentant Mahomet vient de donner lieu une fois encore à des représailles lamentables de la part d'individus décidément bien peu éclairés que, au titre de Président du CFCM, vous avez le devoir de canaliser
Dans "Le Monde" paru ce mercredi vous affirmez ne pas voir de lien entre les élections en Tunisie et en Libye et l'outrage caricatural nous rappelant tant bien que mal ce qu'est la charia, ou tout au moins sa partie la plus spectaculaire pour Le citoyen français de base peu au fait de ce qui se passe sur son Sol.
Je vous tiens pour quelqu'un d'intelligent et de cultivé, vous devez donc savoir qu'en France la caricature est une tradition très ancienne et un art très prisé, qu'aucun sujet n'y échappe et surtout pas un sujet d'actualité, et l'instauration de la charia sur un sol resté longtemps laïque est un sujet suffisamment grave et inquiétant pour ne pas faillir à la règle. La charia, l'islam, n'ont pas à faire exception à cette règle.
La charia est un système archaïque fondé il y a 14 siècles, profondément odieux, sexiste, rétrograde, discriminant et antidémocratique. Dénoncer ce système par la caricature est un procédé visant à en montrer toute l'abjection.
- Condamner la charia, Monsieur, est un acte de salubrité publique nécessaire à la démocratie dont vous profitez puisque c'est en France que vous vivez en toute liberté. 
 - Jouiriez-vous de la même liberté au Maroc ? J'en doute fort sinon comment expliquer la présence aussi énorme de Marocains abandonnant le Maroc pour la France ? C'est bien que l'air y est plus doux et plus libre ici
- Cette charia prônée par Le Coran et faisant partie intégrante de l'islam (le Coran est la base de l'islam, l'islamisme n'en étant que son expression la plus spectaculai-rement virulente) il est hautement souhaitable de s'en inquiéter, d'autant qu'une bonne partie de ceux qui ont permis ce désastre antidémocratique vivent sur notre sol et que des élus « dhimmis »  comme les nomme votre dogme   appellent de leurs voeux le droit de ces promoteurs charia-mistes de se présenter à des élections avec les conséquences terribles qu'on imagine.
- Vous déclarez que « Pour les musulmans, le simple fait de caricaturer le prophète est, en soi, inacceptable et blessant ». Blessant je le conçois mais inacceptable ? 
 - Ce qui est inacceptable c'est d'interdire le divorce y compris en France, 
 - Ce qui est inacceptable c'est d'autoriser la polygamie y compris en France, 
- Ce qui est inacceptable c'est de considérer que la femme est inférieure à l'homme y compris en France, 
 - Ce qui est inacceptable c'est d'enfermer les femmes sous des linceuls noirs y compris en France, 
 - Ce qui est inacceptable c'est de refuser à la femme d'épouser l'homme de son choix pour - Ce qui est inacceptable c'est qu'il existe un  « Conseil Européen de la Recherche et de la Fatwa décrétant les fatwas ayant pour vocation d'être appliquées en France ».
 - En France aucune loi ne punit le blasphème, comme l'a d'ailleurs démontré la récente affaire du Coran brûlé et qui a vu la relaxe de l'incendiaire. En conséquence en France, Monsieur Moussaoui, il est permis de brûler un Coran si on le souhaite et de caricaturer et de se moquer d'un prophète, fût-il le vôtre.
 - Les différentes manifestations hostiles à cette publication de Charlie Hebdo n'ont pas manqué de fleurir sur les forums, certains insultant copieusement les Français, d'autres réclamant à grands cris des caricatures de « juifs de 40 », ce qui semble assez loin de votre souhait d'un « désaccord exprimé dans le respect des Lois et de l'intégrité des personnes ». 
 - Vous devriez d'ailleurs rappeler à vos coreligionnaires si bienveillants et aimants envers les citoyens qui les accueillent, que la fête de l'Aïd el-Adha qu'ils vont fêter dans quelques jours est un vibrant hommage à Abraham, un Juif ! À mon avis, certains doivent ignorer ce détail au vu du niveau intellectuel remarquablement bas de leurs commentaires.
 - Dans votre interview, une phrase m'interpelle tout particulièrement « Dans le même temps, ils doivent accepter et comprendre que dans nos sociétés le rapport au sacré n'est pas le même pour tous ». J'aimerais savoir de quelle société vous parlez ? Est-ce la société musulmane, la société française, la société marocaine ?
 - Si c'est la société marocaine, c'est que vous ne vous sentez pas Français. Si c'est la société musulmane c'est que vous ne vous sentez pas démocrate et si c'est la société française, je vous rappelle qu'elle n'a aucun rapport au sacré puisque séparée du religieux depuis qu'une célèbre loi de 1905 en a décidé ainsi, ce que manifestement, malgré votre récente naturalisation, vous ne semblez pas avoir encore bien intégré.
 - D'ailleurs, dans votre document répertoriant les différents abattoirs pour l'Aïd, vous illustrez parfaitement la difficulté que vous et vos coreligionnaires avez à vous considérer comme des citoyens français à part entière puisque vous adressez vos voeux aux « musulmans de France » et non pas aux musulmans français.
- Je vous invite donc vous et vos coreligionnaires « de France » à vous interroger sur votre rôle dans notre société française, sur votre capacité à adhérer à nos valeurs laïques et démocratiques et sur votre capacité à pratiquer l'autodérision car décidément, je vous trouve très coincés du turban.
 - J'attends avec impatience votre rapport sur les actes islamophobes que vous avez recensés et ne manquerai pas de compiler de mon côté les actes francophobes que je me ferai un plaisir de vous transmettre à mon tour. 
 - Par ailleurs, en cherchant (vainement) vos coordonnées, je tombe à l'instant sur un article du site  cfcm.tv   particulièrement insultant pour les citoyens français. Je suis très choquée par les relents de xénophobie de cet article dans lequel il est question de la France qualifiée de «  République malade et satanisée  », de «  protection bienveillante d'un pouvoir occulte «  qui trouve toute sa jouissance dans le spectacle du malheur d'une frange indésirée de sa population  », de  « la France victime de son arrogance et de son orgueil ».
 - En tant que représentant des musulmans en France, vous seriez bien inspiré de veiller à ce que le pays qui vous accueille et qui vous a accepté comme citoyen ne soit pas insulté et traîné dans la boue par votre communauté, car si la loi sur le blasphème n'existe pas, la loi sur la diffamation existe bel et bien. 
 - Je vous prierai donc de faire en sorte que cet article injurieux soit rectifié afin de ne pas créer davantage de tensions.
 Veuillez agréer, Monsieur Moussaoui, mes  salutations définitivement laïques.


Caroline Alamachère.


Budget 2013 : François Hollande, assassin des startups analyse plus percutante

Avec la mise en place d'une fiscalité qui punit la prise de risque, François Hollande est en train de tuer les startups.
Jean-David Chamboredon, capital-risqueur très actif dans le financement des startups, que j'ai bien connu il y a quelques années, publie cette tribune dans La Tribune .
"Pas mécontent" de payer des impôts et favorable à un ISF modéré, Jean-David n'est certes pas un libéral extrémiste. Il a peut-être même voté Hollande ?
Chamboredon proteste néanmoins, poliment, contre la taxation confiscatoire des plus-values sur le capital, qui va atteindre avec Hollande le taux incroyable de 60%. Les taxes sur l'immobilier et les œuvres d'art ne bougent pas, mais haro sur l'entrepreneur.
Ce gouvernement socialiste, gouvernement de professeurs et de fonctionnaires totalement ignorant de l'économie réelle, achève de tuer une économie française déjà mal en point.
Je ne connais pas un seul fondateur de startup qui acceptera l'idée que, en créant une entreprise dans laquelle il va investir toutes ses économies et des années d'efforts, souvent sans se payer, il donnera à l’État 60,5% de son gain quand il vendra sa boite s'il réussit. Il faut savoir que 9 startups sur 10 échouent, et dans ce cas personne ne rembourse le fondateur.
Ensuite, sur les 39,5% qui lui resteront, il paiera 1 à 2% par an, tous les ans, c'est l'ISF.
Et quand il mourra, l’État prendra 45% de ce qui reste.

In memoriam.
Il n'y aura bientôt plus de startups en France.

Le libéralisme, une réponse à la crise ?

À la suite de l'intéressant billet de Pierre Chappaz sur son blog, il m'a posé, ainsi qu'aux quelques blogs libéraux de la toile, la question suivante : "Pourquoi le libéralisme est LA réponse à la crise". Mais avant de répondre à la question de Pierre, revenons un peu sur le propos de son billet...

