TOUT EST DIT

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lundi 31 octobre 2011

"L'argent est-il devenu obsolète ?"

Médias et instances officielles nous y préparent : dans les prochains mois, voire semaines, une nouvelle crise financière mondiale va se déclencher, et elle sera pire qu'en 2008. On parle ouvertement des catastrophes et désastres. Mais qu'est-ce qui va arriver après ? Quelles seront nos vies après un écroulement des banques et des finances publiques à vaste échelle ? Actuellement, toutes les finances européennes et nord-américaines risquent de sombrer ensemble, sans sauveur possible.

Mais à quel moment le krach boursier ne sera-t-il plus une nouvelle apprise dans les médias, mais un événement dont on s'apercevra en sortant dans la rue ? Réponse : quand l'argent perdra sa fonction habituelle. Soit en se faisant rare (déflation), soit en circulant en quantités énormes, mais dévalorisées (inflation). Dans les deux cas, la circulation des marchandises et des services ralentira jusqu'à pouvoir s'arrêter complètement : leurs possesseurs ne trouveront pas qui pourra les payer en argent "valable" qui leur permet à leur tour d'acheter d'autres marchandises et services. Ils vont donc les garder pour eux. On aura des magasins pleins, mais sans clients, des usines en état de fonctionner parfaitement, mais sans personne qui y travaille, des écoles où les professeurs ne se rendent plus, parce qu'ils seront restés depuis des mois sans salaire. On se rendra alors compte d'une vérité qui est tellement évidente qu'on ne la voyait plus : il n'existe aucune crise dans la production elle-même. La productivité en tous les secteurs augmente continuellement. Les surfaces cultivables pourraient nourrir toute la population du globe, et les ateliers et usines produisent même beaucoup plus que ce qui est nécessaire, souhaitable et soutenable. Les misères du monde ne sont pas dues, comme au Moyen Age, à des catastrophes naturelles, mais à une espèce d'ensorcellement qui sépare les hommes de leurs produits.
Ce qui ne fonctionne plus, c'est l'"interface" qui se pose entre les hommes et ce qu'ils produisent : l'argent. La crise nous confronte avec le paradoxe fondateur de la société capitaliste : la production des biens et services n'y est pas un but, mais seulement un moyen. Le seul but est la multiplication de l'argent, c'est d'investir un euro pour en tirer deux.
Cependant, les contempteurs du capitalisme financier nous assurent que la finance, le crédit et les Bourses ne sont que des excroissances sur un corps économique sain. Une fois la bulle crevée, il y aura des turbulences et des faillites, mais finalement ce ne sera qu'une tempête salutaire et on recommencera ensuite avec une économie réelle plus solide. Vraiment ? Aujourd'hui, nous obtenons presque tout contre payement. Si le supermarché, la compagnie d'électricité, la pompe à essence et l'hôpital n'acceptent alors que de l'argent comptant, et s'il n'y en a plus beaucoup, nous arrivons vite à la détresse. Si nous sommes assez nombreux, nous pouvons encore prendre d'assaut le supermarché, ou nous brancher directement sur le réseau électrique. Mais quand le supermarché ne sera plus approvisionné, et la centrale électrique s'arrêtera faute de pouvoir payer ses travailleurs et ses fournisseurs, que faire ? On pourrait organiser des trocs, des formes de solidarité nouvelles, des échanges directs : ce sera même une belle occasion pour renouveler le lien social. Mais qui peut croire qu'on y parviendra en très peu de temps et à une large échelle, au milieu du chaos et des pillages ? On ira à la campagne, disent certains, pour s'approprier directement des ressources premières. Dommage que la Communauté européenne ait payé pendant des décennies les paysans pour couper leurs arbres, arracher leurs vignes et abattre leur bétail... Après l'écroulement des pays de l'Est, des millions de personnes ont survécu grâce à des parents qui vivent à la campagne et aux petits potagers. Qui pourra en dire autant en France ou en Allemagne ?
Il n'est pas sûr qu'on arrivera à ces extrêmes. Mais même un écroulement partiel du système financier nous confrontera avec les conséquences du fait que nous nous sommes consignés, mains et poings liés, à l'argent, en lui confiant la tâche exclusive d'assurer le fonctionnement de la société. L'argent a existé depuis l'aube de l'histoire, nous assure-t-on : mais dans les sociétés précapitalistes, il ne jouait qu'un rôle marginal. Ce n'est que dans les dernières décennies que nous sommes arrivés au point que presque chaque manifestation de la vie passe par l'argent et que l'argent se soit infiltré dans les moindres recoins de l'existence individuelle et collective.
Mais l'argent n'est réel que lorsqu'il est le représentant d'un travail vraiment exécuté et de la valeur que ce travail a créée. Le reste de l'argent n'est qu'une fiction qui se base sur la seule confiance mutuelle des acteurs, confiance qui peut s'évaporer. Nous assistons à un phénomène pas prévu par la science économique : non à la crise d'une monnaie, et de l'économie qu'elle représente, à l'avantage d'une autre, plus forte. L'euro, le dollar et le yen sont tous en crise, et les rares pays encore notés AAA par les agences de notation ne pourront pas, à eux seuls, sauver l'économie mondiale. Aucune des recettes économiques proposées ne marche, nulle part. Le marché fonctionne aussi peu que l'Etat, l'austérité aussi peu que la relance, le keynésianisme aussi peu que le monétarisme.
Nous assistons donc à une dévalorisation de l'argent en tant que tel, à la perte de son rôle, à son obsolescence. Mais non par une décision consciente d'une humanité finalement lasse de ce que déjà Sophocle appelait "la plus funeste des inventions des hommes", mais en tant que processus non maîtrisé, chaotique et extrêmement dangereux. C'est comme si l'on enlevait la chaise roulante à quelqu'un après lui avoir ôté longtemps l'usage naturel de ses jambes. L'argent est notre fétiche : un dieu que nous avons créé nous-mêmes, mais duquel nous croyons dépendre et auquel nous sommes prêts à tout sacrifier pour apaiser ses colères...
Personne ne peut dire honnêtement qu'il sait comment organiser la vie des dizaines de millions de personnes quand l'argent aura perdu sa fonction. Il serait bien d'admettre au moins le problème. Il faut peut-être se préparer à l'après-argent comme à l'après-pétrole.

