TOUT EST DIT

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ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

samedi 30 juin 2012

Tandem de raison


Faut-il considérer que le Conseil européen a été miraculeux ? Il a rassuré et il suffit d'observer les tendances des marchés et le comportement de l'euro face au dollar pour s'en convaincre. Les mesures techniques qui ont été adoptées et la confirmation de la mobilisation de 1 % du PIB pour relancer la croissance donnent une bouffée d'oxygène à une Union anxieuse, atteinte d'une mauvaise toux. Ces dispositions ne remettent pas en cause l'essentiel, à savoir l'exigence d'une gestion désormais exemplaire des finances publiques de chaque État membre. Si des assouplissements ont été fléchés et que le mécanisme européen de stabilité a été vanté puis consolidé, la réduction de la dette demeure une priorité. Il ne faut pas croire que les cabinets d'expertise, les agences de notation, les investisseurs, les acteurs majeurs du puzzle économique vont soudainement regarder ailleurs.

L'Espagne et l'Italie doivent modérer leur enthousiasme alors que Paris a le succès modeste et que les concessions limitées d'Angela Merkel lui causeront plus de soucis en Allemagne que parmi les Vingt-sept. La première économie européenne dont les performances à l'exportation sont enviées est aussi le premier contributeur aux mécanismes de solidarité. On comprend qu'elle stimule ceux qui n'ont pas entamé les réformes structurelles indispensables à leur rétablissement dans la zone euro. Il est très facile de montrer Berlin du doigt, d'identifier la paille dans l'œil de notre partenaire en oubliant la poutre qui nous aveugle. Il faut cesser d'ausculter sans cesse le couple franco-allemand et de lui prendre la tension pour mieux identifier les temps de crispation. Ils font partie du scénario de la négociation même s'ils exaltent les europhobes et les euro-attentistes. En redisant qu'avec le président de la République, les choses se passent normalement, la chancelière n'idéalise pas la relation actuelle en raison d'appréciations et d'analyses différentes sur la manière de s'extraire du marasme mais, elle atteste que le tandem est bien sur ses roues et que l'un des équipiers ne pédale pas contre l'autre.

Les Etats-Unis d'Europe sont-ils vraiment notre avenir ?

Alors que les dirigeants européens se sont réunis jeudi et vendredi dans le cadre d'un sommet au scénario inattendu, les appels en faveur d'un fédéralisme européen se multiplient. Mais nombre de réalités viennent se heurter au rêve des "États-Unis d'Europe" de Victor Hugo... 1er épisode de notre feuilleton consacré à l'Europe politique de demain.
Les « États-Unis d’Europe » vont-ils venir couronner l’aventure européenne ? On pourrait le croire au vu des résultats du dernier sommet européen.

Pour assurer l’irréversibilité de la monnaie européenne, il va bien falloir en passer par une mise en commun des décisions budgétaires des États membres de la zone euro, par une solidarité financière de fait entre États de cette dernière, et sans doute à terme par une pratique réellement fédérale de la part de la Banque centrale européenne.
On ne serait donc pas loin de toucher au but. On peut toutefois s’interroger. En effet, bien des conditions d’une telle fédéralisation ne semblent pas remplies.

Le sommet européen de jeudi et vendredi est-il selon vous un succès ou un demi échec ?

Christophe Bouillaud : Le plus logique du point de vue des problèmes économiques rencontrés dans la gestion de la zone euro semble de créer une « Fédération de la zone euro ». Or cette dernière possèderait un périmètre totalement déconnecté de quelque sentiment spécifique que ce soit d’appartenance qui se différencierait, ne serait-ce qu’un peu, de l’Europe en général.

On peut se sentir, ou non, attaché à l’Union européenne ; on peut vouloir conserver l’euro comme monnaie - ce qui semble bien être le cas de la majorité des Européens concernés -, mais peut-on se sentir attaché à une Fédération de l’euro, dont les contours ne possèdent aucune justification du point de vue symbolique, historique, moral. En pratique, une Fédération de l’euro voudrait dire que les Français ou les Allemands seraient plus prêts à partager des éléments essentiels de leur souveraineté nationale avec les Slovaques et les Estoniens qu’avec les Tchèques et les Lettons.

Je défie pourtant quiconque de trouver une raison censée à une telle priorité accordée aux uns sur les autres. Si la zone euro gardait son périmètre actuel, la Fédération de la zone euro aurait donc une ampleur géographique sans aucune symbolique possible, sans aucun précédent historique, surtout sans autre projet commun que le sauve-qui-peut face à la crise des dettes publiques. Saurait-on mieux dire alors que l’euro resterait définitivement un projet économique, dépolitisé, technocratique ? Certes, on peut imaginer que, conformément aux traités européens déjà signés, tous les États membres de l’Union européenne qui s’y sont engagés rejoignent à terme la zone euro. Or, vu la faible justification économique que la plupart des économistes lui accordent désormais, on peut sérieusement douter que d’autres gouvernements soient tentés de la rejoindre. Si, en plus, la zone Euro se met à souffrir d’une « décennie perdue » à la japonaise, alors que les autres États européens en viennent eux à sortir réellement de la présente crise économique, la Fédération de l’euro n’aura guère de pouvoir d’attraction sur les autres États membres.
Pascal Fontaine : Déception pour ceux qui désiraient un agenda clair et volontariste pour plus d'intégration, satisfaction pour les pragmatiques qui tiennent avant tout à calmer les marchés et éviter la descente aux enfers des pays les plus endettés. Sur le temps long, la construction européenne progresse irrésistiblement, même si elle donne trop souvent l'impression de piétiner dans des palabres.

Que pensez-vous de l'amorce d'une fédéralisation en Europe, qui pourrait mettre de côté tout ou partie des attentes des populations ?


Christophe Bouillaud :
Tous les grands partis politiques au niveau européen (chrétiens-démocrates et conservateurs, libéraux, socialistes, écologistes) se déclarent au fil de cette crise en faveur d’une telle évolution fédérale, en particulier par la voix de leurs leaders au sein du Parlement européen. Les partis nationaux rattachés à ces grandes fédérations transeuropéennes peuvent certes être plus ambigus en pratique, surtout lorsqu’ils sont aux affaires de leurs pays respectifs, mais il n’aura cependant échappé à personne que les gouvernants, issus de ces mêmes partis dominants la scène européenne, semblent craindre comme la peste de prendre des décisions qui les contraindraient à consulter par référendum leurs électeurs sur les évolutions à venir de l’Union européenne.

