TOUT EST DIT

TOUT EST DIT
ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

mercredi 4 juillet 2012

La sueur sans les larmes ? 

  Trouver les moyens techniques de mettre le pays d'aplomb et les voies politiques pour les rendre acceptables : cet art de la politique, déjà pas facile à pratiquer par temps calme, relève de l'exercice de haute voltige en période de crise. Dans son long discours de politique générale, Jean-Marc Ayrault l'a résumé en parlant d'effort et de redressement dans la justice. La sueur sans les larmes ?

Le changement annoncé porte d'abord sur le contenu. Le programme gouvernemental est le copié-collé du projet présidentiel de François Hollande. Voilà qui présente au moins le mérite de la cohérence et confirme la proximité du Président avec son Premier ministre.
Ce programme tourne autour de cinq piliers : le redressement productif, l'école, la réforme fiscale, la transition énergétique et la décentralisation. Il sera financé pour moitié par une maîtrise de la dépense publique, qui progresserait un peu moins vite que l'inflation, pour moitié par une hausse des prélèvements de plusieurs dizaines de milliards, portant surtout sur les hauts revenus.
Il concerne ensuite le calendrier. Il y a le temps de l'urgence : les 7 à 10 milliards à trouver dans le collectif budgétaire de juillet pour boucler l'année. Ils viendront de l'ISF, de la fin du dispositif heures supplémentaires, de l'abandon de la TVA sociale, de la taxe sur les transactions financières et d'une contribution des grandes sociétés.
Et il y a le long terme, marqué par les réformes de structures et par la refonte de l'impôt sur les sociétés, de l'ISF et de l'impôt sur le revenu. À cet égard, Jean-Marc Ayrault retient le taux de 75 % pour la tranche de revenu supérieure à un million d'euros.
Enfin, il y a la méthode. On vient de vivre cinq années de tourbillon réformiste, chaque jour réservant sa surprise législative. Cette fois, on a l'impression que l'essentiel est déjà sur la table et que le Premier ministre, fidèle à sa réputation, prendra le temps qu'il faut pour conduire une série de concertations avec les syndicats, les patrons, les associations. Il espère ainsi cultiver une sorte de patriotisme social, passer du conflictuel au consensuel, des intérêts particuliers à l'intérêt collectif.
Pour réussir, Jean-Marc Ayrault va devoir affronter bien des obstacles. Disposer d'une majorité confortable, mais sans le Front de Gauche, est un atout insuffisant. Déjà, faute d'être assuré de l'emporter, il a préféré ne pas soumettre son discours de politique générale à un vote de confiance au Sénat où le PS et ses alliés ne dominent que de quelques sièges.
À l'Assemblée, les choses sont théoriquement plus faciles, même si l'opposition de droite semble opter, comme elle l'a inauguré, hier, pour des chahuts antirépublicains qui n'ont d'autre effet que de rendre le débat inaudible et de ternir l'image déjà dégradée de la classe politique. Comme si la nouvelle majorité n'était pas sortie des urnes !
Pour nourrir une culture de l'accord, il faut surtout avoir du grain à moudre. Surveillé par l'Europe et les marchés, dépendant de la petite santé de nos voisins et menacé par les effets économiques d'une fiscalité alourdie, le gouvernement ne pourra pas distribuer ce qu'il n'a pas en caisse. Le grand danger, pour Jean-Marc Ayrault, réside dans le décalage entre des dépenses certaines et immédiates, parfois déjà engagées, et des recettes futures et très incertaines.

Ayrault, la harangue 


Le discours de politique générale porte bien son nom : Jean-Marc Ayrault n’est guère entré dans les détails budgétaires, hier devant l’Assemblée. Plus qu’un programme, c’est une harangue qu’a livrée le Premier ministre, exhortant à la « mobilisation » face à « une crise sans précédent », vantant le « patriotisme » contre l’évasion fiscale, jurant que les promesses de François Hollande seront appliquées quoi qu’il advienne et n’oubliant pas de parler de la désindustrialisation, qui continue de plus belle. Ton emphatique, piques contre l’héritage laissé par l’équipe précédente, notamment les 600 milliards d’endettement supplémentaires, serments de fidélité au couple franco-allemand, parce qu’il faut se rabibocher avec Berlin. Rien d’inattendu.
Le Premier ministre s’est longuement attaché à décrire sa méthode, qu’il veut à l’opposé de celle de Nicolas Sarkozy. Finies l’agitation et les réformes brutales et bâclées, vive la concertation et le changement « dans la durée ». Il y a pourtant des mots sur lesquels Jean-Marc Ayrault se montre parfaitement en phase avec l’ancien chef de l’État : comme lui, il ne veut entendre parler ni d’austérité, ni de rigueur. Les deux tabous absolus de la politique française ont survécu au changement de majorité.
Cela n’empêchera pas Bercy de présenter, dès aujourd’hui en conseil des ministres, un budget rectificatif truffé d’économies, et de se creuser la tête dès maintenant pour trouver les 33 milliards d’euros qui manqueront au budget 2013. Jean-Marc Ayrault l’a dit, presque en passant : « La seule maîtrise des dépenses ne suffira pas. » C’est une façon d’admettre que les hausses des impôts iront bien plus loin que les taxes symboles sur les riches annoncées pendant la campagne présidentielle. Et que les dépenses devront être encore plus contingentées que prévu. Il faudra nous expliquer comment Jean-Marc Ayrault compte s’y prendre pour épargner, comme il le promet, les classes populaires et les classes moyennes.
Dans le « Bourgeois gentilhomme » de Molière, Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir. Aujourd’hui il est de tradition, à gauche comme à droite, de faire de la rigueur et de l’austérité sans le dire. Ce sont pourtant des mots qui figurent dans tous les bons dictionnaires.

Expatriés : pourquoi ont-ils choisi de quitter la France ?

Les différentes mesures d'alourdissement de la taxation en France ont suscité de nombreuses critiques pour l'incitation supplémentaire à l'exil qu'elles représentent. Contrepoints a interrogé plusieurs de ces candidats à l'exil, qui préfèrent quitter la France que d'en supporter les pesanteurs, le manque d'opportunités, l'écrasante pression fiscale ou la haine des créateurs de richesse.
Les différentes mesures d'alourdissement de la taxation en France par François Hollande ont suscité de nombreuses critiques pour l'incitation supplémentaire à l'exil qu'elles représentent pour beaucoup. A la clef, moins d'entrepreneurs, de créateurs, de talents de demain pour financer des dépenses déjà largement supérieures aux recettes. Afin d'en savoir plus, Contrepoints a interrogé plusieurs de ces exilés ou candidats à l'exil, qui préfèrent quitter la France que d'en supporter les pesanteurs, l'écrasante pression fiscale ou la haine des créateurs de richesse.
Loin des portraits de vils capitalistes apatrides que beaucoup se plaisent à caricaturer, les quatre personnes dont Contrepoints vous propose un portrait croisé qui représente le vrai visage de ceux que le "modèle social" fait fuir, qui iront apporter de la prospérité à d'autres pays, et qui n'ont jamais été aussi nombreux qu'aujourd'hui.

Quelles motivations ?

