TOUT EST DIT

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ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

samedi 29 septembre 2012

Premier mécano 


Le jour même où le Mondial de l’auto s’est ouvert sur des carrosseries rutilantes et un rêve de prospérité retrouvée, Jean-Marc Ayrault dans la cour de l’Élysée a ferraillé l’air grave sous le capot de la machine budgétaire. Comme chez le garagiste, on avait un pressentiment. Celui que plus le Premier mécano tarderait à résoudre la panne, plus la facture grimperait.
Décalage vertigineux. Tandis qu’une part croissante de Français tient ses comptes au plus juste, parfois à l’euro près, se joue dans les ministères un genre de poker à coups de milliards retirés ici, gagnés là.
Deux niveaux de discours ne se rejoignent plus : celui de l’homme de la rue, infantilisé, calculant à hauteur de porte-monnaie. Celui des décideurs, sur lesquels pèse la responsabilité des deniers de l’État, s’érigeant en théologues paternalistes de la rigueur.
Au nom de la nécessité financière, les pouvoirs successifs ne semblent plus avoir pour ligne politique que des objectifs économiques. Réduction des déficits et baisse du chômage sont des combats nobles, urgents et vitaux. À condition de ne pas oublier, surtout pour un gouvernement de gauche, de s’attaquer à ce qui sape le plus durement la cohésion sociale : les inégalités.
À quoi sert de renflouer un pays, de remettre des générations au travail, si rien n’est fait pour réduire ce qu’un ancien président, très opportuniste, avait qualifié de fracture sociale ? Si perdure le mouvement en spirale qui concentre les richesses en son centre et rejette des miettes aux foules en orbite ?
L’effondrement de la cote de popularité de François Hollande traduit une déception de ne pas le voir incarner un dessein, à l’instar d’un Mitterrand après 1981. D’autres, depuis, ont échoué. Au moins s’étaient-ils gardés de faire cette promesse, à double tranchant, du changement maintenant.

Suées budgétaires


C'est le projet de budget de tous les dangers ! Il va être passé au microscope électronique à balayage pour y identifier une vision stratégique et vérifier s'il est en capacité de soutenir l'indispensable choc de compétitivité et la bataille pour l'emploi.
Il ne peut pas être incolore, inodore et sans saveur au risque d'apparaître insincère où plus grave encore comme une pitrerie comptable. Jean-Marc Ayrault a le redoutable devoir de ne pas décevoir alors que les Français craignent plus que jamais pour leur pouvoir d'achat et sont rétifs à une fiscalité augmentée.
Existe-t-il une vraie volonté d'engager sans tarder les réformes structurelles ? Toutes les commissions, comités et groupes de travail qui ont été institués vont-ils déboucher sur autre chose que du verbiage et la désignation de boucs émissaires commodes ? Tout le monde est d'accord pour dénoncer le niveau irresponsable des charges sociales qui pèsent sur les entreprises et continuent à leur faire perdre de précieux marchés à l'exportation. Mais que fait-on pour que cela change et qu'on ne fabrique plus de nouveaux chômeurs ? Ce n'est pas en additionnant de beaux discours, des postures martiales vantant le patriotisme économique que l'on fera rentrer des devises !
Le gouvernement est confronté à une équation impossible. Comment tenir ses engagements de réduction de la dette et agir pour relancer l'activité ? Si toutes les réserves fiscales générées par les hausses annoncées des prélèvements sont employées pour tenir les objectifs de contraction des déficits nominaux, il ne restera aucune marge de manœuvre pour donner de l'oxygène aux entreprises victimes d'une insuffisance respiratoire chronique.
Seulement lorsque sont évoqués une hausse de la CSG et un coup de pouce sur la TVA pour rendre le travail moins cher et combattre les délocalisations, on répond qu'il est urgent d'attendre. Une politique ne se construit pas une matraque fiscale à la main mais en corrigeant tout ce qui contribue à appauvrir la France donc les Français.
Le pays ne peut pas se redresser avec la seule rigueur comme feuille de route. Elle est nécessaire mais insuffisante. Il lui faut l'audace de ses dirigeants et le courage d'abattre les murailles des conservatismes castrateurs de l'esprit d'initiative et des forces de l'innovation. Les nuages qui stagnent sur Florange, les blocages chez Brittanies ferries ou chez Good Year et d'autres attestent l'urgence de tenir le guidon, de changer de braquet sans utiliser d'EPO pour ne pas tromper son monde.