Les référendums de 2005 en France et aux Pays-Bas restent dans toutes les mémoires : malgré un fort consensus partisan en faveur de la Constitution européenne, des acteurs minoritaires ont réussi à rassembler des majorités d’électeurs pour refuser les évolutions jugées néfastes qu’elle incarnait à tort ou à raison. En effet, avec le référendum, la masse silencieuse des électeurs qui n’approuve pas nécessairement la perte de souveraineté nationale de leur État au profit de l’Union européenne, qui ne trouve en temps ordinaire que des partis extrémistes pour exprimer son désarroi face à l’évolution de l’Union européenne, peut trouver l’occasion de se compter, de se découvrir plus nombreuse qu’elle ne croyait l’être, de bloquer même un temps les processus considérés comme nécessaires par les gouvernants.
La crise économique en cours n’arrange rien de ce point de vue, et il n’est que de voir apparaître des discours directement hostiles à l’euro dans un pays comme l’Italie, à l’opinion publique pourtant solidement pro-européenne depuis les années 1970, pour se rendre compte de l’ampleur du hiatus qui s’approfondit entre une partie des populations et les dirigeants attachés à sauver à tout prix l’euro en le dotant d’une fédération.
Les rédacteurs de la feuille de route que nous promet le Conseil européen tiendront-ils à l’esprit ces quelques conditions préalables à une avancée fédérale de l’Union ? On peut encore l’espérer.
Pascal Fontaine : La nécessité historique d'adapter nos anciennes nations aux nouvelles conditions du monde est une dure réalité pour des gouvernants souvent enfermés dans leur dogme de la souveraineté nationale.
"Encore un moment, Monsieur le bourreau", semblent-ils dire soixante années après que le plan Schuman ait lancé la perspective révolutionnaire d'une Fédération démocratique transeuropéenne.
La première Communauté concentrée sur la mise en commun du charbon et de l’acier, a été possible en 1950 parce qu'elle touchait des domaines limités et opérait des transferts de pouvoirs qui n'allaient pas au cœur des Etats.
Quatre ans plus tard, en 1954, en s'attaquant au domaine militaire, la Communauté européenne de défense (CED) cala devant la résistance du parlement français. Mais la dynamique européenne rebondit peu de temps après: la CEE, en se limitant au domaine économique, fut bien acceptée par les gouvernements et les opinions. Le succès du Marché Commun dans les années soixante, puis celui du marché unique de 1992 profita largement au consommateur et aux entreprises. Un progrès en entrainant un autre, il apparut à la fin des années quatre vingt, qu’un grand marché ne pouvait être optimalisé sans monnaie unique. L’Euro lancé en 1999 créa la douce illusion que chacun pouvait emprunter à des taux privilégiés, sans qu'une autorité économique commune ait le pouvoir de corriger les asymétries macro économique.
La gigantesque crise des subprimes américains en 2008, suivie de la forte récession dont nous souffrons encore nous amène aujourd'hui à envisager de sortir par le haut du marasme: une Union bancaire, budgétaire et politique s'impose si l'on veut éviter l'éclatement de la Zone Euro et l'abaissement de l'Europe qui s'en suivrait.

Mais où est aujourd'hui la fraternité d’armes qui justifie l’acte de se fédérer ?


Christophe Bouillaud :
On compare souvent la situation actuelle à celle des États-Unis au début de leur existence, quand les 13 États acceptèrent de mettre en commun leurs finances pour rembourser les dettes contractées, chacun de leur côté, pour financer la guerre d’Indépendance.

La comparaison peut aussi rappeler que, justement, quand les États fédérés acceptent cette perte de souveraineté financière, ils le font dans un contexte où l’existence d’un ennemi est claire. De même, quand les États yougoslave et tchécoslovaque se formèrent au sortir de la Première Guerre mondiale, est-il nécessaire de souligner qu’ils n’étaient pas sans ennemis ?

Si l’on remonte plus avant dans l’Histoire, force est de constater que, lorsque des entités territoriales souveraines s’allient dans une ligue, une fédération, une alliance durable, c’est presque toujours contre la menace d’une autre entité souveraine. Pour l’instant, l’Union européenne n’a pas d’ennemis, elle n’a très officiellement dans le monde que des partenaires. Vu l’état gazeux de la politique étrangère commune, on ne voit pas bien ce qui pourrait faire sortir l’Union de son indétermination en la matière. De fait, contrairement à l’époque de la Guerre Froide, les menaces d’aujourd’hui restent abstraites et diffuses - la mondialisation, la finance, le déclin relatif face aux pays émergents -, mais ne justifient guère un pacte fédératif contre un ennemi, au sens ordinaire du terme.
Pascal Fontaine : La crise de confiance actuelle entre la France, qui veut commencer par la relance, et l'Allemagne posant en préalable l'équilibre budgétaire, ne sera pas résolue en un Conseil Européen. La confrontation des modèles qui est en jeu traduit ce processus original et finalement fructueux qui caractérise la construction européenne: elle avance en crabe, se cherche, et fabrique des compromis dont la somme constitue l'acquis communautaire.
Jean Monnet se réjouissait des crises. Celles-ci lui apparaissaient comme le signe du changement. L'Europe est avant tout une construction continue, ce qui en fait un fascinant projet de civilisation.
En dépit des apparences, la vision de États Unis d'Europe dessinés par Victor Hugo en 1849, est en voie de se concrétiser. L’impératif catégorique est maintenant d'en convaincre les citoyens.




Idée reçue : le libéralisme, un "laissez-faire" immoral ?

Je vous propose de découvrir sur plusieurs jours l'introduction au Dictionnaire du libéralisme sorti récemment. Conçue comme une réponse aux lieux communs sur le libéralisme, elle vous permettra d'avoir l'ensemble des arguments sur ces préjugés si courants !