Une blogosphère essentiellement à gauche

En quelques lignes, Pierre dresse le constat suivant : les blogs gauchistes ont pris cette habitude, pendant le quinquennat de Sarkozy, de se linker joyeusement les uns et les autres, et d'utiliser les facilités techniques ainsi que leurs penchants naturels au panurgisme pour relayer bruyamment leurs productions. Ce bel effort d'ensemble aura permis de propulser quelques blogs dans le haut des classements réguliers de la blogosphère politique française, nonobstant leur qualité qu'on dira pudiquement ouverte aux fortes marges de progression. Le biais de la presse (maintenant flagrant et plus guère remis en cause), qu'elle soit pure player ou encore traditionnelle, aura largement contribué à ce succès, puisqu'un lien en provenance d'une des figures de proue de ce journalisme de qualitaÿ génère automatiquement trafic et influence du blog relayé.
Dans le même temps et a contrario, les blogs politiques des autres bords, évidemment ceux de droite, ont tenté d'appliquer avec plus ou moins de succès les mêmes recettes. D'une part, la presse ouvertement à droite étant sous-représentée, et d'autre part, étant d'une qualité encore plus discutable que celle de la presse de gauche, pourtant déjà fort médiocre, le résultat ne s'est qu'assez peu traduit dans les fréquentations des blogs correspondants. En somme, la technique groupiste des blogs de gauche marche d'autant mieux que celle de droite ne dispose que d'armes émoussées pour fonctionner.
Au milieu, dans cet espace relativement inconfortable situé entre le marteau et la faucille l'enclume, on trouve quelques blogs libéraux, centristes-libéraux ou seulement centristes dont les affinités avec les uns (de gauche) ou les autres (de droite) sont suffisamment ténues pour qu'ils n'héritent pas de liens réguliers de l'un et l'autre groupe. Ce n'est pas forcément plus mal si l'on ne perd pas de vue que certains liens, par la toxicité intellectuelle de celui qui les émet, risque bien de contaminer un blog a priori innocent.
Le résultat, cependant, est sans surprise : au même titre que la presse française penche dangereusement vers la gauche (au point de s'effondrer, d'ailleurs), la coterie des blogs de gauche a réussi à couvrir, sans beaucoup d'efforts, une partie majoritaire du spectre des blogs politiques.
L'arrivée au pouvoir de Hollande n'a qu'assez peu modifié la situation. Comme prévu et compte-tenu de la capacité d'analyse politique générale à peu près nulle des socialistes, les premiers mois furent plongés dans une euphorie béate. Les blogs de gauche, quasi-paralysés devant tant de bonheur, se sont souvent retrouvés dans la position d'hagiographes mollassons. Heureusement et comme prévu toujours, les boulettes gouvernementales s'accumulant au point de se transformer en avalanche himalayenne, leur travail critique a pu reprendre un peu de poil de la bête (sur un mode pianissimo tout de même, l'allégeance au clan est forte, pour un socialiste).
Ce petit rappel historique fait, revenons-en à la remarque initiale de Pierre : oui, les blogs libéraux sont, finalement, peu présents, et peu regroupés, au contraire de la tendance étatiste, bien représentée à droite comme à gauche. Effectivement, sur le plan purement technique, l'utilisation plus systématique du lien entre blogs, du relai sur Twitter, Facebook ou Google permettrait sans le moindre doute de donner plus de poids aux messages libéraux.
Et lorsqu'on lit certain billet consternant d'inculture politique, mélangeant avec un brio de cuistre joyeux le conservatisme corporatiste grassouillet de l'UMP avec la bouillie médiatique officielle, en croyant déceler dans la presse actuelle un flot de poncifs libéraux, en pratique aux antipodes de ce qu'on peut trouver sur des blogs vraiment libéraux (mais encore faut-il les avoir lus), on ne peut que se dire qu'un travail immense reste à faire pour décrasser les esprits de la purée sans cohérence dans laquelle ils baignent avec la volupté de l'ignorance.
J'incite donc, à la suite de Pierre, les blogs libéraux à se (re)lier entre eux, comme certains le furent il y a quelques temps encore au sein de différents groupes, et, bien plus que ça, à se citer, se retwitter, se liker et se partager plus souvent. Mieux encore : la communauté libérale peut maintenant compter sur un vrai pure-player dédié au libéralisme, dont l'audience grandit chaque jour en apportant une vraie réponse de qualité aux différents sujets que l'actualité fournit : Contrepoints. Que ces blogs n'hésitent plus à faire part de leur production à la rédaction (qu'on peut contacter ici).
Cette question de l'influence des libéraux traitée, reste la question posée au début du billet.

Pourquoi le libéralisme est LA réponse à la crise ?

J'aurai plutôt une autre question : pourquoi le libéralisme ne serait pas la réponse à la crise ?
Après tout, quand a-t-on appliqué un vrai principe libéral dans l'un des pays  actuellement en crise ? À quand remonte le moment où la liberté a été choisie avant la sécurité ou l'égalité ?
On nous serine que pour résorber le chômage, on a tout tenté. Ah bon ? Quand a-t-on essayé de redonner du sens aux mots "contrat de travail entre adultes responsables" ? Quand a-t-on décidé d'alléger le code du travail, de couper des milliers de pages devenues si lourdes qu'aucune entreprise, aucun patron n'est maintenant à l'abri d'un procès ? Quand a-t-on choisi de laisser les entreprises embaucher vraiment qui elles voulaient, qui elles avaient besoin ?
Quand a-t-on, pour la dernière fois, écarté l’État des transactions individuelles ? À quand remonte le moment où les citoyens furent libres de choisir la monnaie qu'ils désiraient pour échanger des valeurs ? Quel fut le dernier moment où l’État a diminué ses prérogatives, en sabrant un ministère ? À quand, exactement, remonte la dernière diminution du budget de l’État ? À quand remonte le moment où les principes, très libéraux, de ne pas dépenser plus que ce qu'on gagne, ont-ils été appliqués en France ?
À quelle date faut-il remonter pour entendre que les députés sont responsables de ce qu'ils dépensent, que les administrations ont effectivement des comptes à rendre aux contribuables, et à quelle date faut-il encore remonter pour voir ces déclarations suivies d'effets ? Jusqu'à quelle archive poussiéreuse faut-il chercher pour retrouver des déclarations tonitruantes d'élus refusant mordicus une nouvelle dépense somptuaire, culturelle ou d'infrastructure qui risquerait de mettre en péril l'équilibre d'un budget (national, régional, municipal) passé sans le moindre emprunt ?
À la plupart de ces questions, il faudra remonter bien loin dans le passé pour trouver une piste de réponse. La vérité, simple et nue, c'est que ce pays n'a plus connu le libéralisme depuis des lustres, ni de près, ni de loin, ni à doses homéopathiques, à tel point que la plupart de ceux qui, atteints de psittacisme, pérorent à son sujet en fustigeant sa trop grande place un peu partout n'en ont jamais vu ni le début d'une once, ni n'en connaissent les rouages. On n'entend plus partout que les histoires agaçantes de stupidité de l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'homme qui a entendu parler du libéralisme (et c'est très gros, très vilain, et ça a des griffes, ça mange les enfants socialistes en rôti le dimanche midi avec une sauce au poivre).
Alors peut-être y a-t-il une solution autre que le libéralisme à la crise. Mais force est de constater que d'une part, le libéralisme, on ne l'a pas essayé, et que d'autre part, toutes les solutions socialistes et collectivistes, elles, ont été largement employées avec le résultat qu'on connaît.
En fait, tenter le libéralisme, ce serait ça, le changement.

Pascal Boniface : "Le poids de la France dans le monde ? Soyons lucides..."

