TOUT EST DIT

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ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

mercredi 1 février 2012

Bling


L’argent de l’Etat, c’est le nôtre. Nous n’aimons guère qu’on le dilapide, surtout par temps de crise, quand il se fait rare. Autant dire que les comptes fabuleux de Monsieur Dosière sur le règne somptueux de notre Président nous font mal au porte-monnaie… Indignons-nous ! Mais convenons aussi que notre Président serait en droit de plaider l’injustice. Car il travaille plus sans gagner plus que le Président Chirac. Et l’Elysée fut-il moins fastueux sous le Président Mitterrand, qui en fit profiter ses familles… Tous pourris ? Non, tous Français. Nous haïssons privilèges et combines, mais nous avons inventé le système D. Nous sommes Républicains, mais nous voulons un Président-monarque qui témoigne de notre grandeur. C’est ainsi, et prenons le pari que notre prochain Président, quel qu’il soit, commencera par nous promettre la modestie — avant de trouver son Monsieur Dosière.

Le nucléaire à la croisée des chemins


S'il suffit de créer une commission pour enterrer un problème, la dernière chose à faire en tout cas est de saisir la Cour des comptes ! La juridiction financière en apporte une éclatante démonstration avec son rapport - inédit - sur le coût du nucléaire. Celui-ci met fin, sinon au mythe du nucléaire bon marché, du moins à une sorte d'omerta. Il tord le cou aux fantasmes sur les coûts prétendument « cachés » et lance le débat, soigneusement éludé jusqu'à présent, sur l'avenir de la filière. Les Sages adressent un avertissement aux candidats à la présidentielle en les enjoignant, sans les nommer, de faire toute la lumière, eux qui ont une fâcheuse tendance à repousser les choix dans l'ombre. C'est maintenant que la France doit définir sa politique énergétique, maintenant qu'elle doit décider du sort d'un parc nucléaire vieillissant. Qu'elle construise des réacteurs de nouvelle génération, si tant est qu'elle en ait les moyens, ou prolonge les existants, l'ardoise sera lourde. La facture d'électricité inéluctablement grimpera ; pour maintenir la production, il faudra, a minima, doubler les investissements. Mais ne rien décider, n'est-ce pas déjà choisir ? C'est se condamner, en l'absence d'une politique alternative, qui suppose elle aussi des investissements puissants dont on ne voit pas l'esquisse d'une amorce, à pérenniser une situation budgétivore. Le débat est ouvert. Partisans et détracteurs du nucléaire y puiseront des arguments, les premiers parce que le coût du démantèlement est incertain, les seconds parce que celui de l'enfouissement des déchets est aléatoire… C'est de courage politique qu'on a besoin désormais !

Derniers vœux

Peut-être était-ce un ultime remords... Ce n’est qu’au crépuscule du 31 janvier que le président de la République a enfin trouvé le temps de souhaiter ses vœux à la presse. Une vieille tradition oubliée depuis l’entrée de Nicolas Sarkozy à l’Élysée, à l’exception d’une conférence de presse restée fameuse pour le sérieux qu’elle conféra à la liaison du chef de l’État avec Carla Bruni. Était-ce la conscience que ce rendez-vous enfin honoré avec les journalistes étaient peut- être le dernier de ce genre si, en mai, le suffrage universel décidait de changer le locataire du palais ? L’hôte des lieux affichant la mauvaise mine des nuits trop courtes de Bruxelles avait la pâleur romanesque des adieux.

Étrange séparation, en vérité, que le président a choisi de placer sous le signe de la métaphore d’un couple un peu usé qui s’interroge sur son devenir en regardant ailleurs. L’allusion aux infidélités de la presse tentée de convoler avec le principal rival de M. Sarkozy n’a pas eu la légèreté d’un conte enchanté. Plutôt le réalisme d’un homme délaissé. Elle a surtout révélé l’amertume apparemment désabusée d’un président qui s’estime injustement critiqué par les journaux.