Les motifs qui poussent ces français à fuir leur propre pays sont nombreuses. Pour les uns comme Pierrick, 25 ans, c'est le " rejet total des choix économiques et politiques pris par nos dirigeants", tous communiant dans l’État comme unique solution aux problèmes français.
Pour Matt, bientôt 30 ans, qui a accumulé une dizaine de petits boulots en France ("dans le désordre, équipier McDonald's, monteur-maquettiste, projectionniste de cinéma, assistant de communication, éducateur technique, enseignant de la conduite automobile et de la sécurité routière"), c'est le manque d'opportunité en France qui est le facteur déclencheur :
De nouveau au chômage, j'ai eu plusieurs opportunités: monter ma propre structure d'enseignement, continuer d'être salarié-jetable, changer complètement de voie pour tenter de vivre ma passion pour l'automobile ancienne… À chaque fois, j'ai eu en travers de ma route au moins [une des scléroses de la société française], quand ce n'était pas plusieurs à la fois.
Les motivations de Julien, 29 ans, ne sont pas différentes : "Après avoir fini mes études d'Histoire je n'ai trouvé aucun poste dans aucune administration (postes politisés à outrance), j'ai échoué 2 fois à l'agrégation. Pourtant après avoir envoyé des CV dans toutes les boites et administrations de la région je n'ai essuyé que des refus. Je maîtrise 2 langues parfaitement, j'ai étudié à l'étranger, j'ai Bac+5 avec mention Bien. Même la CAF n'a pas voulu de moi... Je me suis rendu compte des profondeurs qu'a touché mon pays quand j'ai voulu passer un concours de catégorie B, 15 postes sur toute la France pour presque 3000 inscrits. Du coup j'ai décidé de faire une formation professionnalisante qui me permettra d'obtenir un diplôme, je vais bientôt obtenir un CAP de pâtissier (une de mes passions) et je partirai en Suisse, [où je gagnerai nettement mieux ma vie]".
Dans le cas de Jean, 43 ans, dirigeant d'une PME qui emploie douze personnes, les motifs sont nombreux pour quitter la France, en particulier "le manque de perspective en Europe, un vieillissement structurel (et qui n'est jamais abordé, voir plus bas), la réglementation délirante en France (sociale, fiscale) et le peu de sens commun de mes compatriotes qui me désespère." Mais c'est aussi la liberté religieuse qu'il estime menacée en France : "Sans parler de l'aspect moral et religieux (catho dit "pratiquant"), bien moins oppressant ailleurs, et plus simple : réel respect des croyances, sujet non tabou, y compris au sommet de l’État."
Pour Annalea, la vingtaine, il s'agit de poursuivre ses études aux États-Unis, où son talent était reconnu : "Pour une fois, la bourse que l'on m'offrait était basée sur des critères scolaires et sur mon projet de thèse et non sur des critères ethniques, sociaux et j'en passe." Mais les opportunités futures jouent aussi : "Une de mes amies vient de trouver aux États-Unis un premier poste dans l'enseignement supérieur : salaire à 40 000 $ par an. CQFD"
Enfin pour Henri, "la France est un pays ou il fait bon vivre quand on appartient à certaines catégories" (riches profitant de la complexité fiscale, fonctionnaires ou assistés). "Pour les autres catégories de Français, il est dur de vivre en France. Instabilité juridique, criminalité, transports en Île de France relativement désastreux, prix de l'immobilier complètement hors de portée, impôts. Les classes "moyennes" et un peu au-dessus portent tout le poids des autres en France. "

Quels freins à l'exil?

La famille est clairement le principal frein cité, mais pas le seul, comme dans le cas de Jean :
"Entre les études de mes enfants (3 post-bac en septembre), la vente de mon affaire (patron de PME dans l'Ouest, 12 personnes, les ventes sont délicates) et de ma maison (plus facile), cela commence à faire beaucoup de soucis."
Mais les freins semblent moins forts que les incitations : "Le détail du paquet fiscal et social socialiste (RSI, SMIC, etc...) pourrait accélérer l'opération... irréversible j'en suis convaincu" pour Jean. De même, Henri, déjà parti, l'a fait avec femme et enfants.
Français installés à l'étranger (inscrits au registre) : +80% de 1995 à 2011

Quelles Destinations ?

Sans surprise, les pays les plus socialistes sont loin de séduire, alors que les pays relativement plus libéraux que la France attirent, en particulier les pays anglophones : Henri a choisi le Canada : "C'est le pays le plus facile d'accès au monde en dehors des autres pays européens. Facile par les lois sur l'immigration, facile par la proximité linguistique (mais pas culturelle), facile par les 6h d'avion qui nous séparent de Paris (à contrario de Wellington, NZ ou Sidney, AUS...)."
Pierrick a lui choisi l'Australie : "J'ai décidé de partir pour 1 an minimum à Melbourne via un visa working holiday." Le tout pour un départ dès début septembre.
Matt lui étudie plusieurs options : "Après, Canada, USA, Japon ou même Mongolie, de toute façon je suis certain que d'ici peu de temps on m'accordera un statut de réfugié politique…"
Jean envisage pour sa part "les États-Unis qui ont notre préférence, pour le ratio espace/liberté/sécurité et distance de la France (famille...). S'installer en Afrique, OK, mais, malgré une stabilisation politique, y investir n'est pas toujours si évident. L'Afrique du Sud présente de très bonne opportunités financières (les entreprises sont peu chères). L'Australie encore plus, mais la distance reste un sacré frein pour les vacances scolaires des enfants."

Reviendront-ils?

Rares sont les cas où la décision de partir a été prise de gaîté de cœur. Et ceux qui ont une famille excluent rarement de rentrer, même si sûrement pas avant un certain temps. Mais les obstacles sont grands. Pour Henri, "quand la poussière sera retombée [..], si les impôts baissent de moitié et que le pays redevient attractif [..], si la police peut faire son travail sans que la justice le casse. [..] Pour revenir il faut au moins une décennie, que les Français prennent conscience des problèmes et trouvent des solutions réalistes".
Mais les plus jeunes se demandent vraiment si revenir un jour en France est une option. Pour Julien, "franchement non je ne reviendrai pas ou alors pour quelques mois le temps de revoir la famille. Les destinations qui m'attirent sont très compétitives en matière de santé, éducation ainsi que dans tout ce qui permet une vie de famille heureuse".
Annalea est réservée elle-aussi, critiquant en particulier le manque de liberté académique réelle en France : "Je ne suis pas hostile à un retour en France mais le monde de la recherche laisse peu d'espace de liberté (choix de sujets, orientations épistémologiques, - et donc de publication -, direction d'étudiants en thèse etc.) pour 1) qui ne correspond pas au profil (les Ph.D. américains ne sont pas reconnus sans une équivalence approuvée par une commission composée à majorité de professeurs "bien orientés") 2) qui ne rejoint pas les [mandarins] dans leur conviction".
Au final, note d'optimisme dans leur discours, tous aimeraient que la France les accueille enfin à bras ouverts et cesse de rejeter le succès et d'empêcher les talents d'émerger par un modèle figé. Ces talents dont la France se prive espèrent pouvoir revenir quand la France tournera le dos aux recettes qui assurent son échec depuis des décennies. Comme le dit Matt, "je suis d'un optimisme à faire peur, sinon, je crois que je serais déjà mort!".

Quand la Cour des comptes met le gouvernement en porte-à-faux

La Cour des comptes veut mettre l'accent sur la baisse des dépenses. Une pierre dans le jardin du gouvernement.