L'Occident n'est plus l'épicentre géopolitique, les Etats-Unis ne sont plus l'arbitre géostratégique, et la France n'est plus le phare omniscient de la francophonie et de l'Afrique. "Définitivement", rappelle le directeur de l'IRIS (Institut de relations internationales et stratégiques). Toutefois ces déclins sont moins intrinsèques que relatifs, et ne doivent pas occulter les marges de manœuvre, même rares, de réveil ou de redimensionnements diplomatiques. Pascal Boniface les détaille à l'aune de l'actualité - élection américaine, Printemps arabe, crises européenne, iranienne et syrienne, Jeux Olympiques... - et des premiers pas de la gouvernance Hollande.
Le tandem Hollande-Ayrault est particulièrement attendu sur la scène diplomatique. Comme dans d’autres domaines de son exercice du pouvoir, François Hollande a fait le choix de la rupture en matière de gouvernance. A l’hyperprésidence de Nicolas Sarkozy assortie d’une subtilisation des pouvoirs du Quai d’Orsay au bénéfice de conseillers rapprochés – Jean-David Levitte désarmant Bernard Kouchner –, la « normalité » semble là vouloir s’imposer. Est-elle adaptée à l’envergure des chantiers ? Quelles premières impressions ce duo associé au ministre Laurent Fabius vous inspire-t-il ?
Le style est résolument différent. Mais en profondeur rien ne change fondamentalement. En matière de politique étrangère, l’intervention de Jean-Marc Ayrault est pour l’heure circonscrite au dossier allemand. François Hollande et Laurent Fabius adoptent une méthode apaisée et davantage long-termiste par rapport à celle, très dynamique, tendue, erratique, formée d’à-coups, parfois agaçante, déployée par Nicolas Sarkozy. Pour autant, et le traitement médiatique a pu créer l’illusion, il n’existe pas un supposé “laisser-aller” qui aurait succédé à un vertueux “activisme”. La gestion du “dossier syrien” en témoigne, la continuité domine. Elle est une politique pragmatique qui compose avec les contraintes et n’est pas dépassée par celle des autres pays occidentaux. Retrait des troupes d’Afghanistan : seul le calendrier change, et son accélération ne marque pas une rupture de fond d’avec les positions et décisions précédentes. Lors du sommet de l’Otan à Chicago en mai 2012, François Hollande a su imposer ce calendrier en concédant quelques compromis – en matière de système anti missiles – et en maintenant la position de la France au sein de l’organisation telle que son prédécesseur l’avait ancrée. Au niveau européen, qu’il s’agisse de la crise de l’euro ou des relations avec l’Allemagne, cette rupture de style pourrait être bénéfique ; en effet, la stratégie de conviction et de concertation de François Hollande correspond mieux à l’histoire et à l’ADN des relations entre pays que la tactique d’imposition déployée par Nicolas Sarkozy.
De la crise européenne à celle de la Géorgie ou au soulèvement libyen, c’est dans ce domaine de la diplomatie que l’action de Nicolas Sarkozy et celle d’Alain Juppé trouvèrent le plus de relief. Comment peut-on distinguer ce qui relevait de la communication et de l’abnégation ? La bonne gestion apparente de quelques spectaculaires sujets reflétait-elle l’ensemble de la politique diplomatique ou cherchait-elle à masquer l’influence déclinante de la France au sein des instances internationales ou dans le concert économique mondial ?
Le supposé succès de la politique étrangère de Nicolas Sarkozy n’est pas évident. J’en veux pour preuve que lors de la campagne il n’a pas cherché à exploiter le triple avantage concurrentiel que ce soi-disant bilan, l’exercice du pouvoir pendant cinq ans, et l’inexpérience de son adversaire dans ce domaine étaient censés lui conférer. Il eut été pourtant aisé d’afficher l’image du “pilote”, du “protecteur”, même du “sauveur”. Et d’ailleurs, lors de la Conférence des ambassadeurs en 2011, il avait clamé qu’en matière de politique étrangère, de crédibilité et de reconnaissance sur la scène mondiale, de gestion de la crise de l’euro, d’influence au sein des instances de gouvernance internationale, il ferait la “différence” avec son futur adversaire socialiste. Sans doute finalement n’était-il pas convaincu lui-même de son action et de son crédit dans ce domaine… Il n’est pas parvenu à modifier la gouvernance économique internationale – ce que personne ne peut lui reprocher, tant la tâche est considérable. La gestion “bloquée” du dossier syrien résulte directement de celle, spectaculaire, de la Libye : l’activisme, plutôt “facile”, exercé pour renverser Kadhafi a aujourd’hui pour répercussions collatérales les vétos russe et chinois au conseil de sécurité de l’ONU. Bref, en matière de diplomatie et de défense des couleurs françaises à l’étranger, le général de Gaulle et François Mitterrand demeurent inégalés, et Nicolas Sarkozy n’aura pas singulièrement marqué sa présidence. Ce qui peut réellement être placé à son crédit, c’est la jugulation du conflit ivoirien ; l’intervention militaire extérieure résulta d’un consensus international et respecta les principes domestiques du suffrage universel.
La “diplomatie économique”, chargée de servir les intérêts économiques et industriels à l’étranger, se concentre notamment sur le développement des exportations et de la balance commerciale. Le déficit de cette dernière est, en France, abyssal : 70 milliards d’euros en 2011 quand l’Allemagne enregistrait un excédent de 100 milliards. Est-ce symptomatique de lourdes défaillances infrastructurelles et organisationnelles en matière de “diplomatie économique”, principalement à l’endroit des ETI et PME insuffisamment considérées ?
Certes, la balance énergétique et la pénalisation de la parité dollar/euro pèsent sur les comptes français. Mais l’Allemagne est soumise au même diktat ! La différence est donc structurelle. Et on connait parfaitement l’objet de différenciation : l’étendue et le dynamisme du tissu des PME et des ETI outre-Rhin. Lors de la récente Conférence des ambassadeurs, Laurent Fabius a insisté sur cette faiblesse du déficit extérieur qui, à terme, pourrait compromettre la visibilité de la France à l’étranger, et donc son poids dans les instances de gouvernance internationales. Il n’existe pas de grande politique étrangère ni de rayonnement international sans une forte dynamique économique, qui conditionne l’efficacité et les performances de la diplomatie économique. Pour autant, la France n’a pas le même ADN que la Suisse ; elle doit être pilote et motrice, mais ne doit pas non plus assujettir obsessionnellement sa stratégie aux chiffres du commerce extérieur.
L’âpreté du combat des indépendantistes en faveur de sa défense et la victoire finale, même très étriquée, de Pauline Marois (PQ) lors des récentes élections au Québec, en témoignent : la langue française n’a jamais autant été sous la menace anglo-saxonne. La démographie des pays émergents non francophones et la stratégie expansionniste de certains d’entre eux dans les zones francophones, notamment la Chine en Afrique, scellent-elles le rayonnement de la francophonie ? Dans ce domaine, la France a-t-elle abdiqué ?
Pendant très longtemps, le combat en faveur de la francophonie fut considéré quelque peu “ringard”, et la stratégie était essentiellement défensive : il s’agissait davantage d’interdire l’anglais que de promouvoir la langue française. Depuis peu, cette vision de la francophonie se modernise. Une dynamique plus conquérante et plus positive s’impose, qui dépasse le seul périmètre de la langue et englobe celui, essentiel, des valeurs.
François Hollande avait promis une rupture profonde de la diplomatie française en Afrique et martelé la fin de la France-Afrique. Ses tergiversations à participer au sommet de la francophonie à Kinshasa les 13 et 14 octobre témoignent que le double poids de l’histoire et des intérêts économiques de la France en Afrique – qui pourrait réunir en 2050 80 % des francophones – continue de peser lourdement…
Que François Hollande ait finalement déclaré se rendre au sommet de Kinshasa est important et même courageux ; la facilité était d’y renoncer, au nom du régime despote qui gouverne la République démocratique du Congo, mais c’eut été une grave erreur, car la France se serait coupée de toute la base francophone.
La rhétorique officielle évaluant à 800 millions le nombre de francophones en 2 050 est fortement discutable ; en effet, elle résulte d’un agrégat erroné additionnant toutes les populations des pays appartenant à la francophonie. Or tous ces habitants ne sont pas francophones. S’il ne faut pas céder à l’illusion lyrique d’une francophonie dominatrice, il faut quand même constater – et se réjouir – des résistances qu’elle déploie et des marges de manœuvre qu’elle peut exploiter à condition de se doter d’un projet politique collectif qui ne soit pas réduit aux intérêts particuliers de la France. Ainsi reliée à la diversité culturelle et animée par une logique multilatérale de grande tolérance, une francophonie vivante et ambitieuse pourrait alors prospérer.
