TOUT EST DIT

TOUT EST DIT
ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

dimanche 6 mai 2012

A l'UMP, on pense déjà à l'après-Sarkozy

Après l'annonce de la défaite de Nicolas Sarkozy, les messages de soutien au président sortant se sont multipliés dans son camp. Le conseiller spécial de Nicolas Sarkozy, Henri Guaino a exprimé dimanche soir "un peu de tristesse" et "un sentiment d'injustice" après la victoire du socialiste François Hollande à la présidentielle.  Il a aussi indiqué n'avoir "aucun regret" sur la campagne menée par Nicolas Sarkozy: "C'est une campagne qu'il a voulue, qu'il a choisie, qu'il a portée avec une force extraordinaire", a-t-il continué, soulignant que l'écart de voix entre les deux finalistes était "très faible".

SARKOZY APPELLE L'UMP À RESTER UNIE
Peu avant l'annonce officielle des résultats, Nicolas Sarkozy avait annoncé à un certain nombre de proches qu'il se placerait en retrait pour les élections législatives. Le président sortant, battu par François Hollande par 48,1 % contre 51,9 %, a appelé son parti  à "rester unis et ne pas se diviser". "Je ne mènerai pas la bataille des législatives".
Dès 19 heures, alors que l'AFP avait diffusé, sous embargo, des estimations donnant François Hollande gagnant, l'UMP semblait effectivement commencer à régler ses comptes. Dominique Paillé, centriste rallié de mauvaise grâce à Nicolas Sarkozy, critiquait : "Cette défaite de Nicolas Sarkozy confirme l'erreur stratégique de la droitisation de sa campagne électorale et de l'UMP." Cible de l'ancien porte-parole de l'UMP, la droitisation de la campagne, sous la houlette de Patrick Buisson : "La présidentielle se gagne au centre. Nicolas Sarkozy n'a jamais voulu le prendre en compte. Il a eu tort."
D'autres ont également réagi dès 19 heures, mais cette fois pour évoquer le devenir de l'UMP. L'ancien ministre Christian Estrosi, maire de Nice, a ainsi assuré que "personne ne doit remettre en cause la légitimité de Jean-François Copé" à la tête de l'UMP. "Je serai un des plus combatifs pour dénoncer toute attitude qui tendrait à diviser notre famille politique. Il y a une légitimité en place, celle de Jean-François Copé, et personne d'entre nous ne peut se permettre de remettre en cause sa légitimité".
M. Estrosi réagissait préventivement, alors qu'une partie de l'UMP critique la gestion de M. Copé, qui a lui aussi endossé la stratégie de "droitisation". Dans son viseur, les proches de François Fillon ou d'Alain Juppé.
LES LÉGISLATIVES, "PROCHAINE BATAILLE"
A 20 heures, sur France 2, Nathalie Kosciusko-Morizet a salué les partisans du chef de l'Etat sortant, et appelait déjà à la mobilisation pour les législatives. La porte-parole de Nicolas Sarkozy a déclaré que "la France est un pays d'équilibre" et que ce n'était "pas fini" avec les prochaines élections législatives. "Nous avons perdu cette élection présidentielle, en dépit, je crois d'une belle campagne, mais non, ce n'est pas fini", a-t-elle dit sur France 2. "Aujourd'hui tous les pouvoirs peuvent être aux mains des socialistes, la présidence de la République, une majorité des régions, des départements, des grandes villes. (Or) la France est un pays d'équilibre", a-t-elle dit.
Le patron de l'UMP, Jean-François Copé, a de son côté rendu hommage à Nicolas Sarkozy, parlant au passé lorsqu'il estime que "cela a été un grand homme d'Etat et je veux avoirune pensée pour tous ceux qui on t voté pour lui. Nicolas Sarkozy nous a réuni avec beaucoup de gravité et de solennité. Il faut se mobiliser pour les législatives car (...) il n'est pas bien de donner tous les pouvoirs à un seul parti politique, à la gauche", a-t-il déclaré sur France 2.
Les deux responsables UMP ont insisté sur la crainte que le PS concentre tous les pouvoirs. "Je ne fais pas de procès d'intention au PS, mais quand le pouvoir concentre tous les pouvoirs, ça peut mener à des dérives. (...) Ce sera un de nos thèmes de campagne."
"Nous allons repartir à la prochaine bataille, celle des élections législatives", a réagi dimanche soir sur TF1 Alain Juppé, ministre des affaires étrangères. "Nous ne ne renoncerons pas, bien sûr, à nos convictions, nous allons repartir à la prochaine bataille, celle des élections législatives", a-t-il déclaré. "Nicolas Sarkozy a fait une magnifique campagne", "le tsunami anti-Sarkozy n'a pas eu lieu", a-t-il ajouté.
IL FAUDRA "UNE RECONSTRUCTION EN PROFONDEUR À L'UMP"
Mais à l'UMP, certaines voix discordantes se font déjà entendre. Le ministre de l'enseignement supérieur, Laurent Wauquiez, animateur du courant de la Droite sociale à l'UMP, a estimé pour sa part qu'il faudra "une reconstruction en profondeur" à l'UMP après la défaite de Nicolas Sarkozy. "Il faudra prendre le temps de l'analyse et de l'autocritique. Voir ce que nous avons réussi et ce sur quoi nous avons échoué au cours de ces cinq années, comprendre pourquoi ce bilan a été souvent injustement caricaturé et se demander ce qui a manqué et ce qu'il faudra changer au sein de l'UMP", a-t-il déclaré à l'AFP.
L'ancien premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, a déclaré que l'UMP devait devenir "une grande force d'opposition républicaine", qui "doit être unie, rassemblée mais diverse". Interrogée par une journaliste sur son analyse de la défaite de Nicolas Sarkozy, il a répondu : "Je pense que dans le passé la gouvernance n'a pas été suffisamment diverse, je pense que dans l'avenir, il nous faut une vraie gouvernance avec plus de diversité".

Résultats présidentielle : Nicolas Sarkozy : "Je m'apprête à redevenir un Français parmi les Français"

LA HONTE

LUI PRÉSIDENT NOTRE DESTIN AUX LÉGISLATIVES.

6 mai, l'autre élection... les législatives en Grèce. Avec un seul programme : l'absence d'espoir

Comment voter quand on est désespéré? Énorme risque de poussée des extrêmes et une campagne qui n'a pas dissipé l'incertitude sur la capacité du pays à se trouver un gouvernement dans un contexte où Athènes doit poursuivre à marche forcée sa tentative de redressement de l'économie.

Comment voter pour des hommes politiques qui ne peuvent plus paraître en public sans être injuriés ou recevoir des yaourts ? Comment voter pour une assemblée qui n'a plus le pouvoir de décider ? Comment voter quand on est dans une telle colère qu'on ne peut que tout refuser en bloc ? Comment voter quand on est désespéré ? Telle est la question qui se pose aux Grecs et à laquelle ils devront répondre le 6 mai. Le 6 mai, comme les Français.
Depuis octobre 2011, le Premier ministre grec en place, Loukas Papademos, économiste a-politique, ne représente rien d'autre que la volonté de la Troïka. Quant aux députés, ils sont juste parvenus, sous la menace d'un chaos complet, à voter la nouvelle série de mesures exigées par l'Europe dans son dernier (?) plan de « sauvetage ». Rien de démocratique là-dedans, d'où la décision de tenir des élections législatives pour donner au pays un gouvernement élu et crédible. Là est le problème, pour qui voter ? L'Union Européenne espère un gouvernement solide en faveur des mesures déjà décidées. L'aura-t-elle ? Rien de moins sûr.
Le système électoral grec est un système à base proportionnelle par circonscriptions, avec une dose de majorité qui accorde un bonus de 50 députés au parti arrivant premier à l'échelle nationale et qui exclut d'office ceux qui n'ont pas 3% des voix, même si localement ils ont un élu. Or de nombreux partis sont nés depuis 2011, issus le plus souvent de la démission/sécession de députés du PASOK ou de la Nouvelle Démocratie pour refus des memorandum proposés ; 32 partis seront présents dimanche prochain ! Impossible de prévoir des résultats. Les sondages sont interdits depuis le 21 avril ; ceux qui ont été effectués précédemment sont d'accord sur quelques grandes lignes : de 7 à 10 partis seront représentés à l'Assemblée, les 2 grands qui réunissaient jusqu'en 2009, autour de 80% des voix, sont en chute libre, le PASOK payant chèrement la gestion de la crise par Georges Papandréou, la Nouvelle Démocratie payant le prix de son accord avec le memorandum (du FMI, NDLR) depuis octobre 2011, enfin parmi les suivants, il faudrait compter avec le Syriza (coalition des gauches), le Parti Communiste grec, et deux « nouveaux », les « Grecs indépendants » et la « Gauche Démocratique », des dissidents de la ND et du PASOK. Au-delà c'est l'incertitude, le PASOK est crédité de 11 à 13% des voix, la ND de 19 à 21%, chacun des 4 suivants proches obtenant entre 9 et 12% des voix selon le sondage. Cela ne laisse au mieux qu'un tiers des voix aux deux partis qui soutiennent les mesures déjà votées ! Et, en sièges, malgré le bonus au premier (50 députés sur 300 parce qu'on a 20% des voix ?), personne ne peut dire si, à quelques sièges près, PASOK et ND atteindront la majorité absolue.
Les politologues grecs voient trois scénarios possibles :
1) PASOK et Nouvelle Démocratie ont une courte majorité des sièges ; rien ne change sinon l'assurance de nouvelles mesures d'austérité déjà annoncées ;
2) les deux grands partis sont contraints de coopérer avec certains des nouveaux, ceux qui souhaitent rester dans l'U.E mais obtenir des changements (version Hollande ?) mais il n'est pas dit qu'ils obtiennent quelque chose et la « coopération » dans ce cas risque d'être difficile ou inefficace ;
3) l'ensemble des partis anti-européens d'inspiration communiste ou fascisants, qui souhaitent sortir de l'Euro et de l'U.E l'emportent, et là encore les perspectives sont sombres, d'autant que ces partis n'ont en commun que le refus et refuseraient de collaborer. Autrement dit, il n'est pas exclu que les partis opposés à la politique actuelle l'emportent, ce qui remettrait en cause tout l'édifice européen et plongeraient accessoirement le pays dans un chaos pré-révolutionnaire.
Dans tous les cas, on ne promet à l'électeur que l'absence d'espoir, alors... partagé entre son refus et les menaces de catastrophe prédites dans ce cas... entre son rejet viscéral de tous les politiques et, s'il choisit le vote dit -raisonnable- l'obligation de choisir parmi les mêmes, que fera-t-il ? On a dit aux Français que le choix du 6 mai serait capital pour l'avenir européen, il faudra aussi ce jour-là regarder vers Athènes. Anglais et Allemands regardent les deux villes et s'inquiètent.



