TOUT EST DIT

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mercredi 6 juin 2012

Comment le gouvernement socialiste écroule la France au niveau de la Grèce sous votre nez

En données brut, un mois de décisions socialistes ont créé 20 milliards de dépenses supplémentaires pour 5 ans. Ils ont appris ça à Science Po : ça permet de réduire le déficit actuel.

  1. Pour commencer, ils ont décidé une hausse de l’allocation de rentrée scolaire – elle va être financée par un coup de baguette magique – et grand dieux vous n’y pensez pas, pas question de demander aux parents la preuve que leurs mômes vont vraiment à l’école : ça les froisserait.
  2. Ensuite il y a la fin du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux qui part en retraite. Avec 108 fonctionnaires pour 1000 habitants, comparés à 50 pour 1000 en Allemagne, les socialistes trouvent que nous sommes un peu juste. Confidence : c’est pour fabriquer du vote socialiste, car les fonctionnaires savent pour qui voter.
  3. Puis les socialistes ont décidé de renforcer des moyens de l’AFPA (formation diplomate pour adultes). Officiellement, c’est fait pour former les moins aptes, c’est à dire les 150 à 200.000 immigrés que l’on fait venir chaque année, et qui ont, pour compétence professionnelle majeure, deux jambes pour faire la queue aux allocations. Une chance pour la France on vous dit.
  4. A cela s’ajoute l’embauche de 15 à 18.000 conseillers supplémentaires à Pôle emploi pour « accompagner les chômeurs ». Bon, ça c’est une dépense que je peux comprendre : ils viennent d’arriver en France d’un pays arriéré, il faut bien que quelqu’un leur apprenne à devenir chômeur non ? Le gouvernement Ayrault a décidé que tout ce beau monde, les conseillers supplémentaires et les immigrés, ne seront pas payés en prenant l’argent dans la poche droite pour le mettre dans la poche gauche : toutes les poches sont vides.
  5. Je n’ai pas oublié l’allongement du congé paternité. Ce sont les pères polygames et les nouvelles familles à deux pères qui vont être contents.
  6. Et pour terminer, l’embauche de 60.000 fonctionnaires nouveaux, à vie bien entendu…
Le coût de tout cela ? 20 milliards d’euros pour les cinq ans qui viennent, alors que les socialistes n’ont pas prévu comment financer 85 (?) milliards cette année (si tout va bien, sous réserve de révision).
S’il n’y avait que ça encore, ça « irait presque »…
Car la France est riche et pour l’écrouler au rang de la Grèce, il en faut plus que ça. Je vous rassure, les socialistes ont pensé à tout !
Ils ont prévu par exemple la hausse du Smic.
Les socialistes pensent que ça va réduire le chômage, parce que les petites et toutes petites entreprises, les seules qui créent de l’emploi en France, vont sauter de joie et embaucher à tour de bras. Heu….
A moins qu’ils refusent – ces sales petits patrons, d’employer une personne de plus. Dans ce cas, le chômage et son coût pour l’Etat va encore augmenter, le surcoût pour les emplois existants va mettre en faillite les entreprises qui ont du mal à boucler leurs fins de mois, avec les conséquences sociales que cela implique, et tout cela va ponctionner les capacités d’investissement de ces mêmes petites entreprises, ce qui va bien entendu, d’après les socialistes, faire de la relance 
Prévu également, une sanction par une cotisation chômage plus élevée, pour les entreprises qui « abusent » des CDD. Donc… les entreprises vont cesser « d’abuser » des CDD, c’est à dire qu’elles vont laisser ces gentils salariés aux bons soins de l’Etat,
Au programme, il y a également l’annulation de la défiscalisation des heures supplémentaires. L’entreprise va devoir réduire sa productivité, et tempérer ses envies de croissance et de développement, donc entamer sa compétitivité, donc ses résultats.
Conséquence : moins de compétitivité égal moins d’investissement égal moins d’embauche, et moins de création de richesse, donc moins de revenus pour l’Etat et pour l’ensemble de la nation. Pendant ce temps là, les entreprises Allemandes concurrentes se frottent les mains à l’idée des marchés qu’elles vont piquer aux Français – z’avaient qu’à pas voter socialo.
Les rémunérations des dirigeants vont être limitées à 20 fois le plus bas salaire. Les plus talentueux entrepreneurs – qui créent la richesse qui permet à l’Etat de financer ses dépenses. Pas grave ! Pour remplacer ceux qui vogueront vers des horizons fiscaux moins liberticides, les socialistes ne manquent pas de haut fonctionnaires.
Et pour que la barque France ne refasse pas surface avant un bon bout de temps : augmentation du coût des licenciements collectifs pour les entreprises qui versent des dividendes aux actionnaires ou rachètent leurs actions. C’est sûr, ça va attirer les entreprises internationales comme des mouches.
Et tout ça, en un mois ! Ils sont très très forts les socialistes.
Allez bonne sieste.


