TOUT EST DIT

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ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

vendredi 21 octobre 2011

On enterre l’idée fédérale

Le sommet de la zone euro du 23 octobre pourrait être suivi d’un autre le 26, à la demande de l’Allemagne et de la France. La manière d’affronter la crise de la zone euro le prouve : malgré ses mésententes, l’axe Berlin-Paris et la méthode intergouvernementale l’ont emporté sur l’idée fédérale, constate Le Figaro. 

Si la crise de l'euro a eu un mérite, c'est celui de remettre au goût du jour la construction européenne. Autant il était hors de question, avant la crise, de rouvrir la boîte de Pandore d'une refonte des traités, autant la réforme institutionnelle s'impose à nouveau. Toute la question est de se mettre d'accord sur l'Europe que l'on souhaite et les mesures qu'il est possible de faire adopter.
Puisque c'est la zone euro qui est en danger, une plus grande intégration de l'Union monétaire à dix-sept est une priorité évidente. L'affaire est déjà en cours avec l'instauration d'un véritable gouvernement économique de la zone euro et une coordination des politiques budgétaires et fiscales.
Dans la difficulté, chacun en ressent la nécessité. La France et l'Allemagne sont à la manœuvre, et ont décidé de montrer l'exemple. Le cinquantenaire du traité de l'Elysée, en janvier 2013, sera un marqueur pour l'intégration franco-allemande.
Malgré les difficultés de la relation entre Angela Merkel et Nicolas Sarkozy, ce noyau dur s'est imposé au fil du traitement de la crise de la zone. L'implication prépondérante des deux grandes économies européennes était évidente. La préférence pour la méthode inter gouvernementale, qui avait déjà pris le pas sur la méthode communautaire en vigueur du temps où la Commission était le moteur de l'intégration, s'en est trouvée confirmée.
Berlin et Paris sont devenus le centre de l'Europe. Bruxelles n'est plus que l'intendance. L'idée "fédérale" ne reflétant plus vraiment la réalité.
C'est une évolution que les petits pays auront toujours du mal à accepter. En témoigne la proposition néerlandaise de créer un nouveau poste de Commissaire, qui serait chargé de superviser les budgets des pays en en difficultés ayant recours au Fonds européen de stabilité financière.

L'inquiétude face à une Europe à deux vitesses

Sous la houlette de Paris et de Berlin, la consolidation de l'Union monétaire passe plutôt par un renforcement du poids des Etats, comme en témoigne la désignation de Herman Van Rompuy en tant que futur "Monsieur Zone euro".
Il faudra répondre à la volonté, notamment allemande, d'instaurer un "contrôle démocratique" des décisions de la zone euro. Pour cela, les idées ne manquent pas. Sans la création d'une nouvelle assemblée parlementaire, on peut songer, comme le fait Guillaume Klossa, le fondateur du think-tank EuropaNova, à une instance qui réunirait des élus nationaux et des parlementaires européens, membres de telle ou telle commission.
Il est intéressant de constater à quel point les Britanniques, étrangers à la zone euro, sont indifférents à ces efforts en vue d'une plus grande intégration à dix-sept. De plus en plus eurosceptique, le gouvernement Cameron ne paraît guère se soucier que Londres puisse être écarté de la prise de décision économique sur le continent.
D'autres ne cachent pas leur inquiétude face à l'émergence d'une Europe à "deux vitesses". C'est le cas de la Suède qui n'appartient pas à la zone euro. Dans une tribune publiée par la Frankfurter Allgemeine Zeitung, Anders Borg et Carl Bildt, respectivement premier ministre et chef de la diplomatie, dénoncent "l'émergence d'une nouvelle division" entre pays européens. Un brin perfides, ils prévoient que si "deux vitesses" il devait y avoir, ce seraient les pays périphériques, plus libéraux dans leur conception de l'économie et plus orientés vers la compétitivité, qui en seraient les ultimes bénéficiaires, tout au moins en termes de croissance…

