TOUT EST DIT

TOUT EST DIT
ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

samedi 24 mars 2012

BIEN FAIT TOUT DE MÊME !! 


Une nouvelle vague d'immigration réanime "Little Greece", à New York

Il y a tout juste un an, quand Michaelis Klouvas est revenu vivre à Astoria, le quartier grec de New York, situé dans le Queens et appelé aussi "Little Greece", il a trouvé la ville changée. L'influence de son pays, autrefois si présente, s'est estompée, selon lui. L'endroit est devenu plus métissé, plus latino. "Avant, il y avait des restaurants grecs, des magasins grecs, des pancartes en grec, partout", raconte-t-il. Depuis, les gens ont gagné de l'argent et sont partis vivre dans la banlieue chic de Long Island ou dans le New Jersey... D'autres sont rentrés au pays. Comme lui.
"L'erreur de ma vie, pense-t-il aujourd'hui. Mais ma femme voulait que la famille soit réunie." C'était en 1988. Après avoir rejoint vingt ans plus tôt son père charpentier, immigré aux Etats-Unis pour faire fortune, M. Klouvas, qui se fait maintenant appeler "Mike", avait décidé comme nombre de ses compatriotes exilés de retourner au pays. La situation économique y étant devenue plus florissante, pourquoi rester loin des siens ? "En 2000, Astoria avait perdu un tiers de sa population grecque par rapport aux années 1980", raconte Joseph Berger, journaliste au New York Times, auteur d'un reportage sur ce quartier il y a dix ans. Plutôt une bonne nouvelle, le signe que le pays allait mieux.
Pour M. Klouvas, les premières années à Athènes ont, c'est vrai, été idylliques. Les affaires marchaient bien, l'argent était là. Il avait ouvert un restaurant : Arxomani. "On faisait la queue pour y venir !", raconte-t-il. Et puis la crise a tout gâché. En trois ans, le pays a vu son produit intérieur brut plonger de plus de 11 % et le chômage grimper jusqu'à près de 20 %. L'Etat en faillite doit maintenant éponger ses déficits et l'économie regagner en compétitivité. Les travailleurs, appelés parfois avec mépris les "cueilleurs d'olives", et les classes les moins aisées en sont les premières victimes. Les subventions, les retraites, les minimums salariaux ont été amputés. "Aujourd'hui, en Grèce, il n'y a plus assez d'argent pour s'acheter des vêtements, alors aller au restaurant...", soupire M. Klouvas.
A plus de soixante ans, les cheveux blancs mais l'oeil pétillant, "Mike" a donc décidé, une fois encore, de repartir de zéro aux Etats-Unis. Infatigable, il cumule aujourd'hui deux "jobs". L'un comme head manager (gérant) d'un restaurant sur le point d'ouvrir à Corona, l'autre comme serveur dans un autre établissement, avec, bien sûr, des horaires à rallonge. "De 8 h du matin jusqu'à parfois 2 heures le lendemain", dit-il. Le prix à payer pour se constituer une petite cagnotte avant l'arrivée de sa femme et de ses deux filles, prévue à Pâques.
ECHAPPATOIRE
Combien sont-ils comme lui ? Les statistiques n'ont rien d'officiel. Les demandes de green cards, ces fameuses "cartes vertes" qui permettent de s'installer aux Etats-Unis, ne donnent pas d'indication pertinente, le délai d'obtention étant long et extrêmement difficile. Nombre d'habitants d'Astoria expliquent d'ailleurs discrètement qu'ils n'ont pas "tous les papiers".
Mais pour Spiro, jeune homme grassouillet né aux Etats-Unis, le bras droit tatoué du drapeau de son pays d'origine, cela ne fait pas de doute : "Tous les Grecs veulent venir ici". La hausse de 20 % de visiteurs grecs recensés à l'arrivée de "JFK", l'aéroport de New York, en 2011, par rapport à 2006, donne une petite idée du pouvoir d'attraction de l'Amérique. A l'Immigration Advocacy Services d'Astoria, une organisation à but non lucratif chargée d'aider les immigrés à remplir les formulaires nécessaires, Tony Meloni a aussi observé une augmentation de 50 % depuis un an des demandes venant de Grecs. "Au début, les gens appelaient, posaient des questions : "Et si... et si...". Maintenant, ils arrivent bille en tête", constate-t-il.
New York n'est pas la seule échappatoire, mais la communauté d'Astoria donne de l'espoir : la présence d'un frère, d'une soeur ou d'un parent permet, en effet, d'obtenir un permis de travail plus facilement, parfois en quelques mois.
Stratos "Steve" fait partie de ces rêveurs. Ce sympathique gaillard de 42 ans, arrivé il y a deux mois, parle à peine anglais mais caresse l'idée d'une carrière d'entraîneur de football, tout en servant des fetas dans l'épicerie d'un ami de sa mère, sur Ditmars Boulevard. Il y a aussi ces familles venues inscrire leurs enfants à l'école St Demetrios d'à côté, grâce à des "relations". "L'école a aussi une église, on peut aider parfois", explique Persa Platis, secrétaire de l'établissement.
Mais, pour les autres, sans connaissance, sans famille, sans connexion, venir aux Etats-Unis est un défi. Une loterie parfois. "De mon temps, c'était bien plus facile", reconnaît Elias Tsekerides, président de la Federation of Hellenic Societies of Greater New York, chargée de promouvoir la culture hellène. Installé aux Etats-Unis depuis 1963, ce Gréco-Américain, père de deux enfants "américano-grecs", précise-t-il fièrement, reçoit régulièrement des mails et des coups de fils du pays. "On m'envoie des CV, mais nous ne sommes pas une agence pour l'emploi !", se désole-t-il. Et puis, ces jeunes souvent bardés de diplômes accepteraient-ils de faire les serveurs ou les laveurs de vaisselle comme leurs aînés ?
Malgré tout, l'arrivée de cette deuxième génération de Grecs à Astoria offre un petit réconfort : elle fera peut-être grossir la parade du dimanche 25 mars, en l'honneur de l'indépendance du pays. "Je ne sais pas combien nous serons, mais il y aura du monde sur la Ve Avenue !", pressent M. Stekerides.