Grèce : selon Vénizélos, il reste un"dur travail" pour sortir de la crise

Le ministre des finances grec, Evangelos Venizélos, a souligné lundi 31 octobre qu'il restait "un dur travail et une négociation difficile et délicate" à mener pour mettre en œuvre l'accord crucial de désendettement de la Grèce adopté par la zone euro le 26 octobre.

"Les décisions [du 26 octobre] sont pour le moment sur le papier, elles doivent être détaillées et appliquées. Cela exige un dur travail, une négociation difficile et délicate, tant à l'intérieur de la zone euro […] qu'avec le secteur privé", relève le ministre, dans un article-fleuve publié par le quotidien pro-gouvernemental Ta Nea.

"La stratégie globale" mise au point par la zone euro "doit être soutenue par une série de mesures et une forte persévérance politique pour ne pas connaître le même sort que d'autres décisions qui se sont révélées tardives et insuffisantes", insiste-t-il. "Je veux croire que cette fois, l'Europe en a conscience, et a la volonté nécessaire", ajoute-t-il.

Face à la montée de la grogne sociale dans le pays et au refus persistant de tout consensus de la part de l'opposition, notamment de droite, le ministre appelle surtout tous les Grecs et toutes les formations politiques à soutenir l'effort de rigueur que le pays s'est engagé à poursuivre en échange de l'accord européen. La mise en œuvre du plan de Bruxelles "n'est pas possible sans un front intérieur solide, sans que les Grecs soutiennent l'effort du pays", insiste-t-il.

LA RUSSIE PRÊTE À DÉBOURSER 10 MILLIARDS DE DOLLARS

Lors d'un sommet marathon la semaine dernière à Bruxelles, les dirigeants européens se sont mis d'accord sur une série de mesures qui, espèrent-ils, mettront un terme à la plus grave crise de l'histoire de la monnaie unique européenne.

Les dirigeants ont obtenu des banques qu'elles acceptent une importante décote sur les titres de dette grecque, une recapitalisation de leurs établissements et la démultiplication de la force de frappe du Fonds européen de stabilité financière à 1 000 milliards d'euros pour empêcher la crise de s'étendre.

Selon le conseiller économique du Kremlin, Arkadi Dvorkovitch, la Russie pourrait soutenir les pays de la zone euro pour un montant allant "jusqu'à 10 milliards de dollars" via le Fonds monétaire international.

Moscou a indiqué qu'aucun partenaire européen ne lui avait fait de demande pour une aide financière bilatérale. "Si nos partenaires européens s'adressent à nous, et nous ne l'excluons pas, nous examinerons le sérieux de leur requête", a-t-il souligné.

