TOUT EST DIT

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lundi 13 août 2012

Pour Merkel, le pouvoir ou l'euro

Die Welt affirme que Merkel ne peut pas sauver sa coalition au pouvoir et l'euro. Une courte majorité d'Allemands dit préférer un retour au Deutsche Mark. Les appels à un référendum sur l'intégration européenne se multiplient de toutes parts. La chancelière prépare-t-elle le démantèlement ordonné de l'euro ?

Si affirmer que l'Allemagne détient les clés de la crise de l'euro, c'est enfoncer de satanées portes ouvertes, ça vaut la peine de le réïtérer de temps en temps, car il est de plus en plus évident que les événements en Allemagne vont avoir un effet crucial sur le futur du projet.

Entre enthousiasme et exaspération
Et, selon Die Welt, les tensions s'accumulent jusqu'à un niveau intolérable, le journal disant que Merkel va devoir choisir entre garder sa coalition en état de marche, et sauver l'euro. Elle ne va pas pouvoir faire les deux.
Avec l'UE désormais surnommée, péjorativement, "l'union du passif", il n'est pas clair comment Merkel peut convaincre ses troupes d'approuver son programme de sauvetage. Chaque million supplémentaire qui s'envole vers Athènes réduit la crédibilité de son parti centriste.
Hanselblatt dit fondamentalement la même chose, même si, assez étrangement, ceci n'a rien de nouveau dans la politique allemande. Nous écrivions en des termes similaires en mai 2004, ce qui montre qu'il n'y a rien de nouveau sous le soleil.
Ce qui est nouveau, cependant, c'est qu'on parle d'un référendum sur l'UE en Allemagne. Possibilité soulevée en juin par Schäuble (le ministre des finances de Merkel, NdT) dans une interview au Spiegel, et ensuite par d'autres, nous tombons enfin sur Reuters qui rapporte que le soutien monte pour un référendum sur plus d'intégration européenne.
Plus tôt dans la semaine, le chef de l'opposition sociale-démocrate (SPD), Sigmar Gabriel, a endossé l'idée. Et le dernier politicien en date à reprendre cet appel est Horst Seehofer, le chef de la Christlich-Soziale Union bavaroise (CSU), le parti frère des Chrétiens Démocrates (CDU) de Merkel. Il dit que les Allemands ordinaires devraient être plus consultés sur les grandes décisions européennes, mettant l'accent sur le fait que l'UE ne peut pas rester "un projet de l'élite".
Der Spiegel, qui a lancé le "meme" du référendum en juin, en évalue maintenant les chances, citant aussi The Economist, qui offre un article trivial, soutenu par édito qui affirme que "pour autant qu'on sache, Angela Merkel est, en ce moment même, en train de contempler comment démanteler l'euro."
La Grèce se serre la ceinture, dit-il, le gros de l'Europe du Sud souffre aussi, alors que les pays créditeurs du Nord les excusent de moins en moins : dans un sondage récent, une courte majorité d'Allemands se sont dits en faveur d'un retour du Deutsche Mark. Une désintégration chaotique serait une calamité. Tandis que Mme Merkel lutte pour trouver une solution, ses aides de camp sont probalement aussi, raisonnablement, en train de concevoir un plan pour se préparer au pire.
Comme d'habitude, cependant, la compréhension de la politique européenne est maigre, et le rôle des institutions de l'UE sous-estimé. Et, tandis que les politiciens allemands vont sans doute jouer un rôle crucial dans le destin de l'UE sur le court terme, ce que nous avons nous-mêmes reconnu en introduction, les types du style Barroso et Van Rompuy n'ont pas encore dévoilé leur jeu.
Cependant, dans un événement qui a des résonnances politiques intéressantes, le 25 juillet dernier, Merkel a ouvert le Festival de Bayreuth, la fête annuelle de Wagner, qui a offert un théâtre aussi saisissant que celui qui vient avec la chute de la Grèce.
Un autre notable qui a assisté à ce festival à l'aube d'un grand événement est Adolf Hitler. Le 23 juillet 1940, juste au moment où la bataille d'Angleterre était en train de se déployer, il a assisté à une représentation de Götterdammerung, la toute dernière fois qu'il ait jamais vu du Wagner sur scène.
Son ami d'enfance Augustus Kubizek, se rappelait le chancelier lui disant "je suis toujours emmêlé dans la guerre. Mais j'espère qu'elle ne durera plus longtemps, et qu'ensuite je serai en mesure de bâtir à nouveau, et d'accomplir ce qui reste à l'être".
Cette année, Merkel pourrait avoir pensé à peu près la même chose, avec la longue guerre pour l'Union européenne qui interfère une fois de plus avec les plans du chef. Les choses vont, et les choses viennent. Le chancelier actuel, politiquement du moins, pourrait ne pas survivre à cette expérience non plus.

Les dépenses de protection sociales augmentent, pas les recettes


La DREES a récemment publié les comptes de la protection sociale… de 2010. Il aura fallu deux ans et demi à cet organisme de statistiques pour sortir ses chiffres.

La Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et de la Statistique, bref, la DREES, vient de publier l’étude complète des coûts de la protection sociale en France en 2010. Pour ceux que cela intéresse, vous pouvez le télécharger ou le lire en cliquant ici.

Si la lecture des huit pages et des graphiques ne vous attire pas particulièrement, en voici un rapide résumé :
La crise qui a débuté en 2008 et provoqué une récession dans la plupart des pays européens se prolonge par une croissance atone en 2010. Le ralentissement économique continue d’affecter les ressources de la protection sociale, alors que les dépenses publiques de protection sociale continuent leur progression et jouent leur rôle d’amortisseur de la crise. Les ressources de la protection sociale (hors transferts) s’établissent à 633,1 milliards d’euros en 2010. Elles augmentent de 1,8% en 2010, après 0,5% en 2009. Les dépenses s’élèvent pour leur part à 654,2 milliards d’euros, dont l’essentiel sous forme de prestations de protection sociale (620,8 milliards, soit 32,1% du produit intérieur brut). Celles-ci augmentent de 3,2%, après une hausse de 4,8% en 2009. Si les prestations de vieillesse-survie et de santé progressent assez modérément (respectivement de +3,5% et +3%), la crise tire celles des risques emploi et pauvreté à la hausse (respectivement +5% et +5,6%).
Ce qui m’étonne toujours, c’est qu’il faille deux ans et demi pour sortir une étude comme celle-ci. La DREES (qui fait double ou triple emploi avec d’autres organismes de statistiques à commencer par l’INSEE) est censée fournir des chiffres au ministre… Comment accepter d’attendre deux ans et demi pour avoir des chiffres aussi importants que ceux-ci ? Soit le ministre travaille à l’aveugle et c’est intolérable, soit il avait déjà ces chiffres depuis longtemps et cette administration ne sert à rien et il y a là matière à faire faire des économies au ministère de la santé…