Circulation de la haine 


J’ai la haine ! L’expression est courante. Elle tourne en boucle dans les bus, devant les machines à café des entreprises voire en famille. En général, ce n’est rien. Un moment de colère. J’ai la haine, je suis en pétard, souvent pour une broutille…
Mais quand elle devient un état d’esprit, une déformation de la pensée, la haine est un fiel. « Elle se nourrit des plus petites choses », notait déjà Balzac. Corrosive, elle détruit tout, submerge tout, y compris celui qui en est plein. C’est l’arroseur arrosé, sur le mode tragique. Jusqu’en février, Mohamed Merah était un délinquant, puis il a basculé dans le crime parce qu’il ne croyait plus qu’à ses propres délires.
Une de ses déclarations est très explicite, celle qu’il a enregistrée sur vidéo avant de tirer sur le parachutiste Ibn Ziaten. « Tu as tué mes frères, je te tue »… Il n’y a pas plus simpliste. Une symétrie de vendetta qui se donne de grands airs politiques. Y aurait-il eu deux mois de procès avec psychologues, psychiatres et criminologues qu’on ne serait pas plus avancé. C’est la limite de nos grands exorcismes judiciaires, dont on attend plus qu’ils ne peuvent donner.
On en revient à la question centrale : comment identifier, localiser et surveiller les terroristes potentiels ? Dès qu’on examine un dispositif concret, les failles apparaissent. Mohamed Merah avait été repéré en 2010, à son retour d’Afghanistan. Fallait-il dès lors, ipso facto, lui filer le train en permanence ?
Merah, comme Mohamed Atta, pilote du premier avion lancé sur le World Trade Center en 2001, menaient leur vie de façon à se fondre dans la masse. Merah a apparemment conçu seul ses massacres, Atta a monté un réseau sophistiqué à l’insu de la CIA. Et tous deux ont réussi leur coup.
C’est donc très tôt, en amont, qu’il faut intervenir. Avant le décrochage mental. A un moment où les jeunes peuvent se relier à autre chose qu’à la rage qui bascule dans la haine et finit dans le sang. Cela suppose deux approches simultanées, l’une qui facilite l’intégration sociale et psychologique, l’autre qui verrouille les filières d’endoctrinement politique ou religieux.