Hollande, de l'inexpérience à la présidence

Il n'a ja­mais été mi­nistre, se pré­sente pour la pre­mière fois à la pré­si­den­tielle, est raillé de tous: trop rond, trop ap­pa­rat­chik, trop pro­vin­cial. Mais au terme d'une cam­pagne aux airs de grand che­lem, le so­cia­liste Fran­çois Hol­lande est le fa­vo­ri de la pré­si­den­tielle fran­çaise. Por­trait. "Je suis celui que vous voyez, je n'ai pas d'ar­ti­fice, je n'ai pas be­soin de me tra­ves­tir. Je suis ce que je suis, simple, di­rect, libre", ré­pé­tait Fran­çois Hol­lande pen­dant la cam­pagne. Il n'a ja­mais été mi­nistre, se pré­sente pour la pre­mière fois à la pré­si­den­tielle, est raillé de tous: trop rond, trop ap­pa­rat­chik, trop pro­vin­cial.

Au dé­part, per­sonne ne l'at­ten­dait donc. Il n'avait ni la flam­boyance de l'an­cien pa­tron du FMI, ni le lien char­nel aux Fran­çais de son ex-com­pagne, Sé­go­lène Royal.

Fran­çois Hol­lande a été le chef du Parti so­cia­liste pen­dant 11 ans, un homme d'ap­pa­reil. Dé­pu­té de Cor­rèze, dé­par­te­ment rural du centre de la France, ce natif de Nor­man­die semble très loin du cha­risme qu'exige en France l'élec­tion pré­si­den­tielle, cette onc­tion ré­pu­bli­caine.

Fils d'un mé­de­cin d'ex­trême droite et d'une as­sis­tante so­ciale de gauche, il a bâti sa cam­pagne sur une in­tui­tion: la France est fa­ti­guée de l'éner­gie dé­bor­dante de Ni­co­las Sar­ko­zy, l'hy­per-pré­sident, de son "ex­hi­bi­tion per­ma­nente", et rêve d'une pré­si­dence "nor­male".

Hol­lande a été avant tout l'"an­ti-Sar­ko­zy", la meilleure pro­messe de "dé­ga­ger" le pré­sident sor­tant selon ses op­po­sants qui re­prennent les slo­gans du Prin­temps arabe.

La gauche avait un can­di­dat cré­dible. Pas en­core un vain­queur pos­sible. Mais les mois de cam­pagne élec­to­rale ont trans­for­mé la per­cep­tion des Fran­çais de cet homme de 57 ans.

♦ Entré pro­gres­si­ve­ment dans le cos­tume de pré­sident

Sous le be­so­gneux ca­pable de par­ler fis­ca­li­té pen­dant des heures, ils ont dé­cou­vert un homme plein d'hu­mour, constant dans son pro­gramme, com­ba­tif en mee­ting et pug­nace en débat face à Ni­co­las Sar­ko­zy.

"Il a chan­gé. C'est comme s'il était ren­tré dans ce cos­tume au fil des jours", es­time sa com­pagne Va­lé­rie Trier­wei­ler. "Il est tout à fait prêt à exer­cer cette fonc­tion".

Jusqu'au 14 mai 2011, rien ne le pré­dis­pose à se trou­ver au 2e tour de la pré­si­den­tielle. Le pa­tron du FMI, Do­mi­nique Strauss-Kahn, est le fa­vo­ri des so­cia­listes, des son­deurs et de la presse.

Les dé­boires ju­di­ciaires de DSK ouvrent la voie à Fran­çois Hol­lande. Les pre­miers son­dages le placent en tête des can­di­dats de gauche pré­fé­rés des Fran­çais. Mieux, il est en po­si­tion de battre Ni­co­las Sar­ko­zy. Un rap­port de force ja­mais dé­men­ti de­puis.

"L'homme n'est ni rusé ni cy­nique, il est sim­ple­ment dans une pos­ture d'évi­te­ment", dit son bio­graphe Serge Raffy. Evi­te­ment ? Le mot lui colle à la peau de­puis sa plus tendre en­fance quand, élève dans une école re­li­gieuse, il évite les pu­ni­tions de ses ri­go­ristes pro­fes­seurs à coups de sou­rires et de bonne notes.

♦ Du la­bra­dor de Mit­ter­rand au meilleur can­di­dat-pré­sident

Ni gau­chiste ni anar­chiste, il est fas­ci­né par Fran­çois Mit­ter­rand qui sera élu en 1981 à la pré­si­dence. Après l'Ecole na­tio­nale d'ad­mi­nis­tra­tion (ENA), creu­set des élites fran­çaises, il entre à la la Cour des comptes, puis com­mence à écrire des "notes" pour le pré­sident Mit­ter­rand.

A 26 ans, il tente le pari de se pré­sen­ter aux lé­gis­la­tives sur les terres du futur pré­sident Jacques Chi­rac, qu'il in­ter­pelle en réunion pu­blique. "Qui êtes vous, mon­sieur?", lui lance Jacques Chi­rac.

"Je suis celui que vous com­pa­rez au la­bra­dor de Mit­ter­rand", lui ré­pond le jeune so­cia­liste.

So­cial-dé­mo­crate as­su­mé, Eu­ro­péen convain­cu, Fran­çois Hol­lande s'in­té­resse sur­tout aux ques­tions fis­cales. Il gran­dit dans l'ap­pa­reil du PS, rêve d'un mi­nis­tère qu'il n'aura ja­mais. Les échecs de Lio­nel Jos­pin en 1995 et en 2002, celui de Sé­go­lène Royal en 2007, l'amènent à se dé­ci­der.

A la ren­trée 2009, Hol­lande dis­cute avec sa com­pagne Va­lé­rie Trier­wei­ler. "Je lui ai dit: +si tu penses que tu es le meilleur, tu y vas+", dit la jour­na­liste po­li­tique.
"Il m'a ré­pon­du: +Je suis le meilleur+", as­sure-t-elle. "C'est la pre­mière fois que je l'en­ten­dais dire cela".

Le can­di­dat perd plus de dix kilos, se fait tailler des cos­tumes sur me­sure, change de lu­nettes. L'homme af­fable, qui fuit le conflit, veut s'af­fi­cher so­lide, "te­nace", sa prin­ci­pale qua­li­té pour son ami, l'ex-mi­nistre Mi­chel Sapin. Il sur­pren­dra mer­cre­di, lors de son face à face té­lé­vi­sé avec Ni­co­las Sar­ko­zy, en se mon­trant plus of­fen­sif qu'at­ten­du.

Hol­lande est "in­sai­sis­sable", ré­sume son fils aîné Tho­mas, qui y voit la marque d'un "homme libre", un "stra­tège
???

Hollande, un révolutionnaire bien encadré

Espoir pour les uns, épouvantail pour les autres, le socialiste favori dans la présidentielle du 6 mai a lancé le débat sur une autre politique économique en Europe. Mais s'il veut remplir ses promesses de croissance, il devra s’adapter aux réalités du marché. 

L’élection présidentielle française a donné un aperçu de l’Europe lorsqu’elle est d’humeur révolutionnaire. Pour autant, il faut se garder d’en conclure que la Ve République est sur le point d’élire un président révolutionnaire.

La démocratie européenne possède un nouveau mode de fonctionnement. Les citoyens peuvent toujours changer de dirigeants de temps à autre, mais uniquement à la condition d’avoir intégré le fait que les élections ne présagent pas d’un changement d’orientation politique. Qu’elles soient de gauche ou de droite, qu’elles se trouvent à l’intérieur ou à l’extérieur de la zone euro, les élites en place se prosternent devant l’autel de l’austérité. Les gouvernements s’autorisent de menus écarts, mais aucun n’ose remettre en question le credo de la rigueur budgétaire.