Individualisme et socialisme. Analyse critique de l’approche de Tocqueville

Ce qui cloche avec l’analyse de Tocqueville, c’est qu’elle part du principe que l’individualisme ne suffit pas à garantir un attachement durable à la liberté. L’individualisme porterait les germes de la servitude. Ce qui est faux, voyons pourquoi.

« Le problème avec le libéralisme, c’est qu’il est socialement inégalitaire. » Quel libéral n’a pas été confronté à ce lieu commun des socialistes ? Rétorquer que la liberté engendre un nivellement vers le haut des conditions, à défaut d’une égalité matérielle, est généralement peu convaincant auprès d’un socialiste. En effet, c’est à ses yeux l’individualisme, la poursuite des fins privées, qui fait que tout un chacun se tourne naturellement vers l’État pour obtenir ce qu’il désire. D’où l’appel au socialisme, et à la production de mêmes biens pour tout le monde, en vue d’une satisfaction égale des intérêts. Processus qui prend des formes diverses. Par exemple, une assurance sociale généralisée pour garantir que chacun ait accès à des soins ou un effort commun des contribuables pour financer la production par l’État de biens matériels jugés d’utilité publique.

Pourquoi empêcher les gens de se tourner vers l’État, dit le socialiste ? Pourquoi s’opposer à ce geste spontané ? Les libéraux les plus courageux pourront tenter de démontrer que la liberté oblige les individus à trouver un terrain d’entente, puisqu’aucun ne peut recourir à la force pour faire prévaloir ses intérêts ; et donc, la société libre est un jeu à somme positive, bénéfique pour chaque partenaire. Soit, mais pourquoi les individus se tourneraient-ils spontanément vers un tel modèle de société ? Pourquoi ne préféreraient-ils par le socialisme ? Un socialiste peut aisément rester sur ses positions et persévérer dans son argument que l’individualisme mène en soi au socialisme.
S’il est crucial de réfuter cet argument socialiste, c’est bien parce que Tocqueville a su lui donner ses lettres de noblesse et l’asseoir, malgré lui, dans la tradition antilibérale. Regardons-y de plus près.
Quoique libéral, Tocqueville considérait que la liberté était inéluctablement menacée par l’individualisme qu’elle favorise, celui-ci virant tôt ou tard à l’égalitarisme.
Rappelons que pour Tocqueville, le fait fondamental des sociétés modernes est « l’égalité des conditions » ou égalité de droit, qui fait que tout un chacun peut user de sa vie ou de ses biens comme il l’entend, sans faire l’objet de la coercition d’autrui. En ce sens, liberté et égalité sont originellement complémentaires, puisque l’égalité de droit n’est que l’égale liberté de chacun. Mais l’individu lambda aspire tôt ou tard à l’égalité matérielle, quitte à sacrifier sa liberté au profit de la réalisation de ce projet.
La cause en est l’individualisme constitutif de la démocratie. Celui-ci procède de l’égalité de droit, contre laquelle il finit paradoxalement par se retourner. Les sociétés aristocratiques ne connaissaient pas l’égalité de droit, ni non plus, par conséquent, l’individualisme. Ce « sentiment réfléchi et paisible » pousse les citoyens à poursuivre exclusivement leurs fins privées et à abandonner jusqu’à l’idée d’un bien commun ou d’une fin collective, qui se suffirait à lui-même. Ainsi se dissout le lien social, chaque citoyen tendant à « s’isoler de la masse de ses semblables et à se retirer à l’écart avec sa famille et ses amis ».
Le problème est qu’à force de ne songer qu’à lui-même, le citoyen se désintéresse de la liberté et lui préfère la servitude. En effet, pour satisfaire ses fins privées au mieux, il préfère l’action de l’État plutôt que la sienne ; il se décharge volontairement de ses responsabilités individuelles au profit de l’État, lequel devient le fournisseur de biens collectifs, que chacun est contraint de produire à son échelle mais dont tous peuvent profiter, sans discrimination. Le principal coupable, pour l’avènement d’une telle société, c’est bien l’individualisme, sans lequel le désir de faire appel à l’État pour satisfaire ses fins propres ne verrait le jour. En effet, l’individualisme pousse le citoyen à ne plus aimer la liberté, car elle constitue un bien collectif qui vaut pour lui-même, indépendamment des fins privées auxquelles l’individualisme cantonne les individus. C’est ainsi que l’individualisme se meut nécessairement en égalitarisme, les citoyens estiment qu’ils sont en droit de se contraindre mutuellement à produire des biens collectifs pour la satisfaction égale de chacun.
La liberté est un idéal qu’on recherche pour lui-même, non pour satisfaire ses fins propres. À la différence des biens collectifs qui sont produits dans un cadre socialiste. Certes, le citoyen peut aimer la liberté pour autre chose qu’elle-même, en ce sens que soustrait à la coercition d’autrui, il lui est déjà plus facile d’atteindre ses fins propres ; mais cet attachement est nécessairement temporaire, il doit céder la place tôt ou tard à une préférence pour l’État plutôt que pour la liberté. Le remède au socialisme ou « despotisme doux », c’est l’action citoyenne, la défense politique de la liberté comme un idéal qui trouve en lui-même sa propre justification. Il faut renoncer au strict individualisme, et le contrebalancer par l’amour désintéressé de la liberté, si on veut empêcher l’avènement du socialisme.
Ce qui cloche avec l’analyse de Tocqueville, c’est qu’elle part du principe que l’individualisme ne suffit pas à garantir un attachement durable à la liberté. L’individualisme porterait les germes de la servitude. Ce qui est faux, voyons pourquoi.
L’harmonie spontanée des intérêts fait qu’un individu peut pleinement satisfaire ses fins propres en échangeant ou commerçant librement avec d’autres individus, ce qui fait que fondamentalement, il n’a pas besoin de les obliger à servir ses fins propres. Certes, il est malgré tout tenté de le faire, car c’est un moyen aussi efficace, si ce n’est plus parfois, que la coopération pacifique et volontaire pour obtenir ce qu’il désire. Et ce, d’autant plus lorsque les inégalités sociales engendrent son ressentiment. Toutefois, la nécessité de défendre la liberté de chacun doit inéluctablement faire l’objet d’un consensus auprès des individus.
En effet, tout un chacun, qu’il vive de son propre travail ou du vol d’autrui, a besoin d’être assuré que sa liberté, sa vie et ses biens ne seront pas l’objet d’actes coercitifs ; à cette condition, il peut agir et poursuivre ses fins propres en toute sérénité. Mais la meilleure assurance qu’un individu puisse avoir, pour la protection de sa liberté, c’est bien que les autres s’engagent à ne jamais porter atteinte à sa liberté, pourvu qu’il en fasse de même à leur égard. C’est ainsi que la liberté doit nécessairement devenir une valeur collective. Tocqueville a tort de penser que si on préfère l’État à la liberté, ce serait du fait que l’individualisme au nom duquel on aime la liberté conduit nécessairement à lui préférer l’État. Bien au contraire, les avantages sociaux d’un accord consensuel sur la nécessité de défendre collectivement la liberté de chacun garantissent la pérennité d’un tel accord ; ce n’est pas l’individualisme en lui-même qui mène à préférer l’État à la liberté.
En fait, Tocqueville eût été bien plus pertinent, s’il avait cerné le véritable coupable à l’origine de la passion égalitaire, à laquelle l’individualisme en soi ne mène jamais. C’est bien plutôt sa perversion par l’égalité démocratique qui est responsable d’une telle évolution. L’égalité démocratique, que Tocqueville distingue rigoureusement de « l’égalité des conditions », désigne l’égalité des citoyens face au pouvoir de définir la loi. Dans la mesure où chacun peut essayer de profiter du pouvoir coercitif de l’État, la tentation de spolier son prochain, de profiter de sa propriété et de son travail est exacerbée. Elle l’emporte sur l’attachement consensuel à la liberté. C’est ainsi que se développe la passion égalitaire, qui veut que chaque citoyen puisse être contraint par la majorité de participer à la production de biens collectifs, dont tous pourront par la suite profiter, sans discrimination.
La prochaine fois qu’on vous dira naïvement que la liberté est nécessairement menacée par la passion fondamentale de l’égalité (matérielle), qu’engendre l’individualisme, vous saurez quoi répondre : la liberté favorise certes l’individualisme, lequel exclut par principe toute passion égalitariste et fait de la liberté un bien commun dont il assure la pérennité. Si votre interlocuteur est un petit malin qui citera Tocqueville pour appuyer son propos, vous pourrez enfoncer le clou : Tocqueville se trompe. Il est faux que ce soit l’individualisme en lui-même qui mène à la passion égalitaire ; c’est, bien plutôt, dans la mesure où l’individualisme est perverti par le pouvoir démocratique de profiter pour tout un chacun du pouvoir coercitif de l’État, qu’il peut avoir pareille évolution. On ne saurait reprocher à Tocqueville d’avoir encouragé l’action citoyenne pour protéger les droits individuels. Mais l’individualisme ne peut être rendu responsable de la menace qui pèse sur eux. La démocratie est le seul coupable.