Anormal


Oui Ségolène Royal a tout fait pour croiser son ex-compagnon devenu président dans les couloirs de l’ONU à New York. Oui, Ségolène Royal a profité de la présence des télés pour tenter de diffuser des ondes urticantes sur Valérie Trierweiler, la nouvelle-compagne-de-son-ex-compagnon-devenu-président, experte ès jalousie, et bien peu amène à son endroit. Oui, Ségolène Royal a une effroyable envie de souffleter la Première dame avec toutes les armes qu’elle pourra trouver sur son chemin.  Mais tout de même. Quand on est un président « normal » comme voudrait l’être François Hollande, quand on a le pouvoir, la classe de la fonction, et, surtout, quand on doit montrer sa force et sa sérénité à la face du monde, est-ce la bonne attitude que de s’enfuir par une porte dérobée avec sa suite afin d’éviter l’insolente ? Avait-il si peur du torrent de colère de la Première dame en cas de baiser poli ? Anormal. Non ?

Le danger du chômage... 


Trois millions de chômeurs dont un très grand nombre de jeunes sans perspective d'avenir. C'est le découragement pour eux et leurs familles au moment où ils devraient entrer dans la vie pleins d'enthousiasme. C'est un véritable gâchis...
Le chômage nous mine depuis des dizaines d'années. Notre démographie en est pour une part responsable, mais nous n'allons tout de même pas regretter cette vitalité française. Les crises successives ont atteint chaque génération de jeunes. La croissance n'est toujours pas au rendez-vous. Dans le monde entier, elle ralentit. On nous promet une inversion de la courbe du chômage d'ici à un an. Ce doit être, en effet, avec le règlement de la dette, la priorité des priorités, mais comment y croire si l'on n'agit pas davantage, plus rapidement, plus énergiquement que jamais...
Il faut commencer par soutenir les entreprises. Celles-ci ne demandent pas de privilèges. Simplement, elles ne veulent pas voir leur compétitivité entravée par les lourdeurs que l'État leur impose. C'est vrai pour les petites et moyennes entreprises comme pour les grandes. Le patron de Renault vient de lancer l'alerte. Le coût exagéré du travail, à cause des charges sociales qu'il supporte, force l'employeur à réfléchir longuement avant d'embaucher. Et cela d'autant plus que l'embauche à durée indéterminée est pratiquement définitive sans possibilité réelle de revenir en arrière, c'est-à-dire de s'alléger si le marché de l'entreprise ralentit. Mais la flexibilité qui permettrait son adaptation est quasiment rendue impossible par l'État comme par les mentalités.
... c'est le risque d'un autoritarisme absolu
On veut la justice sociale, heureusement ! On exige la sécurité, c'est normal ! Encore faut-il en créer les conditions. Le problème est que ces exigences, encore une fois normales et qu'il faut s'efforcer de respecter, risquent, dans les conditions actuelles, d'entraîner la diminution de l'activité et d'accroître ce qui est redouté, à savoir le chômage et l'injustice sociale. À cela s'ajoutent l'alourdissement de la fiscalité, des réglementations hypercompliquées, une incertitude législative dans de nombreux domaines. Notre modèle social est si précieux qu'il faut le préserver, mais comment réussir aujourd'hui à le financer ?
Des possibilités avaient été envisagées, par exemple pour alléger les charges du travail : la TVA sociale. Le gouvernement précédent avait fini par l'adopter, trop tardivement du reste. Le gouvernement actuel s'est empressé de l'abroger et le Premier ministre a confirmé qu'on n'y recourrait pas plus qu'à la CSG. Alors comment va-t-il être possible d'alléger les charges sur les salaires ?
Si l'action du gouvernement n'est pas rapidement efficace, la marée montante du chômage va se poursuivre et l'on dépassera allègrement les trois millions de chômeurs. D'autant plus que déjà 850 000 personnes sans travail ne sont pas comptabilisées. Dans ces conditions, il ne faut pas oublier les leçons de l'histoire : du chômage de masse est déjà sorti le pire dans les années 30. Ce fut le recours d'un peuple à une dictature guerrière. En France, après les diverses désillusions apportées par les majorités qui se sont succédé au pouvoir depuis trente ans, « la confiance dans la démocratie pourrait s'éroder », comme le craint Joseph Stiglitz. Nous risquerions alors de voir un triste jour, sortir un autoritarisme absolu des urnes démocratiques.