Le gouvernement voulait un véritable audit des finances publiques avant d'annoncer des mesures difficiles. Mais dans son "rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques", la Cour des comptes n'a pas vraiment validé les attaques de Pierre Moscovici lancées contre le bilan budgétaire de Nicolas Sarkozy. Certes, la croissance et les recettes de 2012 ont été surestimées et il faudra trouver de 6 à 10 milliards d'euros pour boucler le budget. Mais les dépenses, elles, ont été tenues : seuls 1 à 2 milliards d'euros n'ont pas été financés, un chiffre peu significatif et "qui ne se démarque pas de ceux couramment identifiés en cours d'année au cours des exercices précédents", selon le premier président de la Cour, le socialiste Didier Migaud. En revanche, les magistrats ont réservé quelques mauvaises surprises à Jean-Marc Ayrault pour le budget 2013, dans lequel il faudra trouver 33 milliards d'euros pour atteindre l'objectif d'un déficit de 3 % du PIB. Les magistrats recommandent "d'agir en priorité" sur les dépenses, plutôt que sur les recettes, ce qui met le gouvernement en porte-à-faux. Revue de détail.
Limitation des hausses des dépenses. Le programme de François Hollande prévoit une augmentation de 1,1 % des dépenses publiques (État, Sécurité sociale, collectivités territoriales) en volume (c'est-à-dire en plus de l'inflation). Pour la Cour des comptes, l'effort doit être plus important. Elle recommande une hausse des dépenses limitée à la seule inflation.
Dépenses de l'État. Jean-Marc Ayrault s'est engagé à ce que l'État ne dépense pas un euro de plus en 2013 par rapport à 2012, hors charge de la dette et des pensions. En clair, les dépenses de l'État seront automatiquement réduites, sous l'effet de l'inflation. C'est ce que les spécialistes appellent la stabilité en valeur. Pour y parvenir, le Premier ministre s'est engagé à geler les effectifs de l'État. Compte tenu du recrutement de 60 000 emplois dans l'Éducation nationale, la police et la justice, cela nécessitera des coupes sombres de postes dans les autres ministères, "selon un rythme supérieur à celui appliqué à partir de 2007", rappelle la Cour des comptes. En clair, plus d'un départ sur deux de fonctionnaires à la retraite ne sera pas remplacé, en dehors des trois ministères prioritaires, soit plus que sous Sarkozy ! Pour l'instant, le Premier ministre s'est seulement contenté d'annoncer une baisse des effectifs de 2,5 % par an dans les ministères non prioritaires.
Ce contrôle du nombre de fonctionnaires ne sera pas suffisant. À effectif constant, la masse salariale de l'État (82 milliards en 2011) augmente en effet naturellement de 1,6 %, ce qui "n'est guère compatible avec le respect de la norme zéro valeur des dépenses de l'État", souligne la Cour des comptes, car elle représente 30 % des dépenses. Le respect de la norme que s'est fixée lui-même le gouvernement Ayrault sera donc difficile, sauf à tailler dans les dépenses d'interventions, prévient la Cour. À tout le moins, la stabilité des effectifs n'est pas compatible avec l'avancement salarial des fonctionnaires, souligne la Cour. Le gouvernement va devoir geler le point d'indice, réduire les mesures catégorielles ainsi que les avancements. Autant dire appliquer une cure très sévère d'austérité pour les fonctionnaires. Dans son discours de politique générale mardi, le Premier ministre a soigneusement évité le sujet. Dans sa lettre de cadrage envoyée aux ministres, il avait bien annoncé des efforts appuyés sur les autres dépenses de fonctionnement de l'État (voitures et logements de fonction, achat de matériel...) qui devront être réduites de 7 % en 2013, puis de 4 % chaque année jusqu'en 2015. Mais cela semble bien insuffisant.
Dépenses "d'interventions". Les dépenses d'interventions représentent le gros de la dépense publique (54 %). Leur réduction sera donc indispensable. Jean-Marc Ayrault veut les baisser dans les mêmes proportions que les dépenses de fonctionnement (voir plus haut). Mais la Cour des comptes doute de la faisabilité, notant "la rigidité de ces dépenses, qui recouvrent souvent des dépenses de solidarité", ce qui "rend délicate leur maîtrise". 82 % des dépenses d'interventions sont en effet des prestations sociales (par exemple l'allocation adulte handicapé), difficilement attaquables, surtout pour un gouvernement de gauche.
Outre la réduction de l'enchevêtrement des compétences entre l'État et les collectivités territoriales et l'État et des collectivités entre elles, la Cour des comptes suggère des mesures de court terme comme une désindexation des retraites et des allocations familiales. Mais la gauche ne s'était pas privée de critiquer l'ex-majorité quand elle a décidé de limiter à 1 % la hausse des prestations familiales et des aides au logement pour 2012...
Assurance-maladie. Chaque année, le gouvernement fixe un objectif de hausse des dépenses d'assurance-maladie à ne pas dépasser (objectif national des dépenses d'assurance-maladie, Ondam). En 2012, le précédent gouvernement a fixé l'objectif à 2,5 % contre une évolution tendancielle des dépenses de 3,5 à 4 % si rien n'était fait. La Cour des comptes reprend à son compte cet objectif pour 2013, ce qui va nécessiter de faire de nouvelles économies. Or l'actuelle ministre de la Santé, Marisol Touraine, avait durement critiqué, pendant la campagne électorale, la volonté de Nicolas Sarkozy de limiter la progression des dépenses à 2,5 % par an... Le PS a d'ailleurs annoncé un Ondam à trois sur l'ensemble de la législature.
Hausse des impôts. Même dans un scénario reposant pour moitié sur une baisse des dépenses et pour moitié sur une hausse des recettes, la Cour des comptes estime que la seule révision des niches fiscales serait insuffisante pour combler les trous du budget 2013. Selon les magistrats de la rue de Cambon, il sera très difficile d'échapper à une hausse d'un impôt à large assiette. Ce qui signifie que le gouvernement pourrait être obligé d'augmenter la TVA ou la CSG, même si cette hausse ne serait que temporaire. Jean-Marc Ayrault a pourtant promis mardi, devant l'Assemblée nationale, qu'il n'y aurait pas de "tournant" de la rigueur. Il a même annoncé la suppression de la hausse de la TVA prévue par Nicolas Sarkozy pour financer des allègements de charges pour les entreprises.

Sérieux 


Vous connaissez Droopy, ce chien qui met une tristesse infinie à revendiquer être « the hero of the story », le héros de l’histoire. M. Ayrault s’en est inspiré hier : pour débiter son très long discours, il a varié le ton entre un professeur d’allemand faisant réviser les verbes irréguliers, et un sociodémocrate finlandais annonçant le solstice d’hiver. En un mot, il a été sérieux. Il est vrai que l’état du pays est également très sérieux, justifiant qu’il ait fui le lyrisme d’un Pierre Mauroy en 1981 – lyrisme vite éteint. Cela rend notre Premier ministre très crédible quand il décrit « l’effort » qui nous attend, mais plus du tout crédible quand il jure nous épargner l’austérité. On le jugera donc à sa résistance face à l’inévitable choc de l’austérité. Et avant de le condamner, souvenons-nous que Droopy, cet improbable héros, l’est toujours encore à la fin de l’histoire.

Public, vous avez dit public?

Le mot qui me vient à l’esprit pour résumer les premiers pas du gouvernement, c’est le mot public : service public, secteur public, banque publique, entreprise publique, etc. Voilà la solution à nos problèmes. En réalité, c’est cette obsession du secteur public, donc de l’Etat, qui nous mène à la ruine.
Pour ce dernier article avant la trêve estivale, le mot qui me vient à l’esprit pour résumer les « débats » des campagnes électorales et les premiers pas du gouvernement, c’est le mot public : service public, secteur public, banque publique, entreprise publique, etc. Voilà la solution à nos problèmes ; un esprit malicieux ferait observer qu’on peut aussi parler de dettes publiques ou de dépenses publiques, ce qui est moins séduisant. En réalité, c’est cette obsession du secteur public, donc de l’Etat, qui nous mène à la ruine.
La Banque publique d’investissement
Parmi les propositions phares de François Hollande, il y a le projet de Banque publique d’investissement. Il paraît que cela va nous sortir de la récession, car cette banque publique va financer les petites et moyennes entreprises. C’est le fer de lance de la politique industrielle et du « redressement productif » avec lequel Arnaud Montebourg nous fait tant rêver. Notons que ce ministre a nommé 22 délégués au redressement productif, un par région, de hauts fonctionnaires, qui, comme chacun le sait, savent mieux créer des emplois et « veiller », comme l’a dit le ministre, que des entrepreneurs qui ont eu le tort de ne pas faire l’ENA.
On ne savait pas que la France manquait de banques et que celles-ci étaient incapables de financer les entreprises. Mais sans doute le gouvernement pense-t-il que les banques privées ne savent pas quelles entreprises financer et prêtent à n’importe qui, en finançant stupidement les entreprises rentables, au lieu de soutenir les canards boiteux ou les entreprises dont un organisme central a indiqué l’utilité. Il est sûr qu’une banque publique d’investissement va savoir déceler les vrais projets à financer, sans se soucier de broutilles telles que leur rentabilité.
Le gouvernement a avancé un argument imparable : pallier les défaillances du marché. Car bien sûr ni la bourse, ni les banques ne songent à financer l’industrie ! On commencera fort modestement : 20 milliards de dotation au départ, grâce au doublement du plafond du livret de développement durable. On se demande par quel mystère toutes les économies de marché du monde ont pu se développer sans banque publique d’investissement. Mais la France va réparer cet oubli, et renouer avec la tradition de la banque soviétique Gosbank.
Le Fonds stratégique d’investissement
Tout cela est d’autant plus étonnant que nous disposons déjà du plus gros établissement financier français, la Caisse des dépôts, établissement public, qui détiendra avec l’Etat le capital de cette banque : public plus public, ça reste public. Mais nous avions aussi le « Fonds souverain à la française », le FSI (Fonds stratégique d’investissement), qui prétendait déjà jouer un rôle de ce type, avec le succès que l’on sait. Bref, on ajoute du public au public, pour financer ce que d’habiles fonctionnaires auront décidé être les priorités de notre économie. Quand on connaît les échecs passés de nos politiques industrielles, on peut être sceptique.
Mais les banques publiques s’accompagnent d’entreprises publiques. Comment est-ce possible, puisque le gouvernement « ultralibéral » précédent avait tout privatisé ? Justement, il ne devait pas être si libéral que cela, puisque le secteur public français reste le plus important des économies de marché. La plupart des « services publics » sont toujours détenus majoritairement par l’Etat. D’ailleurs, l’actuel gouvernement entend restaurer les services publics, que Bruxelles ouvre peu à peu à la concurrence et qui ont en outre été privatisés chez nos principaux partenaires.