Quant à cette fameuse France-Afrique à laquelle il faudrait mettre fin, soyons attentifs à en disséquer l’objet. Si ce dernier est de poursuivre les caciques qui ont rapatrié en France des biens mal acquis dans leur pays, de s’opposer concrètement aux régimes dictatoriaux, issus d’une transmission héréditaire du pouvoir, pourfendeurs de la démocratie, et indécemment corrompus au détriment des intérêts du peuple, oui. Pour autant, la fin de la France-Afrique ne doit nullement signifier la fin d’une politique de la France en Afrique. Car alors le coût stratégique et économique serait élevé autant pour la France que pour les pays d’Afrique. Surtout au moment où le continent entre de plein pied dans la mondialisation, se développe aussi bien démographiquement qu’économiquement – la faillite de la RDC, du Zimbabwé, ou de la Somalie ne doit pas occulter les 5 % de croissance moyenne sur les dix dernières années –, et constate l’intérêt grandissant que la Chine, le Japon, les Etats-Unis, et même le Brésil lui portent.
Barack Obama apparaissait lors de son investiture en 2008 comme celui qui allait pacifier la planète. Or, en dépit d’avancées certaines, il ressort prioritairement une vacance profonde dans le conflit israelo-palestinien, une stratégie erratique et balbutiante lors des soulèvements des pays arabes, un avenir sombre en Afghanistan, au Pakistan, ou en Irak, le statu quo en Corée du nord ou à Cuba… La crise économique a-t-elle désorienté et affaibli la stratégie diplomatique du président démocrate ?
Le bilan est effectivement décevant une fois rapporté aux immenses espoirs que le candidat avait insufflés. Dès son élection, j’avais déclaré dans ces mêmes colonnes qu’il fallait toutefois raison garder : il était élu pour défendre les intérêts américains, pas ceux de l’ONU… Certes ses méthodes se sont révélées plus posées et plus rationnelles que celles de son prédécesseur, mais réparer les dégâts provoqués par ce dernier constituait une tache immense. Et il ne dispose pas de baguette magique… Deux sujets incarnent cette déception et la non application des promesses de campagne : le bagne de Guantanamo n’est pas fermé, Israël n’a pas interrompu sa politique de colonisation. Que les Etats-Unis ne soient plus capables d’imposer leurs conditions à leur partenaire israélien qu’ils financent abondamment mais qui menace de bombarder l’Iran avant le scrutin présidentiel est symptomatique d’un rapport de force pour le moins déclinant.
L’exécution de Ben Laden peut lui suffire électoralement au plan intérieur, mais elle ne camoufle pas une autre réalité : l’influence diplomatique américaine recule parallèlement à l’érosion de son économie, à son inféodation croissante aux souscripteurs financiers chinois ou arabes, à la redistribution géographique des puissances…
Les Etats-Unis ne sont plus l’unique hyper puissance. Cette réalité, que Barack Obama, lucide, a intégrée, signifie que la direction du pays n’est plus en mesure d’imposer au monde sa vision. Mais au fond, l’origine des renoncements est domestique. En effet, si l’élu démocrate a cédé sur des dossiers aussi emblématiques et, aux yeux du monde, aussi populaires que Guantanamo ou le conflit israelo-palestinien – qu’il a sciemment délaissé –, c’est parce que les pressions contraires qui s’exercent sur le territoire américain sont considérables. Des courants extrêmement réactionnaires convaincus du leadership incontestable de leur nation et sourds aux bouleversements géopolitiques et à la montée en puissance des pays désormais largement émergés, continuent d’y prospérer.
En retenant pour futur vice-président Paul Ryan, Mitt Romney a ancré le débat des valeurs dans le terreau de l’extrémisme religieux. Cette radicalisation idéologique et politique ne distingue pas les Républicains américains des oripeaux fondamentalistes qui caractérisent habituellement le monde musulman. Cette tendance est-elle appelée à se répandre dans un contexte de crise non seulement économique mais aussi sociale et de “valeurs” ?
L’extrême droite religieuse a toujours été puissante aux Etats-Unis. En témoignent les mouvements visant à interdire l’avortement, à stigmatiser les homosexuels, ou encore à interrompre l’enseignement de Darwin. Cette crispation idéologique collective enfle au fur et à mesure que les Américains sentent que la nouvelle cartographie géopolitique et la maîtrise du monde leur échappent. Le temps est loin d’une planète bipolaire qui, territoires communistes exceptés, était lisible, prévisible, et sous la coupe américaine. Alors l’illusion d’un retour à cet éden perdu favorise le repli idéologique et le refuge religieux. En réalité, il ne fait qu’accélérer le déclin américain, car il est totalement inadapté à la réalité des rapports de force et des pôles de puissance aussi bien économiques que stratégiques.
Peut-on mesurer les répercussions géopolitiques qu’une victoire de Mitt Romney provoquerait ?
A l’aune de sa campagne encore plus radicale que celle menée par Georges Bush en 2008, l’inquiétude est grande. Certes, le temps, le ton, l’action de la campagne ne sont pas ceux des responsabilités. Mais chez Mitt Romney, il est à redouter une appréhension fallacieuse des réalités du monde, une foi aveugle et inepte en l’hégémonie américaine, et donc une politique destinée à servir ce diagnostic qui pourrait se révéler très dangereuse. Ce qui aurait pour effets simultanés de créer un trouble stratégique planétaire et d’accélérer le déclin américain. En la matière, les “exploits” du dernier président républicain continuent de peser très lourdement dans l’escarcelle économique, financière, sociale, et diplomatique américaine. Certes Georges Bush n’a pas initié le déclin américain – qui résulte moins d’une érosion intrinsèque domestique que de l’émergence d’autres nations qui mécaniquement conteste et relativise la compétitivité et la suprématie des Etats-Unis. Mais pour ne retenir que la guerre en Irak, le coût protéiforme – humain, financier, géopolitique, et même moral – est abyssal.
L’avenir de l’Europe est conditionné à la gestion de la crise de l’euro et au redressement des économies comme de l’endettement des nations. Mais au-delà, c’est avant tout le fonctionnement même des institutions et de la gouvernance qui est interrogé et est en jeu. Celui-ci a-t-il d’autres issues qu’une option résolument fédéraliste ?
Il n’existe pas d’idéal ou de secours fédéralistes ; d’ailleurs les Etats-Unis forment une structure fédérale dont certes la solidité monétaire est plus grande qu’en Europe – la contestation du dollar n’égalera jamais celle de l’euro – mais dont la santé économique n’est pas meilleure. La qualité de la stratégie économique et la performance de la gouvernance économique ne dépendent pas de l’architecture politique ; elles résultent de l’intelligence des situations et des diagnostics communs.
Il faut tout de même accélérer l’abandon d’une partie des souverainetés nationales…
Ce retrait s’impose de lui-même. L’interdépendance mondiale est telle que plus aucun acteur, qu’il soit entreprise privée ou Etat, ne peut espérer agir sans intégrer le comportement des autres. Cet état de fait place chacun dans un double mouvement d’accroissement et de réduction des marges de manœuvre. La monnaie commune est la plus éclatante démonstration des abandons de souveraineté nationale. D’autres domaines pourraient épouser une même logique, notamment la défense – encore faudrait-il qu’une conviction commune sur les menaces, les moyens, et la stratégie se dégage. Les échelons nationaux n’affaiblissent pas l’Europe mais au contraire la renforcent.
Dix-huit mois après le déclenchement du “Printemps arabe”, l’heure est au bilan et surtout à la prospective. Les soulèvements contre les dictatures visaient l’affranchissement des peuples et l’instauration de démocraties. A l’aune des situations tunisienne, égyptienne, libyenne, et indépendamment du visage des partis victorieux, peut-on assurer ou au contraire douter qu’islam et démocratie sont compatibles ?