Martine Aubry compte-t-elle être celle qui dit tout haut ce que le gouvernement prépare tout bas ?

Interrogée ce lundi matin sur France 2, la première secrétaire du PS a estimé que la priorité était d'abord de «faire rentrer des impôts complémentaires», avant la réduction de la dépense publique. Annonce ou volonté d'aiguillonner le gouvernement Ayrault en faisant entendre sa différence ?

nterrogée lundi matin sur France 2, Martine Aubry a estimé que la priorité était d'abord de « faire rentrer des impôts complémentaires ». La première secrétaire du Parti socialiste fait-elle preuve d'honnêteté politique ou fait-elle entendre sa différence au gouvernement Ayrault et à François Hollande ?

Alain Auffray : Je pencherais plutôt pour la seconde hypothèse. Le discours qui dit que la priorité est de faire rentrer des impôts n’est pas celui adopté par ceux qui sont à Bercy aujourd’hui. Il y a ici un réel décalage entre le gouvernement et Martine Aubry.
Je crois que c’est une démarche plus politique que personnelle. Ces propos sont de nature à fédérer la gauche plus qu’à aider le gouvernement. En d’autres termes, c’est une manière de faire pencher à gauche le centre de gravité du gouvernement avant les législatives. On ne s’attend pas à un raz-de-marée socialiste pour les législatives : ils n’auront peut-être pas de majorité absolue. S'il n'y a pas de majorité sans le Front de gauche, cela compliquera la donne.
Michaël Darmon : Je crois que Martine Aubry veut faire entendre sa différence en dénonçant les décisions difficiles à prendre. Elle renvoie en permanence, de manière un peu subliminale, au fait qu’il ne sera pas question pour le gouvernement en place d’esquiver les décisions difficiles à prendre.
Il est également évident qu’elle doit gérer sa déconvenue. Elle fait partie de ceux qui n’imaginaient pas que François Hollande serait candidat et vainqueur de la présidentielle. Ensuite, elle s’imaginait à Matignon, et en arrivant au bureau national du Parti socialiste la veille de l’entrée à l’Elysée de François Hollande, elle apprend la nomination de Jean-Marc Ayrault. Depuis, elle refuse tout.
Josée Pochat : Tout d’abord, ce n’est pas de l’honnêteté politique, bien au contraire : on en revient aux vieilles lunes du Parti socialiste. Les augmentations d’impôts prévues par François Hollande, soit 30 milliards d’euros en années pleines, sont essentiellement supportées par les entreprises. Or des charges supplémentaires pour les entreprises, ce sont des liquidités en moins, et au final des problèmes d’emploi. Ce n’est ni du courage politique ni de la clarté ! Je rappelle que sur ce sujet, l’une des voix de gauche les plus fortes est celle de Jean Peyrelevade, anciennement directeur adjoint du cabinet de Pierre Mauroy, est le premier à dire qu’on ne s’en sortira pas sans réduction de la dépense publique.