Hésitant entre le sarcasme, travesti en confession, et l’empathie, habillée en compassion, le chef de l’État a laissé percer les lourds tourments intérieurs qui minent ses relations avec les médias. Ainsi, l’ironie sensible a enveloppé des reproches brut de décoffrage, eux, contre des plumes et des voix libres au point de s’affranchir des règles de l’équité, et de se dispenser de celles de l’impartialité. Merveilleuse démocratie...

M. Sarkozy a, gentiment, et parfois drôlement, réglé ses comptes sans choisir vraiment entre les sentiments contradictoires qui l’étreignent. Il a tant aimé la presse qu’il pourrait avoir de l’encre sur les doigts. Mais la passion négative qu’elle lui a renvoyée en retour l’a déçu. Forcément. Rarement un président aura été autant contesté dans les journaux. Une critique de bout en bout avec des critiques souvent justes... mais parfois unilatérales c’est vrai, auxquelles le président a répondu sans vraiment tracer un horizon clair pour les années à venir.

Ce fut un peu mélancolique de se dire que ce numéro alignant les sincérités successives et contradictoires était peut-être le dernier. Si le candidat virtuel, sortant, venait à être éliminé les 22 avril ou 6 mai prochains, il serait peut-être bien vite regretté. Quel acteur, tout de même!

Le bouclier russe de Damas

Près de 6 000 morts depuis le 15 mars 2011. Des armes qui circulent dans tout le pays. Un régime arc-bouté qui massacre son peuple. Des hôpitaux transformés par les services de sécurité en piège fatal pour tous les blessés, même accidentels. C'est un authentique calvaire que vivent les Syriens depuis dix mois. Les appels à la retenue adressés à Damas n'ont jamais été jusqu'ici entendus. Le courage de la population civile n'en est que plus grand.

Avec l'échec, samedi, de la mission (dérisoire par son manque de moyens) de la Ligue Arabe, la crise syrienne vient d'entrer dans une nouvelle dimension, résolument internationale. Sous la pression conjointe de nombreux pays arabes, de la Turquie et des puissances occidentales, les Nations unies sont désormais saisies. Une proposition arabe, inspirée du scénario yéménite, a été avancée. Elle prévoit un transfert du pouvoir de Bachar à son vice-président, la constitution d'un gouvernement d'union nationale et la préparation d'un processus électoral.

Paris, Londres et Washington soutiennent à l'unisson cette proposition, comme l'illustre la présence simultanée à l'Onu de leurs trois ministres des Affaires étrangères. Plus inédite est l'alliance sunnite anti-Bachar qui s'est manifestée ces dernières semaines du Maghreb à la Turquie, en passant par les monarchies du Golfe. Même entre Qataris et Saoudiens, pourtant souvent rivaux, la volonté de faire tomber le régime syrien fait l'union. Au point de faire presque oublier la faiblesse et les divisions habituelles de la Ligue arabe. La concomitance de la crise syrienne et du regain de tension avec l'Iran n'y est sans doute pas étrangère.

Cette union bute, toutefois, sur le bouclier russe qui, au Conseil de sécurité, protège encore Damas. Ces dernières semaines, on a d'ailleurs senti sur le Palais de verre comme un air de guerre froide, tant la défense russe du régime syrien a le pouvoir de rappeler les équilibres du siècle passé. Moscou, comme Pékin, sont traditionnellement hostiles à la remise en cause et des pouvoirs autoritaires en place et des frontières. Ils y voient toujours, en creux, une menace réelle pour leur propre équilibre.