Les entreprises publiques
Au-delà des prétendus services publics totalement sous la coupe de l’Etat, celui-ci via l’Agence des participations de l’Etat, détient 15,9% d’Air France, 10% d’Areva (mais 77% sont détenus par la CDC et le CEA, donc la réalité est que la part publique est de 87%), 15% d’EADS, 13% de France Telecom, 36% de GDF Suez, 15% de Renault (on sait que sans l’Etat personne ne fabrique d’automobiles !), 30% de Safran, 27% de Thales, mais aussi des parts dans CNP assurances ou ADP.
Il faut aussi tenir compte de ce que détient le Fonds stratégique d’investissement, totalement étatique. Un portefeuille de près de 15 milliards, qui vient s‘ajouter à la liste précédente, parfois dans les mêmes entreprises (comme France Télécom ou ADP, ce qui augmente encore la part de l’Etat), parfois dans d’autres entreprises. La pieuvre étatique étend ses ramifications dans tous les secteurs. Encore une preuve supplémentaire de cet ultralibéralisme du gouvernement précédent que dénoncent les socialistes.
Ultralibérale aussi la part des dépenses publiques dans le PIB (56%, record d’Europe), qui fait que, comme le montre Contribuables associés, les Français travaillent pour l’Etat jusqu’à la mi-juillet. Le retour en force du contrôle public des prix, dont nous avons parlé il y a quinze jours, mais aussi du salaire minimum et désormais maximum pour les entreprises publiques, viendra encore accentuer les choses. Ne parlons pas de toutes les réglementations publiques, administratives, sociales, qui accentuent la main mise de l’Etat sur la vie économique, ni des dettes publiques, autrement plus lourdes que les dettes privées, ou de l’école publique, qui empêche tout développement du privé.

Quand Lacordaire fait du Tocqueville
Reconnaissons que cette hypertrophie de ce qui est public, cet étatisme, n’a pas été inventé par François Hollande. C’est une tradition qui remonte à Colbert, au Jacobinisme, à Napoléon, largement partagée après la guerre par la droite et la gauche. Mais François Hollande est en train d’en rajouter une couche, au moment où nos partenaires font reculer l’Etat, ce qui accentue encore l’exception française.
Cet article étant le dernier avant la trêve estivale, prenons un peu de recul et citons le père Lacordaire, plus connu pour son libéralisme politique qu’économique. On a oublié qu’il avait succédé à l’Académie française à Tocqueville, dont il a fait l’éloge, comme c’est l’usage, en 1861. Que disait Lacordaire ?
« L’Américain ne laisse rien de lui-même à la merci d’un pouvoir arbitraire. Il entend qu’à commencer par son âme, tout soit libre de ce qui lui appartient et de ce qui l’entoure : famille, commune, province, association pour les lettres ou pour les sciences, pour le culte de son Dieu ou le bien être de son corps. Le démocrate européen [traduisons : le Français à l’époque], idolâtre de ce qu’il appelle l’Etat, prend l’homme dès son berceau pour l’offrir en holocauste à la toute puissance publique. Il professe que l’enfant, avant d’être la chose de la famille, est la chose de la cité, et que la cité (…) a le droit de former son intelligence sur un modèle uniforme et légal. Il professe que la commune, la province, et toute association (…) dépendent de l’Etat, et ne peuvent ni agir, ni parler, ni vendre, ni acheter, ni exister enfin sans l’intervention de l’Etat et dans la mesure déterminée par lui, faisant ainsi de la servitude civile la plus absolue, le vestibule et le fondement de la liberté politique. L’Américain ne donne à l’unité de la patrie que juste ce qui lui faut pour être un corps ; le démocrate européen opprime tout l’homme pour lui créer, sous le nom de patrie, une étroite prison ».

Nous en étions là en 1861 ; nous revoilà au même point en 2012. Rien de nouveau sous le soleil de France.

Les Français préfèrent l'argent au temps libre

61% des Français préfèrent di­sposer de plus d'a­r­gent que de da­va­ntage de te­mps li­bre, se­lon un so­ndage réalisé par TNS So­fres pour ING Di­rect. La crise a débouché sur une re­va­lo­ri­sa­tion de l'a­r­gent aux yeux de nos co­m­pa­tri­o­tes. Ni­colas Sa­r­kozy n’est plus prési­dent de la Répu­bli­que, mais sa fa­meuse fo­rmule « tra­va­i­ller plus pour gag­ner plus » de­meure d’actu­a­lité. Près des deux ti­ers des Français (61% exa­cte­ment) préfèrent en effet di­sposer de da­va­ntage d’ar­gent que de plus de te­mps li­bre, se­lon un so­ndage réalisé par TNS So­fres pour la ba­nque en ligne ING Di­rect, et pu­blié ce ma­rdi. "L’ar­gent a auj­ourd’hui un rôle ce­n­tral, mo­teur, dans la vie des Français, il est va­lo­risé", insi­ste Na­tha­lie Léauté, di­re­c­trice du dépa­rte­ment Fi­na­nce de TNS So­fres. La Fra­nce en au­rait-elle fini avec le ta­bou de l’ar­gent ? Celui-ci ne se­rait-il plus sy­n­o­nyme de vulga­rité mais de réussite, co­mme dans les pays an­glo-sa­xons ? Pas si vite ! Un peu plus de la moitié de nos co­m­pa­tri­o­tes ju­gent en­core qu’il n’est pas de bon ton de pa­rler d’ar­gent. Et, pour 55% des ho­m­mes et 67% des fe­m­mes, l’ar­gent appo­rte avant tout de la sécurité, loin de­vant le pla­i­sir (33% et 43%).
La peur d’une "améri­ca­ni­sa­tion" de la Fra­nce
Si les Français font auj­ourd’hui la part belle à l’ar­gent dans le­urs pri­o­rités, ce n’est donc pas pour « fla­mber » mais bien pour as­surer le­urs arrières, dans le co­nte­xte actuel de crise éco­no­mi­que et fi­na­ncière. La pre­uve, s’il leur était possi­ble de gag­ner 20% de plus, un bon ti­ers des Français affe­cte­ra­i­ent ces re­ve­nus suppléme­nta­i­res à leur épa­rgne, pourtant déjà très élevée avec un taux de 16,8% en 2011, et non à une améli­o­ra­tion de leur train de vie.
"Co­mpte tenu de la crise des fi­na­n­ces pu­bli­ques, les Français re­doutent une "améri­ca­ni­sa­tion" du pays, avec une pro­te­ction par l’Etat qui ri­sque de s’ame­nu­i­ser et donc de re­ndre plus di­ffi­cile leur accès aux pre­sta­ti­ons de santé, par exem­ple", ex­pli­que Jea­nne La­za­rus, chargée de re­che­r­che au CNRS. A quoi s’aj­oute la peur du chômage, les plans so­ci­aux se mu­lti­pli­ant, avec, à la clé, le ri­sque de pe­i­ner à fi­na­n­cer les étu­des des en­fa­nts et, plus glo­ba­le­ment, de voir son pouvoir d’achat di­mi­nuer.
Les Français ne voi­ent pas la ba­nque co­mme un pa­rte­na­ire
Plus fourmis que ja­mais, les Français ne s’ave­ntu­rent guère hors des se­nti­ers ba­ttus pour fa­ire fru­cti­fier leur bas de la­ine. « Ils pri­vilégi­ent des solu­ti­ons d’épa­rgne cla­ssi­que », co­mme le Li­vret A, indi­que Na­tha­lie Léauté. Les pro­duits très re­nta­bles mais ri­squés, très peu pour eux. Ils sont d’ai­lle­urs un peu plus de 80% à fa­ire le vœu de pro­duits ba­n­ca­i­res plus sûrs et plus si­m­ples. Une re­ve­ndi­ca­tion qui a pour toile de fond le désa­mour des Français vis-à-vis des ba­nques. "La rupture a été très fo­rte lors de la crise fi­na­ncière de 2008, une pa­rtie de l’opi­nion pu­bli­que re­mettant en ca­use l’expe­rtise des ba­nqui­ers", souligne Na­tha­lie Léauté.
Même les ba­nques mu­tu­a­li­stes n’écha­ppent plus à l’ave­rsion des Français pour le se­cteur ba­n­ca­ire. Il faut dire qu’elles "sont très pui­ssa­ntes, qu’elles ont fait bea­u­coup d’acqui­si­ti­ons et ont inve­sti sur les ma­rchés, co­mme les au­tres ba­nques", décry­pte Jea­nne La­za­rus. Conséque­nce, un Français sur cinq seule­ment voit auj­ourd’hui dans la ba­nque "un pa­rte­na­ire" ou "une solu­tion."
Re­stre­i­ndre l’of­fre de pro­duits ba­n­ca­i­res
"Il y a toute une re­la­tion de co­nfi­a­nce à re­bâtir, pour les ba­nques. Le métier de ba­nquier doit re­trouver une certa­ine humi­lité", ad­met Benoît Le­grand, di­re­cteur général d’ING Di­rect Fra­nce. Pour qui, de toute façon, la ma­tu­rité du ma­rché ba­n­ca­ire français est te­lle qu’il paraît di­ffi­cile de co­n­cevoir des pro­duits en­core plus so­phi­stiqués que ceux qui exi­stent déjà. "L’in­no­va­tion véri­ta­ble rési­de­rait dans le fait d’avoir moins de pro­duits", estime Benoît Le­grand. La si­m­pli­fi­ca­tion de l’of­fre ba­n­ca­ire, les cli­e­nts ne dema­n­dent que ça.