Quant au positionnement politique de Martine Aubry, cela va au-delà de marquer sa différence… Le parcours des 18 derniers mois de Martine Aubry en témoigne, et François Hollande a réussi là où elle a échoué. François Hollande est parti en premier dans la course à la primaire socialiste avec seulement 3% d’intention de vote chez les sympathisants socialistes. Martine Aubry a préféré passer un accord avec DSK dans l’espoir de se retrouver à Matignon, en sachant alors qu’il était crédité de 60% des intentions de vote à la primaire socialiste. Elle a finalement joué de malchance.

Bien qu’elle tienne l’appareil politique pour le Parti socialiste et qu’elle se soit fait violence suite à la victoire de François Hollande aux primaires, elle n’a pas été récompensée par la suite. On imagine sa déconvenue, sachant le discours violent qu’elle a tenu à l’encontre de François Hollande durant les primaires socialistes, où elle jugeait de son programme par l’expression « Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup ! ». Elle était d’ailleurs intimement convaincue que les courbes d’intentions de vote allaient se croiser… C’est un échec quasi personnel, elle a raté son alliance avec DSK, manqué les primaires, et Ayrault est préféré pour le poste de Premier ministre.

Martine Aubry peut-elle constituer une nouvelle épine dans la politique du gouvernement Ayrault, pire que celle de Jean-Luc Mélenchon ?

Michaël Darmon : Je ne crois pas que cela puisse être pire que Jean-Luc Mélenchon. Quand on n’est pas aux manettes, il est très difficile d’influer réellement. Entre un post sur un blog ou une déclaration dans un journal et une décision ministérielle, il n’y a pas photo en termes d’impact sur l’action publique.
Mais Martine Aubry n’a pas forcément dit son dernier mot. Dans une deuxième étape, en fonction des évolutions politiques, elle pourrait tout à fait incarner la deuxième partie du mandat de François Hollande. Qui pouvait imaginer qu’en début de quinquennat Sarkozy, placé sous la rupture absolue avec Jacques Chirac, que 5 ans plus tard le Président serait entouré d’autant de chiraquiens ?
Josée Pochat : C’est une certitude ! L’épisode Bayrou en témoigne. Pierre Moscovici avait assuré de son soutien à François Bayrou en renonçant à présenter un candidat socialiste contre lui aux législatives. Martine Aubry, elle, est montée au créneau pour présenter un candidat socialiste contre François Bayrou.

Reste que Jean-Luc Mélenchon reste très en retrait du PS, du fait de son programme notamment, et de sa volonté de constituer la véritable opposition de gauche. Mais quand il joue cette carte, il est conscient qu’il ne sera jamais un vrai recours comme parti de gouvernement. En 2017, Martine Aubry pourrait tirer profit d’avoir joué le jeu « un pied dehors, un pied dedans », en particulier suite à un quinquennat difficile avec les difficultés financières qu’on connaît.

A cinq jours des élections législatives, peut-on qualifier sa sortie d'erreur stratégique ?

Alain Auffray : D’une certaine façon, c’est du pain béni pour la droite. Ils étaient déjà partis sur le thème « la gauche au pouvoir, c’est du matraquage fiscal. » Roger Karoutchi, dans un communiqué récent, a trouvé un slogan « la facture salée, c’est maintenant ». C’est un thème qui devrait largement être repris par l’opposition.
Michaël Darmon : Je ne crois pas que cela soit une erreur de stratégie. Les Français ne regardent pas ce genre de chose. Il existe en France une maturité démocratique : un président a été élu, il a été déclaré légitime, la logique de la Vème république est de donner les moyens de gouverner au Président pour ensuite, éventuellement, le sanctionner dans les urnes lors des élections intermédiaires.
Josée Pochat : Si elle pensait que c’était une erreur stratégique, elle ne l’aurait pas commise. Elle se fait entendre, montre les dents, mais peut mordre également… Bref, il faut compter avec elle.

Reste que cela ne peut évidemment qu’être dommageable pour l’unité de façade du PS. L’UMP n’a d’ailleurs pas hésité avant de s’engouffrer dans la brèche. Le discours de Martine Aubry est quand même très lourd, les impôts d’abords, en particuliers pour ceux qui jouissent de tant de privilèges…

Enfin, il ne faut pas oublier le caractère très fort de cette femme, comparée régulièrement à Alain Juppé, mais plutôt pour ses mauvais côtés : cassant, méprisant, sec… Tout l’opposé de François Hollande !