Karl Marx a eu tort sur tout


Quand on me dit, le capitalisme n'aime pas les pauvres, je réponds, c'est vrai, nous voulons en faire des riches. Ce sont les socialistes qui en ont besoin comme clientèle.
J'ai pris part à un échange révélateur, il y a quelques jours. Quelque chose que j'avais mis sur Twitter, une question timide sur savoir s'il est désirable de pousser de plus en plus de gens sur les bancs de l'université, a déclenché une série de réponses du type : "Typique, comme tous les capitalistes, vous n'aimez pas les pauvres".
La critique est arrivée en un tel blizzard que je me suis dis qu'il fallait que je fasse une réponse ou une autre, et j'ai donc repris mon clavier : "J'aime tous ces tweets "les capitalistes n'aiment pas les pauvres". C'est vrai, nous voulons en faire des riches. C'est les socialistes qui ont besoin de leur clientèle".
Ce qui s'est produit ensuite m'a fait réfléchir. L'une après l'autre, les personnes de gauche sur Twitter ont fait la queue, pour argumenter que le capitalisme ne pourrait survivre sans la pauvreté, que son essence est d'accroître le fossé des inégalités, qu'il concentre de plus en plus de pouvoir entre les mains de moins en moins de ploutocrates, que ses jours sont comptés. Le blogueur travailliste Sunny Hunal pourrait bien parler pour un grand nombre de personnes : "En fait, le capitalisme (par définition) a besoin de plus de pauvres et préfère des droits de négociations faibles et des inégalités grossières".
Ce qui est fascinant, ce n'est pas seulement que la proposition de Sunny est fausse. C'est que, comme toutes les autres réponses déjà citées, elle est empruntée directement à Karl Marx.
Le marxisme, de façon unique parmi les philosophies politiques, s'est défini lui même comme une science. Pour ses adhérents, ses propositions ne sont pas spéculatives mais empiriques. En tant que bon hegelien, Marx voyait ses prévisions comme faisant parti d'un processus historique inexorable. Et pourtant, elles se sont toutes - toutes - révélées fausses.
Le capitalisme était supposé détruire la classe moyenne, laissant une minuscule clique d'oligarches gouverner un vaste prolétariat. En fait, le capitalisme a agrandi la bourgeoisie partout où il a été pratiqué. Le capitalisme était supposé abaisser le niveau de vie pour la majorité. En fait, le monde est plus riche qu'il n'aurait été concevable il y a 150 ans. Tout le système de marché était supposé être au bout du rouleau au temps où Marx et Engels écrivaient. En fait, il entrait dans son âge d'or, profitant immensément aux plus pauvres. Comme l'a dit Schumpeter, la princesse a toujours pu se permettre des bas de soie, mais il a fallu le capitalisme pour les mettre à la portée de la jeune fille de la boutique. Le niveau de vie d'un Britannique vivant du RMI aujourd'hui est plus élevé que celui du Britannique gagnant le salaire moyen en 1920.
Je ne sais pas combien de personnes qui répètent les mots de Marx comme des perroquets sont au courant qu'ils le font. Mais, quel que soit le nom qu'on lui donne, les événements ont eu sensationnellement peu de prise sur cette doctrine. On aurait pu croire, et je l'ai cru, que l'effondrement des régimes du pacte de Varsovie en 1989 aurait réfuté définitivement le socialisme révolutionnaire. Et cependant, des générations successives continuent de tomber dans le panneau.
Plus je lis de choses sur la psychologie comportementale, plus je pense que les idéologies sont autant un produit de la nature des gens que de l'observation du réel. Les doctrines perverties qui ont fait passer les bolchéviques à l'acte, pourraient être immanentes dans une portion de l'humanité. Certaines personnes sont déterminées à voir tout succès comme une arnaque aux dépens de quelqu'un d'autre, toute transaction comme une exploitation, tout exercice de la liberté comme le viol de quelque plan idéal, toute tradition comme une superstition.
Alors que nous approchons du bicentenaire de sa naissance, comme il est délicieux de constater que Karl Marx a été transformé en la chose qu'il détestait plus que tout : le prophète d'une foi irrationnelle.