Le « laissez-faire, laissez-passer » des libéraux à partir du XVIIIe siècle est souvent honni et rendu par un « laisser-faire » sous la plume de ceux qui le rejettent. Les « économistes » du siècle des Lumières priaient les monarques absolus de laisser, dans l’intérêt de tous, la libre initiative aux individus et, contre le mercantilisme et le protectionnisme, d’ouvrir les frontières pour laisser les hommes commercer librement. La critique s’est ensuite déplacée : le « laisser-faire » définit un libéralisme moral d’autant plus inacceptable, particulièrement aux yeux des conservateurs, qu’il aboutirait, pour ses détracteurs, à une dilution des mœurs et, en dernier ressort, à un relativisme généralisé. Le libéralisme se caractériserait par la volonté de puissance sans borne d’un individu libre de s’affranchir de Dieu, de s’autodétruire, de flatter les plus vils instincts, de commercer de tout jusqu’aux êtres et aux choses les plus immondes. Le libéralisme ne serait pas seulement l’amoralisme du marché, mais un immoralisme complet avec une autonomie de la volonté poussée à son point culminant et dont l’illustration extrême serait le droit de consentir à son propre esclavage.
Raymond Aron avait distingué en 1969 la liberté libérale de la liberté libertaire, prônée par la « nouvelle gauche » dans le contexte de l’après mai 1968. Ce n’est pas parce que les libéraux ont attaché leur nom à la liberté de l’individu qu’ils acceptent un quelconque relativisme moral. Ils refusent simplement toute morale qui serait imposée par une autorité, fût-elle démocratiquement élue. Aron exprimait parfaitement cette idée lorsqu’il écrivait que l’ordre libéral laissait à chacun « la charge de trouver, dans la liberté, le sens de sa vie ». L’individu est apte à se forger le destin qu’il s’est choisi et à rechercher son bonheur, ainsi que le proclamaient les révolutionnaires américains de 1776. Il faut, remarque Hayek en 1960, un certain degré d’humilité pour laisser les autres effectuer cette recherche à leur guise. Le libéralisme attache son nom à la tolérance et il ne saurait empêcher que certains soient relativistes. Il sépare soigneusement la sphère du Droit de celle de la morale, limitée aux seules consciences individuelles, afin d’éviter tout contrôle social sur l’individu et tout moralisme, afin de décharger l’individu du poids des autorités morales, politiques et religieuses. Les valeurs qui fondent une « société » proviennent du libre choix des individus, lesquels ne sont pas autorisés à faire n’importe quoi puisque les droits qui leur sont irrévocablement attachés sont aussi les droits d’autrui qu’ils se doivent de respecter. En effet, l’individu ne détient pas une volonté illimitée et la liberté ne se définit pas comme celle de tout faire. Mais la liberté n’est pas celle de faire simplement ce que les lois permettent, ainsi que le pensait Montesquieu. La liberté, écrit Constant, c’est ce que l’individu a le droit de faire et ce que la société n’a pas le droit d’empêcher.
Au surplus, les libéraux défendent le caractère profondément moral du capitalisme. Par la liberté qu’elle suppose, la propriété, par définition privée, implique la responsabilité parce que les coûts des actions et des absences d’action pèsent sur des personnes bien déterminées. Aussi seule la reconnaissance précise des droits de propriété permet-elle d’attribuer à chacun la responsabilité de ses oeuvres, tandis qu’en présence d’une propriété dite publique, les coûts sont collectifs mais les gains privés. Fondé sur le respect des contrats, de l’échange et des droits de propriété, le capitalisme reconnaît l’appropriation du profit par ceux qui l’ont créé et en ce sens il se conçoit comme le seul système qui ait un fondement moral. Ainsi que l’écrit Hayek en 1961, la liberté est la matrice d’où procèdent les valeurs morales : c’est seulement là où l’individu a le choix qu’il a l’occasion d’affirmer des valeurs existantes, de contribuer à leur croissance et de s’adjuger du mérite.
Enfin, les adversaires du libéralisme ne se lassent pas d’insister sur son matérialisme, puisque chaque individu est préoccupé par ses petits intérêts égoïstes au détriment de tous les autres, de l’intérêt général et de l’altruisme. Pour usuelle qu’elle soit, cette critique est doublement reprochable. En premier lieu, le libéralisme ne refuse par la fraternité et l’altruisme. Il n’accepte pas la fraternité légale, celle qui est imposée par l’Etat-providence, d’une part parce qu’elle détruit la liberté en transformant les individus en assistés par le « doux despotisme » de l’« Etat-nounou », d’autre part parce qu’elle supprime la seule véritable fraternité qu’est la fraternité spontanée. En second lieu, le libéralisme ne magnifie par l’argent en tant que tel. Il constate simplement que la monnaie a été un magnifique moyen pour l’homme de survivre, progressivement de se civiliser, enfin de prospérer et qu’elle l’a autorisé à remplir des fins qui, pour la plupart, n’étaient justement pas économiques. Mises écrit en 1927 que ce n’est pas par mépris pour les biens spirituels que le libéralisme ne s’occupe que du bien-être matériel de l’homme, mais parce qu’il ne cherche pas à créer autre chose que les conditions extérieures nécessaires au développement de la vie intérieure propre à chaque individu.
Les détracteurs du libéralisme n’ont pas manqué de fustiger l’individualisme, couramment qualifié de forcené. Les libéraux, eux, ont pu diverger sur le point de savoir si leur doctrine se définissait avant tout comme celle de l’individu ou celle de la liberté -  le libéralisme étant alors l’ordre qui laisse la plus large part possible à la liberté dans tous les domaines de la vie de l’homme -. Maints penseurs libéraux préfèrent concevoir le libéralisme comme un individualisme au motif que l’individu est logiquement premier. Philosophiquement, l’individualisme se définit comme le respect absolu de l’individu dont il fait la valeur suprême. En effet – les libéraux rejoignent ici l’interprétation commune de Kant -, l’homme ne saurait être un moyen : c’est une fin en soi. Toutefois, la diatribe de Tocqueville contre l’« individualisme » dans son second volume de De la démocratie en Amériqueparu en 1840, a été mal comprise. Il visait en réalité l’égoïsme du citoyen. A l’image de Constant, il rappelle certes que la liberté des Modernes consiste dans la jouissance de sa sphère privée, mais pour autant que l’individu ne doit pas s’y replier en oubliant la sphère publique. En effet, la liberté politique reste essentielle en ce sens qu’elle vient garantir la sphère privée.

Retrouver l'Europe


On ne peut pas mettre tout à fait sur le même plan les décisions prises à l'aube hier avec celles des mois précédents. Effectivement, et une fois de plus, il s'agissait de sauver des États de l'asphyxie. L'Italie et Madrid ont pu compter sur l'Union. Les marchés ont eu une surprise, du moins ceux qui spéculaient déjà sur un dévissage abyssal de l'euro et de sa zone. Cela étant, la différence avec ce qu'on a connu depuis deux ans est là : ce qui vient de se passer à Bruxelles est très léger en termes de remise en cause allemande mais c'est capital. Une autre stratégie se profile. Le rachat de dette souveraine par les banques est le premier pas qui sera aussi conditionné par une recapitalisation de celles-ci en direct. La notion de contrôle bancaire qu'introduit le texte du Sommet et l'accord signé aux aurores hier doit permettre dans un avenir proche de donner à la Banque centrale les moyens de ses ambitions. C'est-à-dire garder l'œil de manière permanente sur les pratiques des banques dans l'Union. Un volet est loin d'être neutre : l'harmonisation des conditions d'emprunt en Europe. En clair, fini d'épargner en France à meilleur taux pour acheter en Espagne ou en Italie. Voire en Grèce où les rapaces volent bas à l'heure qu'il est… La gouvernance chère à l'européen Raffarin se concrétise avec Hollande ! Tout cela fleure l'arrivée des eurobonds. L'Italie, l'Espagne et la France dans une moindre mesure ont joué collectif ces deux derniers jours. Quel que soit le chemin, l'Europe ne gagnera effectivement qu'unie. On respire, elle peut s'unir.