La Première secrétaire du Parti socialiste a assuré de son départ à l’automne mais certains socialistes semblent en douter...  Jean-Christophe Cambadélis a reconnu qu'il existait pour l'instant une ambiguïté sur les intentions de Martine Aubry : « Jusqu'à présent, je n'ai pas entendu: 'je pars tel jour à telle heure’ » Quel avenir politique pour Martine Aubry ?  Peut-elle rester à la tête du PS ?

Alain Auffray : Le début du mandat, ce n’est pas le « temps des partis ». C’est le temps de la gouvernance, des réformes, du Parlement, du groupe mais pas du parti. Je ne crois pas qu’elle ait trop intérêt à rester à cette position. La présidence du parti majoritaire en début de quinquennat n’est pas une sinécure. C’est une position extrêmement ingrate même si sur la fin cela peut devenir intéressant. Patrick Devedjian l’a appris à ses dépens lorsqu'il était à la tête de l’UMP en début de quinquennat Sarkozy.
Je ne suis pas sûr que cela soit un job qui la passionne tant que cela, sauf s’il n’y a qu’une majorité relative et que les questions politiques reprennent une importante cruciale entre les différents partis à gauche. Mais dans l’hypothèse où le Parti socialiste obtient la majorité absolue au Parlement, la fonction de présidente de parti, dans la première partie du quinquennat, perd largement de son intérêt.
Michaël Darmon : Jean-Christophe Cambadélis est un bon connaisseur du PS, de Martine Aubry et de sa complexité. Quand il parle d’incertitude, je pense qu’il est au plus près de la réalité. On ne sait pas ce qu’il se passera avec Martine Aubry.
Je ne la vois pas s’inscrire dans une logique de conquête présidentielle. Elle a prouvé que le contrôle du parti ne garantissait en rien un avenir à ce niveau-là. Si elle quitte la tête du Parti socialiste, elle retournera probablement à Lille et se placera « en réserve de la République » en attente d’un éventuel poste. Un petit peu comme Alain Juppé à Bordeaux pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Elle ne s’interdira pas, au nom de sa liberté, de commenter les décisions politiques qui ne lui conviennent pas.
Josée Pochat : Je n’en ai aucune idée, mais ce qui est certain, c’est qu’elle fera tout pour servir ses intérêts, et restera là où elle peut continuer à peser le plus. Notamment afin de se positionner pour la suite, très certainement 2017. A la fin du quinquennat, François Hollande apparaîtra très certainement comme usé des efforts qu’il aura dû produire sur l’aspect financier, et Martine pourrait vraisemblablement jouer la carte de la rupture avec François Hollande, un peu comme Nicolas Sarkozy avec Jacques Chirac en 2007.


Elle ne donne d’ailleurs pas le sentiment de quelqu’un capable de se retirer et passer à autre chose. Et ses « pavés dans la mare » réguliers tendent à le prouver.


Pourquoi nous avons du mal à réformer

Le coût politique de la réforme pour les gens au pouvoir est grand. Plutôt que de prendre le risque de mettre en place un processus de clarification et de « tri entre le bon État et le mauvais État », il leur paraît plus simple de tenter, à nouveau, de faire payer les autres.