Conservateur avec un petit “c”

Le parfum révolutionnaire du premier tour de l’élection présidentielle française provenait de l’impression de futilité qui se dégageait de cette politique. Le fait que près d’un cinquième des électeurs aient apporté leur soutien au Front national de Marine Le Pen et plus d’un dixième au Front de gauche de Jean-Luc Mélenchon a révélé l’ampleur de la frustration nationale. C’est là une piqûre de rappel salutaire – si besoin était – de la manière dont le populisme et la xénophobie s’épanouissent pendant les périodes de dépression.
Les Français ne sont pas les seuls dans cette situation. En Hongrie, Viktor Orbàn dirige un gouvernement nationaliste de droite qui piétine l’Etat de droit dans le but de pérenniser son hégémonie politique. La droite populiste est en plein essor dans les petits pays du nord de l’Europe : voyez les soi-disant "Vrais Finlandais" et le Parti de la liberté de Geert Wilders. Aux Pays-Bas et ailleurs, l’euroscepticisme est également devenu l’étendard de la gauche dure. Cependant, le choix devant lequel se trouvent les Français à la veille du duel présidentiel de ce week-end leur est plus familier, et la maigre alternative politique qui leur est proposée reflète mal les discours entendus pendant la campagne.
Le chef de file du Parti socialiste, François Hollande, est un conservateur avec un petit "c", qui entend renouer avec le modèle social de marché de l’Europe d’après-guerre. Le boniment servi par Nicolas Sarkozy en vue d’un second mandat est également teinté de nostalgie. Il promet de rendre à la France la grandeur qu’elle a connue sous De Gaulle. Le débat télévisé organisé cette semaine entre les deux candidats a davantage donné l’impression d’une animosité profonde entre les deux personnages que d’un vaste abîme entre leurs programmes.
A moins d’un coup de théâtre, François Hollande devrait l’emporter ; non pas parce qu’il a su inspirer l’enthousiasme et le respect parmi les Français, mais plutôt parce que Nicolas Sarkozy n’a pas su les conserver. Les qualificatifs les plus entendus au sujet de François Hollande sont "pragmatique", "prudent" et "fade". Depuis quand un candidat à la présidentielle se lance-t-il dans la bataille en proclamant qu’il est tout ce qu’il y a de plus "normal" ?

Des obstacles de taille

Hors des frontières de l’Hexagone, cependant, François Hollande fait figure de bête noire. Du côté allemand, on ne peut pas dire qu’Angela Merkel considère Nicolas Sarkozy comme son alter ego, mais on l’a entendue dire qu’elle redoutait que ses rapports avec François Hollande ne tournent au "cauchemar". En Grande-Bretagne, David Cameron a snobé le responsable socialiste lorsque celui-ci s’est rendu à Londres, voilà quelques semaines. Magazine influent, The Economist a proclamé sur une de ses couvertures que François Hollande était "dangereux" – il s’agit d’un journal britannique, et il a donc adjoint l’adverbe "plutôt" à ce désobligeant épithète. Le candidat à la présidentielle, faisait observer le magazine, "croit sincèrement à la nécessité de créer une société plus juste". Quoi de plus dangereux, en effet ?
Un tel alarmisme repose sur deux curieux postulats : le premier est que le passé récent nous aurait appris que les gouvernements ne doivent jamais se mêler des affaires des marchés, le second que la stratégie actuelle de l’Union aurait permis de reconstruire les finances publiques et de relancer la croissance économique. Je pensais que la crise mondiale avait sensibilisé les disciples les plus fervents du libéralisme économique aux dangers d’un capitalisme financier débridé. Concernant la cure d’austérité pour tous, certains décideurs politiques allemands commencent eux-mêmes à se demander si la gestion d’une économie peut vraiment se limiter à tailler dans les dépenses et à augmenter les impôts.
Quoi qu’il en soit, s’il est élu président, François Hollande se verrait confronté à des obstacles de taille. Les marchés obligataires tempèreront fortement toute velléité de tout miser sur la croissance. Un autre frein, plus important encore, sera l’opinion que la France aura d’elle-même. Les pays endettés du sud de l’Europe pourraient voir dans une France socialiste un allié puissant. Or, François Hollande partage avec ses prédécesseurs de l’Elysée une vision profondément différente de la géographie politique du continent, dans laquelle la France se cramponne à sa revendication du leadership – et plus encore, à la parité avec l’Allemagne dans la construction de l’avenir de l’Union. Comme François Mitterrand l’avait bien compris lorsqu’il a adopté la politique du franc fort* voilà trente ans, de telles prétentions ont un prix. Aux heures critiques, c’est l’Allemagne qui fixe les règles de l’économie.
François Hollande a une ou deux idées farfelues. Taxer les riches à hauteur de 75 % permettra peut-être à la gauche de garder bonne conscience mais ne se traduira par aucun effet bénéfique sur l’économie. Non pas que le socialiste ne puisse pas ou ne doive pas remettre en question l’orthodoxie financière en vigueur.
La croissance économique n’est pas une idée de la gauche – demandez à Mario Monti, le technocrate à la tête du gouvernement italien. La libéralisation économique et les plans de réduction du déficit de l’Italien ne seront vraiment possibles que si le pays trouve une solution pour sortir de la stagnation. Ce qui est véritablement "dangereux" en Europe aujourd’hui, ce n’est pas d’appeler à un débat sur la croissance, mais de supposer que l’on peut continuer ainsi. Il faut impérativement une période de transition entre la récession et la réduction du déficit. A défaut, le continent courra le risque d’une révolution, même si celle-ci n’a pas lieu en France.

"Moi, salaud d'électeur FN compte bien profiter de mon dernier dimanche en tant que citoyen perdu qu'il faut convaincre avant de redevenir lundi un facho indésirable..."

Guillaume Bailly, blogueur et écrivain, a voté Marine Le Pen. Ancien militant du RPR, celui qui se définit comme "gaulliste" et "républicain", explique les raisons de son vote d'adhésion pour la candidate frontiste. Et sa décision pour le 2ème tour.

Ils sont les stars incontestées de l’élection présidentielle. Depuis le premier tour, il est difficile d'échapper à un portrait sociologique des militants frontistes. Des ouvriers de peu de culture, travaillant de leurs mains, vivant en semi-autarcie dans un milieu rural, où l'immigration est totalement absente, effrayés par cet étranger qu'ils ne connaissent pas. En quelques heures, l’électeur du Front national est passé, dans l'imaginaire politique, du statut de néo-nazi raciste et haineux à celui de pauvre plouc ignorant à qui l’on n'a pas expliqué les choses avec des mots à sa portée.

Et depuis le soir du premier tour, je suis quelqu'un d'exceptionnel : je vis en ville, dans une zone d'immigration dense, comme depuis toujours, j'ai une bibliothèque très fournie pour un semi analphabète, des livres avec peu d'images, je vis de ma plume, et je suis même allé à l'université faire mes humanités. Malgré tout cela, j'ai voté Front national.

Vous voyez bien que je suis quelqu'un d'exceptionnel.

Bien sûr, il y a une autre explication : celle que les gens se trompent, mais pour des raisons d'ego je préfère l'ignorer. Il y a deux semaines, j’étais un salaud, je profite un peu de ma popularité aussi inattendue qu’éphémère. Vous avez remarqué ? Messieurs Sarkozy et Hollande multiplient les déclarations, ils veulent me parler, à moi ! M'expliquer que je me trompe, que mes valeurs ne sont pas républicaines, qu'il ne faut pas avoir peur, juste voter pour eux.

Mais enfin, un peu de cohérence : si je ne suis momentanément plus infréquentable, mon parti, lui, le reste : il suffit d'observer ce qui se passe lorsqu'un leader de la droite suggère que peut être, il serait possible d'envisager de discuter avec le Front national.

Et je suis républicain, me semble-t-il. Je n'ai pas marché sur l'Elysée avec un fusil pour en chasser l'occupant et installer Marine Le Pen à sa place, je me suis rendu dans un bureau de vote pour déposer dans une urne un bulletin à son nom. Expliquez-moi en quoi c'est antirépublicain. Et expliquez moi en quoi Messieurs Hollande, Mélenchon, Madame Joly, et j'en passe, ont le droit de dire ce qui est républicain ou pas. Ils ont des diplômes de République ?