Dans le cas syrien, les intérêts de la Russie sont comme des nerfs à vif. Parce que l'effet domino du printemps arabe n'est pas sans échos dans les rues de Moscou, en proie à une contestation inédite à quelques semaines des prochaines élections. Parce que la mosaïque communautaire de la Syrie est un matériau aussi inflammable que celle du Caucase. Parce que, dans un grand Proche-Orient en pleine recomposition, les points d'appui de l'ancienne puissance soviétique se font rares depuis la guerre d'Irak. Parce que les rivages syriens offrent des ports d'attaches, comme Tartous, où accostent souvent des navires russes, comme celui soupçonné, début janvier, d'avoir livré soixante tonnes d'armes à la Syrie.

Bref, pour une grande puissance stratégique farouchement attachée à son rang, Damas permet à Moscou d'avoir un pied au Proche-Orient. Le soutien à Bachar est moralement intenable, mais la médiation russe est politiquement incontournable. Et les Russes, échaudés par les maigres fruits récoltés après leur abstention sur le dossier libyen, y comptent d'autant plus que sur un point l'analyse fait l'unanimité : la Syrie, par sa composition communautaire, risque la guerre civile. En un mot, de se libaniser.

Chers Allemands, détendez-vous

Condescendante, mais efficace : l’Allemagne a longtemps fasciné autant qu’elle a agacé les Italiens. A présent que le technocrate Mario Monti est à leur tête, ils ont retrouvé de l’assurance et n'ont pas peur de dire qu’Angela Merkel aurait elle aussi quelques leçons à prendre, note Die Zeit. Extraits.

Un lundi après-midi à l'aéroport Leonardo da Vinci de Rome. Dans le hall, la queue pour passer les contrôles de sécurité ne cesse de s'allonger et deux Allemands s'impatientent.

"Il n'y a que l'Italie pour avoir une telle pagaille!", s'exclament-ils. Un Italien se retourne vers les râleurs et les fusille du regard. "Germans never change" [“Les Allemands ne changent jamais”], lâche-t-il en détachant chaque mot. "Vous savez toujours tout mieux que tout le monde, c'est toujours vous qui donnez les ordres".

Les Allemands riaient plus fort que les autres

Confus, les deux Allemands se taisent et l'Italien les ignore. N’allant pas vers la même destination, aucun de trois n'entendra le pilote de la Lufthansa saluer les passagers du vol Rome-Düsseldorf par un : "Notre décollage est prévu dans une demi-heure, mais avec les Italiens, on ne sait jamais".
Cette scène se déroulait il y a quelques mois alors que le gouvernement de Silvio Berlusconi touchait à sa fin. A l'époque, la moitié de l'Europe se moquait de l'Italie et l'Allemagne riait peut-être un peu plus fort que les autres. La troisième puissance économique européenne était avant tout considérée comme le pays du "bunga-bunga" et si son problème de dette était très sérieux, les Italiens, eux, continuaient à ne pas être pris au sérieux.
La chancelière allemande n'a jamais ouvertement critiqué Berlusconi, elle se contentait de l'ignorer, lui et son pays. Les relations bilatérales entre l'Allemagne et l'Italie étaient aussi froides que les sentiments personnels entre la chancelière, fille de pasteur est-allemand, et son peu subtil homologue lombard. Angela Merkel était d'ailleurs particulièrement populaire en Italie.
Pour tous les Italiens qui subissaient Berlusconi, la chancelière incarnait toutes les vertus visiblement absentes chez leurs responsables politiques : sens du bien commun, retenue, intégrité.
Toutefois depuis quelques mois, l'Italie est gouvernée par un homme qui, outre ces qualités, en possède quelques-unes qui manquent à la chancelière. Par exemple, une certaine mondanité qui, ajoutée à sa parfaite connaissance des milieux économiques, lui confère une réelle force de décision. Le qualificatif d'"Italiens Prussiens", associé dans les médias allemands à Mario Monti et Mario Draghi, le nouveau chef de la BCE, a fait sourire plus d'un Italien.
Dès que Mario Monti a pris ses fonctions au palais Chigi [la présidence du Conseil italien], l'image d'Angela Merkel a commencé à se fissurer. De modèle irréprochable, elle est devenue la maestrina [maîtresse d'école] à l'esprit étroit qui colle les récalcitrants au coin de la classe et ne se rend pas compte que ce sont eux justement qui peuvent avoir de bonnes idées.
Une fois Berlusconi parti –  au soulagement de tous – , l'Allemagne est devenue la principale source de problème en Europe pour les Italiens. En Allemagne, "la politique suit les variations des sondages", déclare Giovanni Moro, fils du chrétien-démocrate assassiné Aldo Moro. "Par son dogmatisme rigide, l'Allemagne ne met pas en péril que la monnaie unique, mais toute l'Union européenne", écrit de son côté une journaliste proche de Mario Monti.