Et tous les sexes seront égaux. À mort.

Aujourd'hui, j'aurais pu vous parler du discours pathétique de Hollande à la tribune de l'ONU. Mais je n'aime pas trop la soupe froide et clairette. Heureusement, pendant qu'un fromage se produisait à Broadway, des minustres du gouvernement n'ont pas pu s'empêcher de commettre plusieurs paragraphes dans Le Monde pour expliquer leur point de vue sur l'école, le sexisme et les méchants stéréotypes dont souffre la société. Devant une telle volée de bisous, je ne pouvais pas rester de marbre.

Les deux auteurs du textes sont, déjà, des habitués de Contrepoints. Il ne leur a pas fallu longtemps pour le devenir, au demeurant.
En général, il faut quelques mois d'exercice à un ministre moyen pour devenir un minustre éclatant. Pour le couple dont il s'agit ici, la transformation de chrysalide gluante en papillon pétomane aura été extrêmement rapide. Vincent Peillon et Najat Vallaud-Belkacem sont en effet des athlètes de haut-niveau du pipotron de combat ce qui a valu au premier le maroquin de l’Éducation, qu'il entend rendre état neuf très peu servi, et à la seconde le poste envié de porte-parole d'un gouvernement commodément aphone. L'un comme l'autre se seront donc employés à fournir, depuis les quatre derniers mois, une matière volumineuse et ininterrompue d'air chaud et agité pour parfaire leur niveau général de pipotronique avancée.
Vincent Peillon, c'est le ministre du rythme scolaire. Comme tous les autres avant lui. C'est le ministre qui augmente le nombre de jours de classe en allongeant les vacances. C'est le ministre qui devra trouver une méthode amusante et surtout discrète pour recruter 40.000 professeurs dans une France exsangue, tout en faisant croire à la rigueur budgétaire et une saine gestion des finances publiques.
Najat Vallaud-Belkacem, c'est la ministre qui veut interdire la prostitution, parce qu'il suffit d'interdire un problème pour le résoudre. C'est la ministre qui, à défaut de porter une parole, trimballe des petites phrases, tout en se tirant une balle dans le pied ce qui demande une maîtrise que seule une athlète de la pipologie expérimentale de niveau 25 est capable de dompter.