Playboy et les nazis


Le mandat de Trichet à la tête de la BCE s'achève

Le mandat de huit ans de Jean-Claude Trichet à la tête de la Banque centrale européenne (BCE) s'achève lundi, en pleine crise d'une zone euro qu'il a appelée sans relâche à se renforcer politiquement. Il s'en va en laissant en héritage à son successeur l'Italien Mario Draghi une crise dont l'issue reste très incertaine.

"Nous sommes l'épicentre de la crise la plus grave depuis la Seconde Guerre mondiale", a déclaré ce fervent défenseur de la construction européenne lors de sa dernière audition devant le Parlement européen, en octobre. Des propos qui ont sonné comme une ultime tentative de pousser à l'action les responsables politiques, qui auraient tardé à mesurer la gravité de la situation et à se donner les moyens d'en sortir.

Depuis, un sommet a permis d'arracher des avancées : le Fonds européen de stabilité financière sera renforcé, comme la discipline budgétaire. Des sommets de la zone euro seront aussi programmés pour en améliorer la gouvernance, une demande répétée de la BCE, dont la mission de faire vivre une monnaie commune à 17 Etats souverains disparates s'avère ardue. Mais si un changement de traité est désormais évoqué, il ne s'agit pas encore de créer le ministère des finances européen évoqué régulièrement par M. Trichet.

Au cours des quatre dernières années, l'ancien directeur du Trésor français et président de la Banque de France, qui aura 69 ans en décembre, n'a épargné ni sa peine ni sa réputation pour porter secours aux banques de la région et tenter d'empêcher que l'économie ne soit affectée.

Des parties pas si fines que cela…

C'est une histoire qui gonfle et qui pourrait se durcir. L'épisode des « parties fines » (pas si fines que cela, au vu des conséquences…) en lien avec le Carlton de Lille est en train de glisser doucement du registre rocambolesque et graveleux à la possible affaire politico-financière ; et d'une information judiciaire pour proxénétisme à des accusations d'abus de biens sociaux plus élargies. La défense « offensive », ce week-end, du défenseur du cadre d'Eiffage maintenu en prison, Me Dupond- Moretti, en a donné un premier aperçu, lorsqu'il a lâché que son client avait raconté aux juges les pratiques de l'entreprise de BTP d'offrir, en prolongement au congrès des maires de France, une fin de soirée dans des bars à hôtesses aux élus désœuvrés… Cette nouvelle saga en puissance ne manque pas non plus de personnages hauts en couleur, à l'image de « Dodo la Saumure », proxénète au surnom impayable. Et bien sûr Dominique Strauss-Kahn, abonné au registre des scandales à caractère sexuel depuis cet été. Que le nom de l'ancien directeur du FMI et ex-favori de gauche à la présidence de la République réapparaisse ainsi pourrait n'être qu'anecdotique. Mais alors qu'une dizaine de personnes sont déjà mises en examen - dont le chef de la sûreté départementale du Nord et un avocat de renom -, cette présence en renforce, quoi qu'il en soit, le côté délétère. Et cela apparaît d'une étrange banalité dans le climat de ces dernières semaines. Une affaire chasse l'autre, des récentes, « fadettes » du Monde au rétro-commissions de Karachi. Rien à voir entre elles, bien sûr, sinon cette impression, plus grave, de passer de « la saumure » au saumâtre.

Combien ça coûte…

Quand ils préparaient leurs programmes électoraux, les partis politiques imaginaient des sociétés nouvelles et débattaient d’idées. Cette année, ils sortent leurs calculettes et se les jettent à la figure. Gauche et droite ont converti tout et tout le monde en coûts, en chiffrages, en ratios, en taux indéchiffrables et invérifiables pour le commun des citoyens. Salariés du bâtiment et de la restauration, vous croyez monter des murs ou des blancs en neige ? Eh bien non, Vous représentez 1,5 point d’ajustement de TVA et 7 milliards de taxes fiscales. Enseignants, vous coûtez 2,5 milliards selon la gauche, 7,5 milliards selon la droite. À ce rythme, comme le héros de la série « Le prisonnier », on va finir par répéter tous les jours « je ne suis pas un numéro » pour éviter la déprime du chiffre.


C’est certain, la France, comme la plupart des pays occidentaux, a trop longtemps vécu à crédit, trop souvent privilégié l’immédiat électoral et social à l’avenir des générations futures pour s’exonérer d’une gestion comptable et compatible avec une croissance atone et des caisses vides. On peut aussi chiffrer autrement qu’en économies pour l’État un maçon non embauché pour cause de TVA trop élevée et un poste de profs supprimé : cela fait deux consommateurs, deux cotisants en moins et deux chômeurs supplémentaires à indemniser avec de l’argent public. Certaines dépenses sont aussi des investissements pour l’avenir. Une élection présidentielle mérite mieux qu’un débat limité à une question : combien ça coûte ?