Requiem pour l'Eurozone

L’erreur fatale commise avec la construction de la zone Euro, lors du traité de Maastricht, est de n’avoir tenu aucun compte de ce que l’Europe, à l’inverse des États-Unis d’Amérique, était constituée d’une mosaïque de peuples divers aux destins très différents les uns des autres. 
Le 20 septembre 1992, pour des raisons évidentes de perte de souveraineté, feu mon père et moi-même avons voté “non” au référendum de ratification du traité de Maastricht et donc récusé par avance la création et la mise en oeuvre de l’euro. En France, d’une épaisseur de papier à cigarette, nous avons d’ailleurs bien failli faire perdre aux concepteurs de la zone euro un pari politique qui, vingt ans après, se révèle avoir été plus un coup de dés pipés qu’une création rationnelle vouée au succès.
Quant à savoir la différence entre une monnaie commune et une monnaie unique, je garde le souvenir précis, alors qu’en ce temps-là, déjà, rien n’était moins clair que la nécessité de l’euro, d’une mise au point paternelle sur cette question vitale. J’en avais tiré la leçon qu’une monnaie peut être commune à un ensemble d’États sans, pour autant, qu’il soit obligatoire de supprimer les monnaies nationales ; alors qu’une monnaie unique, par nature monopolistique, ne supporte donc aucune contradiction.
L’erreur fatale commise avec le traité de Maastricht est de n’avoir tenu aucun compte de ce que l’Europe, à l’inverse des États-Unis d’Amérique, était constituée d’une mosaïque de peuples divers aux destins très différents les uns des autres. Certains ont même cru de bon ton de parler d’États-Unis d’Europe, faisant ainsi une claire allusion à l’homogénéité des USA. Tout en oubliant que les Américains étaient toujours chez eux où qu’ils se trouvent dans chacun des cinquante États de l’Union.
Bref, le lecteur voudra bien me pardonner cette longue introduction avant d’en venir au fait, le fait en question étant matérialisé par un article de Pierre Lellouche, ex-secrétaire d’État au Commerce extérieur, récemment paru sur Atlantico. Peut-être trouvera-t-on que ma critique n’est pas justifiée tant le sujet traité, finalement, semble relever de la futilité. Je n’en crois rien car ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et, selon moi, l’appartenance à la classe dirigeante vous crée des devoirs.
Ainsi, quand M. Lellouche écrit : "Comment faire en sorte qu’il y ait une monnaie commune dans une zone économique totalement hétérogène (...)", il aurait sans nul doute été plus efficient de parler, à l’instar de Vaclav Klaus, de monnaie unique commune. Car selon Vaclav Klaus, président en exercice de la République tchèque :"Notre continent a une caractéristique supplémentaire : son système monétaire spécifique, basé sur une monnaie unique commune à 17 des 27 pays membres de l’UE."
Revenant à Pierre Lellouche, le même traitement devra s’appliquer sans faiblesse au corps de phrase suivant : "La classe politique allemande s’est arrangée pour mettre le maximum de frein à l’idée selon laquelle une monnaie commune entraînerait (...)." Et encore : "Il y a un vice profond dans cette affaire : ou bien on s’en sort par le haut, avec un contrat entre les nations et une harmonisation des politiques fiscales, et alors on a une chance de faire fonctionner une monnaie commune (...)". Après cela, nous passons sans crier gare à une autre vision de la monnaie européenne telle que nous la délivre l’ancien ministre : "La seule façon pour que l’Allemagne soit garante de la monnaie unique serait que tout le monde fonctionne à l’allemande (...)".
Monnaie commune à l’échelle de l’Europe, monnaie unique pour l’Allemagne, c’est à n’y plus rien comprendre et les Français, lassés, vont finir par se détourner définitivement d’un sujet pourtant vital pour l’Europe actuellement en pleine dérive politico-économique !
C’est aussi manière de constater à quel point nos pâles gouvernants, dont je ne peux que déplorer la vision politique à courte vue, donnent le sentiment de ne même pas connaître le b.a.-ba de la haute mission que leur a confiée les électeurs. 
Quelle tristesse !