peillon & belkacem, trop mignon

Et Vincent et Najat, c'est donc ce couple glamour qui babille des bêtises dans un petit couffin douillet offert par Le Monde. Le sujet ? Cela aurait pu être cuisine, poterie, macramé, mais c'est sur l'égalité entre les filles et les garçons que V&N auront choisi de nous entretenir. Attention : il ne s'agit pas de l'égalité en tant que telle, éthérée, dans la vie de tous les jours. Non. Il s'agit bel et bien de leur égalité dans le cadre de l'école républicaine.
La question, d'emblée, taraude nos deux sémillants auteurs qui l'expriment ainsi :
L'école mixte n'est-elle pas déjà le creuset de l'égalité ? La réussite scolaire des filles aux examens et la relative surreprésentation des garçons parmi ceux qui décrochent de notre système scolaire n'est-elle pas le signe que l'école compense largement les inégalités de genre ?
Cela envoie donc du bois dont on fait les pipeaux dès les premières phrases, ce qui peut être un peu douloureux pour le lecteur lambda qui débarque sur l'article du Monde en pensant y trouver sa ration quotidienne de platitudes intellectuelles compassées. Philosophiquement parlant, la phrase de notre couple manifestement adepte du bondage violent est tout de même sévèrement burnée. D'un côté, le constat est effrayant : l'école compense largement les zinégalités de genre puisque trop de filles réussissent aux examens (ou pas assez de mecs, au choix). De l'autre, cela revient à dire que sans l'intervention égalisatrice pour compenser ces inégalités, l'école aurait produit des bataillons de réussites mâles pour des cohortes d'échecs féminins. Autre interprétation possible : cette phrase est un gloubiboulga ou tout et son contraire courent à fond de train pour se percuter dans le noir d'une absence de pensée dramatique avec un petit chbing! comique. Je laisse le lecteur décider.
La suite de notre exploration nous permet de découvrir, un sourcil en mode "Ah bon ?", que l'école a pour, je cite, "objectif fondamental", "L'égalité entre les femmes et les hommes". Et c'est bien de le dire, puisque moi, benêt que je suis, j'en étais resté à l'objectif primordial d'apprentissage des bases essentielles du savoir, celui qui libère l'individu en le rendant autonome, ainsi que, sur la durée, celui d'un métier qui permet tout de même de gagner sa vie, hein, c'est pas plus mal aussi.
Je me trompais. L'objectif fondamental, j'insiste sur ce mot puisque c'est celui choisi par V&N, est donc de faire croire que les hommes et les femmes sont égaux. Et pas seulement en droit, ce qui eut, pour le coup, été légitime, mais bien plus puisque "L'école reproduit encore trop souvent des stéréotypes sexistes". Et quels stéréotypes ! L'exemple naturellement fourni par nos deux clowns minustres est effectivement frappant, et je le cite bien comme il faut :
Programmes et manuels entretiennent trop souvent ces représentations inégalitaires : combien de "grandes femmes" pour tous ces "grands hommes" dans les livres d'histoire ?
Ah oui. Tout de même. Je comparais, dans un précédent billet, les saillies de Hamon aux bordées d'un Yamato politique. Et qu'y a-t-il de pire qu'un ministre lancé sur un sujet débile ? Facile : deux ministres.
L'Histoire de France est donc salement inégalitaire. Saloperie de France qui n'a pas produit des Marie Curie harmonieusement dispersées dans son Histoire, un peu ici, un peu là. Connerie de pays qui n'a rien trouvé de mieux à faire qu'avoir bêtement des Rois et des Présidents plutôt que des Reines et des Présidentes ! C'est vraiment trop injuste !
Mais le constat ne s'arrête pas au méchant sexisme de l'Histoire. L'inégalité sexuelle se niche à des endroits insoupçonnés :
les filles ont de meilleurs résultats scolaires que les garçons mais leurs choix d'orientation – et plus encore les choix qui sont faits pour elles – demeurent très traditionnels et trop souvent restreints à quelques secteurs d'activité.
C'est effectivement un scandale. Il y a trop d'hommes chez les sages-femmes, les maîtresses d'école, ou dans la magistrature ! C'est incroyable cette enquiquinante propension du réel à coller des femmes dans les assistantes maternelles (99%), le secrétariat (97%), dans les professions de santé, en sociologie... C'est stupéfiant que ces tendances soient présentes partout dans le monde (i.e. celui où les femmes ont le droit de travailler, hein). C'est incroyable l'écrasante majorité, tous pays confondus, de chefs d'orchestres masculins. C'est bizarre, ce nombre d'hommes chez les informaticiens et les électroniciens, là encore, toujours en majorité sur toute la planète. L'explication est évidente : il s'agit d'un complot mondial.
Ce n'est pas une fatalité !
Avec Najat Et Vincent, du Collectif "Rétrécissons les différences et les sexes", on peut encore, tous ensemble, changer ce biais ! D'ailleurs, ils le disent eux-mêmes :
Il est de notre responsabilité de provoquer une prise de conscience de ces phénomènes inconscients pour que les regards changent, que nous parvenions à ce « déconditionnement » des mentalités dont parlait déjà Yvette Roudy, ministre des droits des femmes en 1981.
Sacré Roudy ! D'un autre côté, Yvette nous fait prendre conscience que cela fait trente ans qu'on s'acharne à égaliser à grands coups de lois et de pelle sur la nuque, et malgré tout, on observe encore des cochonneries de disparités de crotte ! La conclusion est évidente, limpide, logique : il faudra plus de lois, et, au besoin, plus de coups de pelle :
De très nombreuses initiatives, locales comme nationales, des partenariats entre l'école et les associations, construisent au quotidien une culture du refus des préjugés, des discriminations et des violences, une culture émancipatrice. Nous travaillons pour faire de ces innovations multiples une véritable politique. Et nous le ferons en nous adressant ensemble aux acteurs de l'éducation
Et voilà : grâce à une panoplie d'innovations (forcément essentielles puisqu'on n'y avait pas pensé les milles dernières années, ou les cents, ou les dix), on va aplanir ces inégalités par le rouleau compresseur républicain. Ce sera vraiment bath, vous allez voir : la purée qui ressortira du concasseur citoyen et égalitaire sera directement poussée dans les gosiers pépiants des générations suivantes avides d'une nourriture intellectuelle facile à digérer. Et puis, surtout, toutes ces innovations à base de partenariat associatif vibrant de non-discrimination totale, cela n'a pas été tenté, depuis trente ans (hat tip à Yvette, toujours).
Egalité, Taxes, Bisous : République du Bisounoursland