Halloween party

Pour la nuit d’Halloween, ce soir, il n’y aura pas besoin de sortir les masques grimaçants, les costumes de sorcières et les faux squelettes phosphorescents. Tout ce Saint-Frusquin de l’horreur est déjà sur la scène de la vie politique depuis une bonne semaine, il entend bien le rester pour la suivante, et s’installer dans l’au-delà énigmatique de ce mois de novembre bien périlleux.

C’est peut-être une façon de repousser les démons de l’inconnu. Le réel est si inquiétant que les acteurs de notre démocratie, comme des enfants faussement fanfarons, jouent à se faire peur et se prennent à nous emmener dans la ronde de leurs terreurs. Si on les comprend bien, le monde vient d’échapper à une catastrophe prête à le ruiner. Il s’en est fallu d’un souffle, celui de la nuit magique de Bruxelles, qui aurait dissipé la menace. Abracadabra :«l’euro est sauvé». Comme dans Harry Potter, la formule a «marché» au tout dernier moment. En attendant le nouveau péril de la séquence suivante… Car Voldemort, l’esprit destructeur qui agite «les marchés» - cette hydre sans corps - renaît sans cesse de ses cendres pour revenir à la charge.

Ce film à rebondissements devient anxiogène au-delà du niveau d’intensité incontestable de notre époque agitée. Un président diabolisé pour sa propension supposée à demander l’aumône à la Chine. Un prétendant démonétisé par ses 60 000 emplois promis pour l’Education nationale. Le débat ne sort pas d’une espèce de dramatisation obligatoire dans laquelle les uns et les autres semblent se complaire. Perdu pour perdu, chacun s’épanouit dans un obscurantisme de circonstance. Et de pacotille.

Le noir n’est pas si noir, pourtant. Peu à peu l’idée européenne fait son chemin presque clandestinement, hélas. Si le président s’est montré excellent pédagogue, mercredi soir, il n’est pas allé jusqu’au bout de sa démonstration, sans doute pour ne pas effrayer les braves gens. Mais bien sûr qu’il faudra payer pour les Grecs! Comment pourrait-il en être autrement? Le fédéralisme de notre continent est une idée positive, à l’échelle des défis de civilisation qui nous sont posés. Encore faut-il que nos parlements nationaux se l’approprient. Encore faut-il que le Parlement européen, totalement marginalisé sur ce dossier, en soit une des dynamos. Il est temps d’affronter ce qu’on appelle «la crise» comme les convulsions douloureuses qui accompagnent la naissance d’un monde nouveau. Vieille de 2000 ans, Halloween est une fête où l’on accueillait l’arrivée des ténèbres avec des feux qui permettaient de croire au retour du soleil. Nous y sommes.

La Chine, un bon risque pour l'Europe ?

Nicolas Sarkozy a tort de laisser croire que l'entrée de la finance chinoise en Europe ne pose pas de problèmes, mais celle-ci peut tout de même être un risque utile à l'Europe.

Disons-le franchement : la question des droits de l'homme en Chine n'est pas le seul argument qui milite contre l'arrivée massive de l'argent chinois en Europe. Le problème est que Pékin entend se servir de ce moyen de pression pour faire progresser deux objectifs dangereux pour la cause européenne.

Le premier est commercial : à l'heure même où les administrations de l'Union européenne commençaient à prendre conscience du déficit immense de l'Europe et à s'engager pour la hausse du taux anormalement bas de la monnaie chinoise, il s'agit pour Pékin de se faire garantir un accès privilégié au marché européen et de distraire l'UE sur la question du yuan. Le second objectif est purement politique : contribuer de toutes les façons possibles à empêcher que se constitue une véritable politique étrangère européenne qui gênerait le tête à tête suprême entre la Chine et les États-Unis ; et, pour cela, affaiblir autant que possible les compétences diplomatiques de l'Europe et négocier en bilatéral avec les différents membres de l'Union.