La France, à l’instar de bien d’autres pays, est malade non pas de la crise, qui est un symptôme, mais  de sa démocratie dysfonctionnelle : une classe politico-bureaucratique a multiplié les niches d’inefficiences, profitant notamment, ici des opportunités d’une décentralisation sans responsabilisation, là d’un accès facile à l’endettement grâce à l’Euro. Ce qu’il faut bien se résoudre à appeler du parasitisme a pu cependant se développer sous couvert de « démocratie » puisque l’extension progressive de ce Leviathan s’est accompagné de nouvelles formules de redistribution répondant à des « demandes sociales ». Ainsi se réalise peu à peu la prédiction de l’économiste Frédéric Bastiat au milieu du 19° siècle, pour qui l’État était « cette grande fiction à travers laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde » [1].
Il est essentiel de revenir à un niveau soutenable de dépense publique. Pourtant, certains intellectuels et dirigeants politiques semblent croire que le salut viendra… de la dépense publique. Mais avec 56% du PIB de dépenses publiques (soit 10 points de dépense publique en plus dans le PIB en comparaison avec 1980, juste avant le très dépensier projet commun de la gauche), une dette en augmentation continuelle, un déficit budgétaire structurel depuis près de quatre décennies, la France pratique en réalité la « relance » keynésienne depuis belle lurette. Avec le résultat que l’on voit. Visiblement, il n’y aurait jamais assez de relance. Faudrait-il atteindre 95% du PIB en dépenses publiques pour qu’elle fonctionne ?
Cette défense de la relance participe plutôt d’une stratégie d’immunisation contre toute possibilité de réforme structurelle visant à « dégraisser » le secteur public pour le remettre au service des citoyens. Il en va d’ailleurs sans doute de même pour la propagation du mythe de l’austérité (la vraie austérité consisterait à baisser drastiquement les dépenses publiques, ce qui n’est absolument pas le cas en France aujourd’hui) ou même du soi-disant ultralibéralisme qui toucherait le pays. Quant à l’argument de la « croissance », qui pourrait être contre ? Comme a pu le rappeler le Président de la Bundesbank  Jens Weidmann « être favorable à la croissance, c’est comme être partisan de la paix dans le monde » [2]… On comprend en fait que « croissance » est, dans la bouche de certains, un autre moyen de dire « dépense ».
Cette rhétorique permet en réalité de détourner l’attention du vrai problème qui est celui de la difficulté à opérer des réformes structurelles – difficultés qui mêlent obstacles en termes d’insuffisance de connaissance pour réformer et en termes d’intérêts coalisés contre la réforme.
La complexité de l’administration en a fait une espèce de plat de spaghettis, de grosse pelote de laine emmêlée et « tirer un fil » entraine généralement des conséquences inattendues. Les interconnections et complémentarités entre services et administrations ont permis de s’assurer que toute réforme se transformerait en casse-tête.