Je ne l'ai pas fait non plus par dépit. Je crois vraiment que le programme de Marine Le Pen est bon, même si certains points ne m'agréent pas. Il n'y a rien d'exceptionnel à cela, voter ne consiste pas à choisir le candidat dont absolument toutes les idées ont remporté votre adhésion. Je ne peux m'empêcher de croire que quelqu'un qui est d'accord avec absolument tout ce que dit le candidat est soit victime d'un lavage de cerveau, soit un extrémiste. Je n'aime pas les extrémistes.
Je sais ce que vous pensez : ce garçon n'est pas net, il vote pour le Front national tout en se comportant en Zoïle de l’extrémisme. Et si vous faisiez erreur, et que le Front national n'était pas un parti extrémiste ? Imaginez que le Front soit un parti réellement gaulliste, et que c'est ce qui aurait pu m'attirer, en tant qu'ancien militant du RPR (celui d'avant la trahison de Chirac).
Je suis gaulliste, comme je crois, à la lire et à l'écouter, que Marine Le Pen l'est. Ce qui doit embêter son papa, qui lui ne pouvait pas supporter les gaullistes. Pauvre Marine : imaginez quel doit être son calvaire, partagée entre l'amour filial et l'impatience q
Bon, vous devez piaffer : évacuons, si vous le voulez bien, le sujet du racisme. Vous pensez que je vote Front national parce que je suis raciste ? Voyons... Vous ai-je dit que j'avais fait des études ? Et que n'étant point trop idiot, j'ai vite compris qu'il y avait génétiquement autant de différences, mettons, entre un homme noir et moi, qu’avec n'importe quel homme blanc qui n'est pas de ma famille. Le racisme est une chose idiote, d'un point de vue scientifique.
Je suis contre l'immigration pour des raisons pragmatiques qu'il serait trop long de détailler ici. On m'oppose des raisons idéologiques. L'idéologie est une bonne chose, quand on en a les moyens. Les caisses sont vides, et le chômage est à dix pour cent de la population active : désolé, les grandes et belles idées ne sont pas dans nos moyens.
Et l'idée qu'il puisse y avoir des Français blancs, des Français noirs, des Français jaunes avec les yeux bridés, ne me choque pas. Que mon voisin soit bouddhiste, chrétien, juif ou musulman, quelle importance ? C'est son choix, ça le regarde. Qu'il mange de la viande provenant d'un animal égorgé sans étourdissement et qu'on laisse agoniser vingt minutes avant que la mort ne vienne le délivrer n'est pas non plus un problème pour moi. Tant qu'on me laisse la possibilité de savoir que mon steak provient de cet animal, la possibilité de refuser de le manger et d'en obtenir un plus conforme à mes convictions, et le droit de dire que cette préconisation est barbare et rétrograde. Le droit, donc, de critiquer sa religion et celle des autres.
Je ne suis pas non plus contre l'Europe, je suis contre cette Europe. Qui sont ces gens qui constituent la Commission qui semble tout régenter ? Je ne me rappelle pas avoir voté pour eux. Je ne suis pas pour la peine de mort. Marine si, mais elle a déclaré qu'elle ferait un référendum. J'ai suffisamment foi en mes compatriotes pour croire qu'ils refuseront le rétablissement de la peine capitale, mais s'ils font un autre choix, en tant que républicain, je m'inclinerai.
Il y a tant d'autres sujets. Marine Le Pen m'a parlé de liberté, de démocratie directe, et d'amour de la France, tandis que les autres crachaient leur haine, tous à leur façon, du patriotisme. Comment parler de cela sans évoquer la bien-pensance, la pensée unique ? Sous couvert d'une noble cause, lutter contre le racisme, l'on a réussi à imposer un véritable lavage de cerveau aux élites. Demander un débat sur l'immigration aujourd'hui est un crime.
Que ferai-je dimanche ? Je voterai blanc. D'un côté, il y a Hollande, dont les projets sont opposés à mes convictions. De l'autre, Sarkozy. J'ai voté pour lui en 2007. Il m'a trahi. Voter contre Hollande ? C'est tentant, mais non. Je prends le pari d'une abstention record. Le report de voix des abstentionnistes serait proportionnel, je crois, pour chaque candidat. Je préfère un Hollande élu avec 60 pour cent des suffrages exprimés, qu'avec 95 pour cent. Mais j'irai voter, c'est un droit précieux.
Et dès lundi, je prendrai ma carte au Front National, pour préparer l'après, les législatives, et les cinq années à venir, sur les cendres de cet UMP qui n'a jamais été un parti gaulliste. Elles seront difficiles. Parce que, si pour l'instant, nous sommes des électeurs perdus qu'il faut convaincre, dès lundi, nous serons redevenus des fachos indésirables, et la chasse aux sorcières sera ouverte.
http://www.atlantico.fr/decryptage/sympathisant-fn-vote-marine-pen-premier-tour-nicolas-sarkozy-second-tour-340925.html
Que le vieux Jean-Marie tire sa révérence et lui laisse le champ libre.

 

Ces rédactions des journaux, si peu représentatives de la diversité politique du pays


Benjamin Dormann a enquêté plus de deux ans dans l'envers du décor de la presse française. De ce voyage instructif, il rapporte " Ils ont acheté la presse", ouvrage qui dévoile les relations ambiguës qu'entretient la presse avec le pouvoir.
Martine Aubry et Ségolène Royal furent candidates aux primaires ; Marine Le Pen, Eva Joly (représentant le parti dirigé par Cécile Duflot), Nathalie Arthaud (pour Lutte ouvrière)… toutes candidates en 2012 ; jamais une élection présidentielle n’aura réuni autant de femmes.
Bien qu’on puisse s’en féliciter, cette diversité des candidatures ne doit pas faire illusion. D’un point de vue idéologique, le choix proposé en 2012 n’a jamais été aussi pauvre : le véritable libéralisme est aujourd’hui inexistant en France, caricaturé ; le communisme est en voie de disparition, ringardisé ; le nationalisme est privé de représentation parlementaire depuis des décennies malgré sa présence au second tour d’une élection présidentielle, médiatiquement honni ; l’écologie oscille entre volonté d’être un modèle politique global et autonome de société ou l’acceptation d’un ralliement politique et financier négocié, devenant une simple force d’appoint thématique d’un Parti socialiste hégémonique ; quant au reste de la gauche alternative, elle demeure engluée dans des querelles de microcourants, malgré la tentative d’unification menée par Jean-Luc Mélenchon, ne partageant plus que leur éternelle attente révolutionnaire du « grand soir »…
Bref, le social-libéralisme politiquement ultra-dominant a de beaux jours devant lui, malgré la crise qui secoue le monde, et particulièrement dans les rédactions des journaux, peu représentatives de la diversité politique du pays. Qu’il se dise de droite ou bien de gauche, ce modèle social libéral repose sur une croyance fondamentale résumée par Dominique Strauss-Kahn, peu de temps encore avant ses ennuis « privés » : « La priorité numéro un aujourd’hui, c’est le retour à la croissance… ce qui n’est pas consommé ralentit d’autant la reprise[1] » et sa définition du meilleur chef de l’état possible, comme pour tant d’autres, se résume ainsi : « ultra-simple : c’est celui qui ramènera la croissance, seule capable de faire baisser le chômage et de ranimer la flamme du pouvoir d’achat[2] ». Une relance de la consommation que chacun de ses leaders politiques est convaincu de savoir encourager mieux que son concurrent politique, le voisin, par le biais d’interventions étatiques supposées « réguler » et « adoucir » une mondialisation parfois cruelle.
La réalité a montré le relatif artifice de ces prétendus distinguos, et révélé les limites de ce monde qui croit fondamentalement que son bien-être dépend avant tout du niveau d’explosion de la consommation de milliards de Chinois, d’Indiens et de Brésiliens. Au final, tous ces « Diafoirus du “retour à la croissance” n’ont pas encore compris que la question n’est pas de leur ressort. La civilisation matérielle étouffe de ses excès, c’est un problème anthropologique.[3] » C’est sur ce point précis qu’une nouvelle réponse politique d’avenir reste à inventer et à proposer.
Pour y parvenir, il est grand temps que la presse d’opposition dépasse son antisarkozysme et arrête de se mettre au service de la communication personnelle de quelques vedettes médiatiques du Parti socialiste. Grand temps qu’elle relate ou organise enfin de vrais débats publics sérieux et contradictoires, sur les différents modèles de société possibles, loin de leurs caricatures respectives. De tels débats redoreraient le blason de cette profession qui le mérite, et permettraient aux citoyens de renouer avec notre culture héritée des Lumières et de la méthode cartésienne : que chacun rassemble des informations, doute puis se fasse sa propre opinion, plutôt que de se laisser matraquer d’images et de slogans imposés par la société du spectacle. Ces débats variés ont commencé sur Internet, tant sur certains sites que dans les forums des internautes, et sont souvent enrichissants, à défaut d’être consensuels. Il est temps d’encourager fiscalement, politiquement et médiatiquement ceux qui leur donnent vie sur la toile et ailleurs, plutôt que de continuer à laisser l’information majoritairement entre les mains de ceux qui, bien qu’ayant aujourd’hui perdu toute légitimité pour préparer l’avenir et refusant de l’admettre, veulent aujourd’hui continuer à façonner nos esprits.

L’énergie en partage 


Ouf, cette longue bataille présidentielle s’achève ! Elle a été marquée, surtout entre les deux tours, par des échanges souvent musclés, trop musclés. Mais il faut savoir résister au règne de la « petite phrase » et de l’invective, en cherchant à comprendre, avant tout, l’évolution d’un pays qui doute de lui-même et qui décide aujourd’hui de son avenir.
Éclairer le débat tout en laissant à chacun son total libre arbitre a donc été notre seule ligne de conduite durant ces mois de campagne. Éditoriaux, dossiers thématiques comparant les programmes et interrogeant les experts, reportages dans toute la région auprès de catégories sociales très diverses, interview exclusive, avec l’ensemble des journaux de l’Est, de Nicolas Sarkozy et de François Hollande : dans sa version « papier », comme dans sa déclinaison numérique, L’Alsace/Le Pays a fait de son mieux pour vous informer sans vous influencer, ouvrant ses colonnes et ses écrans à tous les courants d’opinion.
En ce dimanche de scrutin, nous nous garderons de parler politique, au sens partisan du terme, et de faire le moindre pronostic. Ou alors, un seul : ce 6 mai 2012, les Français vont élire un « revenant ».
François Hollande ? Donné pour présidentiellement, sinon politiquement, mort voici trois ans à peine, il est reparti à l’assaut du Parti socialiste pour en remporter la primaire, réussissant, depuis cette première victoire, à contenir les dissensions internes qui faisaient les délices suicidaires du PS. Nicolas Sarkozy ? Il se voyait promis à la défaite, depuis des mois, par la quasi-totalité des enquêtes d’opinion, tant les vents contraires étaient et restent forts. À commencer par ceux de la crise qui, de façon presque mécanique, partout en Europe, entraînent la chute des sortants.
Malgré les écueils, malgré l’annonce anticipée de leur échec, ces deux personnalités sont parvenues à la qualification pour l’étape ultime. Cette ultra-ténacité, un trait psychologique qu’ils partagent, est indispensable à la gestion des affaires suprêmes de l’État. Voici au moins une forme d’énergie qui ne prête pas à controverse.
Reste à départager les deux finalistes. Désormais, leur sort ne dépend plus d’eux-mêmes ; il appartient, pour une parcelle, à chaque électrice, chaque électeur. Donc à vous, chère lectrice, cher lecteur.