Interrogé par André Malraux qui sollicitait son opinion sur le bilan de la Révolution française, le premier ministre de la République populaire de Chine Chou En-Lai répondit qu’il était encore trop tôt pour se prononcer… Etablir un jugement précis, catégorique et définitif de ce fameux Printemps arabe apparaît donc bien irréaliste. Ces événements se poursuivent. Révolution, bouleversement, guerre civile : les formes qu’ils ont prises diffèrent sensiblement d’un pays à l’autre. Ceux qui imaginaient qu’une fois Ben Ali et Moubarak renversés une Norvège allait naître sur les bords de la Méditerranée et une Suisse fleurir le long du Nil ne peuvent qu’être déçus… Tout processus de changement politique aussi profond est long. Dix-huit mois après la Révolution française, pouvait-on bien en tirer ne serait-ce qu’un seul enseignement fiable ? La démocratie était-elle stabilisée ? Non, bien sûr. Espérer que le départ des despotes allait accoucher instantanément d’un paradis démocratique était, bien sûr, illusoire. De plus, l’histoire et la culture de la Libye ne sont bien sûr pas celles du Maroc, le socle économique et politique de la Tunisie n’est pas celui de l’Egypte, etc. Certes, quelques causes communes apparaissent – luttes pour les libertés, droit des femmes… –, mais le terreau dans lequel elles surgissent diffère d’un pays à l’autre.
L’examen des ces événements montre que les choix nationaux demeurent déterminants. Un “monde arabe existe”, mais plus encore des “pays arabes existent”. L’application des processus politiques répond bien davantage des cadres nationaux que d’une supposée idéologie arabe. L’appartenance collective à un monde “civilisationnel” commun s’efface au profit des aspirations et des particularismes nationaux. L’enjeu, désormais, est que la nostalgie des régimes passés, auxquels stabilité et sécurité sont hâtivement associés, ne s’impose pas au gré des périodes d’instabilité inhérentes à tout changement politique aussi radical.
Ennahda en Tunisie, Frères musulmans en Egypte : les électeurs, souvent en riposte aux pouvoirs militaires en place, ont fait le choix de l’islamisme, plus ou moins modéré. Et souvent font référence au “modèle” turc qui témoigne de la compatibilité entre l’islam et le libéralisme économique. Un modèle qui, toutefois, n’est pas sans failles ni inquiétudes sur la liberté d’expression, la sanctuarisation de la laïcité, le droit des femmes…
Le libéralisme économique, que seuls la Corée du nord et dans une moindre mesure Cuba n’appliquent pas, n’est pas le libéralisme politique. Sinon la Chine serait une démocratie. La Russie des années 90 avait cru en la confusion de ces libéralismes, et s’est fourvoyée. Le libéralisme ne peut pas se résumer à ses formes économique et politique. Au sein des pays musulmans, la lutte entre les expressions du libéralisme est âpre. En la matière, le parti islamiste AKP de Recep Tayyip Erdogan manie le “chaud” et le “froid” : il étend certaines libertés – par exemple pour la cause kurde – à même de conforter son rapport de force avec l’armée, il en restreint d’autres, particulièrement dans le domaine des mœurs et de la laïcité. La société turque résiste, même le déplore, mais maintient sa confiance. Pourquoi ? Parce que le bilan économique, politique, stratégique du parti au pouvoir est salué.
Comment explique-t-on que dans les pays a priori les plus propices aux soulèvements – l’Algérie, et l’Iran, à l’aune des mouvements de rébellion qui avaient agité le pays dès 2010, des fractures internes au pouvoir qui fragilisent le président Mahmoud Ahmadinejad, et des répercussions domestiques des sanctions de la communauté internationale –, les régimes totalitaires soient demeurés ? La singularité chiite l’explique-t-elle ?
En Algérie, l’aspiration à davantage de liberté et à un partage plus équitable des ressources pétrolières et gazières est très forte. Mais cette société très jeune demeure traumatisée par la guerre civile des années 90. Ce souvenir et ces 150 000 morts la tétanisent, découragent et étouffent la tentation du débat, de la confrontation, des remises en question. Pour cette raison, le pays ne partage pas l’ADN de la Tunisie, ce qui hypothèque un renversement de régime comparable.
Quant à l’Iran, ses dirigeants capitalisent auprès de l’opinion publique sur les sanctions et les peurs étrangères, pour d’une part exploiter la fibre nationaliste d’autre part déporter sur le “pays” les menaces qui en réalité ciblent le “régime”. C’est le syndrome Robespierre. Et comme l’opposition est elle-même fortement patriote, sa marge de manœuvre dans un tel contexte est réduite.
Le Maroc demeure “à part”, notamment car le monarque y cumule les souverainetés politique et religieuse. Cette singularité couplée aux ouvertures démocratiques que Mohammed VI a accomplies ces dernières années peuvent-elles à terme suffire à sanctuariser la stabilité ?
Cette double souveraineté constitue effectivement un avantage comparatif indéniable. Ce n’est pas le seul. L’illettrisme qui frappe 40 % de la population en est un autre, qui d’ailleurs permet de lire autrement le renversement de Ben Ali en Tunisie ; le dictateur, qui s’était employé à presque éradiquer ce fléau, a été victime du niveau éducationnel élevé de la population à même de saisir l’étendue de la corruption ou des privations de liberté. Parce que le niveau d’alphabétisation est corrélé au degré de conscience politique et donc au potentiel de protestation, le pouvoir marocain pourrait être tenté de ne pas le développer excessivement. Pour l’heure, Mohammed VI a préempté les appels à la démocratisation, plus faibles qu’en Tunisie. Il a aussi admis qu’il fallait lâcher un peu de leste. Mais aura-t-il toujours un peu d’avance sur les revendications du peuple ou ce dernier le débordera-t-il un jour ? Il est engagé dans une course contre-la-montre.
La situation économique en Tunisie ou en Egypte est catastrophique, notamment parce que l’identité islamiste des nouveaux régimes et l’instabilité, le radicalisme et l’hostilité qui leur sont associés éloignent la manne touristique. Et les récentes émeutes en riposte à la diffusion sur internet d’un film jugé blasphématoire ou des caricatures de Mahomet dans Charlie Hebdo, n’arrangeront rien. Dans ce contexte, comment peut-on convaincre les décideurs économiques, banquiers, industriels français et européens d’investir ?
Les entreprises françaises ne peuvent pas bâtir et commercer qu’avec les pays stables ou dits “riches”, et cet adage prend d’ailleurs une ampleur inédite au moment où les traditionnels partenaires économiques – Espagne, Italie… – de l’Hexagone connaissent une situation déliquescente. Par ailleurs, en géopolitique il existe une règle universelle : c’est dans les pays les plus risqués au plan politique que les perspectives de rentabilité sont les plus élevées. Certes l’incertitude y est plus grande, mais elle a un intérêt : la faible concurrence et le nombre réduit d’acteurs conditionnent potentiellement un rendement plus copieux. Bien sûr, investir aujourd’hui en République démocratique du Congo ou au Zimbabwé est irraisonnable ; en Egypte ou en Tunisie, le risque est en revanche très nettement contenu. Et d’ailleurs que les tours operators n’aient pas communiqué davantage depuis deux ans sur l’absence de risques à passer ses vacances à Djerba ou à Louxor est une hérésie.
La guerre civile en Syrie embrase l’ensemble de la région en cristallisant les rivalités confessionnelles. Chiites, sunnites (de tous courants), alaouites, chrétiens maronites ou cooptes, juifs… tout est réuni pour que le volcan entre en éruption. Surtout si la communauté internationale poursuit son impuissance à contrer les vétos russe et chinois au Conseil de sécurité de l’ONU ou à juguler le programme nucléaire iranien. La crise du Proche Orient est-elle avant tout celle des institutions et de la gouvernance internationales ? La France peut-elle revendiquer une autre posture que celle de spectateur ?
En diplomatie, ce qui était réalisable au XIXe ou au XXe siècles est désormais un mirage. Qui peut croire, dans un monde aussi interdépendant, face à une puissance aussi émiettée, devant un contexte extraordinairement complexe traversé de forces aussi multiples que contraires, qu’un pays comme la France peut encore décider seul d’une intervention armée multilatérale ?..
La rhétorique de Nicolas Sarkozy s’est pourtant toujours escrimée – et encore cet été lorsque l’ancien Président a fustigé la supposée inertie de son successeur dans ledit dossier syrien et l’a comparée à son activisme lors du renversement libyen – à le laisser croire…
Cessons d’être centrés sur nous-mêmes. Le monde occidental a perdu le monopole de la puissance. L’époque où ce dernier imposait l’ensemble de ses décisions, des codes vestimentaires aux obligations stratégiques, est révolue. Entretenir cette illusion promet au mieux d’être ridicules, au pire humiliés. Pour autant, ne versons pas dans l’autre extrême, honteusement médiatisé, selon lequel le poids diplomatique de la France serait réduit à néant. Nous disposons de leviers et d’opportunités pour accomplir un pouvoir d’influence et d’action significatif.