La prévention des mariages forcés, garantie de la liberté du mariage

Sans qu'il soit possible de les répertorier avec précision, on sait les mariages forcés fort nombreux. Des jeunes filles, souvent mineures et souvent d'origine musulmane, sont mariées contre leur gré par la seule décision de leur famille. Bien entendu, elles peuvent demander au juge la nullité du mariage, a posteriori, dès lors que le consentement libre et éclairé de l'un des époux n'existe pas.
Dans sa décision rendue sur QPC du 12 juin 2012, le Conseil constitutionnel valide le dispositif français de lutte contre les mariages forcés. Sans qu'il soit possible de les répertorier avec précision, on sait qu'ils sont fort nombreux. Des jeunes filles, souvent mineures et souvent d'origine musulmane, sont mariées contre leur gré par la seule décision de leur famille. Bien entendu, elles peuvent demander au juge la nullité du mariage, a posteriori, dès lors que le consentement libre et éclairé de l'un des époux n'existe pas. Le droit positif s'oriente cependant, de plus en plus, vers une action de prévention dans ce domaine.
L'âge du mariage, âge de la majorité

La loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple et commises contre les mineurs a porté l'âge requis pour se marier à dix-huit ans, aussi bien pour l'homme que pour la femme. L'âge du mariage est désormais celui de la majorité, ce qui permet aux jeunes femmes de s'opposer plus efficacement au mariage forcé, dès lors qu'elles ont le droit d'agir en justice.Il est vrai que le Code civil autorise le mariage d'une mineure, en cas de "motifs graves". Mais ces derniers sont appréciés par le procureur de la République, celui là même qui va apprécier l'éventuel absence de consentement. Dans ce cas, il peut s'opposer à la célébration du mariage  (art. 145 c. civ.).
C'est précisément cette question du consentement qui est à l'origine de la présente QPC. L'article 146 du code civil fait du consentement des époux une condition de validité du mariage, et l'article 180 de ce même code précise que ce consentement doit être "libre". Est donc nul le mariage auquel l'un des époux n'a pas librement consenti.
La liberté du mariage
Le requérant soutient que le consentement au mariage est un acte formel, le "oui" fatidique prononcé par les époux suffisant à le caractériser. Il ne conteste pas l'existence d'une jurisprudence de 1963 affirmant que "le mariage est nul, faute de consentement, lorsque les époux ne se sont prêtés à la cérémonie qu'en vue d'atteindre un résultat étranger à l'union matrimoniale". Mais il insiste sur la consécration par le Conseil constitutionnel de  la "liberté du mariage", définie comme une "composante de la liberté individuelle" par la décision du Conseil constitutionnel du 13 août 1993, puis comme une "liberté personnelle" par celle du 20 novembre 2003. Aux yeux du requérant, le mariage conçu comme une liberté impose un régime répressif, le contrôle sur la réalité du consentement des époux ne pouvant intervenir qu'a posteriori, lors d'une action en nullité.
Le Conseil récuse cette interprétation. La liberté du mariage s'exerce, comme beaucoup d'autres libertés, dans le cadre des lois qui la réglementent. Le législateur peut donc librement établir un contrôle a priori, permettant d'apprécier l'effectivité du consentement des époux.
Un contrôle a priori
Depuis la loi Maîtrise de l'immigration du 13 août 1993, le parquet peut former opposition au mariage dans tous les cas d'éventuelle nullité. Ce principe était déjà acquis dans le cas des mariages blancs, dans lesquels les époux poursuivent un but étranger à l'union matrimoniale, puisqu'il s'agit généralement d'acquérir un titre de séjour, voire la nationalité française. Dans sa décision rendue sur QPC le 30 mars 2012, le Conseil admet la conformité à la Constitution de cette intervention du procureur de la république, faisant du détournement de finalité un vice du consentement.
La décision du 12 juin 2012 reprend exactement ce raisonnement. Le Conseil constitutionnel considère que l'intervention du Procureur pour empêcher un mariage forcé se justifie par la non conformité de ce type d'union à l'ordre public français.
Cette jurisprudence est très proche de celle de la Cour européenne des droits de l'homme. Dans un arrêt du 18 décembre 1987, F. c. Suisse, celle-ci précise que la loi peut restreindre le droit au mariage, à la condition toutefois qu'il ne soit pas atteint dans sa substance même. Plus tard, une décision de la Commission européenne des droits de l'homme du 16 octobre 1996 Dagan et Sonia Sanders c. France considère comme licite une ingérence du législateur dans la liberté du mariage, dès lors que les règles édictées ont pour objet de lutter contre les mariages blancs.
Le terme d'ingérence, issu de la Convention européenne, est particulièrement bien choisi dans ce cas. Les dispositions qui autorisent le procureur de la république à contrôler la réalité du consentement, et donc à empêcher un mariage forcé, constituent certes une ingérence, mais certainement pas une restriction à la liberté du mariage. C'est au contraire la condition de son libre exercice.

Vacances 


 Les Français rêvent de vacances en France, familiales et conviviales, selon une étude. Des vacances détendues, mariant les plaisirs de la gastronomie et de la découverte... Tous ces désirs peuvent être satisfaits en une seule formule: les pliants déployés autour d’une table bien garnie, le rosé au frais et le bob sur la tête, à l’horizon les verts reliefs du Jura, et là, juste devant soi, la procession des coureurs du Tour de France qui transpirent leurs souffrances multicolores. Le plus beau spectacle du monde, qui a plus d’un siècle et n’a pas pris une ride. Il a pris d’autres choses, le Tour, des dopants en cachets, poudres et piqûres. Il a failli en mourir, mais on a oublié. Car on se fiche, au fond, de qui gagne et comment, de l’absence de Schleck ou la présence de Wiggins: le seul héros du spectacle, c’est le Tour lui-même - et nous, sur un pliant, le rosé au frais et la France pour paysage.

Bayrou et le suicide du centre

Après avoir été l'un des hommes forts de la présidentielle de 2007, le parti de François Bayrou est dans la déroute. Le chroniqueur Roland Hureaux revient sur les raisons d'un échec pas tellement surprenant.
La déroute de François Bayrou fait oublier qu’il fut bien près de gagner la dernière élection présidentielle. Revenons trois mois avant celle-ci. La cote de Sarkozy était au plus bas: on s’accordait même autour de lui à penser qu’il ne pouvait plus gagner. Il payait le prix à la fois d’une politique de réformes brouillonnes qui lui avait valu beaucoup d’ennemis, souvent pour pas grand-chose, et d’une personnalité imprévisible et stressante, qui, aux yeux de beaucoup de Français, ne convenait pas à la fonction.

Au même moment, les sondages donnaient Bayrou gagnant au second tour contre tout adversaire, y compris Hollande. Une conclusion s’imposait: Bayrou ne devait pas faire campagne «à mi-chemin de la droite et de la gauche» -un lieu géométrique pour le moins difficile à situer pour les électeurs qui dénonçaient la ressemblance des programmes UMP et PS et qui auraient dû être sa cible principale!
   