Soutien mou à une présidence molle


Nous pouvons constater qu'il y a un consensus mou de soutien majoritaire à la nouvelle équipe en place, depuis l'élection de François Hollande à la présidence. Plusieurs facteurs l’expliquent.
Plus un poil sur le cailloux avant la fin de son mandat !!!
J’étais passé brièvement à Paris a deux reprises, après les élections présidentielle et parlementaire de mai/juin. Mes observations sont bien évidemment superficielles, sans doute biaisées, mais je vous les livre néanmoins.
Je constate qu'il y a un consensus mou de soutien majoritaire à la nouvelle équipe. Plusieurs facteurs l’expliquent.
Premier facteur, la Présidence « normale » avec la prise de conscience de la crise. Il est bien temps, me direz-vous, mais maintenant tout le monde en parle, majorité, opposition, et peu de zones géographiques génèrent de la croissance. Mêmes les BRICS inventées par Goldman Sachs ne délivrent plus les « double » ou « high single digit growth ». Le gouvernement est dans une gestuelle qui plait, fini le temps où Lionel Jospin reconnaissait son impuissance devant les plans sociaux.
Deuxième facteur, on va enfin "faire payer les riches", en prenant l’argent où il est supposé être : les particuliers dits fortunés (contribution exceptionnelle sur la fortune, droits de successions augmentés, donations en franchise d’impôts limités). Taxe sur les activités financières, sur-imposition des banques… Les rémunérations des dirigeants du secteur public sont captées, ceci est aussi bien perçu dans l’opinion, surtout lorsque les gestions ont été calamiteuses.
Troisième facteur, les promesses de campagne, à tout le moins les plus emblématiques, sont mises en œuvre, telles le retour conditionnel à la retraite à 60 ans, plus un relèvement du SMIC.
Quatrième élément, pas de chasse aux sorcières. Et dans les secteurs que je connais un peu d’expérience, rien de contestable à la nomination de Jean-Pierre Jouyet à la Caisse des Dépôts. Et au retour à sa place à l’AMF de Gérard Rameix, qui connait bien cette institution dont il a été le secrétaire général durant une dizaine d’années.
De même, il y a continuité dans la politique étrangère et de défense. Bien sûr, comme promis, on accélère le retour des unités combattantes engagées sur le terrain en Afghanistan. Mais sur la Syrie, l’Iran, Israël et l’État Palestinien, pas de rupture significative. Et l’on peut parier sans grand risque que la commission Védrine ne remettra pas en cause le retour de la France dans le commandement militaire intégré de l’OTAN.
L’Europe aussi est traitée dans la continuité, avec aussi peu de résultats tangibles que sous la Présidence de Nicolas Sarkozy. Certes on bouscule un peu nos partenaires allemands, mais aucun mouvement vers un fédéralisme économique, type mutualisation de la garantie des dépôts, ou des dettes par les fameux Eurobonds. Et transfert de fait de la gestion de crise à la BCE, dépourvue du droit d’achat des créances souveraines par le traité fondateur et l’oukase de la Bundesbank. Qu’on s’en réjouisse ou qu’on le déplore. On continue ainsi de sommet en sommet à, selon l’expression anglo-saxonne imagée, « kick the can ». Ce qui conduira à terme à la sortie de la Grèce de la zone Euro, peut-être de l’Union Européenne, probabilité 75% en 2013, avec des conséquences sérieuses pour ce pays, et un effet possible de contagion sur d’autres pays du Sud. La crise de la dette souveraine est devenue celle de l’insuffisante capitalisation du système bancaire européen face aux write offs non encore constatés, et aux besoins de refinancement pour lesquels les marchés montrent peu d’appétit. Entre temps, grâce au LTRO de la BCE, et autres palliatifs, son bilan pèse désormais environ le tiers du PIB de la Zone euro. Comme l’avait en termes plus diplomatiques déclaré Ben Bernanke à la réunion annuelle des banquiers centraux à Jackson Hole en aout 2011, on ne peut pas uniquement compter sur la Fed ou ses grands équivalents pour faire le travail que les politiques n’ont pas le courage de prendre sous leur responsabilité de dirigeants soumis à réélection.
Le consensus mou de satisfaction résignée est renforcé par la déconfiture de l’opposition. En tout cas de l’opposition dite républicaine. La contestation pour la Présidence de l’UMP, galop d’essai pour la future présidentielle, ne passionne pas l’opinion. Prenons le pari que le candidat de droite en 2017 ne sera sans doute aucun de ceux qui se partageront en novembre les suffrages des militants UMP dans cette primaire fermée. Quant au Front National, on ne l’entend plus, comme si son objectif désormais atteint n’était que la défaite du Président sortant.
Ceci veut-il dire que la gauche est solidement installée au pouvoir pour toute la mandature ? Je ne le pense pas car, dès 2013, la nouvelle administration devra faire face à la situation catastrophique des finances publiques et des régimes sociaux, encore détériorés par une gestion des déficits qui privilégie quasi exclusivement les nouvelles recettes aléatoires, qui ne seront pas au rendez-vous compte tenu du niveau déjà excessivement élevé de nos prélèvements. Clairement nos dirigeants ne croient pas à la courbe de Laffer, ni même au message bien français selon lequel "trop d’impôt tue l’impôt". Je ne sais quel est le niveau optimum d’imposition directe acceptable, mais nous l’avions dépassé sous les administrations dites de droite et la gauche a considérablement augmenté la pression avant même la mesure supposée temporaire de taxation des revenus supérieurs à 1 million d'euro au taux confiscatoire de 75% plus plus.
Le non retour dans les ordres de déficits réclamés par l’Europe déclenchera très vite de nouvelles mesures de baisse de la note française, S&P puis Moody’s et Fitch, ce qui rendra nos financements et refinancements de la dette souveraine et sociale plus difficiles et en tout cas plus onéreux, pour les 2/3 sur les marchés institutionnels étrangers, alors que l’Amérique n’est dépendante de ces investisseurs que pour un peu plus de la moitié de sa dette, et pour l’intégralité dans sa monnaie.
Que ces échéances se concrétisent en 2014 ou plus vraisemblement en 2013, et elles coïncideront avec une sortie de la Grèce dite Grexit, et on mesure la gravite prévisible de la situation.
Je ne sais comment nos dirigeants géreront cette crise inévitable mais on peut craindre une nouvelle poussée des populismes et des troubles sociaux majeurs.
Le consensus mou aura alors bien vécu.