Un besoin absolu du marché européen

Ce projet impérial n'a rien d'extraordinaire et l'on ne peut s'étonner que le régime chinois poursuive ses propres objectifs, fût-ce en manipulant l'argent gagné grâce à l'exploitation de sa propre main-d'oeuvre. Il ne sert donc à rien de pousser des cris, il vaut mieux tirer le meilleur ou le moins mauvais de la situation. Or ce n'est pas impossible car son premier objectif révèle en fait le point faible de la partie chinoise. À une époque où le marché américain se réduit, la Chine a un besoin absolu du marché européen auquel elle destine 20 % de ses exportations, un besoin beaucoup plus impérieux que notre besoin du marché chinois : raison de plus pour négocier durement avec elle. Le défi compris dans la deuxième partie du projet peut s'avérer, lui, franchement utile. Il met en effet les instances de direction européennes dans l'obligation de construire en urgence une politique chinoise - au détriment, si nécessaire, du petit jeu égoïste que l'Allemagne et la France, entre autres, ont jusqu'à présent joué en direction de Pékin.

C'est donc justement parce que l'heure est grave et que la Chine ne nous veut aucun bien particulier que l'occasion est bonne, parce que nécessaire, en acceptant l'argent chinois, de construire une vraie politique chinoise. Mais attention, il n'y aura peut-être pas, cette fois, de session de rattrapage...

L’assassinat de Kadhafi: un nouveau crime des démocraties

L’histoire se répète. Il ne suffit pas aux Américains et à leurs alliés d’envahir et de ruiner un pays moderne, de trouver n’importe quel prétexte pour l’agresser, le bombarder et renverser l’autorité légitime, il faut encore humilier aux yeux de tous l’ancien chef de l’Etat, non seulement l’assassiner dans des conditions sordides mais encore exhiber son cadavre, le faire piétiner par des adversaires politiques fanatisés et dépourvus de la moindre décence. On se souvient encore de la capture très médiatisée de Saddam Hussein, retrouvé en Irak en décembre 2003, dans sa région natale, au fond d’un trou où, malgré le poids des ans, il avait choisi de poursuivre sa résistance, fût-elle symbolique et désespérée, à l’occupant. De manière volontairement humiliante ses geôliers, munis d’une lampe torche, avaient longuement examiné sa dentition devant la caméra, comme s’il s’agissait d’une bête traquée. Avant de le condamner à la pendaison trois ans plus tard à la suite d’un simulacre de procès qui rappelait celui de Nuremberg. Non décidément leur justice n’est pas la nôtre. Les méthodes de cet axe américano-sioniste qui se proclame l’Axe du Bien sont tout à fait détestables et constituent une régression morale considérable. En effet, grâce à des siècles de civilisation chrétienne, on avait appris à respecter le vaincu, et même à lui rendre les honneurs militaires lorsqu’il s’était vaillamment battu. C’est ce que firent les Allemands lors de la bataille de France en mai et juin 1940 pour certains soldats et officiers français qui avaient résisté à l’envahisseur de manière particulièrement héroïque. Une attitude autrement plus digne que celle des “libératueurs” qui, en Italie, accrochèrent Benito Mussolini à un croc de boucher et pendirent les condamnés de Nuremberg dans ce qui n’était qu’une parodie de justice, une vengeance talmudique des vainqueurs à l’égard des vaincus.

On peut penser ce que l’on veut de Saddam Hussein et du colonel Kadhafi mais on ne peut nier qu’ils sont morts debout, sans rien céder à l’adversaire, sans chercher à fuir leur pays et à se réfugier à l’étranger dans un palace doré. Lequel de nos politiciens occidentaux, si volontiers donneurs de leçons, agirait pareillement que ces deux ex-chefs d’Etat s’il se trouvait dans une situation analogue? Aucun, ils sont bien trop lâches. Ils n’aiment ni leur terre, ni leur peuple, ni leur patrie. Ils n’ont aucun honneur, aucune bravoure, aucune colonne vertébrale.

Certes les chefs d’Etat irakien et libyen étaient des dictateurs. Mais une dictature ne vaut-elle pas mieux que les démocraties incapables et bavardes lorsqu’elle assure l’ordre, l’équilibre et la prospérité, surtout dans des régions du monde où s’affrontent diverses ethnies et tribus et où les forces centrifuges sont très menaçantes? Ce que l’on n’a pas pardonné à Kadhafi, non plus qu’à Saddam Hussein hier, c’est d’avoir réussi en quelques décennies à transformer leur pays en un Etat moderne, riche, indépendant, fier. L’on n’a pas supporté que le colonel soit parvenu à mettre en place un financement indépendant et original de l’Afrique. Grâce aux revenus pétroliers, il avait créé une Banque centrale africaine, une Banque pour le développement, autant de réussites qui déplaisaient souverainement aux banquiers new-yorkais.
De plus, en éliminant les dirigeants qui, malgré leurs défauts, assuraient l’unité de leur pays et empêchaient le chaos (lequel n’est hélas que trop réel en Irak depuis l’invasion de mars 2003 et va évidemment s’étendre aujourd’hui à la Libye), on fait évidemment le jeu de l’entité sioniste qui est ainsi débarrassée de chefs d’Etat tout à fait favorables, en paroles et en actes, à la cause palestinienne. Israël peut se réjouir de la destruction systématique des puissances qui l’entourent. Les expéditions américaines en Afghanistan, en Irak et en Libye couplées aux dites «révolutions arabes» en Egypte, en Tunisie voire en Syrie sont en effet une aubaine pour l’Etat hébreu car elles plongent durablement dans le chaos des pays qu’il voyait comme une menace. Car, pour les voisins d’Israël, le simple fait d’exister, de souhaiter disposer d’une armée, d’une diplomatie, de frontières garanties, d’un gouvernement fort et homogène n’est pas possible: l’entité sioniste ne le souffre pas. Il n’est que de voir la façon dont les Palestiniens sont traités depuis plus de soixante ans pour savoir à qui l’on a affaire.