Bayrou devait faire campagne au centre droit et même à droite. C’est d’ailleurs là que le parti communiste, mais aussi une partie de l’électorat a toujours situé le soi-disant centre. Souvenons-nous du duel Pompidou-Poher vu par Jacques Duclos: «blanc bonnet  et bonnet blanc»! C’est aussi comme cela qu’on le voit dans les campagnes béarnaises où les centristes sont du côté du curé, donc de droite.  

L’affaiblissement extrême du candidat de l’UMP, dans une partie du spectre politique proche du sien où les électorats sont relativement fongibles, lui offrait un trou d’air, une chance exceptionnelle qu’il n’a pas saisie. Il a cru au contraire que son potentiel électoral était à gauche. Grave erreur! Il se fondait sur l’expérience de 2007. Une expérience très singulière et qui avait peu de chances de se répéter: le machisme du PS et la personnalité bien injustement contestée de Ségolène Royal, conjugués à un effet de mode «bobo», avaient porté une partie des  électeurs naturels du PS à se rallier à lui (c’est essentiellement ceux-là qu’il a perdus, descendant de 18,5 à 9,3%). Mais dès lors que François Hollande avait une pleine légitimité à gauche, François Bayrou n’avait en 2012 aucun espace de ce côté.

Au souvenir de l’élection précédente s’ajoutait le vieux complexe des centristes vis-à-vis de la gauche. Non reçus à gauche, autrefois à cause de la religion, aujourd’hui, de la pesanteur sociologique et du sectarisme, ils sont d’autant plus fascinés par elle  et passent leur temps à lui faire des clins d’œil, des avances, jamais payés de retour. Ceux de Bayrou aux rocardiens au cours de la dernière campagne sentaient tant leurs années soixante-dix!

C’est le même complexe qui avait amené le président du MoDem à se rallier, il y a déjà quelques années, au mariage (mais non à l’adoption) pour les homosexuels. Il n’en tira pas une voix à gauche, tandis qu’il se coupait de sa base catholique –la vraie, pas l’équipe de Télérama

Bloqué à gauche, Bayrou avait encore, pour percer, la solution d’aller droit  au peuple sur de sujets qui n’étaient encore investis par aucun des extrêmes. Il l’a tenté une fois, mollement, en promouvant le made in France. Ce fut à peu près tout. Hélas pour lui, il  n’eut pas l’occasion, comme en 2007 d’administrer une claque à un jeune effronté ce qui n’avait pas peu contribué, on s’en souvient, à sa percée populaire.

Le reste de ses propositions n’avait pas de quoi emballer l’électeur: retour à la proportionnelle, non-cumul des mandats, prise en compte du vote blanc, équilibre budgétaire au prix d’un alourdissement des impôts, des propos raisonnables sur l’éducation nationale mais qui ne pouvaient susciter l’enthousiasme. Même sans empiéter sur les plates-bandes du Front national, les sujets pourtant ne manquaient pour aller au devant du sentiment populaire, notamment les mille et une réformes qui désespèrent les Français: démantèlement des services publics, abandon de la politique d’aménagement du territoire, désordre des politiques sociales, pénurie de logement, intercommunalité désordonnée, escalade normative etc.

François Bayrou est resté prisonnier de ce qui caractérise désormais, plus que tout, le centre: non plus l’idéologie démocrate-chrétienne, à bout de souffle, mais la proximité avec la technocratie. Camdessus, Peyrelevade, une partie des «Gracques» trouvent Bayrou très bien: c’est déjà mauvais signe. Car c’est de ces ceux-là que viennent, sur fond d’européisme intégriste, à peu près toutes ces  réformes que nous venons d’évoquer et qui sont  si mal reçues des Français, y compris celles que l’on a imputé à tort à Nicolas Sarkozy comme l’introduction des méthodes managériales dans le secteur public et la mesure généralisée de la  performance qui va avec.

L'attentat de Montauban

La rupture de Bayrou avec la droite fut consommée avec l’attentat de Montauban. Pointant immédiatement un doigt accusateur vers Le Pen et Sarkozy, il péchait non seulement contre la vertu de prudence mais aussi contre celle de justice, car on ne savait encore rien du meurtrier. C’était ensuite une grave erreur sociologique. Il y a certes en France quelques allumés d’extrême-droite: depuis trente ans c’est eux que l’on accuse en premier, comme les Juifs au Moyen-Age, avant de devoir généralement se raviser.

Mais c’est bien mal connaître la psychologie de ces gens-là (fort peu nombreux au demeurant) que d’imaginer qu’ils pourraient tirer  sur un soldat français, quelle que soit la couleur de sa peau. Gageons que dans leur piaule trône un képi blanc! Le racisme français s’est toujours arrêté aux portes des casernes de la Légion!
 
Mais Bayrou commettait aussi une erreur politique: même si la droite n’est pas l’extrême droite, une partie ressent mal, qu’on le veuille ou non, les attaques véhémentes dont celle-ci fait l’objet, comme beaucoup d’électeurs de la gauche modérée ressentaient  mal autrefois ce que Georges Marchais appelait l’«anticommunisme primaire». En faisant du Front national (et indirectement de  Sarkozy) sa cible privilégiée, Bayrou avait, certes, la satisfaction de jouer au progressiste mais il se coupait de l’électorat qui seul pouvait lui permettre d’accéder au second tour: on ne convainc pas les gens de  droite, même modérés, avec des arguments de gauche!

L’idée, propagée par les médias, qu’à côté de la «droite glauque», existerait une «droite républicaine» partageant avec la gauche l’horreur du FN est largement illusoire. Il y a certes  des politiciens de la droite classique qui prennent cette posture, à la fois parce que Le Pen chasse sur leurs terres (si mal gardées!) et qu’ils veulent continuer d’être invités par les médias. Mais la grande majorité de l’électorat modéré, sans vouloir nécessairement que Marine Le Pen vienne au pouvoir, ne sympathise pas du tout, au contraire, avec les campagnes supposées antiracistes menées contre elle. Le durcissement des attaques contre le FN en fin de campagne a sans doute contribué à  la remontée de Sarkozy! On pourrait même aller plus loin: combien de retraités de l‘EDF ou de La Poste, qui votent socialiste par habitude, s’inquiètent en privé davantage de l’immigration ou de l’insécurité que de leurs avantages acquis?

La droitisation de l’opinion (qui rend d’autant plus paradoxal un basculement à  gauche du gouvernement!), le passage au parti socialiste de ce qui reste de la démocratie chrétienne (l’Ouest, incarné par le nouveau premier ministre, formé au MRJC comme les Pyrénées atlantiques, est en passe de devenir un fief socialiste): tout cela laisse peu de place au centre tel qu’on l’avait connu autrefois. Quant à la vingtaine de centristes qui demeurent au sein de l’UMP autour de Borloo, il est vraisemblable que, plus que jamais, ils ne seront que des figurants.