On pourrait croire que l'exercice de Vincent & Najat est unique en son genre, petite perlouse de vent douteux lâchée entre deux corridors feutrés d'une République occupée à branlouiller du sociétal lorsque ses institutions s'effondrent sous leur propre poids. Malheureusement, ce genre de production consternante est devenue une espèce de marotte de certains intellectuels de la société française qui s'emploient, avec frénésie et une certaine gourmandise, à bousiller consciencieusement tout ce qui pourrait vaguement s'apparenter encore à une instruction dans ce pays.
C'est vrai pour l’Éducation nationale, mais cela est vrai, finalement, partout ailleurs puisque les lubies aplanissantes, bien au-delà de l'aspect sexuel ou "de genre", se retrouvent dans le marché du travail, dans la presse, à la radio, à la télé, et pour n'importe quel sujet : aplanissons les salaires ! Aplanissons les horaires ! Aplanissons les races ! Aplanissons les opinions ! Aplanissons les productions ! Aplanissons les déficits ou les bénéfices ! Aplanissons tout ! Paf.
Et à force d'aplanir de tous les côtés, on finira par obtenir une société de petits cubes, faciles à ranger, à compter, à manipuler.
Des petits cubes morts.

Non, il n'y a pas d'austérité en Grèce

Entre 2008 et 2011, l’État grec a réduit de 13,2 milliards € ses dépenses hors charge de la dette. Mais, si l'on regarde en détail, ce n'est qu'une austérité de façade.
L'austérité tue la Grèce. C'est du moins ce que l'on nous dit. Les hommes politiques et les médias ont une histoire toute prête : pour satisfaire les créanciers de la Grèce, le gouvernement réduit la dépense publique à des niveaux tellement bas que même  les services de base délivrés par l’État sont mis en danger. En conséquence, le peuple grec, qui souffre de ces coupes sauvages, se rebelle. C'est l'histoire que l'on lit quotidiennement. Pourtant, presque tout y est faux.
Certes, la Grèce réduit la dépense publique. Mais appeler cela "austérité", c'est comme considérer que passer de cinq à quatre Big Macs par jour est un "régime". La réalité est plus complexe.