Nous pouvons changer, les Allemands, non

A Rome, l'idée se répand inexorablement : nous, au moins, nous pouvons changer, pensent les Italiens, alors que les Allemands non. Lors de sa première apparition devant la presse internationale, Mario Monti a dit toute son admiration pour les pays scandinaves. Les mérites des pays d'Europe du Nord ont trop longtemps été sous-estimés, a-t-il expliqué. L'Europe ne doit pas se cramponner au seul modèle allemand. Il existe d'autres solutions.
Mario Monti a redonné de l'assurance aux Italiens. En quelques mois seulement, le pays a adopté des réformes et un plan d'économie drastiques, réduit les privilèges et pris des mesures contre la fraude fiscale. Les années Berlusconi semblent déjà loin.
Peu avant sa première visite officielle à Berlin, Mario Monti a fait quelque chose que Berlusconi n'avait jamais fait : il a posé des exigences à la chancelière. Il a demandé que la France et l'Allemagne cessent de faire preuve d'"autoritarisme" et leur a rappelé leurs erreurs passées. Il a également mis la chancelière en garde contre de possibles manifestations anti-allemandes à Rome si Berlin ne reconnaissait pas les efforts consentis par les Italiens.
A Rome, les compliments de la chancelière pour les réformes mises en œuvre ont donc été accueillis avec soulagement, mais non sans une pointe de dépit, ces encouragements n'étant pas dépourvus d'une certaine condescendance. "La priorité à la stabilité pour laquelle plaide l'Allemagne est très importante”, déclarait Monti dans le Financial Times. “Plus les pays endettés montrent qu’ils ont compris de manière concrète les impératifs de la discipline, plus les Allemands devraient se détendre".
Les Allemands vont devoir s'habituer à recevoir des leçons de leurs partenaires italiens. Cela a longtemps été l'inverse. Le nationalisme allemand s'est toujours défini en se distinguant des Italiens. Le mode de vie italien en revanche inspire largement les Allemands. Les pâtes, le vinaigre balsamique et l'huile d'olive sont aussi populaires au nord qu'au sud des Alpes et il se vend davantage de machines à espresso en Allemagne qu'en Italie. Les Allemands semblent parfois plus italiens que les Italiens.
Et si les Italiens devenaient de meilleurs Allemands que les Allemands ? L'Europe ne peut qu'en sortir gagnante.