Il est  significatif que, dans le naufrage du MoDem, les seuls survivants soient les deux représentants de ce qu’on pourrait appeler, sans que cela ait pour nous rien de péjoratif, le populisme du centre; Philipe Folliot et Jean Lassalle, le premier ancien du RPF de Pasqua, le second défenseur intraitable de son terroir pyrénéen, crypto-souverainistes l’un et l’autre (ce qui est tout de même  un comble pour les deux rescapés du courant démocrate-chrétien!). Ils furent tenus aux marges de la campagne de Bayrou, plus  inspirée par les inspecteurs des finances des Gracques et conduite par  l’entourage parisien de Marielle de Sarnez; on les assimilait  sans doute à ces groupes  folkloriques, à ces «bandas», chargés de donner de la couleur et de chauffer la salle dans   les meetings. Bref, on ne les prenait pas au sérieux. A tort. Bayrou n’en serait pas où il en est s’il avait un peu plus écouté Lassalle et  un peu moins Peyrelevade.

 

Un bond en avant

Union bancaire, relance de l’investissement, approfondissement de l’union politique et économique… Le sommet des 28 et 29 juin devrait redonner du souffle à l’Europe, estime le chroniqueur Bernard Guetta. Dommage que ses acteurs ressemblent davantage à des comptables gérant l’urgence qu’à des visionnaires.

Le moins qu’on puisse dire est qu’il n’y a pas de Victor Hugo parmi les 27 et pas même de Schuman, de Monnet ou de Churchill. Là où il eut été tellement nécessaire qu’un souffle de visionnaire et d’homme d’Etat vienne redonner un sens, un horizon, un but mobilisateur à la construction européenne, là où il eut été tellement souhaitable de refonder l’Union dans le Verbe pour lui fixer de nouveaux objectifs dans un nouveau siècle, ce Conseil n’aura accouché que d’accords à l’arraché sur des aménagements d’apparence technique et moins propres à faire battre les cœurs qu’à donner la migraine.
L’Union n’a pas de dirigeants politiques, elle a des commissaires aux comptes mais bon… C’est ainsi, c’est l’époque et puisqu’il faut traduire toute décision européenne en une langue intelligible, traduisons ce Conseil en français pour dire que le bilan d’étape est finalement bon, voire très bon.

Un vrai transfert de souveraineté 

Là où il n’y avait que rigueur et réduction des dépenses, il y aura bel et bien relance par l’investissement commun puisque les 27 ont entériné un “pacte de croissance” qui mobilisera 120 milliards d’euros pour remettre de l’huile dans une machine économique à bout de souffle. Les termes du débat politique ont changé dans l’Union et, même si cela ne produira pas de miracle immédiat, on aurait tort de sous-estimer ce tournant et ce n’est pas tout, et loin de là.
Ce Conseil a également ouvert la voie à une union bancaire dont l’Union se dotera pour pouvoir réguler ses banques, organiser leur surveillance, garantir leurs dépôts et mettre ainsi toute la force européenne derrières les banques nationales afin qu’un Etat ne soit plus seul à affronter leurs difficultés et à s’endetter pour les soutenir. Il s’agit là d’un vrai transfert de souveraineté qui vient, à la fois, donner à l’Union les attributs d’un Etat et renforcer chacun de ses Etats-membres dans cette tempête financière. En langue européenne, cela n’a l’air de rien. En français, c’est beaucoup mais ce n’est encore pas tout.

Une avancée capitale

Plus important encore, les 27 ont également approuvé le rapport sur l’approfondissement de l’intégration économique et politique qu’ils avaient demandé aux présidents du Conseil, de la Commission, de l’eurogroupe et de la Banque centrale et les ont chargés de formuler des propositions d’étapes sous six mois. En français, cela veut dire que l’Union va maintenant s’engager sur la route d’une politique économique commune, d’un Trésor commun et d’une mutualisation de ses emprunts qui, ajoutés à sa monnaie unique, la feront encore plus ressembler à une véritable puissance publique, à un Etat fédéral en devenir.
Là, quelque chose de vraiment capital est en train de prendre forme, d’autant plus capital que l’Espagne et l’Italie, soutenues par la France, ont obtenu cette nuit que le fonds européen de solidarité financière, le Mécanisme de stabilité, puisse secourir directement des banques nationales et surtout souscrire des emprunts de pays, comme elles, vertueux mais en difficultés. Elles ont dû, pour cela, menacer de claquer la porte. L’affrontement a été rude mais la solidarité financière et la mutualisation des emprunts se sont, de fait, imposées à l’Union alors que ses traités la proscrivent et que l’Allemagne n’en voulait à aucun prix. Victor Hugo manque à l’appel mais l’Europe se remuscle.

THELO ENA IAOURTI PARAKALO

L'idée peut paraître bizarre … mais elle ne manque pas d’originalité.  La dette de la Grèce s'élève actuellement à près de 280 milliards d'euros et son déficit annuel dépasse le cap des 10% du PIB. Pour redresser ses comptes, le pays a demandé des prêts internationaux, réduit ses dépenses publiques et imposé l'austérité à tous les niveaux. Mais pour l'un de ses citoyens, il y aurait une solution plus facile.

Greece Debt Free
"Il y a plus de 16 millions de Grecs dans le monde. Des Grecs qui aiment leur pays et qui sont prêts à l'aider, mais pas à travers le gouvernement", affirme Peter Nomikos, l'entrepreneur grec de 33 ans qui a fondé l'organisation non lucrative "Greece Debt Free" (GDF). Selon ce jeune diplômé de Princeton, les Grecs habitant à l'étranger peuvent mettre fin aux problèmes financiers d'Athènes. "Les Grecs ne sont pas de bons citoyens", avoue-t-il, "mais par contre ils sont très patriotiques, et si la crise de la dette devenait une question de patriotisme, les Grecs seraient prêts à aider leur pays".

L'objectif de "Greece Debt Free" est donc à la fois simple à expliquer et ardu à réaliser : effacer la dette grecque. "Les titres grecs sont très dévalués sur les marchés financiers", explique Peter Nomikos, "par exemple, acheter mille euros de bonds grecs coûte environ 120 euros". Paradoxalement, ce qui est un véritable fléau pour le gouvernement grec, devient un avantage pour les partisans de "Greece Debt Free". Acheter la dette grecque, cela n'a jamais été aussi agréable !

"Greece Debt Free n'est qu'une machine transparente : nous recevons les dons des internautes et, presqu'en direct, nous achetons les bonds grecs sur les marchés financiers", explique l'entrepreneur grec. Le fait que les titres grecs soient énormément dévalués rend le processus encore plus efficace: "chaque euro donné, contribue à baisser la dette grecque de 8 euros", souligne M. Nomikos.