Derrière les mots du discours de François Hollande, le manque de style du Président

La Présidence de la République a rendu public samedi le texte du discours funèbre de François Hollande lors des obsèques du major Franck Bouzet, mort au combat en Afghanistan. Il n'est pas interdit de corriger son inspiration ni surtout sa formulation afin que la plume du président, la prochaine fois, soit trempée dans une encre plus fluide.
NB : Les corrections sont entre crochets.
Madame et Messieurs les ministres,
etc
Une fois encore, la Nation se retrouve autour du cercueil de l'un de ses soldats, l'un des plus méritants de ses soldats.
[Cette mention, pour sympathique qu'elle paraisse, est à la fois démagogique et idiote, parce qu'on n'imagine pas que le moins méritant de nos soldats puisse n'avoir droit qu'à un éloge funèbre au rabais. Donc, tous les soldats morts au combat sont méritants par définition et au même degré . Le chef des Armées devrait le savoir.]
Ce qui nous réunit ce matin encore, c'est la douleur. C'est la peine, c'est la solidarité.
[On se demande ce que la solidarité vient faire ici. Il veut sans doute parler de compassion.
Mais ce qui nous rassemble aussi, en cet instant, c'est la fierté, c'est la gratitude, c'est l'admiration.]

Major Franck BOUZET,
C'est à vous que je m'adresse, au-delà de la mort, qui nous sépare.
[Ici le Président rate une belle occasion de dire que la mort réunit plutôt qu'elle ne sépare, qu'elle rassemble les hommes autour de valeurs d'honneur, de service etc, ce qui est d'ailleurs le sujet du paragraphe suivant. La mort qui nous sépare, c'est à la fois une évidence et une incongruité.]
Vous aviez choisi de faire de votre vie un engagement pour la France. Vous aviez rejoint l'armée à l'âge de 18 ans. Et d'emblée, vous vous étiez tourné vers les chasseurs alpins, ces troupes d'élite, ces troupes de montagne, que je salue ici, à Varces, et dont la persévérance, le panache et l'héroïsme, sont reconnus par tous nos compatriotes.
[Merci Sully Prudhomme.]
Je rappelle que trois bataillons de chasseurs alpins ont payé un lourd tribut aux opérations alliées en Afghanistan.
[Merci aux fiches de mon chef de Cabinet. Mentionnons le cliché "lourd tribut", qui sort du journal de 20 heures ou semble calibré pour y entrer tout de suite.]

Major Franck BOUZET,
Vous avez participé à de nombreuses opérations extérieures : en ex-Yougoslavie, au Kosovo, en Côte d'Ivoire et en Afghanistan, où vous aviez déjà combattu une première fois en 2011.
Partout, sur ces théâtres d'opération où la France défend l'idée qu'elle se fait d'elle-même
[alors là on est stupéfait, c'est reprendre l'argument de ses détracteurs, il aurait mieux valu dire qu'elle défendait une idée de l'homme, de la dignité des peuples, etc, mais envoyer des centaines de tonnes de matériel et des milliers d'hommes à l'étranger pour parfaire son autoportrait à la face du monde, c'est n'importe quoi, et le New York Times ne va pas nous rater], partout, vos supérieurs, vos camarades ont relevé vos très grandes qualités humaines et professionnelles, votre sens du devoir, votre bravoure, et votre sérénité que vous saviez garder en toutes circonstances.
Partout, vous donniez l'image de n'avoir pas conscience [l'impression de n'avoir pas conscience, ou l'image d'un homme qui n'a pas conscience] de vos [ses] excellentes et belles vertus, tant elles vous étaient naturelles.
En revenant, en mai 2012, sur le territoire afghan, vous saviez, mieux que quiconque, ce que sont le risque du combat, la présence du danger et l'exigence du métier des armes.
Depuis trois mois, vous étiez l'un des conseillers militaires français placés auprès des forces afghanes en Kapisa.
C'était votre mission, celle que la République vous avait mandatée [ouille! est-on bien sûr que l'on puisse mandater une mission? Il est permis d'en douter fortement, nous le vérifierons] et que vous meniez avec courage et efficacité.
Vous vous êtes dévoué pour la patrie.
Vous êtes mort pour elle.
Au matin du mardi 7 août, à proximité du pont de Tagab, vous avez été blessé lors d'un accrochage, dans l'accomplissement de votre devoir. Vous avez pu être rapidement évacué vers l'hôpital de Kaboul mais peu de temps après, vous avez succombé à vos blessures.

Mesdames et Messieurs,
Dans quelques instants, je remettrai, au nom de la République, les insignes de chevalier de la légion d'honneur au major Franck BOUZET.
Je tiens à associer à son souvenir un autre nom. Celui de l'infirmier Olivier de VERGNETTE, qui a été blessé en s'élançant sous les tirs pour prodiguer au Major les premiers soins. Nous n'oublierons pas cet exemple non plus : celui d'un soldat prêt à sacrifier sa vie pour en préserver une autre.
Cette générosité n'aura hélas, pu sauver Franck BOUZET. Ce sous-officier de 45 ans rejoint désormais la longue et glorieuse cohorte de nos hommes morts au champ d'honneur.
Son nom porte à 88 le nombre de militaires français tombés en Afghanistan depuis 2001.

Je me tourne vers Sylvie, son épouse, vers ses trois enfants, Vanessa, Cynthia, Charles. Je sais toute la part qu'ils ont prise à l'engagement de leur mari, de leur père. Je mesure leur peine aujourd'hui, celle aussi de la mère du Major, Françoise VI CENTE comme celle de toute sa famille.
Je sais qu'accepter qu'un proche revête l'uniforme militaire, c'est consentir soi-même à en subir un jour les conséquences les plus douloureuses. Et pour autant la peine parait inextinguible, comment l'étancher malgré tous les discours qui peuvent être prononcés ? [C'est sans doute ici que l'insuffisance de la "Plume du Président" est la plus criante. Une peine est généralement insurmontable au lieu d'être inextinguible mais passons. Quant à l'étancher, le verbe s'applique aux larmes ou à la soif, mais pas à la peine, car elle n'est pas liquide. Quant à la conclusion de la phrase, la mention "malgré tous les discours" suffisait amplement, rajouter "qui peuvent être prononcés" c'est grotesque.]
Je veux, à travers cette cérémonie, leur dire que c'est toute la Nation qui est rassemblée autour d'eux, autour de leur famille et que, Franck BOUZET restera un exemple, celui d'un homme, d'un soldat, qui au nom d'un idéal, sacrifie sa propre existence. [Déjà dit à propos de l'infirmier]
La France se bat, non pas pour son influence dans le monde, non pas pour ses intérêts, mais au nom de valeurs et de principes.
C'était le sens de la présence de la France [de sa présence] en Afghanistan.
Elle avait été décidée au lendemain de l'attaque terroriste du 11 septembre 2001 qui avait frappé les Etats-Unis d'Amérique. Elle avait été autorisée par le conseil de sécurité de l'ONU et dans le cadre d'une large alliance pour la mettre en œuvre.
Il s'agissait à l'époque d'en terminer avec un régime lié à Al Quaïda et qui abritait Ben Laden. A l'égard de forces obscures qui menaçaient la sécurité du monde. [Nous voilà dans The Avengers]
Nous avions un but, un seul : permettre aux Afghans de prendre souverainement en charge leur propre destinée. [De devenir les auteurs de leur destin, en somme et sans amphigouri.]