Un autre problème fondamental de la bureaucratie est qu’elle s’auto-évalue. Chaque « bureau » a ainsi une incitation à clamer son importance fondamentale pour l’intérêt public et refuse d’être « réformé ». Évidemment le travail d’une institution telle que la Cour des Comptes permet de départager et de rationaliser. Cependant une bureaucratie est aussi un instrument pour l’achat d’une clientèle électorale politique. Or, que se passe-t-il quand la bureaucratie est en symbiose avec le politique, comme dans les conseils régionaux ou départementaux, et qu’affaiblir une bureaucratie signifie affaiblir un camp politique ? On comprend qu’il est difficile pour les hommes politiques d’un gouvernement de réduire les troupes de leurs soutiens politiques.
Ensuite, à l’intérieur de chaque département de la bureaucratie, lors d’un dégraissage, les départs se font rarement selon une logique de rationalité consistant à garder les plus compétents et les plus travailleurs, mais bien plus sur une logique politique, de pouvoir : ceux qui restent sont les mieux organisés et les plus influents. Le risque est ainsi de finir avec une bureaucratie moins envahissante mais inopérante.
Par ailleurs, réformer en profondeur implique encore de remettre en questions de nombreux intérêts coalisés qui vivent de subventions ou contrats publics. Ces intérêts coalisés sont extrêmement efficaces pour « défendre leur beefsteak » : entreprises vivant de la manne publique mais aussi intermittents du spectacle ou étudiants pouvant envahir la rue.
Justement, réformer en profondeur suppose un minimum de débat démocratique sur l’établissement des priorités en matière de dépenses publiques. Or, cela demande une aptitude au véritable dialogue social au sein de la nation toute entière. Les pays nordiques ont pu se réformer grâce à cette aptitude. La France, société de défiance par excellence, a en revanche toute la peine du monde à mettre ses citoyens autour de la table. Cette défiance vient précisément de son modèle social corporatiste et centralisateur – qu’il s’agirait de réformer également.
Enfin, un argument majeur qui sera évoqué contre la réforme : le coût de la transition. Lorsque des ressources humaines et financières doivent être réaffectées de manière si importante en même temps, la donne est fortement chamboulée. Les personnels publics ou des entreprises ayant perdu leurs marchés publics doivent être absorbés par le secteur privé. Or, en période de récession cette capacité d’absorption est minimale, sauf à accepter un accroissement de flexibilité sur le marché du travail – généralement impopulaire.
On le voit : le coût politique de la réforme pour les gens au pouvoir est grand. Plutôt que de prendre le risque de mettre en place un processus de clarification et de « tri entre le bon État et le mauvais État », il leur paraît plus simple de tenter, à nouveau, de faire payer les autres : « l’endettement national est au maximum, les impôts nationaux sont presqu’au maximum, déplaçons donc au niveau de l’Europe nos problèmes d’endettement avec, par exemple, les Eurobonds… »
En dépit de tous les obstacles à la réforme, il y a pourtant bien un jour où l’obèse doit se résoudre à la diète. La procrastination n’est pas une solution. Mais se reprendre en main nécessite, au niveau d’un pays, une discussion, un véritable « dialogue social ». Voilà un test pour notre démocratie.
Notes :
  1. « L’État », Journal des débats, Septembre 1848 disponible ici.
  2. Le Monde, 25 mai 2012.