Enfin, l’élimination du numéro un libyen, comme hier celle du raïs irakien, fait objectivement le jeu des islamistes les plus radicaux. Preuve que l’Amérique, comme elle l’avait déjà fait au Kossovo en installant au cœur de l’Europe un Etat islamiste et mafieux, n’agit que pour diviser et pour détruire et qu’elle est paradoxalement, dans une stratégie diabolique, le premier vecteur de l’islamisation. Tout en étant inféodée à Israël. Jusqu’à l’abîme.

Entre-deux

Hormis la création d'eurobonds, tout ce qu'on attendait, on l'a eu". A entendre ce banquier cité par Le Monde, l'accord trouvé dans la nuit du 26 au 27 octobre sur la décote de la dette grecque, la recapitalisation des banques et le renforcement du Fonds européen de stabilité financière est propre à amorcer un règlement de la crise de la zone euro.

Mais l'expérience des précédents accords arrachés après de difficiles négociations incite à la prudence. Les voies des marchés sont parfois impénétrables, et le risque demeure que l'on ait encore assisté à un sommet pour rien. Nous ne nous risquerons donc pas à un pronostic.

En revanche, puisque les dirigeants européens avaient averti que le sort de l'UE était en jeu, un coup d'œil au paysage européen après ce double sommet permet de voir que la crise politique qui se cache derrière la crise financière ne fait peut-être que commencer. Beaucoup d'observateurs l'ont noté, la zone euro se dirige vers une intégration plus poussée, et cela va engendrer beaucoup d'incertitudes.

La dramatisation des discussions entre Angela Merkel et Nicolas Sarkozy illustre le fait que l'axe Paris-Berlin est de nouveau le seul moteur de l'Europe. Mais nous ne sommes plus dans l'Europe à 6 ou à 12, et sa capacité d'entrainement ne peut plus être aussi forte qu'avant les élargissements successifs et la création d'organes dotés de pouvoirs forts comme la Banque centrale européenne.

La passe d'arme entre Nicolas Sarkozy et David Cameron et le débat à la Chambre des Communes à propos d'un référendum sur l'appartenance du Royaume-Uni à l'UE démontrent que Londres cherche sa place dans cette architecture en gestation et que "Merkozy" ne fera pas de cadeau à des Britanniques qui ont longtemps influencé l'évolution libérale de la Commission européenne sans assumer jusqu'au bout toutes les responsabilités politiques.

Mais le Royaume-Uni n'est pas le seul à chercher sa place. Les neuf autres pays non membres de la zone euro, comme la Pologne ou la Suède, commencent déjà à contester la mise en place de cette Europe à deux vitesses. Certes, l'espace Schengen ou l'Europe de la défense sont déjà à géométrie variable. Mais elles ne supposent pas une gouvernance aussi poussée que celle induite par l'introduction du contrôle des budgets nationaux ou la création d'un poste de ministre européen des Finances.

Et nous touchons là au cœur de l'instabilité à venir. Car le gouvernement économique que Berlin et Paris, soutenus par les Pays-Bas et la Finlande, poussent à mettre en place touche la souveraineté des Etats et pose la question du contrôle démocratique. C'est ce que le sociologue Jürgen Habermas exprime dans un essai à venir dont Presseurop vient de publier des extraits.

De ce point de vue, l'UE se trouve dans un entre-deux périlleux. Car ses dirigeants doivent allier efficacité politique et pratique démocratique. Or, le processus imparfait de ratification de l'accord du 21 juillet l'a montré, le temps parlementaire national est trop lent par rapport au temps des marchés.