L’enjeu du 6 mai

Pourquoi tant de haine ? Ce fut le thème central du discours prononcé par Nicolas Sarkozy le lendemain du premier tour de la présidentielle de 2007. Il aurait pu le reprendre mot pour mot durant cette campagne de l’entre-deux-tours, à la veille des manifestations du 1er Mai et de son duel télévisé avec François Hollande, ce mercredi 2 mai.
La haine coulait à gros bouillons sur le candidat de la droite, à travers les rapprochements honteux, les mensonges fabriqués et les boules puantes. En 2007, il disait : « Pourquoi tant de haine ? Parce que je dis que tous les Français n’étaient pas pétainistes ? » Eh bien justement, on lui renvoie Pétain et Laval, quand, il y a quelques semaines, c’était encore Madoff, Berlusconi et Poutine ! « Pourquoi tant de haine ? Parce que je considère que la France ne doit pas avoir honte de son histoire ? Parce que je ne veux pas de la repentance, parce que je dis que pour un Français, haïr la France c’est se haïr soi-même, et que si l’on n’est pas fier d’être Français, on n’est pas obligé de demander à le devenir. » Il ajoutait alors : « Je dis tout haut ce que tout le monde pense tout bas. »
Voilà l’explication de la haine qui le frappe avec cette violence : il a libéré la parole, avec son autorité de président de la République. Il a levé les interdits qui pesaient sur la parole publique. C’est aussi ce qu’il a voulu signifier par la formule « rendre la parole au peuple », le peuple contre les élites frelatées qui ont cru pouvoir s’emparer de l’opinion.
Il a fait pire et le rappelle dans l’entretien qu’il donne à Valeurs actuelles : « Je n’ai jamais cédé à la rue » – ni pour la réforme des régimes spéciaux, ni pour celle des retraites ni même pour l’autonomie des universités. D’où le grand air, avant le premier tour et depuis, de la revanche. De la gauche en général, des syndicats et des donneurs de leçons.
Le premier résultat obtenu a, certes, été de faire perdre des voix à Nicolas Sarkozy le 22 avril par rapport à son score du premier tour de 2007, mais surtout de renforcer spectaculairement celui de Marine Le Pen et donc de la droite la plus radicale, donnant à l’ensemble des droites un total supérieur à ce qu’il était il y a cinq ans. Les électeurs de droite n’ont pas cédé sous l’orage. La question porte sur ce qu’ils vont faire au second tour. France de droite, élus de gauche ? François Hollande ne peut être élu que grâce à des voix venues de l’autre camp, des voix pour lui ou des abstentions (une demi-voix en faveur de l’adversaire).
La responsabilité de l’électeur de droite est décisive. D’abord pour le pays, pour sa capacité à résister dans la compétition internationale, le redressement de sa compétitivité gravement endommagée, son rôle en Europe, mais pas seulement, et pour reprendre la formule d’un lecteur, « pour que la France reste la France », pour que l’on « se reconnaisse dans son pays ». Les plus sensibles à la menace de ne plus reconnaître ce visage, ce sont nos bourgs et nos villages. Pas d’immigration, peu d’insécurité dans cette France rurale et travailleuse, et pourtant Marine Le Pen y a doublé, si ce n’est plus, les voix de son père. Une manière pour ces électeurs de dire qu’ils n’ont pas envie de voir leur cadre de vie défiguré, à l’image de ce que les journaux télévisés leur montrent tous les soirs.
Pourquoi Mélenchon et les communistes, Thibault, Chérèque et les autres, votent-ils Hollande avec tant de hargne ? Ce n’est pas pour la hausse de l’allocation de rentrée scolaire, le gel du prix des carburants (pendant trois mois) ou même le recrutement de 60 000 fonctionnaires, c’est pour le signe que son élection donnerait : le retour du pouvoir de la rue en face de celui de l’État, la lutte des classes à tous les étages, la domination de l’administration à tous les guichets. Et pourquoi tant d’appels en sa faveur dans les milieux de la culture ? Parce que c’est bien par là, à coups de subventions publiques, que l’on pétrit l’âme d’un peuple.
S’il était élu, François Hollande n’aurait pas plus d’argent à partager que Nicolas Sarkozy, il distribuerait des symboles, sur le mariage et la famille, sur l’euthanasie et la fin de vie – et le vote des immigrés aux élections locales. Ces décisions figurent dans son programme de la première année. La plupart ont déjà été votées par la majorité de gauche du Sénat (lire page 21). Elles visent à “changer” durablement la société française et à assurer, d’élection en élection, la pérennité du “modèle socialiste”. Voilà pourquoi on ne peut pas se tromper de bulletin.

Le secret de sainte Prudence


Jadis, bien avant la mode des sondages, quand on se demandait ce qui allait advenir, on consultait les almanachs qui savaient déjà tout sur tout. Par exemple ceci: «6 mai, fête de sainte Prudence; à la Sainte-Prudence, s’il fait du vent, les moutons dansent».
Quels moutons et quelle danse, mystère! En revanche, qu’il y ait du vent ce soir à 20h, personne n’en doute. Le suspense n’a fait que croître depuis le premier tour et le pays s’est finalement pris d’intérêt pour le scrutin. Le clivage gauche-droite qu’on dit parfois vacillant a retrouvé la force qu’il a à chaque élection présidentielle. Le face-à-face de mercredi dernier en a souligné l’intensité.
Deux hommes, deux styles, deux projets s’affrontent autour de questions majeures. Quelle place en France pour tous les Français, indépendamment de leur histoire familiale ou de leurs convictions personnelles? Quelle place accorder aux étrangers qui souhaitent étudier en milieu francophone, solliciter un travail légal ou demander l’asile politique? Quelle place pour la France dans un monde où l’Asie, l’Amérique latine et bientôt l’Afrique tiennent ou tiendront des positions décisives?
A ces trois questions politiques, économiques et morales, chacun répondra selon sa conscience et selon l’image qu’il se fait de son pays.
Mais qu’il se nomme Nicolas Sarkozy ou François Hollande, le chef de l’Etat devra veiller à ce que la France ne se replie pas sur elle-même et sorte de la contradiction où elle s’étouffe. Elle oscille entre deux extrêmes: une fierté surdimensionnée (l’agaçante croyance du coq en la fameuse exception française) et le doute dépréciateur. La France a des qualités, mais en use volontiers pour s’adonner à son vice congénital, l’autocritique. Redonner confiance à la France dans un monde en convulsion, c’est la tâche centrale de l’homme que nous élisons aujourd’hui.

Guimauve le Conquérant


Injuste, ce surnom attribué naguère à Hollande ? Caricatural, plutôt, tant il accentue un seul trait de sa personnalité – que François, pour sa part, préfère appeler « normalité ».
Incomplet, en tout cas : ses meilleurs ennemis, socialistes, l’appellent plus volontiers “l’anguille”. Qui est-il donc réellement, ce faux modeste qui prétend soudain à être président quand il n’a même pas été ministre ? Tel est le mystère qu’a voulu percer Canal Plus en nous entraînant, l’autre lundi, « dans l’intimité de François Hollande ».
À travers archives et témoignages – y compris de l’intéressé – , le documentaire dresse d’abord le portrait d’un anti-Sarkozy. Un politicien placide, limite effacé, modeste jusque dans ses ambitions.
Et pourtant, les faits sont là. Si ce type, quel qu’il soit, a une chance sur deux – voire cinquante-cinq sur cent, selon les sondages – d’être président dans trois jours, ce n’est sûrement pas par hasard ! Pour que la chrysalide se change ainsi en papillon, il a bien fallu qu’à un moment la chenille fasse son coming out du cocon.
À en croire ses amis, ça s’est passé il y a trois ans : « À partir de 2009, François fait de la politique pour lui. » Ensuite, tout va aller très vite. C’est un Hollande neuf, aminci et relooké, qui, le 31 mars 2011, annonce devant le Tout-Tulle pâmé sa candidature à la candidature…
À Paris, bien sûr, c’est une autre chanson et les sondologues lui prédisent un piètre score à un chiffre. Mais lui n’en a cure, habité déjà par son fameux slogan, « L’Élysée, c’est maintenant ! » Il l’explique lui-même : en 2007, il n’était pas mûr ; en 2017, il craint de passer déjà pour blet.
Porté par cette ardeur nouvelle, François devient un de ces audacieux à qui la fortune sourit. Un mois et demi après son entrée en lice, la chute de DSK transforme l’outsider en challenger sérieux de Martine Aubry – qu’il finira par distancer dans la dernière ligne droite.
La mue s’achève sous nos yeux au meeting du Bourget : François se voit désormais comme le successeur auto-investi de son homonyme Mitterrand. Il va jusqu’à mimer sa gestuelle, sa rhétorique et ses intonations lyriques. Écoutez son ego s’égosiller à la tribune : « Aujourd’hui, c’est MOI qui porte votre espoir ! C’est MOI qui va (sic) vous porter à la victoire ! »
Apparemment, ce grand timide a fini par maîtriser jusqu’à sa modestie. C’était juste une question de temps : François avait à gérer un petit problème de surmoi, comme diraient les derniers psys.
Une fois l’obstacle surmonté, le candidat « normal » n’a plus rien à envier, en fait d’ambition, à son adversaire.
Il vient de loin, savez-vous ? , ce Hollande sûr de lui et dominateur qu’on est en train de découvrir. Sa mère l’avait balancé naguère à Michel Drucker : « Petit, François disait souvent : “Quand je serai grand, je serai président !” »
Sarkozy peut aller se rhabiller, avec son rasoir ! Hollande, en couche-culotte, il y pensait déjà.