Commençons par les finances publiques : les rentrées ont baissé en 2009, mais sont restées stables depuis, en raison de trois facteurs :
  • les rentrées dépendant des salaires, des autres revenus et des profits ont baissé, à cause du chômage élevé et de la chute des profits des entreprises ;
  • le gouvernement a compensé en augmentant la TVA, en partie car elle est plus facile à collecter que les impôts directs qui souffrent d'une évasion fiscale importante ;
  • enfin, les financements européens pour les investissements ont augmenté, fournissant au trésor des ressources supplémentaires.
Ces éléments ont permis de maintenir un niveau de prélèvements obligatoires stable mais, l'économie étant en récession, le ratio prélèvements obligatoires sur PIB a cru lui à un plus haut des dix dernières années, à près de 41%. Certes, l'évasion fiscale est là et les prélèvements obligatoires pourraient être plus hauts, mais la part que l’État prend dans l'économie n'a jamais été aussi haute depuis dix ans. Dans le même temps, l'augmentation des impôts indirects a plongé l'économie dans la récession en réduisant fortement le revenu disponible des consommateurs. Les dépôts bancaires ont fondu de 35%, à cause de la fuite des capitaux et de la désépargne. La richesse grecque s'évapore.
La raison peut en être vue en examinant le volet dépenses de l'équation. Entre 2008 et 2011, l’État grec a réduit de 13,2 milliards € ses dépenses hors charge de la dette. Mais, si l'on regarde en détail, ce n'est qu'une baisse de façade : la baisse des investissements représente près de la moitié de cette baisse des dépenses, tandis qu'une bonne partie du reliquat s'explique par la baisse des dépenses militaires. Autrement dit, l’État construit moins d'infrastructures et achète moins d'armes. Par contre, les aides sociales ont augmenté, et les dépenses de personnel de l'administration n'ont baissé que de 7%, surtout grâce aux départs en retraite et non grâce à une quelconque rationalisation de l'emploi public.
Mais ce n'est pas tout. En 2011, la dépense publique (hors charge de la dette) était à 43,1% du PIB, en baisse par rapport au 48,7% de 2009. Mais entre 2000 et 2006 les dépenses publiques n'étaient en moyenne que de 40% du PIB. Autrement dit, l’État grec dépense aujourd'hui trois points de PIB de plus que plus tôt dans cette décennie ! Et si l'on met de côté les variations des dépenses d'investissement, l’État grec dépensait en 2011 5,3% de PIB de plus qu'en 2000-2006 ! Une différence qui représente 11,5 milliards €, soit grosso modo le montant que les créanciers de la Grèce lui demandent d'économiser sur les prochaines années.
Cela amène à se poser trois questions majeures :
  • en quoi la baisse des dépenses d'investissements et de dépense met-elle en danger les services publics de base ?
  • en quoi est-il choquant de vouloir faire revenir l’État à son niveau de dépenses de 2000-2006 ?
  • pourquoi l’État ne pourrait-il pas fournir avec 43% du PIB les services qu'il fournissait avec 40% ?
Ce sont des questions importantes, qui mènent au cœur de la situation grecque. Le gouvernement augmente les taxes afin de gagner du tempos pour réduire les dépenses publiques à leur niveau d'il y a dix ans. Dire que l’État est au pain sec et ne peut donc pas fournir à ses citoyens les services élémentaires est une idiotie. L'argent n'est pas le problème. L’État grec est vivant et même bien vivant. Il mange encore mieux qu'il y a dix ans. Vous parlez d'un régime !