Valérie Trierweiler, la “première journaliste de France”

 La normalité commence sérieusement à m’enquiquiner et à m’inquiéter. Parce que, non, je ne trouve pas « normal » que Valérie Trierweiler demeure journaliste pendant le mandat de François Hollande, avec la complicité d’un magazine à grand tirage tel que « Paris-Match. » Je trouve même cela inacceptable, et je m’étonne que nous soyons si peu nombreux à en faire un flan. Sans doute parce qu’en France, ce type de position radicale sur le métier passe pour de l’intégrisme professionnel. Les esprits indépendants trouvent cette situation tout au plus « surréaliste », ce qui a doublement le don de m’énerver, en tant que Belge, pour l’emploi inapproprié d’un terme qui nous est cher.
Je reconnais volontiers le déchirement que peut représenter l’empêchement de se livrer à sa vocation. Et je suis lassée de constater que c’est systématiquement la femme qui doit remettre en cause sa carrière, pour ne pas faire ombrage à son compagnon. Mais que la « première dame » , ou « first girlfriend » , soit toujours caractérisée « journaliste », je trouve cela contraire aux valeurs de ma profession.
Car voici donc une journaliste, embarquée dans l’intimité du pouvoir (ses rouages, ses voyages et dîners officiels, ses confidences, etc.), mais qui n’en dira mot. En quelque sorte, la journaliste la mieux informée de France sur la magistrature suprême pratiquera la rétention d’information permanente. Comment dès lors conserver le titre de « journaliste » , qui s’obtient en exerçant, en livrant l’info, en éclairant les points d’ombre ? Il existe donc en France une journaliste, dont tout le monde accepterait qu’elle taise l’information, qu’elle la retienne à tout prix ?
Ah pardon, elle n’est plus une journaliste « politique » mais « culturelle ». L’absolution ? Je trouverais contraire aux valeurs de mon métier qu’une journaliste « culturelle » soit en possession d’une information politique, et sous prétexte de sa case culturelle, ne dévoile pas cette information politique. J’ai été formée au journalisme en France, et l’on m’a appris qu’ « un journaliste doit s’intéresser à tout ». (Et en tant qu’étudiante belge en France, ça m’a coûté de m’intéresser au rugby.)
Alors, pour qu’elle reste dans l’activité, « Paris-Match » continue à salarier Valérie Trierweiler, pour deux ou trois critiques par mois. Imaginez la renommée nationale, voire internationale, d’un artiste pour lequel Valérie Trierweiler aura eu un « coup de cœur. » Car qu’il s’agisse d’une exagération de notre société ou pas, Valérie Trierweiler vient d’acquérir une identité nouvelle qui éclipse son patronyme : « Première dame de France » (locution qu’elle réprouve mais dont personne n’a encore trouvé de palliatif.) Bref, ce « Coup de cœur » aura le pouvoir de transformer le plomb en or (et l’artiste en « artiste de la cour. »)
Il est sans doute très dommage que la profession doive se séparer de l’un de ses talents le temps d’un mandat (ou plus). Il est encore plus dommageable que la profession se rende complice par son absence de réaction. Mais après tout, en France, la liste des entorses à l’indépendance du journalisme ne fait que s’allonger dans une relative indifférence qui confine à la normalité.
Les sommets ont été atteints lorsque Christine Ockrent a accédé à la tête de l’Audiovisuel extérieur de la France (AEF), alors que son compagnon Bernard Kouchner occupait le ministère des Affaires étrangères. Le pouvoir de l’époque avait tenté de nous faire avaler que ce serait Matignon qui chapeauterait le holding.
Valérie Trierweiler doit avoir beaucoup d’amis dans la profession pour bénéficier d’un tel paravent contre l’indignation. D’ailleurs, c’est sans doute pour cela que la France a tardé à savoir qui était la compagne de François Hollande. En réalité, je me ficherais de savoir qui est la « Première dame », si elle n’était pas « journaliste ».
Elle craint que son statut (si toutefois c’en est un) lui donne un air « potiche. » Lorsqu’on la voit visiter le potager de Michèle Obama avec les épouses des leaders du G8, on se dit que c’est raté : elle a fait courge. Il y a pourtant d’autres activités en dehors du journalisme qui développent des valeurs similaires. Pour ne pas faire potiche, si Valérie Trierweiler mettait sa notoriété nouvelle au service d’une cause, ou exerçait un autre métier ? J’adorerais voir une « first girlfriend » travailler et gagner un salaire ! Son bagage de journaliste lui permettrait de prendre le contre-pied des épouses de présidents, qui prétendent aider l’Afrique en séjournant deux nuits dans un 4 étoiles de Ouagadougou.
Bref, s’il est déjà difficile pour François Hollande d’être un Président « normal », je pense qu’il est impossible que Valérie Trierweiler demeure journaliste.