La fin du deuil 


La campagne électorale a repris tous ses droits ; on y parle d’économie, du rayonnement de la France, de l’espace Schengen, parfois d’éducation, peu des dettes dans la zone euro. Mais le sujet dominant est devenu la sécurité. Sous le choc des meurtres de Toulouse et Montauban, tout le monde avait promis-juré qu’il ne fallait pas exploiter ces événements à des fins partisanes. Mais en langage écologique, la récupération bien comprise sert à la valorisation. En politique aussi. Donc, les premiers meetings après le dénouement toulousain, et les polémiques médiatiques qui les flanquent, montrent que les engagements vertueux à ne pas tirer parti du choc collectif n’engagent que ceux qui y voyaient des promesses.
Tout cela est humain, car le deuil ne peut s’éterniser quand la campagne se rétrécit à mesure que le premier tour approche. Du reste, fidèle à sa tradition de mesure et de raison, la France échappe – heureusement – aux excès polémiques et aux suspicions extrêmes que les crimes terroristes ont fait naître dans d’autres pays. Quand une grande partie d’une barrette de banlieue a explosé, à Moscou, il s’est trouvé de nombreuses voix pour insinuer que l’attentat était d’origine « officielle », dans le but de favoriser l’homme fort du pays, Vladimir Poutine. Et il n’est guère besoin de rappeler que l’attaque terroriste du 11 septembre 2001, qui fit près de trois mille morts aux États-Unis, nourrit des théories du complot dont les auteurs veulent voir dans ce déchaînement de violences une action commanditée par la Maison Blanche pour avoir le prétexte à intervenir en Afghanistan et en Irak. Et pour favoriser, là aussi, la stature d’homme fort du président.
L’épisode de l’incendie du Reichstag, en 1933 à Berlin, dont les nazis ont imputé la culpabilité aux communistes allemands, pour amorcer leur répression, a marqué les esprits mais n’est pas un précédent universel. Ces amalgames aussi sont simplistes et dangereux. Entre les indécences et l’angélisme qui voudrait, lui, réduire les drames de Toulouse-Montauban à une équipée isolée, sans liens ni racines, la vérité a sa place. Celle de périls réels, qui appellent en réponse plutôt l’unité des démocrates qu’un comparatif des affiches de fermeté.

Une nouvelle campagne commence, Mélenchon remonte et Borloo revient 


Robert Broussard s'élève contre Prouteau et les "donneurs de leçons"

L'ancien commissaire Robert Broussard, créateur du RAID en 1985, juge "injustes" les critiques émises au sujet de l'assaut des policiers contre Mohamed Merah. Il dit sa colère dans un texte transmis à L'Express.  L'ancien commissaire, créateur du RAID en 1985, s'élève contre les critiques émises depuis jeudi au sujet de l'intervention du RAID à Toulouse

 L'ex-policier, qui a lui-même eu à gérer plusieurs dizaines d'interventions de ce type ou de prises d'otages entre 1972 et 1986, a été particulièrement choqué, comme beaucoup de policiers, par les déclarations de Christian Prouteau, l'ancien patron du GIGN, l'équivalent du RAID pour la gendarmerie. Interrogé par Ouest-France, Prouteau a notamment déclaré que cette opération avait été "menée sans schéma tactique précis" , s'étonnant notamment de l'absence d'utilisation de gaz lacrymogène. 
Dans un texte transmis vendredi après-midi à L'Express, Robert Broussard exprime ainsi sa réaction: 
"Comme tout le monde j'ai suivi les différentes phases des affaires monstrueuses de Montauban et de Toulouse. Du fait de mon passé policier, j'ai été très sollicité pour intervenir dans les médias. J'ai refusé pour deux raisons essentielles. 
D'une part, je n'ai pas voulu engager une polémique quelconque avec certains pseudo-experts dont l'expérience et la compétence sont souvent limitées. 