Stop aux doutes


Sous son sourire, perçait la gravité du Premier ministre, la conscience que la France aborde un tournant décisif et que lui-même est mis au défi, dans l'urgence, de lever une montagne de doutes. La présence, à ses côtés des poids lourds de son gouvernement soulignait d'ailleurs l'intensité de ce moment de vérité. Il faut dire qu'entre l'incrédulité des ouvriers de Florange, hier, face au ministre Montebourg, et la présentation, ce matin, d'un budget historique par l'énormité des efforts fiscaux, Jean-Marc Ayrault s'attendait à un examen télévisuel délicat.
Il a fait face sur un ton de fermeté et une autorité plus affirmée qu'auparavant, notamment sur le budget et son cap économique, qui, là encore, traduisaient le souci de répondre dans l'urgence à l'inquiétude des Français. Ils se disent, aux trois quarts opposés à la politique du gouvernement. Quant aux classes moyennes, elles ne croient pas qu'elles seront épargnées. Le Premier ministre a donc fait appel à toute sa force de conviction pour marteler le bien-fondé de sa politique.
« Je dis stop » à la dérive des déficits et de la dette, s'est plusieurs fois exclamé le Premier ministre. Mais c'est sur la compétitivité qu'il a tenu également à lever les doutes. Le coût du travail n'est pas tabou, mais il y ajoute l'importance des investissements et de l'innovation. Il assure que des décisions seront prises sous peu, début 2013. En présentant son budget, les mesures pour l'emploi et les autres projets, telle la banque d'investissements, comme des armes dans le combat pour le redressement du pays, le Premier ministre avance son volontarisme, plus que la certitude des résultats.
La difficulté du Premier ministre, c'est que le temps politique est fatalement plus long que le temps de l'opinion qui veut voir des résultats rapides pour être sûre que ses efforts ne sont pas vains. Surtout quand l'austérité rend plus incertain le retour de la croissance et que le doute grandit sur l'objectif des 3 % de déficit l'an prochain, donc sur la validité de la purge. Le Premier ministre a voulu dire stop aux doutes. Après les paroles, place aux actes.