Cette mission est aujourd'hui accomplie [Hum]. Comme j'en ai pris l'engagement devant les Français [à l'exemple de mon adversaire, qui s'y était engagé aussi pendant la campagne] et en lien étroit avec nos Alliés, en plein accord avec les autorités de l'Afghanistan, le retrait de nos forces combattantes est aujourd'hui en cours. Il sera complet d'ici la fin de l'année et nous passerons le relais aux Afghans eux-mêmes. Notre solidarité prendra une autre forme : celle de la coopération avec un Etat afghan pleinement maître de lui-même.
Le transfert des responsabilités de sécurité en Surobi et en Kapisa a déjà eu lieu. La base militaire de Surobi a été transférée aux Afghans le 31 juillet dernier et les avions de chasse français stationnés à Kandahar ont regagné la France. Au 31 août, dans moins de trois semaines, 650 de nos soldats seront rentrés. Ils seront 2 000 d'ici la fin de l'année.
Nous continuerons à former et à accompagner l'armée afghane, ce que faisait le Major, pour assurer la souveraineté de ce pays. Et nous ferons aussi davantage pour la coopération civile dans le cadre du traité d'amitié entre la France et l'Afghanistan, qui a été ratifié ces dernières semaines par le Parlement français.
Si cette perspective existe, c'est parce que notre armée, par sa constance, par sa vaillance, a été capable de la rendre possible. [Lourdeur puérile, indigne d'un discours officiel à ce niveau de responsabilité.]
En Afghanistan, comme dans d'autres régions du monde, nos soldats se battent pour la paix, se battent pour la stabilité, se battent pour les droits de l'Homme.
Et à chaque fois sous le mandat des Nations Unies.
Cette semaine encore, nos forces déploient un groupement médico-chirurgical dans le nord de la Jordanie. J'en ai ainsi décidé [formulation un peu burlesque qui fait très théâtre d'Alfred Jarry] sur la proposition du ministre de la Défense. Au plus près de la frontière avec la Syrie, pour venir en aide aux réfugiés mais aussi aux combattants qui font face à une répression, menée par un régime qui n'est plus animé que par la seule peur de sa propre fin. [C'est la nature de tous les régimes établis, l'argument est très faible, car il s'applique aussi au gouvernement français quand il est aux abois, nous le verrons peut-être un jour]
C'est un devoir humanitaire que nous poursuivons ainsi mais qui s'ajoute à un soutien à l'opposition syrienne et également à la recherche obstinée d'une transition politique en Syrie. [Lourd et maladroit]

En m'inclinant ce matin devant le cercueil du major Franck BOUZET, je pense à tous ces soldats, connus ou inconnus, qui par leur sacrifice, génération après génération, ont fait de la France ce qu'elle est aujourd'hui.
Le soldat, le sous-officier, que nous honorons ce matin était animé par ce que CLEMENCEAU, au cœur de la Grande guerre, appelait « la force de l'âme française ». La force de la volonté. La force de la liberté. La force de l'émancipation. La force du droit. La force de la démocratie. [Et la force du style, il serait temps de l'invoquer parce que là, le besoin s'en fait nettement sentir, on ne peut pas imaginer d'entrer dans l'histoire de France avec un rapport au verbe aussi approximatif.]
Franck BOUZET était au service de cette force et c'est pourquoi nous ne l'oublierons jamais.

Vive la République !

Vive la France !
[Vive la langue française !]



Londres, pari tenu 

« Yes we did ! » Ce matin, les Britanniques peuvent le claironner fièrement. Oui, ils l’ont fait. Leurs Jeux Olympiques ont été couronnés de succès. Il y aura bien toujours quelques âmes taquines pour se lancer dans le jeu des comparaisons, regretter la plus festive édition grecque de 2004, ou le gigantisme chinois de 2008. Mais ceux-là ne pourront rien enlever au mérite d’un Royaume dont chacun se demandait, il y a encore quinze jours, si, en pleine crise économique, il allait être en mesure de tenir ses engagements et d’offrir aux yeux du monde le plus grand et le plus rassembleur des événements.
Se poser la question, c’était déjà oublier un peu l’âme de ces British, jamais aussi soudés et volontaires que lorsque l’intérêt de la Nation est en jeu. Hier soir, la flamme olympique s’est éteinte sans qu’aucun vent mauvais ne fût venu la faire vaciller. Souci majeur du comité organisateur avant les Jeux, pour ne pas dire obsédant, la sécurité a été parfaitement assurée avec le précieux concours de l’armée. L’étranglement de la capitale londonienne, réputée friable au niveau des transports publics, ne s’est jamais produit. Au contraire, la ville s’est ouverte un peu plus sur sa partie Est, où des kilomètres de friches industrielles ont été nettoyés puis réhabilités spécialement pour l’occasion. L’engouement populaire, lui, a été à la mesure d’un investissement financier de onze milliards d’euros. Tout au long de la quinzaine, plus de sept millions de personnes sont venues assister à des épreuves. Si quelques sièges vides ont bien été entraperçus en début de compétition, la totalité des sites ont ensuite affiché complet. « Cherry on the cake », la Grande-Bretagne a profité de « son » rendez-vous pour s’affirmer comme la troisième plus grande puissance sportive, derrière les États-Unis et la Chine. Du grand art.
Il faudra encore attendre plusieurs mois pour connaître le bilan financier de cette XXX e olympiade de l’ère moderne. En attendant, les Londoniens ont eu la chance de vivre pendant deux semaines au beau milieu du monde. Tous les soirs, dans les stades, dans le métro, dans les rues ou dans les pubs, on les a vus sourire, aider, partager, communier et festoyer. La foule n’était ni blanche, ni noire, ni jaune. Elle était indivisible, elle était belle. Rien que pour cela, on se disait que ces Jeux valaient le coup. Et certainement même le coût.