L’enjeu crucial est d’adapter le système de gouvernance à la réalité de la cartographie démographique, économique, diplomatique mondiale. A quand l’intégration au Conseil de sécurité de l’ONU de ces nouvelle nations dominantes – Inde, Brésil ?
Travailler à l’exaucement de ce vœu doit être une priorité. La composition du Conseil de sécurité de l’ONU doit impérativement refléter la répartition, dorénavant multipolaire, des forces. A cette condition, sa légitimité, sa crédibilité et sa puissance décisionnelle grandiront et seront mieux adaptées aux enjeux qu’il doit gérer.
Sur la scène internationale la surdité et l’impuissance de l’Europe, dotée d’un Haut représentant pour les Affaires étrangères, Catherine Ashton, particulièrement transparente, exhibent l’obsolescence de son organisation…
Catherine Ashton ne sert pas à grand-chose, effectivement. Mais c’est aussi pour cela qu’elle a été choisie… Son absence de charisme et de légitimité est simplement cohérente avec l’envergure de son poste. Toutefois, à terme, le service d’action diplomatique européen devrait produire des résultats probants. Le profil de celle ou de celui qui succédera à Catherine Ashton sera symptomatique des progrès parcourus et du périmètre, éventuellement élargi et solidifié, de son poste.
La prolifération nucléaire terrorise. Et le récent rapport de l’AIEA est édifiant : la stratégie de la diplomatie échoue à ralentir le développement du programme iranien et à ébranler le régime de Mahmoud Ahmadinejad. Le temps des frappes, israéliennes ou dans un cadre occidental officiel, est-il venu, ou la menace s’éteindra-t-elle une fois l’élection américaine et donc la pression sur les candidats républicain et démocrate achevées ?
Tout, effectivement, se jouera entre la fin de l’Assemblée générale de l’ONU et le 6 novembre, date de l’élection présidentielle américaine. Une fois le scrutin passé, Israël ne disposera plus des mêmes armes pour “peser” sur des candidats appliqués à séduire l’électorat juif. Toutefois, cette opportunité divise au sein du commandement politique et militaire israélien. Et la mise en garde provient notamment des forces militaires américaines, peu sûres des résultats d’une telle offensive. Or un semi-échec serait interprété comme une preuve de fragilité de Tsahal et pourrait faire émerger un dysfonctionnement dans les relations avec les Etats-Unis. Le pouvoir politique israélien se moque d’être condamné par le monde entier ; en revanche il souffrirait d’être à l’origine d’une crise internationale mettant à mal la position de son précieux allié américain. Dès lors, le scénario du bluff, destiné à obtenir un durcissement substantiel des sanctions internationales à l’endroit de Téhéran, semble dominer, même si l’hypothèse des frappes aériennes ne peut bien sûr être exclu. Enfin n’oublions pas l’intérêt collatéral, pour Israël, de cette stratégie du “retenez-moi ou je fais un malheur” et donc de concentrer l’attention sur le dossier nucléaire iranien devenu épicentre de stabilité ou d’instabilité géopolitiques dans la région : plus personne n’évoque le conflit avec la Palestine…
Mais peut-on raisonnablement croire encore en l’œuvre diplomatique pour stopper la stratégie des dirigeants iraniens ?
Pour l’heure, elle a échoué. Deux interprétations de cet échec se dégagent : la première considère que la contrepartie accordée à Téhéran en échange d’un retraitement vers l’extérieur de son uranium, n’est pas suffisante ; la seconde estime que rien ne peut arrêter la volonté des dirigeants de se doter de l’arme. Une alternative s’est dessinée : accentuer les actes de sabotage, notamment informatiques, ou les attentats ciblés. Mais cette logique terroriste est contestable aux plans autant politique qu’éthique, et interroge au plus haut lieu parmi les dirigeants américains : comment demain justifier d’une guerre électronique et après-demain, si le pays en est victime, la condamner ?
Vous venez de publier JO politiques (Ed. Jean-Claude Gawsewitch). Quelle lecture politique domestique et quels enseignements géopolitiques peut-on faire de l’édition londonienne ? Quelle appréciation raisonnable et non anecdotique peut-on établir de la rivalité sportive, élément du “soft power”, à laquelle Chinois et Américains se sont livré ?
Sur le plan intérieur, ces Jeux Olympiques sont un indiscutable succès pour les Britanniques : aucun attentat, aucun débordement social – redouté après les émeutes de 2011 –, une organisation impeccable, une flopée de médailles et un troisième rang jamais atteint jusqu’alors, une édition “paralympique” unanimement saluée, une mise en image très réussie de la ville et de sa population – très mobilisée, notamment chez les bénévoles –, et in fine une revitalisation précieuse de l’”estime de soi”, autant individuelle que nationale.
Ces JO l’ont confirmé : l’identité nationale recourt de plus en plus au sport pour s’affirmer. Que les Etats-Unis aient pris leur revanche sur une Chine triomphante en 2008 à Pékin ou que d’aussi petits pays que le Kazakhstan se soient placé dans le Top 10 des meilleures nations, est symptomatique du caractère extrêmement symbolique et psychologique du sport dans le domaine géostratégique.
Il est coutumier d’évoquer les effets, durables, que les résultats des sportifs peuvent exercer sur l’ambiance générale dans leur pays d’origine. En France l’enthousiasme sécrété par la moisson de médailles est vite retombé. Nous sommes loin de l’épopée Coupe du monde 1998, et cela enjoint de grandement relativiser la force de l’impact sportif sur le quotidien d’une nation économiquement en souffrance…
Les Français ont vibré aux exploits de leurs sportifs, et on a assisté à une communion nationale. Certes les effets ne sont que temporaires et bien sûr ne réparent aucun des dégâts économiques ou sociaux provoqués par la crise. Pour autant, ils prennent racine dans le souvenir collectif, et à ce titre ne peuvent être négligés. Il est faux de considérer cet élan collectif autour du sport comme une sorte “d’opium du peuple” plongeant les consciences dans le sommeil ; il participe à célébrer un peu l’identité nationale et à encourager le “soft patriotisme”, ce patriotisme non agressif grâce auquel des supporters de tous pays viennent soutenir leur équipe dans le respect absolu et même confraternel des concurrents.
Il y a trente ans, les joutes Etats-Unis/URSS ou RFA/RDA cristallisaient l’antinomie entre pays capitalistes et communistes. A l’aune de la mondialisation, quels nouveaux périmètres de fractures ou d’oppositions les Jeux Olympiques dessinent-ils ?
Cette nouvelle délimitation est à l’image du monde : multipolaire. Chine et Etats-Unis se livrent une vraie bataille, la Russie, quatrième, veut faire la preuve qu’elle a survécu à la disparition de l’URSS, chaque pays européen veut exister, des nations nouvelles ont émergé… Une grande énigme toutefois s’est confirmée : l’Inde, géant démographique et économique, est un nain sportif
Sotchi en 2014, Rio en 2016 : ces deux échéances portent elles aussi une dimension géopolitique considérable. Une Russie minée par la corruption et pilotée par despote, un Brésil symbole des nouvelles puissances et qui assure pour la première fois à l’Amérique du sud d’accueillir l’événement : les prochains JO seront lourds de sens et d’enjeux…
Je demeure convaincu que les prochains Jeux d’hiver feront l’objet d'une campagne médiatique de boycott. Et le dossier syrien, que Vladimir Poutine a fait le choix d’embourber en maintenant son veto au Conseil de sécurité de l’ONU, ne fera qu’exacerber les oppositions. Le choix de Rio 2016 résulte, au sein du CIO, d’une détermination non à “suivre” la marche du monde mais à affirmer au contraire que l’aréopage consolide, accompagne, bref “contribue” à cette marche du monde et à l’émergence de nouvelles puissances.
A quels titres la France est-elle encore, n’est pas, et n’est plus la “puissance mondiale” ainsi martelée par chaque Président de la République en exercice ?
Assimiler la France au seul statut de puissance occidentale est une erreur, car le monde occidental n’est plus l’épicentre des puissances. Ce que Nicolas Sarkozy n’avait d’ailleurs pas compris. Il existe des marges de manœuvre, certes plus limitées qu’autrefois, pour encore faire entendre la voix de la France qui, bien sûr, n’est plus qu’une puissance parmi d’autres – de plus en plus nombreuses – et s’accroche, selon les circonstances, aux locomotives américaine ou européenne. Ce qui demeure spécifique à la France, c’est le “pouvoir de pensée globale” dont elle est créditée sur tous les continents. Ce statut, hérité de la riche histoire du pays, prend la forme d’une capacité d’imagination, d’un sens des coalitions et du multilatéralisme, reconnus. Cultivons-les.