Un mouvement qui prend de l'ampleur 
Bien que la dévaluation des titres grecs aide ces activistes, la taille de la dette d'Athènes reste très importante. Selon les calculs faits par Peter Nomikos, si l'on partageait la dette de la Grèce entre ses habitants, chaque citoyen aurait environ 25.000 euros à rembourser. "Pour annuler complètement la dette publique de mon pays, il faudrait que les Grecs habitant à l'étranger [16 millions] donnent chacun 1000 euros", affirme M. Nomikos.

En ces temps de crise généralisée, une générosité si grande est improbable. Voilà pourquoi Peter Nomikos a déjà commencé à regarder autour de lui, pour embarquer dans l'aventure d'autres philanthropes aisés. Le premier à soutenir "Greece Debt Free" a été, il y a à peine quelques jours, le président du club de foot grec "Olympiacos", Vangelis Marinakis. "Vangelis m'a dit oui tout de suite", raconte M. Nomikos, "il a payé la part de dette qui correspond à ses 55 employés". Le GDF a pu ainsi acheter plus d'un million d'euros de dette grecque.

En outre, après avoir été interviewé par "The Financial Times", Peter Nomikos gagne de plus en plus de popularité. La page Facebook de "Greece Debt Free" compte plus de 12 000 supporters et le nombre ne cesse d'augmenter.

Les produits grecs qui réduisent la dette
Acheter des bonds grecs (bien qu'ils soient à bon prix) n'est pas à la portée de tous. Peter Nomikos a donc pensé à un deuxième système pour faire baisser la dette de son pays : "aujourd'hui les gens sont considérés surtout comme des consommateurs, mais même quand ils consomment ils peuvent prendre des décisions". Désormais, quand ils achètent la bière Volkan (produite par M. Nomikos lui-même sur l'île de Santorin), les Grecs savent que la moitié des profits servira à racheter leur dette. "Sur la page Facebook de GDF", ajoute Peter Nomikos, "les internautes peuvent voter pour les produits qu'ils voudraient voir s'engager dans cette campagne. Moi, je me charge de parler avec les PDG des entreprises et de les convaincre de nous rejoindre". Les produits participant à la campagne pourront porter le logo symbole de GDF et bénéficieront d’une bonne publicité sur les réseaux sociaux.
La course au rachat de la dette grecque a commencé !

L’Allemagne qui gagne 


« Encore un sommet ! » Les eurosceptiques, les europessimistes et les « eurocontrariés », soit quasiment tous les Européens, vont finir par se demander si l’Europe n’est pas devenue le dernier café où l’on cause, alors qu’il y a le feu à la maison.
Si on ajoute, aux sommets réguliers, les rencontres extraordinaires, les négociations bilatérales et les dîners où la soupe à la grimace se sert plus ou moins chaude selon l’ambiance du moment, l’Union européenne a pulvérisé depuis deux ans les records du piétinement diplomatique. La rencontre d’hier soir entre François Hollande et Angela Merkel est à inscrire dans cet incroyable ballet diplomatico-économique qui rendrait fou un derviche tourneur.
Pendant ce temps, les Bourses s’effondrent, lassées par l’incapacité des dirigeants européens à prendre les mesures susceptibles de juguler la crise. La Grèce s’est noyée, l’Espagne perd pied et l’Italie tremble, tout comme la France. Pourtant, les Européens n’arrivent pas à trouver l’accord qui leur permettra de rassurer les marchés, comme leurs partenaires américains ou chinois. Pis, ils ne font même plus illusion quand ils assurent qu’ils sont sur le point de trouver un accord. Les calendes grecques sont aussi usées que les caisses du gouvernement d’Athènes.
François Hollande a apporté une bouffée d’espoir aux pays les plus fragiles. Son plaidoyer pour la croissance a rassuré les mauvais élèves, effrayés par le martinet allemand. Aujourd’hui, Paris commence à rentrer dans le rang. Le Premier ministre a convenu qu’il faudra plusieurs années pour mettre en place les eurobonds, remettant ainsi à plus tard un des thèmes de campagne du candidat Hollande.
La « chancelière de fer » imprime sa marque à l’Union européenne et n’entend pas lâcher du lest, ni surtout, demander à ses concitoyens de payer plus pour aider les « cigales » de l’Europe méditerranéenne.
Le principe de réalité allemand ne s’applique pas seulement sur les terrains de l’Euro de foot. Berlin veut aussi prouver que l’euro monétaire est un sport qui se joue à 27 et que c’est toujours l’Allemagne qui gagne à la fin.