La flamme éternelle 

Un jour viendra où les articulations d’Usain Bolt grinceront, où Thierry Omeyer n’aura plus du tout de cheveux tandis que Stephen Kiprotich lacera les chaussures d’un gosse sur une piste en latérite d’Ouganda en lui expliquant à mi-mots comment remporter le marathon et vaincre les Kenyans.
Un jour viendra où un gamin d’ici ou d’ailleurs devenu champion olympique expliquera la gorge serrée que sa vocation est née un soir d’août 2012. Qu’il se souvient de son père qui se lève d’un bond, hurle, embrasse ses copains comme du bon pain, qui pleure peut-être parce qu’une émotion, ça ne se maîtrise pas.
Il dira que cette nuit-là il n’a pas pu s’endormir et que mille fois il s’est vu, lui, ce môme d’Alsace, de Jamaïque ou d’Ouganda, embrasser la médaille qui pend aujourd’hui à son cou, acclamé par tout un stade. Il prononcera les noms de Bolt, Omeyer, Kiprotich, Phelps ou Riner, parlera de bonheur. Reprendra sans le savoir les mêmes mots que les athlètes de ses rêves. Il aura l’or heureux.
Les pages des journaux auront jauni mais la légende est comme la flamme des Jeux, elle ne s’éteint jamais. Elle se transmet de génération en génération avec la même force. Vacillante parfois, incandescente toujours. Ce fut le cas à Londres, ce le sera à Rio dans quatre ans.
Bien sûr, toutes ces médailles ont leur revers. Dans les jours, les mois et les années qui viennent, l’euphorie va s’atténuer puis disparaître.
Les Anglais vont se retrouver avec une sale facture à régler et les retombées économiques vendues par le gouvernement ne seront pas à la hauteur. Quelques cas de dopage vont surgir, quelques comptes se régler au sein de certaines fédérations jugées non performantes. Contrairement aux idées reçues, l’important n’est plus depuis longtemps de participer, on le sait bien.
Mais ces Jeux, parfaits en tout point, c’est-à-dire avec leur lot de petites tricheries et de gros scandales, d’exploits, d’émotions et de doutes, auront fait naître des étincelles. De celles qui donnent naissance aux flammes.

Indispensable poésie 


« Je sais que la poésie est indispensable, mais je ne sais pas à quoi. » Peu de gens partagent aujourd'hui la conviction de Jean Cocteau. Moins de 1 % de la population lit, de temps à autre, les poèmes d'auteurs connus ou moins connus, si nombreux dans ce dernier cas. Car on écrit encore beaucoup de poésie, souvent publiée par de petits éditeurs courageux. Une illustration : l'anthologie de Charles Le Quintrec, Poètes de Bretagne du XXe siècle, ne comporte pas moins de 70 noms.
Pourquoi donc ce désintérêt ? Une première raison vient à l'esprit : l'allure parfaitement gratuite de ce jeu avec et sur les mots, les rimes, les harmonies subtiles... Un jeu réservé, croit-on, à des personnes de sensibilité exacerbée, à fleur de peau, des écorchés à l'écoute d'états d'âme raffinés, déchiffrés avec complaisance et transmis dans un langage énigmatique. « Comme on voit sur la branche au mois de mai la rose... » (Ronsard), « Mon enfant, ma soeur, songe à la douceur... » (Baudelaire), « C'est un trou de verdure où chante une rivière... » (Rimbaud), « Solitude au grand coeur encombré par les glaces... » (Supervielle).
Tout cela est bien gentil, dit-on, mais il y a tout de même mieux à faire ! Nous sommes des gens sérieux qui n'avons pas de temps à perdre avec ces enfantillages ! Sous le rapport de l'utilité, il est vrai que la poésie ne pèse pas plus lourd que le chant des oiseaux, le parfum des fleurs ou un paysage sublime. Mais sans eux, la vie deviendrait instantanément asphyxiante. Et puisqu'il est question d'« utilité », faut-il rappeler que de très grands poètes (Hugo, Garcia Lorca, Char, Neruda, Césaire et tant d'autres) ont joué un rôle dans l'histoire ?
Il y a une seconde raison, sur laquelle a souvent insisté le poète et traducteur Yves Bonnefoy : la prolifération des images. « Le jeune professeur pourra-t-il élever en silence, chez ses élèves, l'épi de blé du langage ? » La saturation visuelle rend cette tâche de plus en plus délicate. Car qu'est-ce que la poésie sinon un jeu miroitant d'images, de métaphores visant à signifier ce que le langage ordinaire ne parvient pas à exprimer dans l'ordre des sentiments ou des réalités cachées ?
La force du symbole est de faire signe vers un au-delà des mots, alors que l'image semble se suffire à elle-même. L'un évoque, l'autre montre. C'est toute la différence qui, par ailleurs, oppose érotisme et pornographie. Le problème est que nous sommes de plus en plus positivistes : nous ne jugeons digne d'intérêt que ce qui se voit et se maîtrise. Foin des symboles !
Or, « nous ne sommes pas les maîtres », n'a cessé de répéter le poète grec Georges Haldas, selon qui « l'état de poésie » suppose une forme de lâcher prise : « Pour que l'émotion poétique se produise, il faut être en état de constante disponibilité... faire le vide en soi et recevoir ce que la réalité fait surgir en nous. » Bref, accueillir et cueillir la beauté du monde, dans le silence, envers et contre tout et, s'il le faut, au prix de l'incompréhension car, comme le dit si bien Baudelaire dans L'albatros : « Le poète est semblable au prince des nuées/Qui hante la tempête et se rit de l'archer/Exilé sur le sol au milieu des huées/Ses ailes de géant l'empêchent de marcher. »
Mais, sans lui, que le monde est triste et irrespirable !