Boniments pour l’enfer fiscal


Le rendez-vous télévisé de Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, avec les Français, avait tout de la réunion d’urgence et de la communication de crise. A l’heure du passage à l’antenne, jeudi soir, un sondage venait de confirmer que près de deux tiers des Français désapprouvent la politique économique et sociale du gouvernement. La grande majorité d’entre eux pense que les classes moyennes seront les plus touchées par les hausses d’impôts, selon un sondage Tilder-LCI-OpinionWay publié jeudi.
Là, on n’est plus dans le domaine de la subjectivité. Cette « grande majorité » des Français se contentent de regarder les chiffres.
A la question : « Etes-vous satisfait ou mécontent de la politique économique et sociale du gouvernement de Jean-Marc Ayrault ? », 62 % des sondés ont donné une réponse négative (38 % d’assez mécontents et 24 % de très mécontents), soit un bond de 17 points par rapport à un sondage identique du 14 juin. Le nombre de satisfaits a chuté de 16 points, de 53 à 37 %. Seuls trois quarts des électeurs de François Hollande sont satisfaits (et un électeur de Bayrou sur deux, comme quoi…).
Pourtant tout ce qui se produit aujourd’hui était parfaitement prévisible, aussi bien avant la présidentielle qu’avant les législatives.
Question non posée, et qui elle est évidemment de l’ordre de la conjecture : Sarkozy aurait-il fait mieux ? Rien n’est moins sûr, vu l’énormité de la dette et les charges que la France va devoir affronter à l’avenir en raison de sa politique de dénatalité nationale et d’immigration toujours galopante. Mais il est tout de même difficile de lire ce sondage autrement que comme l’image d’un pays qui se mord les doigts…
L’opération de « com’ » du Premier ministre a-t-elle réussi ? Il aura été flou, imprécis, lisse, tentant de se raccrocher au « modèle » social-démocrate allemand et donc à ses résultats et à la meilleure santé allemande qui sont pourtant le fruit d’un passé bien différent de notre aujourd’hui. Peu importe à Jean-Marc Ayrault, professeur d’allemand : c’est juste une affaire d’image. Mais pour le reste, son intervention télévisée n’aura rien eu de mémorable. Elle ne changera rien. Rien au choc fiscal qui attend la France et qu’il était chargé de justifier, façon bonimenteur.
La vraie information était pour ce vendredi, avec la présentation du projet de budget en Conseil des ministres à l’objectif affiché de ramener le déficit du pays à 3 % du PIB. Une tentative qui se chiffre, on le savait déjà, à 30 milliards de hausses d’impôts et de restrictions de dépenses, à ajouter aux 6 milliards de hausses d’impôts votés en juin et aux 2,5 milliards d’économies annoncées de l’assurance-maladie.
« Si nous renonçons à cet objectif, alors tout de suite les taux vont remonter et là on sera dans la situation de l’Italie, là on sera dans la situation de l’Espagne et moi je ne veux pas ça », a-t-il déclaré sur France 2. « Je veux dire stop à la dérive des déficits et de la dette », a-t-il lancé. L’objectif est sain. Mais la sur-dépense de l’Etat est par nature socialiste… N’oublions pas que les agences et commissions de toutes sortes engloutissent quelque 50 milliards chaque année, selon l’Inspection générale des finances.
La dette est passée de 64,2 % du PIB en 2007 à près de 89,7 % fin mars 2012 et devrait dépasser le seuil symbolique de 90 % l’an prochain avant de refluer (?).
« 1,5 point de PIB de réduction du déficit, c’est considérable. Mais surtout, en période de croissance zéro, c’est exceptionnel, ça n’a jamais existé », a déclaré à l’AFP Elie Cohen, directeur de recherche au CNRS. « Du jamais vu », a renchéri Eric Heyer, de l’Observatoire français des conjonctures économiques, toujours cité par l’AFP.
Le gouvernement revendique d’avoir réparti l’effort en trois parts égales : 10 milliards de prélèvements supplémentaires sur les entreprises, 10 milliards sur les ménages et 10 milliards d’efforts sur les dépenses de l’Etat. Ces hausses vont toucher en priorité les ménages aisés et les grandes entreprises, assure le gouvernement. Le « show » de jeudi soir était surtout destiné à en convaincre les Français moyens et les PME. Les nouvelles hausses d’impôts épargneront « neuf Français sur dix », a affirmé jeudi Jean-Marc Ayrault. Mais en général, la pression sur les plus riches n’assure pas le bien-être des moins riches qu’eux… Et les classes moyennes sont persuadées du contraire.
Parmi les mesures déjà connues, une nouvelle tranche supérieure, à 45 %, de l’impôt sur le revenu va être créée pour les contribuables gagnant plus de 150 000 euros par an. Le cumul des avantages dont bénéficie tout foyer fiscal sera abaissé à 10 000 euros mais les niches relatives aux départements d’Outre-Mer, aux monuments historiques et au cinéma échapperont à ce plafonnement global. Cela risque de faire chuter les revenus des associations.
Pour les familles – ou plutôt contre – le bénéfice du quotient familial sera limité à 2 000 euros par enfant au lieu de 2 336 euros actuellement.
Les revenus du capital seront désormais imposés sur le même barème que ceux du travail et l’impôt de solidarité sur la fortune sera relevé.
Une taxe exceptionnelle à 75 % sur les revenus des plus riches (ceux dont le revenu excède un million d’euros annuel) est en outre symboliquement créée pour deux ans. On sait qu’elle ne rapportera quasiment rien, sinon une folle envie d’aller voir ailleurs pour les gens concernés, mais ça ne fait rien : c’est pour la forme !
L’avantage fiscal pour les entreprises qui s’endettent sera réduit : les intérêts d’emprunt ne seront plus déductibles en totalité au delà de 3 millions d’euros. Le dispositif qui permet de réduire son ISF de 50 % des montants investis dans des PME sera en revanche maintenu.
Enfin, en plus d’une augmentation des prix du tabac, une hausse de la taxe sur la bière pourrait être instaurée.
Mais l’effort ne s’arrêtera pas au projet dévoilé vendredi. Un collectif budgétaire, attendu en fin d’année, pourrait augmenter la TVA ou la CSG et donc toucher tous les Français, afin de soulager les cotisations sociales des entreprises pour relancer la compétitivité.
Le Premier ministre s’est borné à répéter jeudi que ces deux prélèvements ne seraient pas relevés… pour « boucher les trous » des comptes publics. Bel exemple de mensonge par omission : ils seront donc bien relevés – mais pour autre chose.
Les Français trouveront cela tellement plus agréable !