Grèce: un recul de 6,7% du PIB prévu en 2012

La Grèce prévoit une réce­ssion pire que prévue en 2012 : le pro­duit intéri­eur brut re­cule­rait de 6,7% se­lon le ce­n­tre de pla­ni­fi­ca­tion et de re­che­r­ches éco­no­mi­ques grec cité par le mi­ni­s­tre adj­oint des Fi­na­n­ces Chri­stos Staïkou­ras. Il y a deux mois, la Ba­nque de Grèce ta­blait sur un re­cul de 4,5%.
Alors qu'en Fra­nce et aux Etats-Unis, la croi­ssa­nce ri­sque d'être moins élevée que prévue cette année, en Grèce, c'est la réce­ssion qui de­vrait s'a­g­gra­ver. Le mi­ni­s­tre adj­oint des Fi­na­n­ces Chri­stos Staïkou­ras a fait sa­voir ce ma­rdi que le go­uve­r­ne­ment ta­blait déso­rmais sur un re­cul de 6,7% du pro­duit intéri­eur brut co­n­tre -4,5% prévu par la ba­nque de Grèce il y a deux mois. Le mi­ni­s­tre fa­i­sait référe­nce à une étude du ce­n­tre de re­che­r­ches KEPE (le ce­n­tre de pla­ni­fi­ca­tion et de re­che­r­ches éco­no­mi­ques) qui fait éga­le­ment état d'un re­cul du PI­B de 6,5% au pre­mier tri­me­s­tre et prévoit -9,1% au troisième.
La Ba­nque de Grèce avait prévu en avril l'a­g­gra­va­tion de la réce­ssion, esti­mant que le PIB chute­rait de "près de 5%" en 2012, soit plus que les esti­ma­ti­ons in­i­ti­a­les (près de 3%), après un re­cul de 11% sur les deux dernières années. Le pays co­nnaît sa ci­nquième année consécutive de réce­ssion, entamée lors de la crise des ba­nques en 2008 et ag­gravée de­puis 2010, année du décle­n­che­ment de la crise de la dette, qui a co­n­tra­int le pays à re­courir à des prêts inte­r­na­ti­o­naux concédés par l'U­nion européenne, la Ba­nque ce­n­trale européenne et le Fo­nds monéta­ire inte­r­na­ti­o­nal.
"Ces chi­f­fres sont écoeu­ra­nts"
"La si­tu­a­tion de l'éco­no­mie re­ste cri­ti­que (...) et pa­rti­culière­ment di­ffi­cile", a indiqué Chri­stos Staïkou­ras lors d'une confére­nce sur la croi­ssa­nce orga­nisée à Athènes par l'he­b­do­ma­da­ire bri­ta­n­ni­que The Eco­no­mist. "Ces chi­f­fres sont écoeu­ra­nts", a déploré le mi­ni­s­tre qui a ra­ppelé que le chômage en Grèce a atte­int 22% en mars. Le nouveau go­uve­r­ne­ment grec de coa­li­tion di­rigé par le co­nser­va­teur Anto­nis Sa­ma­ras, issu des légi­sla­ti­ves du 17 juin, s'est engagé à pour­sui­vre les réfo­r­mes prévues dans le plan d'a­ssa­i­ni­sse­ment de l'éco­no­mie dicté par les créan­ci­ers, UE et FMI, tout en récla­mant "des cha­n­ge­me­nts afin de fa­vo­ri­ser la croi­ssa­nce".  "Il est néce­ssa­ire de sui­vre des poli­ti­ques ori­entées vers la croi­ssa­nce, de cha­n­ger les poli­ti­ques inj­ustes et de les réada­pter afin d'arrêter la réce­ssion" a ai­nsi affirmé Chri­stos Staïkou­ras.
Le mi­ni­s­tre adj­oint des Fi­na­n­ces a en ou­tre souligné que le plan UE-FMI de­vait être co­mplété par des poli­ti­ques "pour fa­vo­ri­ser l'em­ploi". "Il faut se met­tre d'a­c­cord le plus tôt possi­ble avec la troïka (les expe­rts de l'UE, de la BCE et du FMI qui ont co­m­mencé ma­rdi à co­ntrôler les co­mptes grecs) pour éla­bo­rer de nouve­lles poli­ti­ques afin que le plan d'a­ssa­i­ni­sse­ment de l'éco­no­mie soit vi­a­ble", a aj­outé le nouveau mi­ni­s­tre.

" La disparité des compétitivités à l'intérieur de l'Union Monétaire est surtout due à des facteurs naturels et immuables (taille du marché intérieur, position géographique, richesse naturelles et matières premières, taille du pays, etc, etc.) S'il est vrai que la France et l'Allemagne pourraient arriver à une compétitivité comparable il n'en est pas de même pour d'autres pays de la zone Euro. Des pays aussi peu industrialisés que le Portugal, la Grèce et autres ont donc peu de chance d'arriver à la même compétitivité que l'Allemagne ou la France (à moins de devenir des paradis fiscaux). Leur demander d'augmenter leur compétitivité par le dumping social et par le dumping des salaires et illusoire. Des pays comme la Chine, l'Inde et autres pays asiatiques ne peuvent être égalés en ce qui concerne le dumping social. Seule solution, les accords doivent être modifiés de façon à permettre aux pays ainsi désavantagés de développer et de protéger leur économie contre des économies plus fortes afin d'arriver au sein de l'Union Monétaire à une plus grande convergence des économies. Il est aussi important d'arriver à un partage horizontal du travail pour éviter l'exil de jeunes hautement qualifiés du au chômage dans les pays périphériques. Il faut tenir compte de la réalité, l'Allemagne (et la France) étant le pays économiquement le plus fort de la Zone Euro a pu profiter de l'endettement des autres pays pour développer son industrie aux dépens des autres économies de la Zone Euro. Depuis 18 ans l'Allemagne a un excédent de la balance commerciale de 17 Milliards PAR MOIS en moyenne. Excédent réalisé principalement en Zone Euro et grâce à l'endettement d'autres pays importateurs de bien allemand (y compris l'armement pour la Grèce). Malheureusement les bénéfices ainsi réalisés par les grosses entreprises allemandes et aussi françaises ont très souvent été réinvesti en dehors de la Zone Euro, avec pour conséquence le chômage des jeunes dans les pays déficitaires. Je ne pense pas que L'UE puisse survivre si l'Allemagne et la France n'acceptent pas de tenir compte de ces réalité et refusent de revoir les accords et de prendre les mesures qui s'imposent et qui permettrait de compenser ces disparités de compétitivité."