À la recherche du moindre mal

La question du second tour

Poursuivons notre recherche philosophique au sujet du moindre mal et de son application à l’élection démocratique (cf. Présent du 29 mai). Contre un certain moralisme oubliant la dimension de l’art politique, nous avons vu que la légitimité du moindre mal en politique ne se pose pas dans les mêmes termes qu’en morale individuelle. A quoi sert à un chef de garder les mains propres s’il n’a pas de mains, pour reprendre l’image de Péguy. Il n’en demeure pas moins (analogiquement) une prudence et une morale politiques fondées sur le bien commun qu’il convient de rechercher activement.
Nous avons considéré le versant positif du moindre mal (plus ou moins bien fondé en vue du bien commun) capable politiquement d’une amélioration et d’un redressement général par rapport à une situation déplorable : la loi de gradualité – que méconnaît la morale personnelle pour les préceptes négatifs (1) – vaut certainement en politique pour inverser le flux d’un déclin, davantage que pour le ralentir en devenant trop souvent sa caution et son allié objectif. Car il y a aussi le versant négatif du moindre mal, que nous avons surnommé avec d’autres « moindre pire » (plus ou moins mal fondé). Il ne vaut évidemment pas de la même manière mais peut s’imposer dans certains cas de nécessité…
Prenons, par analogie, un exemple de morale individuelle : celui du préservatif. La question morale n’est pas de savoir s’il faut faire un hold-up avec gilet pare-balles et balles à blanc. Car la morale proscrit bien sûr tout braquage et tout maniement malhonnête d’arme (chargée ou non). La loi civile nous contraint aujourd’hui de ne pas trop faire de « discriminations » dites négatives, mais dire « je ne veux ni dessert ni fromage » (ou « ni laïques ni musulmans » ou « ni libéraux ni socialistes » : « Ni Sarkozy ni Hollande ») n’empêche pas de pouvoir avoir une préférence pour le dessert par exemple ! Une double et unique négation morale n’exclut pas la nuance et le discernement à l’intérieur de comportements globalement immoraux.
C’est pourtant ce qui a fait hurler beaucoup (même parmi certains tradis qui ont voté Sarkozy !) lorsque Benoît XVI, dans son livre d’entretien Lumière du monde, a parlé en quelque sorte de moindre pire dans le fait pour un prostitué captif de sa situation de prendre un préservatif plutôt que l’omettre, afin de diminuer le risque mortel de contamination. Qu’on me pardonne la comparaison (qui n’est pas raison !) mais, toutes proportions gardées, ce qu’a répondu le Pape peut s’appliquer a fortiori au vote républicain du « moindre pire » au second tour (de la présidentielle ou des législatives) : cela peut apporter, relativement aux suppôts de la culture de mort, « un premier pas vers une moralisation, un premier élément de responsabilité permettant de développer une conscience du fait que tout n’est pas permis et que l’on ne peut pas faire ce que l’on veut ». Mais d’ajouter aussitôt que ce n’est certes pas « une solution véritable et morale » : ce n’est pas « la bonne manière de répondre au mal ».
Si fumer peut tuer (non seulement soi-même mais aussi autrui avec le tabagisme passif !), la cigarette avec filtre (qui entretient l’addiction) n’est pas la solution et risque d’aggraver le problème ! Et les campagnes antitabac, de fait, ne la recommandent jamais, même si elle peut éventuellement atténuer la toxicité du tabac. Néanmoins, entre un plus grand mal et un « moindre mal » supposé (compris comme « moindre pire »), personne n’oblige à choisir le plus grand mal, même les antitabac ! Mais leur morale ne peut évidemment pas faire de ce moindre pire un principe ! Idem avec les drogues dites de substitution ou avec le filtre douteux du préservatif eu égard à la prévention du sida. Dire qu’un acte ainsi fait, bien qu’intrinsèquement désordonné, est moins mal fondé qu’un acte analogue péchant par une certaine omission ou un certain excès, ce n’est nullement le décréter bien fondé moralement et donc licite. (2)
« Des cercles et des degrés dans le gouffre de l’effondrement politique »
Il suffit de transposer analogiquement cela dans l’ordre politique, avec sa consistance propre (mixte d’agir et de faire), pour saisir d’autant mieux la réalité tragique mais aujourd’hui commune de ce versant négatif du moindre mal. Nous rejoignons assurément Bernard Antony lorsqu’il écrit : « Comme, selon moi, le “moindre mal” est presque partout perçu comme l’équivalent d’un presque bien, j’ai employé une formule plus nette [“moindre pire”] pour exprimer ce que je crois, à savoir que, comme dans l’Enfer de la Divine comédie, il y a des cercles, des degrés dans le gouffre de l’effondrement politique. » Comme quoi, ces distinctions nécessaires ne relèvent pas d’un « néo-talmudisme catholique ». Et si elles peuvent, dans notre misère actuelle, susciter de provisoires désaccords dans les appréciations prudentielles au sujet des candidats, elles offrent l’intérêt, au moins par la voie négative, de montrer qu’il existe une autre solution véritable, morale et politique en même temps que religieuse, à cette grande pitié qui est en France
(1) La loi morale oblige absolument, toujours et à chaque instant de ne pas se mettre en situation de pécher même moindrement car le moindre péché est encore un péché (cf. Veritatis splendor § 67).
(2) Autre exemple de nature différente mais auquel pourrait s’appliquer le propos de Benoît XVI : conseiller et même implorer des parents de sortir leurs embryons « surnuméraires » de la « concentration can » (l’enceinte concentrationnaire et son azote liquide !), comme l’avait fait en son temps le professeur Lejeune au fameux procès de Maryville, ne rend pas pour autant la procréation artificielle licite moralement.
• Pour aller plus loin : Politique et morale, éléments de philosophie chrétienne (DMM, 2004) et Sous le signe d’Antigone (Contretemps, 2012).