Oui, l’euro est mortel

Le Conseil européen ne peut pas se permettre de trouver un nouveau compromis à court terme, prévient la presse européenne. Les dirigeants européens doivent prendre au sérieux le risque d’effondrement de la monnaie unique, et avec lui celui de l’UE.
Dans son éditorial, Le Monde montre une certaine impatience face aux sommets européens qui se suivent et qui se ressemblent, depuis que la zone euro est plongée dans la crise de la dette : “Les 17 colmatent. Ils font de la plomberie de secours, quand il faudrait revoir toute la tuyauterie.” Le quotidien français espère que le Conseil européen sera celui du réalisme :
Peut-être fallait-il atteindre un point d’orgue dans la dramaturgie en cours pour que les Européens perçoivent le bord du gouffre. Ils y sont. Et, pour la première fois, ils ont sur la table un plan d’ensemble qui a l’allure d’un début de solution. Il faut l’adopter vendredi à Bruxelles, et même aller plus loin […] Dans la recherche d’un compromis positif, la responsabilité pèse autant sur la France que sur l’Allemagne. Berlin et Paris doivent prendre des risques pour sortir d’un statu quo mortifère.
Handelsblatt dénonce le “feu d’artifice des idées” dont il estime que certaines nuiront à l’économie allemande. Satisfait du “non” d’Angela Merkel aux euro-obligations (eurobonds), Gabor Steingart, le rédacteur en chef du quotidien économique, demande à la chancelière d’expliquer le modèle allemand à ses collègues :
Elle doit expliquer à nos amis que ça ne va aider personne que l'Allemagne partage généreusement les fruits de son travail. Bien au contraire : dire oui à l'Europe, c'est dire non aux idées de Barroso. Remplacer “travail” et “effort” par “consommation” et “crédit” dans le système économique européen nous a poussé dans la crise actuelle. Un non courageux à ces propositions signifie un oui à l'Europe. Car l'Europe a besoin d'une culture des manches retroussées plutôt que d'une philosophie parasitaire.
Si l’on ne donne pas de réponse collective, les probabilités que l’euro s’effondre sont réelles”, met en garde Público, qui détaille les conséquences possibles :
retour aux monnaies nationales sans valeur, ruée vers les banques, inflation, retour au contrôle sur les capitaux et les taux de change, renfermement des marchés, faillites en série, y compris des Etats, et chômage à des niveaux impensables. Tous les dirigeants européens ont conscience que la catastrophe de l’euro sera une tragédie […] Merkel a raison de dire qu’il ne peut y avoir de mutualisation des dettes que si l’on mutualise les contrôles sur les bilans et la fiscalité ; Hollande a raison de dire que l’urgence de la situation demande une intervention plus massive des fonds de stabilisation sur le marché de la dette et de la BCE, et la création des euro-obligations (eurobonds). Les deux ont raison, mais personne ne semble disposé à céder aux arguments de l’autre. A cause de cela, les perspectives sont sombres.
Pour La Stampa, “il était clair dès la rencontre romaine entre Monti, Merkel, Hollande et Rajoy” du 22 juin que le Conseil qui s’ouvre ce jeudi “constituera la première, et la plus difficile, des épreuves par lesquelles les dirigeants européens seront passés pour tenter de fonder et, qui sait, de lancer, une nouvelle Union monétaire” :
Après l’euro 1, dangereusement penché sur l’abîme, l’euro 2. Comment fonctionnera-t-il ? Quelle sera sa portée ? Presque tout le monde, mis à part les Anglais qui regardent l’agonie du Vieux continent du haut de leur livre sterling, est d’accord sur la nécessité de refonder l’union monétaire ; tous ne sont pas d’accord, en revanche, sur l'agenda et le dosage de la formule. […] Ce ne sera pas facile d'accorder les différentes interprétations qu’ont les pays présents au sommet du concept d’”union politique” (...) Il n’y a pas de troisième choix dans le dilemme décisif entre intégration et désintégration.
Pour sauver l´euro, il faut d’abord savoir, et dire, que la monnaie unique européenne, comme toute autre chose dans ce monde, est mortelle, et qu’elle peut mourir demain si personne ne prend soin d’elle”, écrit  Lluis Bassets dans le quotidien El País :
Dire que l´euro est irréversible rappelle la prière pour demander la pluie. Plus elle se répète, plus réelle se fait la noire et indésirable image d’une Europe sans euro et d'un monde sans Europe. [...] Nous l’avons tous parfaitement compris : l’euro est mortel, il peut mourir dans nos bras dans les prochains jours. Mentalement, on est dejà entré en territoire inconnu. [...] Il n’est donc pas étrange que ces dernières heures, les usines européennes de papiers, manifestes, articles et rapports d’urgence tentent de trouver une formule qui puisse ouvrir le robinet aux euro-obligations, à la solidarité salvatrice ou à l'union des transferts jusqu'à maintenant interdite par l'Allemagne. Une formule qui puisse garantir l´austérité, le contrôle et la responsabilité exigée par Angela Merkel. [...] Le problème, c'est que très peu de ces idées sont immédiatement applicables et leur efficacité est encore moins prouvée au moment où il faut contrer le pari des marchés sur la mortalité de l’euro.

Accident mortel de Villiers-le-Bel



Cinq ans après les faits, un policier à la barre


C’est ce vendredi que s’est ouvert au tribunal de Pontoise (Val d’Oise) le procès de Franck Viallet, policier de la BAC (Brigade anti-criminalité) âgé de 35 ans, accusé d’« homicide involontaire ».
Franck Viallet, c’est ce policier qui, le soir du 25 novembre 2007, en compagnie de trois collègues, était au volant du véhicule de police qui a percuté la mini-moto – non conforme pour circuler sur route, dépourvue de freins et d’éclairage, et circulant à une vitesse supérieure à la limite autorisée – sur laquelle étaient montés Moushin et Lakamy. Deux « jeunes » adolescents doublement en infraction, qui ne portaient pas de casque et qui n’avaient pas respecté une priorité à droite. D’où une collision mortelle pour les deux « jeunes » avec la voiture de police conduite par Franck Viallet.
Un accident qui avait embrasé Villiers-le-Bel pendant trois jours. Trois jours d’émeutes et de face à face entre « jeunes » et forces de l’ordre. Une flambée de violences au cours de laquelle une centaine de policiers avaient été pris pour cible et blessés par des tirs à balles réelles. Tout un quartier à feu et à sang. Un quartier en état de… guerre. Une guérilla au cours de laquelle un commissaire avait également été passé à tabac par des « jeunes » d’une sauvagerie extrême avec lesquels il tentait de parlementer. Une curée.
En réponse à ces nuits rouge de Villiers-le-Bel, à l’issue d’une vaste opération de police le 18 février 2008, 27 personnes avaient été mises en examen. En octobre 2011, trois « jeunes » avaient été condamnés en appel à des peines de 3 à 15 ans de réclusion pour avoir ouvert le feu sur les forces de l’ordre. Deux d’entre eux avaient été acquittés… Des peines de prison de un à trois ans ferme avaient également étaient prononcées en première instance, en juillet 2009, contre dix « jeunes » accusés de jets de projectiles sur la police. Deux d’entre eux ont eu leur peine allégée en appel.
Près de cinq ans après le drame, c’est aujourd’hui la peau d’un flic qui est mise dans la balance.
Alors que les premiers éléments d’enquête, rassemblés par le parquet de Pontoise et la « police des polices », avaient écarté la responsabilité des policiers dans la mort des deux « jeunes » et que le juge d’instruction Magalie Tabareau avait conclu, le 23 octobre 2009, à l’absence de responsabilité des policiers impliqués dans l’accident, en ordonnant un non-lieu le 7 avril 2010 la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Versailles avait donné raison à l’avocat des familles, Jean-Pierre Mignard (qui avait fait appel), en infirmant le non-lieu et en ordonnant un supplément d’information. Six mois plus tard, Franck Viallet a finalement été mis en examen puis renvoyé devant le tribunal correctionnel de Pontoise en septembre 2011, pour « homicide involontaire ».
Et c’est lui, aujourd’hui, qui est livré en pâture et « mis à mort ». D’autant plus qu’il aurait fait un… « faux témoignage ».
Selon un rapport d’expertise, Franck Viallet aurait roulé trop vite : 64 km/h au lieu des 50 km/h autorisés en ville, sans gyrophare ni avertisseur. La belle affaire ! Certes, la collision mortelle est un drame. Reste que les deux « jeunes » inconscients, eux, étaient hors-la-loi sur toute la ligne (mini-moto non homologuée pour circuler sur la voie publique, pas de freins, pas d’éclairage, non respect de priorité à droite, pas de casques…). Qu’importe ! C’est le policier qui trinque et qui doit payer les pots cassés. Il risque une peine de trois ans de prison et 45 000 euros d’amende. On aurait aimé qu’il y ait eu autant de sévérité pour les émeutiers, casseurs et tueurs potentiels de flics qui n’ont aucune excuse. Mais ça, c’est une autre histoire…