Le réalisme de gauche, mode d'emploi

Jean-Marc Ayrault a prononce  ce mardi son discours de politique générale. Lundi, la Cour des comptes a remis au gouvernement un rapport qui estime à 33 milliards d’euros les économies à trouver pour que la France tienne ses engagements en termes de déficit budgétaire en 2013. Comment le gouvernement va t-il y parvenir ?

Jean-Marc Ayrault prononce aujourd’hui son discours de politique générale. Selon le rapport de la Cour des comptes remis lundi au gouvernement, il faudrait trouver entre 6 et 10 milliards d’euro pour que la France tienne ses engagements internationaux en terme de déficit budgétaire cette année. Pour 2013, ce sont 33 milliards d’euro qu’il faudrait trouver par des mesures supplémentaires. Comment le gouvernement va-t-il parvenir à cet objectif ? A quoi ressemblerait un "réalisme de gauche" ?


Marc Touati : 
La solution est relativement simple. Elle consiste à réduire drastiquement les dépenses de fonctionnement de toute la puissance publique. Depuis dix ans, ces dernières augmentent en moyenne de 10 milliards d'euro par an, soit une gabegie de 100 milliards d'euro en dix ans. Pour ce faire, il faudra notamment enlever quelques tranches du mille-feuilles de la puissance publique française : Élysée, Matignon, les ministères, l'Assemblée, le Sénat, le Conseil économique et social, les régions, les cantons, les agglomérations de communes, les communes, les délégations départementales... 
Beaucoup trop de strates qui font que le mille-feuilles est devenu indigeste. Il ne s'agit donc pas forcément de moins d'État, mais surtout de mieux d'État. Avec un niveau de 56%, le ratio dépenses publiques/PIB est déjà l'un des plus élevés du monde et ce, pour des performances économiques et sociales particulièrement médiocres (notamment en termes de croissance et d'emploi). Cela a vraiment assez duré. 
Le problème est que ces décisions de bon sens ne peuvent émaner que des dirigeants politiques et des hauts fonctionnaires qui vivent justement des largesses de ce système.
Agnès Verdié-Molinié : La France n'a plus le choix. Il faut réaliser des économies sur les dépenses publiques, ce qui n'a pas été fait précédemment. La Cour des comptes prévoit 90% de dette publique par rapport au PIB en 2012. Nous arrivons dans ce que les économistes reconnaissent comme la "zone rouge" en terme d'endettement public. L'avenir de la France est en jeu. A l'exception de la réforme des retraites de 2010, peu de réformes ont été effectuées ces dix dernières années avec de telles économies à la clé. Pourtant, la Cour des comptes, comme la Fondation iFRAP, se sont prononcées, depuis des années sur la nécessité d'agir sur le levier de la baisse des dépenses pour rééquilibrer nos finances publiques.
Il existe trois sources majeures d'économies possibles : les dépenses de personnel, les dépenses sociales avec les dépenses de retraites, d'assurance maladie, mais aussi les compléments de revenus sur critères de ressources - quitte à plafonner par foyer fiscal le montant des prestations sociales reçues comme le font certains pays - et celles des collectivités locales. Il est aujourd’hui tout à fait possible de trouver les dix ou vingt milliards d'euros par an d'économies nécessaires à l'équilibre budgétaire dans ces trois sources, sans pour autant diminuer la qualité des services publics.
Aurélien Véron : Jean-Marc Ayrault va devoir composer avec un rapport de la Cour des comptes moins favorable aux socialistes qu’attendu. La gestion de la droite n’est pas seule mise en cause. La prodigalité des deniers publics des collectivités territoriales (de gauche) était aussi mise en cause par Didier Migaud, socialiste et ex-président de la Commission des Finances à l’Assemblée nationale, lors de son discours de présentation. Les enjeux posés par le rapport restent toutefois modestes rapportés à la réalité de la crise. Les 33 milliards d’euros à trouver pour 2013 restent très en deçà des 100 milliards annuels évoqués par des observateurs moins proches du pouvoir et des administrations publiques. Pour autant, la Cour des comptes met le pouvoir socialiste au pied du mur avec ce chiffre, même s’il lui est moins défavorable.
La majorité socialiste va devoir choisir entre la trahison de ses valeurs historiques, et celle des Français. Soit elle s’accroche à la dépense publique et l’impôt, déjà si élevé qu’il menace notre compétitivité à en croire la Cour des comptes, ainsi qu’à la relance par la consommation et la pénalisation de l’épargne et du capital. Depuis 30 ans, cette politique a mené notre pays à la ruine. Elle doit désormais s’engager dans la voie d’une baisse importante de la dépense publique, tant des administrations centrales que des collectivités territoriales, comme la Cour des comptes le préconise. C’est à ce prix qu’elle relancera la croissance et l’emploi dont les premiers, bénéficiaires seront nos concitoyens.
Sous la pression de ce rapport, mais surtout de la crise financière, économique et sociale, le Parti socialiste doit se réinventer entièrement. La seule rigueur « de gauche » acceptable aujourd’hui, c’est un discours de vérité qui ne se résume plus à une chasse aux riches aussi symbolique que stérile, mais par une modération fiscale générale et une réforme profonde de l’État, accompagnant la baisse structurelle de la dépense publique. Cette rigueur-là s’inscrit dans le sillage des politiques mises en œuvre par nos voisins, de gauche comme de droite. Toute autre stratégie se révèlerait rapidement dévastatrice pour le pays et pour l’Europe.

Les hausses d'impôts ne seront donc pas suffisantes pour atteindre l’équilibre budgétaire ? 


Marc Touati :
 Il faut être clair, la pression fiscale de la France est déjà l'une des plus élevées du monde (comparativement au PIB). Si le gouvernement l'augmente encore, il va casser le peu de croissance qu'il reste et réduire davantage la compétitivité de nos entreprises.
De la sorte, le chômage va encore augmenter et les revenus baisser. Autant d'évolutions qui réduiront l'assiette fiscale, donc les recettes publiques à venir. En augmentant les impôts, le gouvernement finira donc par aggraver les déficits publics.

Agnès Verdié-Molinié :
Il faut mettre de côté les hausses d'impôt, car nous sommes déjà au maximum de la pression fiscale possible. Autrement dit, quelle que soient les hausse d'impôts décidées, les recettes fiscales supplémentaires seront très faibles, car nous avons déjà atteint le maximum de la courbe de Laffer.
Le seul levier possible est donc celui la baisse des dépenses. Ce levier n'a pas été encore réellement actionné, nous avons en effet constaté, malgré les suppressions de postes au niveau de l’État, des dépenses de personnels centraux qui ne baissent pas, se maintenant autour de 117 milliards d'euros par an. Il est donc nécessaire d'aborder maintenant ce sujet avec un objectif clair de réduction globale des dépenses de personnels publics. Par exemple, avoir pour objectif de baisser de 117 milliards à 114 d'ici 2017. Entre les pensions et les traitements des agents publics, les dépenses continuent d'augmenter. En 2007, nous étions autour de 12 % du PIB en rémunérations de personnels publics ; en 2009, ce chiffre est monté à 13,3% contre 7% pour l'Allemagne, il y a donc bien un surcoût en terme de dépenses de personnel dans nos finances publiques.


Aurélien Véron : Comme l’a indiqué la Cour des comptes, notre fiscalité figure parmi les plus lourdes de l’OCDE. Elle pénalise notre compétitivité, donc l’emploi et la croissance du pays. Un chômage fort et une croissance faible tendent à diminuer nos recettes fiscales structurelles. Augmenter la pression fiscale revient donc à renforcer nos handicaps, et donc nos recettes fiscales futures, ainsi que l’a très bien démontré le prix Nobel d’Économie Arthur Laffer.

En bref, plus le pouvoir socialiste montera les impôts, plus nous nous éloignerons de l’équilibre budgétaire. Le plus efficace consiste à instaurer une fiscalité qui ne handicape ni notre économie, ni l’initiative privée. La recette universellement admise, ce sont des bases fiscales larges et des taux très bas. Rien ne dit que les socialistes auront le bon sens d’aller dans ce sens et de privilégier l’intérêt général à l’électoralisme primaire.

Sophie Pedder
: Le gouvernement va devoir réaliser des économies. Le rapport de la Cour des comptes de 255 pages est parfaitement chiffré et détaillé. Il précise clairement que la moitié de l'effort devra être réalisé sur les dépenses. Les hausses d'impôts ne suffiront pas.