Pour la France


Rarement notre pays a connu une échéance électorale aussi décisive que celle du 6 mai prochain. Décisive par l’ampleur de la crise qui frappe la France, par l’étendue des sujets de mécontentement, par la gravité du fossé qui sépare les groupes sociaux ou les idéologies, en particulier ceux pour qui la France a encore un sens et ceux qui répondent par la haine à toute  évocation de son identité.
Les socialistes promeuvent une France promise au métissage culturel sur fond de repentance et de dénigrement du passé national. Ils nous promettent, contrairement aux illusions de certains,  un assujettissement aggravé à Bruxelles et à l’OTAN. Est-il nécessaire de rappeler que, pris un à un, les sujets de mécontentement des Français sont la conséquence directe de politiques dont la gauche est à l’origine : dégradation de l’Éducation nationale, franc fort et 35 heures qui ont débouché sur le chômage de masse et la régression su pouvoir d’achat, laxisme migratoire, lourdeur des impôts, assistanat désordonné, dégradation du service public, etc.
À cette France gravement menacée d’un délitement fatal, l’application du programme de Hollande porterait le coup de grâce : encore plus d’immigration et d’impôts, notamment, causeront un affaiblissement sans retour. Tout ce qui fait encore la force de notre pays : politique familiale, armée moderne, programme nucléaire civil, siège permanent au conseil de sécurité est remis en cause. Ce qui reste de nos repères fondamentaux est promis à l’arasement : le mariage (qui serait ouvert aux homosexuels), le respect de la vie (promotion de l’euthanasie), les repères moraux (légalisation du cannabis), la citoyenneté (droit de vote aux étrangers), la constitution (perspective inquiétante d’une VIe République). L’État républicain lui-même est voué à la dilution dans une “Europe socialiste des régions”.
Plus qu’en 1981, plus qu’en 2007, l’avènement des socialistes représente une menace pour la survie de la France en tant que nation.
Face à cette menace et, quelles que soit les erreurs de la droite, l’abstention n’est pas permise. Le point de rupture est atteint. Ceux qui pensent que cinq ans de socialisme aggraveraient considérablement la situation n’ont pas tort. Ceux qui espèrent tirer un bénéfice politique de cet abaissement programmé  seraient gravement coupables devant l’histoire. La politique du pire est indigne d’un vrai patriote. 

C’est pourquoi tous ceux dont le souci de la France a, d’une manière ou d’une autre, inspiré le vote du premier tour, doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour que le candidat du parti socialiste soit battu.

Exorcismes


La gauche détient majoritairement le pouvoir dans les conseils généraux, et, si l’on excepte l’Alsace, totalement dans les conseils régionaux. Elle s’enracine dans le monde rural, où, de plus en plus souvent, les maires sont des retraités de la fonction publique.
Donc de son bord. Par le fait de cette mainmise sur les collectivités territoriales, elle contrôle désormais le Sénat. Elle règne à peu près sans partage sur l’école (y compris la conception des manuels), l’Université, les médias (y compris les écoles de journalisme), la magistrature et les syndicats, comme en témoignent les prises de position explicites (CGT) ou implicites (CFDT, FO) des patrons des centrales. Les milieux intellos et artistiques lui sont acquis et elle a soigneusement noyauté les grands corps de l’État. C’est elle qui décrète les modes, impose les termes des débats publics et décerne les brevets de respectabilité. Son influence est également dominante dans le maillage associatif. Si, dimanche, Sarkozy est battu par Hollande, elle siégera à l’Élysée, avec en prime vraisemblable une copieuse majorité à l’Assemblée nationale. Ça fera beaucoup de pouvoirs pour un nombre somme toute restreint de partisans, dans un pays où l’on ne s’encarte guère.
Son emprise sur la société française ne sera certes pas de facture totalitaire ni même dictatoriale : n’imitons pas ses sectateurs dans le registre outré des diabolisations. Ses pulsions idéologiques et sa pente à édicter la loi morale promettent toutefois une chape de béton bien armé sur l’esprit gouailleur et frondeur qui reste un de nos apanages culturels. La police du langage va sévir. Le cosmopolitisme, le multiculturalisme et l’androgynat vont accéder à la majesté d’articles de la foi “progressiste”. Le sens de l’altérité, de l’altitude, de la gratuité, de la fantaisie, de l’harmonie, du panache, de la mé moire, voire le sens de l’humour, ne seront pas à la noce. On va énormément s’ennuyer sous la férule d’un cléricalisme rosâtre et verdâtre, avec des reflets rou geoyants pour complaire au robespierrisme de Mélenchon. La gauche va nous ruiner sous la morphine de l’assistanat et nous sermonner de surcroît : il va falloir se planquer pour rigoler à son aise. Son omnipotence sera d’autant plus paradoxale que son dogme a du plomb dans l’aile ; jamais peut-être depuis la Libération, en tout cas depuis Mai 68, le pays n’a autant aspiré dans ses profondeurs à le répudier.
Son manichéisme se focalise exclusivement sur la personne de Sarkozy. Peu d’électeurs de Hollande désirent une vraie dose de socialisme à la Aubry ou d’écologie à la Joly. Ce scrutin n’est pas un choix politique mais une manière de catharsis dont Sarkozy fait les frais. Le cocu ? C’est Sarko qui lui a filouté son épouse. Le bossu ? C’est Sarko qui lui a planté sa bosse sur le dos. Le chômeur ? C’est Sarko qui lui a subtilisé son job. Le dépressif ? Le laissé-pour-compte ? Le malade ? L’alcoolo ? C’est Sarko, ce diable à mille fourches sans les maléfices duquel nous serions tous jeunes, beaux, cousus d’or et fringants. Pour un peu, on nous ferait gober qu’il a embusqué une servante africaine dans un Sofitel de New York aux fins inavouables d’éreinter un concurrent potentiel. Pour un peu, on nous convaincrait qu’au Fouquet’s, seuls ses copains vont se sustenter. Ses copains ? Tous des coquins dorés sur tranche. Exutoire d’une crise que l’on s’évertue à minimiser, bouc émissaire d’un malaise à la fois mental, moral et social qui remonte aux années Mitterrand, Sarko n’est plus un politique passible de critiques raisonnées mais l’incarnation du Malin. Sacrifions-le avec l’antique rituel rouge et noir – et nous serons sauvés !
Il y a quelque chose de puéril, et quelque chose de barbare aussi, dans cette entreprise d’exorcisme collectif. Personne n’y croit vraiment, mais on fait semblant, ça soulage. Si Sarkozy est battu dimanche, l’euphorie sera brève, car ce diable de circonstance n’est pas le revers d’un quelconque bon Dieu : sans lui, toute la théologie “progressiste” s’effondrera et ses clercs démaquillés avéreront leur tartufferie. Peut-on encore espérer que les électeurs de Marine Le Pen, de Bayrou et de Dupont-Aignan, relayés par des abstentionnistes, s’aviseront qu’en refilant à la gauche le peu de pouvoir qui lui manquait encore, ils se préparent des lendemains pour le moins tristounets ? L’espérance étant une vertu théologale, j’ai envie de faire crédit à leur lucidité.

ÉLECTIONS CAPITALES À PLUS D'UN TITRE

Les 12 travaux de Panagiotis Karkatsoulis

Quel que soit le parti vainqueur des élections du 6 mai, la réforme de l’Etat sera l’un de ses défis majeurs. Or, de manière aussi surprenante qu’encourageante, c’est un Grec qui a été élu meilleur fonctionnaire du monde par une institution américaine.
Panagiotis Karkatsoulis est un homme à la personnalité débridée. Il s’exprime au travers de dialogues où il utilise une voix différente pour jouer son propre rôle (voix grave) et celui des autres (plus aïgue) ; il gesticule, se gratte la tête, griffonne des diagrammes sur un papier, écrit à nouveau quelque chose à toute vitesse. Il ne s’arrête jamais. Parfois, il conclue par un "Ouf, c’était moi en train d’expliquer une idée !"
Etre considéré comme une rareté lui inspire donc une tirade dont il a le secret. Il s’indigne et rit en même temps. "Moi, une exception? Je ne suis pas une exception !" Il se souvient du reportage réalisé quand l’attribution du prix de l’American Society for Public Administration (l’ASPA, Société américaine pour l’administration publique, récompense une personne qui a contribué à des changements dans la fonction publique) a été rendue publique, il y a quelques mois. "Ils sont allés demander à des gens sur la Place Syntagma [une grande place d'Athènes] quelle était la nationalité du meilleur fonctionnaire du monde. Il y en a un qui a répondu : ‘Suédois, Finlandais, Allemand... Sûrement pas Grec !’ Un autre a simplement dit : ‘N’importe laquelle mais pas grecque’", sourit-il.