Une loi de finances anti-start-up?

Dans une tribune, Jean-David Chamboredon, patron du fonds des entrepreneurs internet ISAI et administrateur de FranceDigitale, explique que l'alignement de l'imposition des revenus du capital sur ceux du travail, s'il est entériné dans le cadre de la loi de Finances 2013, plomberait les PME de croissance.
En tant que patron du fonds des entrepreneurs internet ISAI et administrateur de FranceDigitale, je crois avoir un poste d'observation assez unique quand il s'agit de comprendre comment les PME de croissance et notamment celles du numérique se financent, se développent et créent ou non de la valeur économique.
Acteur du capital-investissement, je ne suis pourtant pas obsédé par le gain financier. Il est, pour moi, simplement un "thermomètre" de la valeur créée. Quand une PME de croissance est rachetée par un groupe plus important et que ses actionnaires -fondateurs, salariés détenteurs de bons de souscriptions, business angels et investisseurs professionnels- réalisent une plus-value après 10 ans de développement, de hauts et de bas, de challenges relevés visant à la concrétisation d'une vision au départ quasi-utopique, je suis un homme heureux. Je constate avec un plaisir immense combien "collectivement" nous avons créé de la valeur économique traduite à la fois en emplois pérennes et en capital disponible pour être consommé ou ré-investi ailleurs... Bien faire mon job, c'est accompagner ce type d'histoires: le verdict financier est donc simplement une façon objective de mesurer la performance...
Devant mon éducation académique à la France, je suis également un contribuable finalement pas si mécontent que cela de payer des impôts. A part l'emploi d'une nounou à domicile (IRPP) et l'investissement dans des PME (ISF), je n'ai jamais utilisé d'autres niches fiscales. J'ai toujours préféré payer des impôts plutôt que de prendre le risque d'enrichir des intermédiaires dans les DOM-TOM et je n'ai jamais pensé à acheter une oeuvre d'art ! Je trouve que l'ISF est un impôt idiot mais cela ne me choque pas tant que cela de payer une taxe (0.5%-1%) sur mon patrimoine "dormant" (immobilier et épargne). Je trouve la progressivité de l'IRPP assez juste à condition que le taux marginal ne soit pas confiscatoire...
Lors de la préparation à la loi de finances 2013, après un débat superficiel (voire démagogique) lors des élections présidentielles, la France du business s'est arrêtée de respirer. Les investissements et les embauches ont été gelés par la plupart des acteurs économiques. Les articles de la presse économique ont alterné entre "annonce d'une potentielle décision totalement mortifère du point de vue économique" (exemple: mettre le patrimoine professionnel dans l'assiette de l'ISF) et "maintien d'incitations fiscales initialement menacées de rabotage fatal" (exemple: ISF PME). Retenant mon souffle comme tout un chacun, observant l'égrenage d'arbitrages annoncés, démentis puis confirmés par la presse, je me suis dit qu'il y avait, parmi les différentes décisions prises, des décisions "purement politiques" sans grand impact économique ou fiscal (exemple: tranche à 75%) mais que les décisions "économiques" étaient finalement bien prises à l'aune de la création d'emplois et de la restauration de la croissance dans notre pays. La confirmation du maintien des dispositifs type ISF-PME ou JEI pour les PME innovantes allaient bien dans ce sens. J'étais rassuré, me voilà pourtant dépité...
La France des entrepreneurs a bien compris l'exercice extrêmement périlleux auquel sont confrontés nos dirigeants politiques. La combinaison d'une mondialisation économique démontrant jour après jour la non compétitivité d'une grande partie de notre économie et du phénomène démographique qui voit des millions de baby-boomers partir à la retraite en pleine santé est terrible. Un pays ne peut pas durablement s'endetter pour payer ses factures courantes ou la retraite de ses fonctionnaires. La nécessité de rétablir des finances publiques saines est incontestable. Pour ce faire, il faut faire réussir 3 choses à la fois:
• réduire les dépenses publiques: grand chantier auquel personne ne semble véritablement s'attaquer
• augmenter les recettes fiscales de façon juste et efficace
• permettre un redémarrage de la croissance économique qui générerait à la fois un surplus de recettes fiscales et des économies dans la dépense collective (exemple: allocations chômage)
C'est compliqué, très compliqué même...
Le troisième point, pourtant largement mis en avant lors de sa campagne électorale par notre nouveau Président, doit cependant être bien appréhendé. La croissance ne crée pas d'emplois, c'est l'emploi qui crée la croissance. C'est très basiquement parce qu'il y a production de produits ou de services par des gens qui travaillent que le PIB augmente... Cette erreur d'inférence (dont les médias et hommes politiques sont coutumiers) rêvant d'une croissance qui arriverait magiquement (tel un coin de ciel de bleu qui remplacerait les nuages) est sans doute à la base des très mauvaises décisions qui sont en train d'être prises sur un plan fiscal...
Je ne serai pas le n-ième blogueur à expliquer l'aberration d'un ISF à taux marginal de 1.8% avec un bouclier fiscal à 75% (ou 80%). Ceux qui veulent ou doivent partir pour fuir l'ont fait ou vont le faire. Ceux qui ont un ratio revenu annuel / patrimoine personnel élevé (> 5%) le paieront en râlant. Seront surtout fortement lésés les personnes aux revenus incertains ou volatiles et la fameuse veuve de l'Ile de Ré... Bref, passons.
Je voudrais plutôt parler ici de l'alignement de l'imposition des revenus du capital avec ceux du travail qui conduira, par exemple, un entrepreneur cédant son entreprise après 10 ans de labeur, d'incertitudes, de hauts et de bas, de semaines de 70 heures... à payer 45% (taux marginal de l'IRPP) +15,5% (CSD/CRDS) soit plus de 60% sur la plus-value de cession. Nous sommes ici dans le dogme anti-capitaliste, l'anti-économique, le «brisage de rêve», la démotivation quasi-sadique, le "je-ne-sais-quoi-qui-donne-la nausée"...
• un investissement dans l'immobilier qu'il soit social, locatif, secondaire génère peu d'emplois. Un peu pour construire, rénover et entretenir mais l'essentiel du capital va au foncier qui ne produit rien.
• un investissement dans l'art maintient quelques emplois de marchands d'art mais l'essentiel va dans la poche du vendeur. Un tableau dans un salon, une salle d'attente ou un coffre-fort ne participe pas au PIB!
• l'achat d'actions du CAC40 (via un PEA ou non) ou la souscription d'OAT (via un contrat d'assurance-vie) ne crée pas non plus d'emplois!
• à l'inverse, un investissement dans une PME de croissance (et c'est particulièrement vrai pour les PMEs du numérique) va pour l'essentiel en salaires pour payer des collaborateurs qui travaillent, produisent et génèrent du PIB ... (et, en sus, paient des charges sociales et des impôts...)
Taxer le capital investi dans une PME de croissance plus que l'immobilier, l'art ou des placements de père de famille, c'est totalement nier cette contribution à la croissance que nous recherchons. Taxer ce capital comme le travail c'est nier à la fois le risque pris (on peut tout perdre si l'entreprise connait des difficultés) et l'illiquidité associée (les business angels ou investisseurs en capital restent souvent 7-10 ans au capital des entreprises).
Passer brutalement d'une taxation de 19+13,5=32,5% à 45+15,5=60,5% (voire plus si la CSG augmente encore et si on y ajoute des contributions exceptionnelles), c'est léthal et cela signifie condamner à mort l'économie et la croissance de notre pays!
• Quel entrepreneur peut accepter de mettre une grande partie de ses économies à risque et la quasi-intégralité de son temps pendant de nombreuses années quand il anticipe que plus de 60% de la valeur actionnariale créée ira à l'Etat dans le cas improbable (et pourtant à la base de sa motivation) où son aventure entrepreneuriale serait un succès?
• Quel investisseur peut continuer de financer et accompagner l'entrepreneur s'il sait que, s'il a eu la main heureuse, qu'il attend un temps totalement indéterminé et que les étoiles s'alignent, plus de 60% de sa plus-value sera préemptée?
• Quelle croissance peut-on générer sans entrepreneur et sans investisseur?
Une fiscalité qui ne tient pas compte du potentiel de création d'emplois, du risque et de l'illiquidité est une fiscalité aveugle, démotivante, démobilisante, destructrice de valeur... bref "anti-économique et anti-croissance"!
Si ce maelstrom fiscal est confirmé, la suite des événements est assez claire: au lieu de reprendre embauches et développement du business, les actionnaires menacés par cette confiscation vont passer le dernier trimestre 2012 à imaginer les moyens d'y échapper. Les mieux armés trouveront les moyens parfaitement légaux de le faire: interpositions de holding Luxembourgeoise (ou autres) pour les personnes physiques, délocalisation des équipes de gestion à Londres pour les gros fonds d'investissement, projet de déménagement des sièges sociaux et des équipes de direction pour les PME à forte dimension internationale. Seuls les petits, les artisans-entrepreneurs et les artisans-investisseurs resteront sans solution immédiatement actionnable...
2013 ne sera pas plus favorable à la croissance: les nouveaux entrepreneurs incorporeront leur start-up à Londres qui leur déroulera le tapis rouge, les projets de délocalisation ou déménagement seront pour partie mis en oeuvre, les entreprises en recherche de fonds, lassées de faire la queue à la Banque Publique d'Investissement, iront, pour celles qui le peuvent, lever de l'argent hors de France et les autres entrepreneurs devront essayer de se partager l'argent disponible au travers du dispositif ISF-PME... Tout le monde imagine bien qu'alors ce ne sera pas "Broadway" en termes de création d'emplois !
Je comprends que Madame Pellerin et Messieurs Cahuzac et Moscovici entendent bien ce qui est décrit ci-dessus. Arriveront-ils pour autant à convaincre Monsieur Hollande? Notre nouveau Président acceptera-t-il de ne pas entraver (voire castrer) ceux qui, pourtant pas riches, veulent créer des emplois, générer de la croissance et peut-être un jour, s'ils sont chanceux, devenir... plus riches tout en restant résidents fiscaux dans notre cher pays?
Les entrepreneurs de France l'espèrent, la création d'emplois en France en dépend.
 