Pourtant, c'est sur ce dernier point que François Hollande s'est fait le plus entendre pendant sa campagne. Il s'est montré relativement discret sur les baisses de dépenses
...

Selon Les Echos, les lettres de cadrage envoyées aux ministères prévoient une stabilisation des dépenses de personnel de l'État. Le gel des salaires des fonctionnaires va-t-il être reconduit par le gouvernement socialiste ?


Marc Touati :
 Il faut sortir du clivage gauche-droite en matières de dépenses publiques. Il ne s'agit plus de marketing ou de politique politicienne, mais de bon sens et de responsabilité a l'égard de nos enfants. Si les dirigeants des vingt dernières années avaient été un peu moins dogmatiques et un peu plus pragmatiques, nous ne serions pas dans le marasme actuel
Le gel des dépenses est d'ailleurs insuffisant si l'on veut vraiment sortir de l’ornière. Il faut certainement faire des sacrifices, mais ceci ne doivent pas porter sur le social (si ce n'est en matière de lutte contre les fraudes sociales). Les dirigeants politiques doivent montrer l'exemple.
On ne peut pas demander aux Français de se serrer la ceinture, alors que les dépenses de fonctionnement augmentent de 10 milliards d'euros par an depuis plus d'une décennie.

Agnès Verdié-Molinié :
Nous avons chiffré qu'en gelant l'avancement des personnels (en plus du gel du point d'indice), il était possible d'économiser entre 2 et 3 milliards d'euros par an pour les trois fonctions publiques.

Mais il faut faire attention à tous les postes de dépenses, des dépenses de personnels qui ne sont plus assumées directement par l'État peuvent être seulement "déplacées", le gouvernement précédent a certes supprimé 150 000 postes en 5 ans au niveau de l’État, mais il  a aussi laissé se créer beaucoup de postes dans les opérateurs de l’État  (organismes contrôlés et financés par l'État et dont les missions sont fixées par celui-ci, ndlr). On le retrouve dans le montant des subventions versées par l’État aux opérateurs : elles étaient de 15 milliards en 2008 et sont passées à 25,8 milliards d'euros en 2012.


Aurélien Véron : Attendons la confirmation de ce gel des rémunérations. Et n’oublions pas que les seules mesures comptables sont douloureuses et n’ouvrent  pas de perspectives motivantes. Ce qu’il faut espérer du gouvernement socialiste, c’est un projet  de modernisation de l’État et des services publics. Aura-t-il le courage de recentrer l’État sur ses missions régaliennes et de mettre fin à ses engagements superflus ? Aura-t-il  le courage d’aligner le statut des fonctionnaires sur celui de droit privé pour valoriser les fonctionnaires individuellement, et casser le mur qui séparer l’univers public du secteur privé ?  L’enjeu réside dans les réformes structurelles, dans la refondation d’un État moderne, bien plus que dans des indices salariaux.

L’austérité oblige la majorité à affronter ses contradictions. Le Parti socialiste ne peut éternellement rester un parti de synthèses rassemblant le chaud et le froid, les anti-européens qui ont voté « non » lors du référendum sur le TCE, et les pro-européens qui ont défendu le « oui » avec ardeur, les anticapitalistes autour de Benoît Hamon et Arnaud Montebourg, et les socio-libéraux comme Pierre Moscovici et Manuel Valls. Chaque jour, il est un peu plus évident que le gouvernement a besoin de manœuvrer avec une ligne claire face à l’incendie des dettes souveraines et de l’Europe. Sommes-nous au seuil d’une crise identitaire du PS similaire à celle de l’UMP avec Patrick Buisson et Guillaume Peltier ?

Sophie Pedder
: Ce n'est pas impossible en soit. Mais la maîtrise de la dépense sociale et publique sera difficile pour un gouvernement qui a été élu avec un promesse de création de 60 000 postes dans l'enseignement.
Plusieurs mesures symboliques ont été prises comme la baisse des salaires des ministres ou encore la taxation à 75% des tranches de revenus annuels supérieurs à 1 million d'euro. A l'inverse, un gel des salaires serait un réel effort.

François Hollande n'est-il pas finalement plus en pointe sur la rigueur budgétaire que ses prédécesseurs ? Va-t-il réussir là où tous les précédents gouvernements ont échoué ?


Marc Touati :
 Certes, ce sont souvent les pacifistes qui font la guerre et les guerriers qui font la paix. A l'instar de Gerhard Schröder, il y a plus de dix ans outre-Rhin, François Hollande pourrait, lui aussi, moderniser le pays et réduire les dépenses publiques tout en étant de gauche.
Ce qui m'inquiète néanmoins, c'est le risque de mauvaise influence de l'aile dogmatique du PS. Quand on entend M. Sapin annoncer d'importantes créations de postes de fonctionnaires le jour ou la Cours des Compte crie "au secours", on peut s'interroger sur la volonté réelle des dirigeants actuels de réduire les dépenses publiques. 
Seul réconfort, nous allons être vite fixé sur notre sort. Le PS n'a pas deux ans devant lui comme en 1981. A l'époque, la dette publique n'était que de 20 % du PIB. Aujourd'hui, elle avoisine les 90 %. La sanction sera immédiate. La deadline pour la France, c'est septembre prochain. D'ici là, carpe diem pendant l’été...

Agnès Verdié-Molinié
Il est encore trop tôt pour se prononcer. Mais il est vrai qu'annoncer une baisse de 7% des dépenses de fonctionnement et des dépenses d'intervention est assez fort,  aucun des derniers gouvernements n'a ni annoncé ni tenu un tel objectif sur un an.
Un grand nombre de responsables socialistes étaient au courant de la situation économique de la France. Ils n'avaient donc vraisemblablement pas d'illusion sur la politique qu'ils allaient devoir mener. A la Fondation iFRAP nous avons publié en mars une étude intitulée "100 jours pour réformer la France" qui donnait déjà tous les chiffrages des économies à réaliser et qui ressemble fort à ce qui est annoncé aujourd’hui. Mais, dans cette étude, nous proposions aussi des réformes à mener pour que la France permette à nouveau à ses entreprises de prospérer sur son sol et de créer des emplois durables. Car, en plus d'assainir nos finances publiques, le gouvernement devra veiller à ne pas décourager le secteur marchand et ses créateurs de richesses. La croissance ne reviendra qu'au prix de ce difficile travail d'équilibriste, qui demande beaucoup de dévouement au service de l’intérêt général.

Aurélien Véron : La gauche aura certainement plus de facilité à violer les principes de ses partenaires politiques et syndicaux que la droite, aussi archaïques soient-ils. Mais si le gouvernement se contente d’une austérité comptable et fiscale sans réformes structurelles, l’échec est garanti.

La France a besoin de refonder son modèle économique et social. Les taux d’intérêt ont beau être historiquement bas, le montant des seuls intérêts de la dette dépasse le budget additionné de la Défense nationale et de la Justice. Et l’absence de croissance ne laisse pas augurer d’amélioration, même lointaine. Le véritable enjeu pour le gouvernement n’est pas de faire passer la rigueur, mais de mettre en œuvre les réformes qui permettront au pays d’éviter la faillite et de renouer avec une croissance forte et durable

Sophie Pedder
: Cela reste à confirmer, puisque outre les annonces du discours de politique générale, le budget pour l'année 2013 ne sera dévoilé qu'au mois de septembre. Le principal problème sera politique, car François Hollande, tout comme Nicolas Sarkozy d'ailleurs, n'a pas suffisamment préparé les Français à un plan de rigueur lors de sa campagne.

Ayrault, encore plus flou que Hollande

Selon Hervé Gattegno, rédacteur en chef au "Point", le Premier ministre a rivalisé en imprécision avec le chef de l'État. Préoccupant.
Jean-Marc Ayrault a prononcé hier devant les députés son discours de politique générale. Vous ne l'avez guère trouvé convaincant. Votre parti pris : Ayrault est encore plus flou que Hollande !
Jusqu'ici, Jean-Marc Ayrault donnait l'impression d'être plus carré, plus net que François Hollande, dont la précision n'est pas la qualité première. Le discours d'hier a montré le contraire. Sur la forme, c'était une énumération fastidieuse de propositions déjà connues. Sur le fond, une suite d'ellipses et de formules creuses. Autrement dit : pas de souffle et beaucoup d'air. C'est peut-être la façon pour Jean-Marc Ayrault de marquer sa déférence : il s'est efforcé de ne faire aucune ombre à François Hollande - ni aucune lumière sur sa politique.