De plus, comme l'a noté Timothy Garton Ash cette semaine en observant les débats aux parlements britannique et allemand, les démocraties nationales expriment des exigences contradictoires qui mènent à un blocage de l'UE.

Mais comme personne n'est prêt à établir une démocratie européenne basée sur un parlement élu sur des listes transnationales et des débats transnationaux, les décisions vont continuer à être prises par des dirigeants réunis derrière des portes fermées et avalisées par des parlements avant tout élus sur des questions intérieures. L'euro est peut-être sauvé, mais l'UE n'est pas encore sortie du gué.

Scènes de folie quotidienne dans la Grèce aux temps de la Troïka

La Grèce aux temps de la Troïka n’a rien à voir avec la Grèce qu’on connaissait. Cinq « Memoranda » successifs ont achevé sa métamorphose en un pays où les rues se vident juste après le coucher du soleil, les restaurants cherchent désespérément des clients et les magasins des rues commerçantes désertées tombent en ruine.
Mais tout ca n’est que la façade, l’épiphénomène d’une nouvelle réalité qui voit les Grecs eux-mêmes se transformer de fond en comble. Prenons par exemple le café du village, traditionnel « parlement » en miniature où se débattent et se règlent entre autorités locales (le curé, le maitre d’école, le chef de la police…) tous les problèmes du pays. Ce n’est pas seulement que l’irruption des Aganaktismeni (Indignés) sur l’avant-scène sociale et politique des villes et des villages grecs vient d’en bouleverser les hiérarchies. C’est surtout que tout ce monde parle de choses totalement nouvelles dans un langage digne d’une Novlangue venue d’ailleurs. Là où on parlait des querelles des partis politiques, maintenant on débatte de… la dette publique et même de la dette dite odieuse et illégitime, en citant des spécialistes étrangers dont la renommée ne devrait pas dépasser des cercles d’initiés !
Il suffit de regarder les gros titres des quotidiens alignés aux devantures des kiosques ou d’entendre les exclamations - et les jurons - des passants pour apercevoir que les mots qui reviennent le plus souvent dans la bouche des Grecs sont pour le moins inédits : troïka, FMI, tonte de la dette, dette odieuse, mémorandum, euro-obligations, BCE, zone euro, faillite… Evidemment, l’explication de tout ce chambardement linguistique est simple : il ne fait que correspondre au bouleversement total du moindre détail de la vie quotidienne des Grecs ! Un bouleversement qui s’effectue en un temps record (seulement un an et demi) et qui, s’il ne se résumait pas à une immense tragédie humaine, pourrait très bien amuser avec la multiplication de scènes de folie quotidienne, dans un pays aux temps de la Troïka.
Comme par exemple, quand des milliers des Grecs, soutenus - selon les sondages - par une nette majorité de la population, s’adonnent depuis 3-4 mois à la chasse d’abord des ministres, ensuite des députés et enfin de tous les responsables du parti social-démocrate (PASOK) au pouvoir. Une chasse qui est en train de devenir un sport national car pratiqué du sud (Crète) au nord (Epire) du pays avec un même rituel : les manifestants saccagent sur leur passage les locaux du PASOK mais aussi ceux des députés locaux ayant voté les Memoranda, avant d’aboutir à la mairie où ils invitent le maire et ses conseillers à prendre place à la tribune des… simples citoyens.
Inutile de dire que ce nouveau sport national prend souvent les allures d’une chasse à l’homme quand par exemple le ministre ne s’aperçoit pas à temps des intentions de la foule et insiste à vouloir expliquer les vertus du nouveau Mémorandum qui est rendu nécessaire par l’échec patent du précédent. Alors, la foule se fâche et la suite n’est pas difficile à imaginer…
Par contre, ce qu’il était encore difficile à imaginer il y a peu, ce sont les situations tragicomiques dans lesquelles sont plongés chaque jour les Grecs par les soins des traitements de choc néolibéraux. C’est ainsi que des milliers d’usagers ont eu droit à une semaine cauchemardesque au Metro d’Athènes parce qu’une centaine de ses conducteurs et autres responsables expérimentés de la bonne marche des rames avaient été affectés par le gouvernement … à la surveillance des antiquités du pays ! La raison de cette « folie » ne surprend pas : il fallait coûte que coûte les faire changer de métier afin a) de diminuer jusqu’à 45% leurs salaires et b) de « dégraisser l’Etat Hypertrophique ».
Ce genre de « folies » peuple désormais la vie quotidienne de la population grecque. Un autre fleuron de cet Etat grec hypertrophique : les hôpitaux manquent même de pansements parce qu’ils subissent aussi depuis deux mois le traitement de choc du 4ème et 5ème Mémorandum. Quant aux écoles au moment de la rentrée des classes, seul le mot « ubuesque » sied à leur situation : devant l’impossibilité d’offrir aux élèves leurs livres, le Ministère de l’Education a conseillé à leurs familles d’en faire des photocopies auprès des autorités communales qui se sont pourtant empressées de déclarer qu’elles manquaient cruellement des photocopieuses d’une telle envergure... !
Cependant, la multiplication de ces situations de folie (néolibérale) n’a pas empêché un important ministre de répéter à quatre reprises la déclaration triomphale selon laquelle le gouvernement Papandreou venait de commencer « la de-bolchevisation de l’économie » grecque ! Peut-on donc conclure que tout irait bien dans le meilleur des mondes grecs bolcheviques ? Les grecs auront tout le temps d’y méditer car privés désormais même de leurs passe temps favoris. Faute d’équipes (plusieurs ont fait faillite) et d’argent, leurs championnats tardent à initier la nouvelle saison, tandis que cafés et restaurants sont en train de devenir inabordables pour le commun des mortels. La conclusion est évidente : Il n’y a plus aucun doute, la Grèce sera sauvée…
Article publié le 19/10/2011 dans le supplément Culturas du quotidien espagnol La Vanguardia dans le cadre de son dossier consacré à la Grèce aux temps de la grande crise.