Les clichés ont la vie dure
Polemique

Les clichés ont la vie dure

Le Financial Times dresse l’éloge de cette “Italie qui est revenue sur la scène”, avec son président du conseil Mario Monti qui “dit ses vérités à Angela Merkel” et dont le sort “pourrait être celui de l’Europe”, car “c’est en Italie que se décide l’avenir sur le long terme de l’euro”. Alors que, pour le quotidien de la City le comportement de l’ancien commissaire européen “démolit tous les stéréotypes sur l’ineptie des Européens du Sud”, une polémique au sujet du naufrage du Costa Concordia et de son commandant Francesco Schettino a déclenché une guerre des mots.
C’est un éditorial du chroniqueur-vedette du Spiegel, Jan Fleischhauer, intitulé “Délit de fuite à l’italienne” qui a mis le feu aux poudres : “Trouvez-vous surprenant que le commandant était un Italien ?” demandait-il, tout en ressassant les clichés sur les Italiens et leur obsession pour la “bella figura” (la bonne impression) et en ajoutant que “la crise de l’euro nous montre ce qui peut se produire lorsque l’on ignore la psychologie des peuples pour des raisons politiques.”
“Nous avons Schettino, vous avez Auschwitz” a aussitôt répondu le directeur du quotidien de droite Il Giornale, Antonio Sallusti : "Le Spiegel écrit que nous ne sommes pas une race, eux en sont une, comme ils nous l'ont montré avec Hitler. […] Si avec Schettino, nous avonsa une trentaine de morts sur la conscience, ceux de la race de Jan Fleischhauer, eux, en ont 6 millions".
La Zeit met dos à dos les deux chroniqueurs, qui sont en vérité unis dans leur critique envers l’euro : “Fleischhauer et Sallusti jouent dans la même équipe. [Pour eux] l’UE en tant que communauté de cultures et d’intérêts a échoué”.

Les Don Quichotte de Bruxelles

Les mesures adoptées lors du sommet du 30 janvier — le traité de stabilité et le plan de croissance économique — servent au mieux à réparer les erreurs commises depuis un an et demi. Au pire, elles relèvent de l’imposture, estime l'éditorialiste Xavier Vidal-Folch. 
"Pendant les sommets, les dirigeants européens passent une grande partie de leur temps à réparer les bévues qu’ils ont commises lors du sommet précédent", murmure un acteur de la haute politique de l’UE.

Le 30 janvier, étant donné l’inanité des circulaires et des discussions récidivantes sur la Grèce, le Portugal et l’importance du fonds de sauvetage, on a vu une fois de plus combien il était difficile de réparer les bévues.
Cette inanité est devenue palpable depuis que Merkel et Sarkozy ont réveillé le spectre de la faillite d’un membre (lors du sommet de Deauville, le 19 octobre 2010), faillite que la remise de la dette (diminution de la valeur des obligations) consentie par ses créanciers privés avait jusqu’alors conjurée.
Le conclave a apporté une fois de plus la preuve de son obstination : il a donné le feu vert à un traité de stabilité boiteux et adopté un plan de croissance économique qui n’a rien d’un plan. C’est plutôt une imposture, ou du moins cela y ressemble.
Admettons que le traité était nécessaire pour assurer la discipline des pays de la zone euro et pour concevoir des mécanismes propres à relancer la croissance.
Ce qui est beaucoup dire : le Parlement européen "exprime ses doutes quant à la nécessité" de l’accord (résolution du 18 janvier) et ce brave Wolfgang Munchau (Financial Times du 30 janvier) d’en remettre une couche : cet accord "est inutile", écrit-il. En effet, ces dispositions auraient pu être adoptées par la voie législative normale et l’accord "encouragera" les politiques trop restrictives, favorisant la récession.

Une version encore plus alambiquée

Admettons qu’ils aient tort et qu’un texte décoré du titre pompeux de "traité relatif à la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’Union économique et monétaire" soit la solution. Le titre lui-même donne une impression de "stabilité" et de discipline budgétaire, ça suffit bien.
N’oublions pas que seul l’article 9 (sur 16, pour l’instant) prescrit "la promotion de la croissance économique". Il préconise également que les signataires "adoptent les procédures et les mesures nécessaires" à cette fin, sans pour autant proposer quoi que ce soit.
Les dispositions n’ont aucun caractère obligatoire. Aucune sanction n’est prévue pour les contrevenants, qui ne risquent à aucun moment de devoir faire face au tribunal de l’Union européenne s’ils ne se conforment pas au texte. En revanche, il est décrit très précisément tout ce à quoi s’exposent ceux qui ne respecteraient pas les objectifs de réduction du déficit. C’est là qu’est l’os : on nous vend un traité censé stimuler les deux pôles de la politique économique, mais qui n’en développe qu’un.
Et ce n’est pas tout. La cinquième version du texte, issue du dernier sommet, est encore plus alambiquée que la précédente. Les nouvelles retouches sont cruciales, non pas par leur contenu, mais parce que leur byzantinisme montre à quel point les instigateurs et les rédacteurs du texte sont dérangés : ils se battent tels des Don Quichotte déchaînés contre des moulins à vent imaginaires (c’est-à-dire les méthodes les plus invraisemblables pour creuser les déficits tout en échappant aux sanctions).