D'autre part, je me suis toujours interdit de porter un jugement ou de donner un avis sur le déroulement d'une opération. Il faut être au coeur de celle-ci pour en apprécier vraiment tous les aspects et les risques encourus. Les hommes du RAID et leur hiérarchie n'ont besoin de personne, surtout pas de donneurs de leçons, pour faire leur travail. Ma confiance quant à leur professionnalisme est totale. 
Si je sors de ma réserve aujourd'hui, c'est pour pousser un "coup de gueule" sur deux points: 
- Christian Prouteau, l'ancien chef du GIGN, omniprésent dans les médias ces derniers jours, s'est permis de critiquer la conduite des opérations par le RAID. Parler de "stratégie inadaptée ou absente" est à mes yeux une affirmation inacceptable. Prouteau devrait se montrer plus discret. Comme moi, il a passé depuis bien longtemps l'âge de donner son point de vue sur les techniques d'intervention, et de ranimer d'inutiles guerres "police-gendarmerie". Il devrait plutôt s'inspirer des félicitations adressées au RAID par les responsables actuels du GIGN. 
- Madame Eva Joly a, elle aussi, fait des déclarations pour le moins surprenantes. L'ancienne magistrate affirme que dans l'affaire de Toulouse, le Ministère de l'intérieur, Claude Guéant, s'est substitué au pouvoir judiciaire. Je me permets de lui conseiller de relire le texte de base en la matière. Il s'agit des instructions signées du Premier ministre Jacques Chirac le 27 septembre 1975 (contresignées par les ministres concernés dont le Garde des sceaux) disant en substance: "... que dans les actes portant gravement atteinte à l'ordre public (Ex. affaire de terrorisme...) les actions à entreprendre, étant donné l'urgence et l'état de nécessité, sont distinctes et prioritaires pendant un certain temps de celles qui incombent à l'autorité judiciaire... et qu'elles relèvent de l'autorité administrative". 
A noter que dans cette affaire de Toulouse, l'autorité judiciaire a été semble-t-il pleinement associée dans les conditions prévues dans le texte. 
Pour conclure, je dirais qu'en de telles circonstances, les hommes du RAID doivent être soutenus et non critiqués injustement." 

Sur une estrade auréolée

La victoire a besoin du voile de la modestie pour conserver tout son éclat. C’était la devise implicite hier à Strasbourg quand Nicolas Sarkozy est monté sur l’estrade du hall Rhenus. Surtout ne pas trop en faire. Montrer qu’on a marqué des points importants, peut-être décisifs, mais ne pas plastronner. C’eut été plus que contre-productif : une funeste faute tactique.
Depuis les assassinats de Toulouse, le président avait repris ses habits régaliens, saluant avec la dignité qui convient, en notre nom à tous, les victimes tuées de sang-froid. Hier soir, retour au combat électoral. Délicate transition. Mais le candidat n’était plus seul face à ses rivaux. Il pouvait compter sur l’auréole du président, comme sur les cartes postales de la guerre de 14/18 où l’on voit un ange gardien posté derrière un poilu en uniforme.
Les massacres des derniers jours seront à l’évidence un tournant de cette campagne électorale. En février Nicolas Sarkozy faisait d’intenses efforts pour courir derrière sa volonté de reconquête. Il peinait à faire coïncider son image écornée avec des ambitions valeureuses mais fragiles. « Une France forte », disait-il. Imaginons que l’enquête de Toulouse ait traîné en longueur, que le meurtrier, après avoir tranquillement tué trois soldats, trois enfants et un enseignant, ait été en mesure de récidiver. La France forte aurait été ridicule et le candidat à l’Élysée ridiculisé par un candidat à un martyre poisseux.
Au lieu de cela, le slogan de campagne susceptible de sonner creux semble résonner comme un tambour de guerre. Le candidat retrouve de l’assurance et peut exalter le rôle du président protecteur. La campagne est relancée.
Mais il faut encore tenir quatre semaines, qui, c’est sûr, ne resteront pas vissées à ce registre glorieux. Les soucis des familles pauvres, les angoisses des classes moyennes, les faiblesses économiques de la France vont réapparaître avec autant de force qu’il y a huit jours. La crise ne s’arrête pas comme un forcené qu’on a pu maîtriser. C’est un adversaire qui n’est pas moins redoutable que le terrorisme. Et dont on attend qu’il soit pareillement contenu.