Face à la crise, les Français convaincus par Sarkozy

Les bonnes nouvelles s'enchaînent pour l'Élysée. Les conseillers de Nicolas Sarkozy s'étaient frotté les mains devant le nombre élevé de téléspectateurs (12 millions) ayant suivi l'émission jeudi. Le sondage OpinionWay pour Le Figaro devrait les satisfaire plus encore. Selon cette étude réalisée les 28 et 29 octobre, 55 % des personnes interrogées ont trouvé le chef de l'État convaincant, contre 45 % ayant jugé l'inverse. Un pourcentage en hausse de 19 % par rapport à sa dernière intervention télévisée du 11 février 2011, au cours de laquelle Nicolas Sarkozy avait évoqué les révolutions arabes et annoncé le départ de Michèle Alliot-Marie, la ministre des Affaires étrangères. «Jeudi soir, le président était sur des sujets très présidentiels, internationaux, régaliens, ce qui explique le niveau de conviction élevé», analyse Bruno Jeanbart, directeur général adjoint d'OpinionWay.
Globalement, ses propos sur la crise de l'euro et l'intérêt de soutenir la Grèce ont été largement jugés convaincants. Ainsi, c'est quand Sarkozy a évoqué le travail du couple franco-allemand qu'il a été jugé le plus convaincant (69 % contre 30 %). Autre bonne nouvelle pour l'Élysée : 60 % des sondés l'ont trouvé convaincant quand il a défendu la réforme des retraites. Un fort taux d'adhésion qui semble donner raison aux proches du président, qui assurent que les réformes sont bien perçues par les Français.

Mauvais score à l'évocation de sa candidature

C'est sur les «affaires», notamment les soupçons de financements illégaux de la campagne d'Édouard Balladur, que Nicolas Sarkozy a été jugé le moins convaincant (62 % ne l'ont pas trouvé convaincant). Même mauvais score quand le président a évoqué sa candidature à un second mandat : 52 % des sondés (contre 46 %) l'ont trouvé peu convaincant. «Le président a été bon pédagogue sur la crise, poursuit Bruno Jeanbart. Mais il est plus clivant quand il propose des solutions (réindustrialisation de la France, lutte contre les déficits, NDLR) ou quand il revient à la politique politicienne.»
Ses électeurs de 2007 paraissent toutefois lui faire de nouveau confiance, après des périodes de doute : ils ont été 91 % à le trouver convaincant jeudi, contre 75 % lors de ses derniers vœux télévisés. Le président retrouve également les faveurs de certains électeurs de François Bayrou, qui l'ont trouvé convaincant à 56 %, alors qu'ils n'étaient que 24 % à penser la même chose fin février.
Même hausse chez les électeurs de Ségolène Royal, qui ont été 21 % à le trouver convaincant jeudi, contre 2 % il y a neuf mois. «Le président a réussi à prendre un peu de hauteur par rapport au jeu politique, grâce à la crise et au sommet européen, ce qui lui a réussi, résume Bruno Jeanbart. Mais ce n'est pas une garantie de rebond pour sa cote de popularité. Ni une garantie pour la campagne qui s'annonce…»