De la poudre de perlimpinpin

Pour les braves gens encore épargnés par le virus, soulignons que ces modifications ont, entre autres obsessions, celle d’habiliter n’importe quel gouvernement à poursuivre un partenaire défaillant si la Commission ne le fait pas. Peut-être le texte est-il bien nécessaire, cher Wolfgang, mais il sera inutile.
En effet, toutes les initiatives prises à travers l’histoire de l’Europe pour marginaliser ou réduire le pouvoir des institutions européennes (de l’agenda de Lisbonne, en 2000, à la rébellion de Paris et de Berlin pour échapper aux sanctions décidées par Bruxelles pour leur non-respect du pacte de stabilité, en 2003) ont débouché en un lieu dont personne ne souhaite se souvenir : l’impasse.
Autre poudre de perlimpinpin, la “déclaration” pour la relance de la croissance économique. La question turlupine le couple franco-allemand (Paris et Berlin étant les derniers à avoir compris que si le PIB baisse, il n’y a même plus de quoi rembourser les dettes) depuis la rencontre bilatérale du 9 janvier, qui les a vus pour la première fois envisager d’associer, en cure, le cilice aux vitamines.
Le tandem Berlin-Paris, la Commission et le Conseil ont eu recours à deux méthodes à l’inefficacité notoire. La première consiste à faire les fonds de tiroirs (comme pour l’agenda de Lisbonne) pour y dénicher nobles intentions et projets abandonnés – emploi des jeunes, financements des PME… Dans la seconde méthode, il s’agit de passer le balai dans le budget communautaire pour réorganiser les postes de dépenses.
Les fonds restants, ceux qui n’ont été ni dépensés ni rendus aux gouvernements, sont dérisoires – environ 30 millions d’euros. Quant à repenser la distribution des 82 milliards d’euros des fonds structurels et de cohésion encore non affectés pour les deux dernières années (2012 et 2013) du plan septennal que sont les Perspectives financières, c’est peut-être pour l’heure précipité et, à n’en pas douter, illusoire.
Car ces fonds sont d’ores et déjà destinés à des projets de soutien de la croissance, tels que routes, écoles ou stations d’épuration. Depuis la stratégie européenne pour l’emploi (processus de Luxembourg, 1997), pas un seul centime ne doit aller à des projets qui ne créent pas d’emplois. Il n’y a donc pas un seul euro supplémentaire. Seulement quelques tours de passe-passe.


Bienvenue en Chômagie, le nouveau pays membre de l’UE !

"Vingt-cinq millions de chômeurs, une population équivalente à celle d'un grand pays de l'UE. Bienvenue au sixième plus grand pays de l'UE, la Chômagie !", s’exclame România liberă, au lendemain du Conseil européen de Bruxelles. "Peuplé en majorité de jeunes entre 18 et 24 ans, 'ce pays' est une preuve vivante que les choses empirent, étant donné que l'économie européenne glisse toujours plus vers la récession". Dans ce contexte, le quotidien bucarestois constate avec regret que le dernier Conseil "a été le seizième en deux ans, et même si les Vingt-Sept ont enfin discuté de la reprise de la croissance et de la relance de l'emploi, il y a de fortes chances qu'il ait été encore un sommet pour rien. Les obstacles et la division sont partout".