23 000 responsabilités différentes

Panagiotis Karkatsoulis travaille au ministère de la Réforme administrative ce qui lui a valu d’être très souvent en contact avec des responsables de la troïka [FMI, BCE et Commission européenne]. Il enseigne également  à l’Ecole nationale de la fonction publique. Il nous reçoit dans son cabinet, où figurent plusieurs reproductions dont une du duo Gilbert & George, un tableau rose qui, aujourd’hui, s’accorde avec sa chemise. Il affirme que dans son service, les fonctionnaires sont très compétents et dévoués. "C’est un service où les gens étaient parmi les mieux payés, avec des salaires d’environ 3 000 euros. Aujourd’hui, ils atteignent mille et quelques euros. Ces gens-là auraient tous pu partir vers le privé. Mais ils sont restés. Et ils travaillent plus qu’avant. Pour quelle raison ? Je ne sais pas, sans doute quelque chose qui s’apparente à du patriotisme..."
L’indignation de Karkatsoulis ne s’attarde pas trop sur la lourde, et folle, machine de l’administration publique grecque – une étude qu’il a réalisée avec 200 de ses collègues à la demande de la troïka a montré que l’administration centrale compte près de 23 000 responsabilités différentes, et qu’elles changent en moyenne 1 140 fois par an. Mais aujourd’hui, il dévalorise cela. "Ces chiffres démontrent quelque chose: oui, 23 000 compétences officielles c’est énorme. Mais, si on regarde attentivement, nous voyons que l’ensemble de ces 23 000 compétences n’affectent pas les fonctionnaires de la même façon, certaines existent mais n’ont aucune utilité."
La troïka se trompe à vouloir des solutions rapides, ignorant la réalité du pays où elle se trouve, soutient-il. Ses fonctionnaires ne connaissent rien du lieu où ils sont détachés. "Il y en a eu un qui est allé jusqu’à demander: ‘Est-ce que tout cela est lié à quelque chose de plus profond, à votre ADN?’", raconte-t-il en élevant la voix. Il baisse de ton aussitôt pour les excuser : "C’est vrai qu’ils sont sous pression".
Ce que l’on demande à la Grèce, "c’est comme si on voulait que quelqu’un court cent kilomètres en dix secondes alors qu’il ressemble à un esclave XIXe siècle – ce n’est pas possible", dénonce Karkatsoulis. "Il s’agit d’un paramètre objectif. Ce n’est pas une discussion pour savoir si je vais le faire, si je suis corrompu pour ne pas le faire, si je n’ai pas envie – c’est tout simplement impossible."

Des réformes jamais réalisées

Il y a autre chose qui l’irrite: l’impression que le problème [de la Grèce] est facile à régler. "Ah oui? Alors pourquoi tout le monde essaye de trouver une solution, même [l’économiste] Paul Krugman ?" Ce qui l’énerve encore plus, c’est de voir que "souvent, on veut répondre par une pensée basique, un peu primitive. Par exemple, quelqu’un vient de France et dit: ‘Réformez-moi ça’. La majorité d’entre eux essayent de transférer ici leur propre réalité."
Il existe un problème en Grèce avec les réformes mille fois annoncées et jamais réalisées. Qui ne supporte pas les réformes? "Dites-moi ! Le système? C’est évident que les politiques ne veulent pas de changements. Si c’était le cas, pourquoi font-ils tout pour s’y opposer ?", confie-t-il. "Beaucoup de choses devraient changer", ajoute Karkatsoulis mais "pas seulement en Grèce, à Bruxelles, au FMI aussi. Et comme rien ne se passe, la seule prévision que je peux faire, c’est que la crise va s’aggraver."
Ce qui nous amène aux élections. Pour qui va voter Panagiotis Karkatsoulis? "Je ne sais pas, je suis ouvert aux propositions", s’amuse-t-il. "Si l’on pense à partir de critères rationnels, on doit voter pour l’un des deux grands partis [Pasok, gauche, et Nouvelle Démocratie, droite]. Les choses vont mal mais elles vont s’améliorer. Si l’on estime que les choses vont s’aggraver, alors il faut aller plus à gauche ou plus à droite." Il précise néanmoins qu’il va choisir l’un deux grands partis car il pense qu’"il est plus facile de faire des changements via ces partis. Les petites formations vont mettre beaucoup plus de temps à faire quelque chose". Il compare la situation actuelle avec ce qui s’est passé après la chute de la dictature [en 1974], quand les partis de gauche ont proliféré : "J’étais engagé là-dedans, bien sûr, c’était générationnel".
Contrairement aux analystes politiques, Karkatsoulis ne considère pas cette élection comme un moment-clé. "Je ne crois pas que cela soit quelque chose de dramatique ; je ne leur accorde pas tant d’importance. Je pense que le pays est en transition et tout cela va durer quelques années."




Nos gouvernants tirés au sort ?


En attendant la démocratie parfaite qui n'adviendra jamais, n'oublions pas de voter aujourd'hui, au risque de laisser les autres choisir pour nous.
Les partisans de la clérocratie ne sont pas nombreux, et le mot pas très connu. Il vient du grec et désigne le choix par tirage au sort de ceux qui gouvernent la cité. On ne pariera pas sur l'adoption prochaine et systématique du hasard en lieu et place de l'élection, mais des gens sérieux accordent du crédit à ce mode de désignation.
Il est même évoqué par Montesquieu dans L'Esprit des lois : « Le suffrage par le sort est de la nature de la démocratie le suffrage par choix est de celle de l'aristocratie. »
L'idée fait surgir quelques objections, auxquelles ses partisans ont, évidemment, des réponses. Ils ne proposent pas que le prochain président de la République soit tiré au sort parmi les Français. Ils estiment que l'exercice de la fonction suprême nécessite des compétences et des qualités particulières, suppose une personnalité sinon anormale au moins exceptionnelle.
Ainsi, l'heureux élu par le sort devra se faire les dents au niveau municipal. S'il est - ou si elle est - compétent, il ou elle pourra être appelé aux fonctions d'administration d'un échelon supérieur.
Comme dans toute doctrine, on trouve la forme radicale, censée remédier à tous les maux du monde, et des versions allégées, aux ambitions plus mesurées.
Certains, par exemple, se contentent d'imaginer une deuxième assemblée, à la place du Sénat, constituée de citoyens tirés au sort, qui équilibrerait les pouvoirs de la première et proposerait l'examen de questions provenant directement du peuple, sans intermédiaire ni filtre.
D'autres proposent que, pour délibérer sur des sujets techniques, des assemblées d'experts tirés au sort soient constituées, mais à partir d'un très large éventail pour éviter l'influence de lobbys.
D'autres encore souhaitent que, à côté d'élus proposés à l'élection par les partis politiques, siège dans toutes les instances collectives un certain pourcentage de citoyens choisis au hasard, qui ne seraient plus des représentants du peuple, mais le peuple lui-même.
Le regain d'intérêt, même relatif, pour une pratique aussi ancienne que déroutante, est une indication supplémentaire des questions que se pose la société sur la façon dont ses choix, ses aspirations, ses craintes, ses espoirs, sont pris en compte par ceux qui légifèrent et ceux qui gouvernent.
Qu'on parle « d'établissement », de « système », ou « d'oligarchie », le doute s'est installé quant à la représentativité d'un personnel politique, en général de qualité, mais qui se serait éloigné, en se professionnalisant, de ceux qui l'ont choisi.
En attendant la démocratie parfaite qui n'adviendra jamais, n'oublions pas de voter aujourd'hui au risque de laisser, non pas le hasard, mais les autres choisir pour nous.

BAYROU PÊTE UN CABLE !!

Un président normal ?

La définition du normal dans le domaine de la psychologie se décline selon plusieurs axes, aucun d’entre eux ne donnant satisfaction. On est normal parce qu’ordinaire, commun, usuel : c’est la définition statistique qui ramène la normalité à la moyenne au risque de la médiocrité...
Normal, François Hollande ? Et en face : fou, tout-fou… ou simplement moins hypocrite ?
« L’idée d’un homme normal est un mythe semblable au mythe nazi » affirmait Merleau-Ponty. La question de la normalité est restée jusqu’à présent à l’écart des débats présidentiels. Mais puisque le sujet est à la mode, qu’on me permette d’en souligner les risques. Les professionnels de la santé mentale font preuve d’une grande prudence vis à vis de cette notion – qu’ils évitent, soit dit en passant, d’aborder dans les manuels. Mieux vaut laisser planer un doute et donner à chacun la liberté de créer ses propres normes plutôt que de fixer arbitrairement les critères d’une « normalité » contraignante. Au fond, n’est-ce pas s’interrogeant sur soi-même et sur ses propres normes que l’on a le plus de chance d’être « normal » ? Qui, d’ailleurs, se sent vraiment normal ? Lorsque j’ai posé cette question à un amphithéâtre d’une centaine d’étudiants, seuls trois doigts se sont levés
La normalité est aussi insaisissable que le mouvement de la vie. Tout organisme vit en créant un milieu qui lui convient : du simple protozoaire à l’être humain, la vie se manifeste comme cette aptitude à transformer son monde de façon créative pour parvenir à y survivre et s’y développer. Cela suppose d’échapper aux normes imposées par le milieu – d’être ainsi, en quelque sorte, « anormal », c’est à dire capable d’élaborer ses propres normes. C’est pourquoi celui qui croit détenir la normalité est dangereux. Il risque d’imposer sans recul critique sa conception personnelle de la norme. D’où la mise en garde de Merleau-Ponty.
En pratique, la définition du normal dans le domaine de la psychologie se décline selon plusieurs axes, aucun d’entre eux ne donnant satisfaction. On est normal parce qu’ordinaire, commun, usuel : c’est la définition statistique qui ramène la normalité à la moyenne au risque de la médiocrité. On peut aussi être normal par rapport à un fonctionnement psychique optimum : gare en ce cas à l’idéalisation. Freud lui-même signalait le danger de vouloir à tout prix faire un enfant « normal ». On peut enfin être normal parce qu’on n’est pas fou : reste alors à définir la folie. Les batailles d’experts autour des tribunaux démontrent combien ce point, quand il n’est pas flagrant, demeure sujet à caution.
Nul doute que si l’on fait aujourd’hui de la normalité une vertu, c’est parce qu’on y voit le contraire d’une certaine folie. Le monde est devenu fou : il a perdu ses règles d’autrefois, il est « déréglé ». Malheureusement, face à ce dérèglement, rien de pire que le repli sur une prétendue normalité protectrice. C’est précisément le moment où il faut inventer de nouvelles normes, prendre le risque de l’anormalité. Car être normal, au fond, c’est ne pas avoir peur de l’anormal : c’est être capable d’affronter la folie en gardant confiance dans ses ressources. C’est ne pas craindre d’être un peu fou.
Quelque soit son président, la France devrait vite retrouver le goût de cette normalité-là, celle qui se nourrit du mouvement et du changement, sans se laisser griser par le sourire bienveillant d’un chef. Un bon sourire n’est pas synonyme de normalité mais d’heureuse adaptation sociale. Et quelques tics ne sont pas davantage synonymes de folie.  
Peut-on d’ailleurs être « normal » quand on veut être président ? Au sens statistique du terme, la réponse est clairement négative : qu’on nous préserve d’un chef ordinaire, surtout par temps de crise !