Hollande accélère l'euthanasie des rentiers

Il faut rendre cette justice à François Hollande. Voilà un président de la République qui fait ce qu'il dit. Ce premier budget du quinquennat est en tout point conforme à ses promesses de la campagne présidentielle. Tout y est, ou presque : le retour affiché, même s'il est peu crédible, du déficit public à 3% du PIB, l'alignement de la fiscalité du travail et du capital, la taxe à 75% au-dessus de 1 million d'euros de revenus, le rétablissement du barème de l'ISF, le plafonnement de la plupart des niches fiscales et l'alourdissement de l'impôt payé par les grandes entreprises. Côté dépenses, le budget finance les créations d'emplois publics dans les priorités fixées -éducation, sécurité et justice-, qui sont plus qu'intégralement compensées par des suppressions de postes dans les autres ministères.
Tout ceux qui ont voté pour Hollande le 6 mai n'ont pas lieu d'être mécontents. Ils ont voulu la rigueur de gauche, là voilà ! Certes, ce n'est pas le « grand soir » fiscal espéré par les plus fanatiques, mais 2012 marque bien un vrai tournant après vingt cinq ans pendant lesquelles l'idéologie libérale dominante a consisté à baisser les impôts. La droite, comme la gauche, ont cédé tour à tour à cette mode venue d'outre-Atlantique, selon laquelle il était forcément bon pour la croissance de distribuer du pouvoir d'achat par l'allègement des impôts. On en a vu le résultat désastreux : comme parallèlement, on n'a pas réduit les dépenses publiques, la dette s'est envolée. Il fallait bien que la facture arrive un jour et il faut reconnaître que si la note est douloureuse, elle n'est pas inattendue. On peut même espérer un effet vertueux et pédagogique sur tous les Français de ce brutal rappel à la réalité. La seule « surprise » du budget 2013 est la création d'un « bouclier fiscal de gauche », qui plafonne à 75% l'imposition totale des contribuables concernés par l'ISF. Ce bouclier qui rétablit, à un taux plus faible de 10 points, et en y incluant la CSG, le plafonnement Bérégovoy-Rocard de 1988, est révélateur de la gêne du pouvoir dans sa volonté de taxer les « riches ». Et de fait, comme l'avait dit François Hollande début septembre, lors de la polémique sur le vrai-faux départ de Bernard Arnault en Belgique, la surtaxe de 18% portant à 75% l'imposition des revenus d'activité supérieurs à 1 million d'euros ne portera que sur 2012 et 2013. A priori, cette exception française disparaitra donc dans deux ans. Vu le rendement extrèmement faible de cette mesure "exceptionnelle" de crise, il n'y aura pas lieu de la regretter, au-delà du symbole !
Au final, la principale rupture du budget 2013 est la suppression du prélèvement libératoire sur les revenus de l'épargne. Cette mesure, en apparence de justice fiscale, aligne la taxation du travail et du capital. Mais c'est oublier que le capital est déjà très lourdement impacté, par le biais de l'inflation. Ainsi, quand un individu perçoit un revenu annuel brut de 4% sur son capital, ce qui est déjà bien, son rendement réel est  minoré d'environ 2 points, qui correspond à l'érosion monétaire. Mais comme il est taxé sur la base de son rendement brut, l'imposition réelle du capital représente en fait le double du taux d'imposition. Or, celui-ci avait déjà été porté par Nicolas Sarkozy de 28% à 39,5%, en incluant les 15,5 points de prélèvements sociaux sur le capital (soit 79%). En appliquant les nouveaux taux du barème Hollande (45% au-delà de 150.000 euros par part, 49% en ajoutant la contribution exceptionnelle Sarkozy de 4% au-delà de 250.000 euros), on va atteindre à partir de 2012 des niveaux d'imposition brute qui pourront atteindre de 60,5% à 64,5% et donc de 121% à 129% en terme réel !!! Si ce n'est pas confiscatoire, qu'est ce qui l'est...
En alignant fiscalité du travail et du capital, François Hollande vient donc donner un coup d'accélérateur à l'euthanasie des rentiers dont parle Keynes. Autant dire tout de suite que la dette française ne sera jamais remboursée, ce sera plus simple ! Une chose est sûre : un épargnant français n'a plus aucune raison de détenir une OAT à dix ans, sinon dans le cadre fiscal préservé de l'assurance-vie, et encore... Sauf à accepter de payer l'Etat pour qu'il lui serve de coffre-fort ce qui est déjà en partie le cas puisque les rendements réels des emprunts du Trésor sont négatifs jusqu'à deux ans de maturité... Tout cela serait très bien si cette réforme fiscale conduisait les Français à réduire leurs bas de laine pour consommer plus (de produits français, version Montebourg) ou en tout cas à réorienter leurs placements de la rente vers le risque, des obligations d'Etat vers le financement des entreprises (les dividendes sont en effet relativement épargnés pour l'instant par la rigueur fiscale de gauche). C'est peut-être le but vertueux recherché par la réforme Hollande qui connaît si bien la fiscalité que certains voient en lui le véritable chef du bureau de la législation fiscale à Bercy.... A un gros détail près : qui alors va acheter les 170 milliards d'euros d'obligations à moyen et long terme que le Trésor va devoir émettre l'an prochain ? A force de traiter le riche épargnant comme une vache à lait, le gouvernement court le risque de renforcer encore plus le pouvoir des investisseurs étrangers dans le financement de la dette française... Et de s'enfermer encore un peu plus dans le piège de l'austérité exigée par les marchés financiers...

Un budget de gauche

Il arrive un moment où il n'est plus utile de jouer sur les mots car la vérité… c'est maintenant ! Ce premier budget du quinquennat de François Hollande est un budget dans toute sa rigueur, un budget « historique », « massif », « sans précédent », un « budget de combat ». Osera-t-on ajouter un budget courageux pour ne pas dire téméraire ? Parce qu'avant d'en souligner les défauts, il faut admettre qu'il rompt avec trente années de laxisme, de fuite en avant budgétaire, de politiques fiscales clientélistes, de prodigalités à crédit, dans lesquels droite et gauche ont une responsabilité largement partagée. La crise, dans sa brutalité, a sonné la fin de l'État-providence et des inconséquences ou gabegies publiques.
Il n'est pas inutile de le souligner. Car il y a dans ce rappel une invite à la modération dans les critiques des uns et des autres. On retiendra aussi, dans une de ces facéties de l'Histoire, que c'est à la gauche, revenue au pouvoir, qu'il incombe de redresser les finances d'un pays que François Fillon disait déjà en état de faillite au début du précédent quinquennat.
Le courage de François Hollande a donc consisté à tenir bon sur l'objectif de réduction du déficit à 3 % du PIB, en 2013. Là où il fait preuve, en revanche, de témérité, c'est en privilégiant l'assommoir fiscal sur la réduction des dépenses (malgré des efforts) pour atteindre l'objectif. Au risque de casser la reprise en ponctionnant les entreprises et de créer une crise de confiance. Et puis, pourquoi persister à dire, contre toute évidence, que les classes moyennes seront épargnées ?
Il n'était pas interdit, après tout, de réintroduire de la justice fiscale, un peu oubliée sous Nicolas Sarkozy, dans notre système. Il faut bien qu'il reste quelque chose de gauche dans ce budget. Sa principale faiblesse est de reposer sur une hypothèse de croissance à 0,8 % dans une période de quasi-récession. Certes, ce budget 2013 est dur à avaler mais le pire serait qu'il ne passe pas l'année !

Cher low cost… 
 
la vie à bas coût, un rêve. Acheter le maximum pour un prix minimum, voilà qui résoudrait la quadrature du cercle consumériste, passerait pour pierre philosophale de la croissance.
Un mythe n’est jamais gratuit. Au plan social, la pression à baisser les coûts, si elle ne nuit pas forcément à l’emploi, n’a pas fini de faire des ravages dans les acquis salariaux. La mondialisation elle-même se nourrit de l’idée que tout, à qualité égale, peut se monnayer moins cher. Ce principe légitime une concurrence sans bornes.
Au plan des comportements, le low cost a tellement ouvert l’échelle des tarifs, pour un même produit, qu’il est devenu difficile de croire en l’existence d’un juste prix. Encore plus d’accepter de le régler.
Ce serait une erreur que de réduire le low cost à un ghetto commercial pour faibles budgets, tant il s’est banalisé. Le bas coût prospère prospère aussi de l’attitude schizophrène qui fait de nous des consommateurs à la fois insatiables et sourcilleux, tyranniques au moment de sortir le porte-monnaie et intraitables sur le niveau de leurs revenus.
Dans un monde où il ne faudrait plus exister que par sa consommation, où la propriété seule serait gage de réussite, le low cost entretient cette chimère, vieille comme les soldes, qu’un moindre prix fait le bonheur. C’est un cheval de Troie. Introduit dans nos vies, avec notre aval, il menace d’être l’avant-garde d’une société entière à bas coût. Quand l’importance de toute chose sera devenue floue risque de se poser la question de notre valeur propre.

Giscard, du passé faisons table rase 


Tout doit disparaître ! Le camelot Valéry Giscard d’Estaing ne fait pas dans la demi-mesure, il liquide. Tous les meubles de son château de Chanonat sont mis aux enchères ce week-end. Du passé faisons table rase, l’ancien président de la République brade les bijoux de famille. Le lointain descendant de Louis XV fait sa révolution…
Le produit de la vente, qui s’élève à 652 000 euros, doit l’aider à créer une fondation au château d’Estaing, sa seconde demeure. D’un château l’autre, Giscard, 86 ans aux prunes, tire ainsi un trait sur la mémoire familiale d’un coup de marteau de commissaire-priseur.
Cette première serait-elle un signe de plus que la crise frappe à l’aveugle ? Si même les châtelains de la République mettent à l’encan leurs souvenirs dynastiques, on ne s’étonnera plus de voir la roture faire la queue devant chez “ma tante”.
À part des photos très personnelles, peut-être quelques scènes de chasse au grand fauve déplacées en ces temps de disette, Giscard livre en pâture les objets les plus intimes. Et à vil prix : 30 euros la table de chevet présidentielle, autant dire une misère. Les jouets d’enfant n’échappent pas au sacrifice, preuve que le moment est grave. Ou que VGE n’est pas un affectif…
Les acquéreurs, venus dans l’espoir de mettre la main sur les diamants de Bokassa, sont repartis Gros-Jean comme devant. Sans doute parce que ces bijoux-là avaient coûté très cher à l’ancien président…