Que des conneries, je leur ai dit que des conneries !!
Le Premier ministre a quand même précisé les grandes lignes de sa politique économique et fiscale. Vous attendiez qu'il donne plus de détails ?
Il aurait été difficile d'en donner moins ! Toutes les mesures étaient connues. Il n'en a précisé aucune. La suppression des allègements d'ISF, l'abrogation du bouclier fiscal et de la TVA sociale, c'est l'abolition de la politique de Nicolas Sarkozy ; ça ne fait pas une politique. Tout le monde sait qu'il devra augmenter la CSG, il n'en a pas dit un mot. Et il promet que les efforts à venir épargneront les "classes moyennes" - mais il ne définit pas les "classes moyennes". Et puis sur la réduction des dépenses publiques, le sujet que François Hollande esquive depuis des mois, on pouvait espérer qu'enfin, il ferait la clarté... et c'est le trou noir.
Est-ce que vous retenez quand même quelque chose de ce discours ?
Son manque de hauteur, de perspective. Un discours de politique générale sert à donner du sens. En 1981, Pierre Mauroy avait expliqué comment il voulait "changer la vie". En 1969, Chaban dessinait sa "nouvelle société". Ces formules-là restent - comme celle, moins lyrique, de Raffarin (2002) : "Notre route est droite mais la pente est forte." Avec Ayrault, on était plus près de l'allocution du maire au conseil municipal de Nantes. Pas de pensée politique, plutôt un pensum. Le pire, c'est qu'il a dit qu'il viendrait régulièrement s'expliquer devant les députés : on comprend que l'un d'entre eux ait fait un malaise !
En tout cas, Jean-Marc Ayrault peut au moins se féliciter d'avoir obtenu un vote de confiance - avec les voix du PS, des radicaux et des écologistes. Ça veut dire qu'il a une majorité solide ?
Solide, pléthorique et disciplinée - en tout cas pour l'instant. Cela dit, obtenir la confiance quand on vient de gagner les élections, c'est à la portée du premier venu. Son problème, c'est que le flou persistant dans lequel ce pouvoir s'installe, s'enlise même, oblige à se demander s'il est dans l'impréparation ou dans l'insincérité. Dans les deux cas, c'est préoccupant.

Pour défendre le mariage : des discours bien faibles !


Pas besoin d’un dessin de Chard pour montrer une nouvelle fois la monstruosité anthropologique du « mariage » homosexuel que nous préparent les suppôts de la dictature du relativisme et qu’il importe de combattre frontalement en termes de bien ou mal commun.
« Le combat qui se prépare est prioritaire, c’est l’enjeu de notre civilisation. Il repose sur le droit naturel avant de devenir religieux. Mais il est essentiel que les catholiques encouragés par les évêques soient les premiers à le mener. Hélas, face aux conséquences irrémédiables pour notre société, je trouve les réactions et les discours bien faibles. Prions pour qu’une prise de conscience nationale puisse changer le cours des événements », résume bien l’abbé Fabrice Loiseau dans sa Lettre aux amis des missionnaires de la miséricorde divine.
Un exemple de cette faiblesse ? Il nous est donné dans La Croix du 2 juillet qui explique : « Les catholiques restent pour la plupart opposés à ce qu’ils perçoivent [sic] comme une remise en cause de la structure familiale [comme s’il s’agissait d’une perception subjective d’un communautarisme étroitement confessionnel !] 
Du côté des évêques de France, il est hors de question de céder à la précipitation : “L’Eglise catholique use et usera de sa liberté comme elle l’a toujours fait dans sa relation avec les pouvoirs publics pour s’exprimer sur les projets sociétaux”, assume Mgr Bernard Podvin, porte-parole de la conférence des évêques de France, qui mène actuellement une réflexion sur la ligne à tenir dans les prochains mois… »
Précisément, si l’Eglise « qui est en France » use de sa liberté comme elle l’a fait par le passé dans sa relation avec les pouvoirs publics pour s’exprimer sur lesdits projets sociétaux, il y a beaucoup de souci à se faire ! Qu’on en juge par l’avortement, les lois bioéthiques et le Pacs… On se rappelle trop les remerciements du Pr Nisand à l’Eglise de France pour « ne pas s’être fondamentalement opposée » à la loi Chirac-Veil, « même si elle [l’Eglise] a utilisé un double langage à ce moment-là » (cf. Le Livre noir des évêques de France, p. 134) !
« Otez le surnaturel, il ne reste que ce qui n’est pas naturel », écrivait déjà Chesterton. « Le mariage civil, déjà relativisé par le divorce, considérablement affaibli par l’existence d’autres unions possibles (concubinage, Pacs), gardera-t-il encore une valeur quand deux personnes de même sexe pourront y prétendre ? », demande le P. Louis-Marie Guitton, responsable de l’Observatoire sociopolitique du diocèse (atypique) de Fréjus-Toulon (www.placedeleglise.fr). Il poursuit ainsi son interrogation : « Est-il facile de s’y opposer en se plaçant uniquement sur le plan des valeurs “humanistes et universelles” et de rappeler les limites fondamentales du bien et du mal, Pourra-t-on longtemps encore affirmer que le mariage civil est assimilable au mariage naturel ? » Les chrétiens seront-ils les derniers à défendre le mariage civil ?
« Ôtez le surnaturel, il ne reste que ce qui n’est pas naturel »
On devine dans cette problématique une suggestion pour sortir de l’aporie dans laquelle nous a enfermés la dictature (subliminale) du relativisme et son égalitarisme intrinsèque entre d’une part une laïcité de stricte observance uniforme et une nouvelle laïcité multiforme, ouverte à tous les communautarismes, y compris les plus incongrus, indifférents sinon opposés au bien commun temporel. Même si le mariage homosexuel relève de la seconde catégorie, il n’est qu’un effet pervers de la première catégorie révolutionnaire. Et il est paradoxal, comme l’écrit Denis Sureau, de s’y opposer (comme font par exemple les Associations familiales catholiques) en voulant revaloriser un mariage civil qui « a été institué contre l’Eglise et, par l’instauration simultanée du divorce, privé d’un des éléments essentiels de tout mariage naturel (celui qui peut exister entre deux non-baptisés) : l’indissolubilité » (Chrétiens dans la cité du 13 juin).
Il ne s’agit pas, bien sûr, de rejeter théoriquement la valeur politique d’un mariage civil, valable pour tous, qui se rapproche le plus possible de la loi naturelle. Et les AFC ont certainement raison de le défendre fondamentalement avec les arguments de la raison naturelle et de l’empirisme organisateur, comme le déclare également l’abbé Loiseau. Mais, dans la dissociété présente avec l’accélération dramatique de la culture de mort, il arrive un moment où la meilleure façon de défendre la loi morale naturelle est sans doute aussi de faire appel pratiquement et simultanément au surnaturel. Lorsqu’on ne veut ou ne peut plus appuyer le naturel par le surnaturel, c’est le naturel qui se plie à l’arbitraire, selon l’aphorisme de Chesterton qu’on vérifie à l’envi aujourd’hui. D’où la proposition du P. Guitton qui mérite réflexion et débat : « Les chrétiens ne pourront défendre coûte que coûte un mariage qui serait ainsi redéfini, une institution vidée de sa substance.  
Le temps sera peut-être venu de gestes significatifs, comme celui de demander la reconnaissance de la valeur civile de notre mariage religieux. La célébration du sacrement de mariage sans l’obligation de procéder auparavant à un mariage civil ne serait que le signe de notre profond respect pour le mariage. L’annonce de la Bonne Nouvelle sur le mariage et sur la famille passe par le témoignage non équivoque rendu à l’alliance indissoluble entre un homme et une femme en vue du bien des enfants et de la société tout entière. Le mariage civil n’est pas un absolu ! »
Il serait peut-être temps de changer le discours de la méthode épiscopale : voici l’exemple d’un sain et légitime « communautarisme » catholique, agissant par une culture de dissidence, à la manière d’un anti-corps dans un organisme national trop malade, mais qui n’est évidemment pas contradictoire avec la défense du bien commun de cet organisme, ni avec la loi morale naturelle qui devrait l’animer, bien au contraire.