Quand la gauche croit régler les maux de la société française avec des mots

Le triomphe de capitalisme sur le fond d’idéologies de gauche : comment ne pas comparer notre situation avec celle de la Chine dite "populaire" ? Dans les deux cas, les mots ont été entièrement vidés de leur sens : au temps de Mao Tsé-toung, le pouvoir ouvrier ne signifiait pas nécessairement celui des vrais ouvriers, c’était plutôt celui des cadres du parti, mais sûrement pas celui des capitalistes que l’on avait fusillés ou envoyés en camp de rééducation. Aujourd’hui, le pouvoir chinois se dit toujours ouvrier et revendique toujours le marxisme léninisme ; il a gardé, quoi qu’on dise, plusieurs traits du communisme : monopole du parti, hostilité au fait religieux , militarisation par exemple, mais nous savons que ce pouvoir est en fait celui du grand capital chinois, que, sous le couvert d’une idéologie d’extrême-gauche, il organise une exploitation éhontée des travailleurs laissant loin derrière elle le Manchester du XIXe siècle.
Cette évolution explique l’éloignement de la gauche et du peuple. Du temps où le socialisme représentait vraiment un contre-pouvoir populaire, il amenait avec lui, quand il était aux affaires, des avancées sociales qui étaient des réalités, pas de chimères. Les congés payés, les assurances sociales étaient des réalités. Quand Guy Mollet, peut-être le dernier socialiste français authentique, instaure le minimum vieillesse ou prend des mesures décisives pour démocratiser l’enseignent secondaire et supérieur (IPES, bourses) ou, il ne joue pas avec les symboles mais il traite des réalités : vingt ans après, cette démocratisation a considérablement avancé. Les mots lui sont si indifférents qu’il remplace en 1956 l’"allocation de salaire unique", conçue par le régime de Vichy, par une "allocation de la mère au foyer" à l’assise plus large (oui, nous avons bien dit Pétain : salaire unique ; Mollet : mère au foyer, une évolution sémantique impensable aujourd’hui) [1]. La mise en place en 1983 de l’allocation parentale d’éducation est sans doute la dernière mesure de cette veine : une mesure utile hors de toute considération idéologique ; elle se trouve aujourd’hui, qui s’en étonnera, contestée par le mouvement féministe qui y voit, à tort, un encouragement au maintien de la mère au foyer.
Le mondialisme interdisant tout projet social d’envergure, les socialistes en sont dramatiquement réduits à jouer avec les symboles. Il y a dans les sections socialistes, des mots chargés positivement, d’autres négativement. Plus rien de réfléchi là, seulement des réflexes pavloviens issus d’une idéologie fatiguée. Ces charges sont bien connues : banlieues : + ; homosexualité : + ; famille : -, monde rural : -, méthodes pédagogiques +, immigration : +, armée : -, police : -, catholicisme : -, islam + , nucléaire : -, nouvelles énergies : +, bio : + ; formation : +, apprentissage : - etc. La valeur de certains mots a changé au cours du temps : la défense des langues régionales était portée au début du XXe siècle par les "Félibriges", proches de l’Action française, l’homosexualité au temps de Proust paraissait l’apanage d’une aristocratie décadente, ce sont aujourd’hui des "marqueurs" de gauche particulièrement forts ! Le travail fut longtemps la valeur de gauche, la valeur ouvrière par excellence ; dans la gauche bobo qui rêve de la fin du travail, le mot est devenu suspect. La laïcité était à gauche autant qu’il s’agissait de combattre l’Église catholique ; elle vire à droite dès lors qu’elle s’oppose aux prétentions de l’islam.
Quelles peuvent être les réalités derrière ces mots ? Cela n’a aucune importance. Il y a longtemps qu’au parti socialiste on a cessé de penser aux problèmes réels. Celui qui maîtrisera les mots n’aura aucun mal à faire son chemin dans le parti. Dès lors que le programme socialiste est l’œuvre de comités, d’un travail collectif - et dans toute démarche collective, c’est le conformisme qui prévaut -, il n’est pas difficile de deviner ce qui en sortira : une combinatoire de symboles sans rapport avec les vrais problèmes.
Cette situation explique le caractère affligeant du programme de François Hollande : que ses arêtes saillantes soient une augmentation, sans doute irréalisable, des postes d’enseignants, le mariage homosexuel, les emplois-jeunes (association de mots magique, pur produit de communication dont il ne sort généralement rien), la remise en cause du quotient familial – pourtant voté par toute la gauche à la Libération mais déjà écorné en 1981, l’intégration de la charte des langues régionales à la constitution, tout cela n’étonnera personne. Une fois la charge des mots entrée dans la machine, un ordinateur aurait pu bâtir le programme socialiste !
Et malheur aux membres de ce parti qui rompraient avec cette sémantique ! Quand Ségolène Royal (un des rares esprits libres qui y subsiste) proposa d’impliquer l’armée dans les banlieues, elle jouait certes elle aussi sur les symboles : l’armée est symbole de discipline mais tout à fait inadaptée à ce genre de mission ; elle désignait cependant un vrai problème, connu du vrai peuple : il y a bien un problème de banlieues et c’est largement une affaire de discipline, scolaire pour commencer. Évoquant un vrai problème et utilisant les mauvais mots, elle s’est trouvée assez vite marginalisée par le parti socialiste. Se rattraper en distribuant un kit contraception dans les lycées de Poitou-Charentes (là aussi la valeur des symboles !) ne suffit pas à la réhabiliter.
L’empire que les mots ont pris au parti socialiste explique que presque toutes les réformes qu’il a engagées au cours des trente dernières années aient été mauvaises ou aient eu des effets pervers. La vraie politique consiste à résoudre les problèmes qui se posent et, si possible, à ne pas toucher à ce qui marche. La politique idéologique, qui se paye de mots, crée des problèmes là où il n’y en avait pas. Problèmes : les réformes purement idéologiques, comme la volonté de fusionner des communes, l’application de principes absolus comme la médecine gratuite (génératrice d’abus et de frustrations dès lors que les petits salariés n’en bénéficient pas), la concurrence pure et parfaite, y compris dans les services publics, ou la libre circulation des hommes (idées venues de Bruxelles et pas particulièrement socialistes à l’origine, certes, mais où le socialiste Jacques Delors joua un rôle clef), le maintien du tronc commun au collège, demain une euthanasie que l’on imposera au corps médical pourtant très satisfait du juste équilibre trouvé avec la loi Léonetti.
Que le programme socialiste ne prenne en compte pratiquement aucune des préoccupations profondes des Français, telles que nous les évoquions en commençant, qui s’en étonnerait ?
Au lieu d’emboîter le pas de cette pensée mythologique, la droite ferait bien entendu mieux de prendre résolument le parti des réalités. Et si ces réalités, comme il arrive parfois, échappent à toute réforme, qu’elle n’en fasse pas ! Il vaut mieux ne rien faire qu’aggraver le mal. Primum non nocere - d’abord ne pas nuire – était la première règle d’Hippocrate.
On dira que dans la lutte entre les mythes et les réalités, c’est souvent le mythe qui l’emporte, mais ceux du parti socialiste sont aujourd’hui si éculés que de moins en moins de Français, heureusement, y croient encore. Ils devraient le montrer bientôt.

[1] On peut aussi noter que, à la différence de ses successeurs socialistes, Guy Mollet entreprit, de concert avec Anthony Eden, sn homologue britannique, l’Angleterre, une guerre au Proche-Orient, la guerre de Suez, sans l’aval des États-Unis. Même si cette guerre tourna court, elle contraste singulièrement avec la situation actuelle où les gouvernements européens n’oseraient même pas envoyer un émissaire dans cette région sans l’aval de Washington.