En coulisses

Rien ne va plus au sommet de l’UE

Rien ne va plus au sommet de l’UEPour Der Freitag, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy jouent à la "roulette européenne" avec le sauvetage de l'euro, titre l'hebdomadaire berlinois. Et à en croire la Süddeutsche Zeitung, rien ne va plus entre les principaux acteurs du sommet de la zone euro du 23 octobre. Le quotidien de Munich raconte que les dirigeants européens "agissent de manière tellement irrationnelle que le résultat de la réunion la plus importante depuis le début de la crise reste complètement incertain."
Ainsi, il existent deux versions de la rencontre de Merkel et Sarkozy à Francfort, le 19 octobre. A l’Elysée, écrit le magazine, on dément tout conflit sur la question de la BCE et on assure que le président français "a abandonné sa femme sur le point d'accoucher juste pour harmoniser la ligne de négociation avec Merkel afin de convaincre les autres pays du plan allemand pour accroître la force de frappe du fonds de sauvetage européen. […] Les diplomates à Berlin répondent par un sourire. Les participants à la rencontre parlent plutôt d'une soirée mémorable. Merkel et Sarkozy se sont ouvertement disputés, la nouvelle de la naissance de sa fille n'a même pas incité Merkel à embrasser Sarkozy. Les deux se sont séparés sans un mot."
Mais la mauvaise ambiance ne se limite pas au couple franco allemand, constate la Süddeutsche Zeitung. "La Commission européenne ne manque pas d'annoncer chaque jour de nouvelles propositions de loi destinées à contrôler les soi disant ennemis de l'euro. […] Des centaines de pages attendent d'être lues et comprises. De l'autre côté, c'est le manque de pages qui pose problème." Le rapport de la troïka (BCE, Commission et FMI) censé être envoyé mardi 18 octobre et qui contient les recommandations des experts sur le déblocage de la prochaine tranche d'aide à la Grèce n'est arrivé que jeudi. "Et il manque la partie cruciale:  à la page 29 des 106 pages, il y a un encadré vide, là où les inspecteurs devaient écrire si Athènes est capable de payer ses dettes. La Commission garde le silence. Mais derrière les portes closes, on avoue que la troïka est divisée à ce sujet.“

Le cynisme des élites

Après deux jours de grève générale et de combats de rue, la Grèce semble tous les jours un peu plus près du précipice. Alors que les responsables européens se rassemblent ce dimanche dans une dernière tentative de sauvetage de la monnaie unique, un journaliste grec condamne dans The Guardian les élites de son pays qu’il juge responsables de la situation actuelle.

Cette semaine, les employés d’une petite boulangerie du centre d’Athènes ont annoncé qu’à défaut de fermer boutique – leur clientèle étant largement composée de personnes fragiles -, ils manifesteraient leur soutien au mouvement de grève générale en vendant tous leurs produits à prix coûtant. Cette nouvelle, inattendue pour leurs clients en cette période difficile, n’est qu’un exemple parmi tant d’autres des signes de résistance et de solidarité que donne à voir la capitale grecque. Pendant ce temps, pas un ministre ou député ne peut apparaître en public sans se faire huer ou “yaourter” (sorte d’entartrage à la mode grecque).
La Grèce est un pays divisé : d’un côté, les responsables politiques, banquiers, évadés fiscaux et barons des médias qui soutiennent la réforme culturelle et sociale la plus violente que l’Europe occidentale ait jamais vue, de l’autre, la vaste majorité du peuple grec. La rupture paraissait évidente hier lorsque près de 500 000 personnes sont descendues dans les rues pour participer au plus grand mouvement de contestation de l’histoire du pays.
La tentative du gouvernement de créer une division entre les fonctionnaires (décrits comme une classe de fainéants corrompus) et les salariés du privé, a échoué. Tout ce que le gouvernement Papandreou a réussi à faire, c’est remplacer la vieille opposition droite-gauche par celle des élites contre le peuple.

L'autre Grèce prononcera le verdict de l'Histoire

L’Europe devrait bientôt décider comment gérer la crise de la dette avec le gouvernement grec en simple observateur. Mais une fois que l’Europe se sera occupée du seul problème qui l’intéresse, le jeu politique entrera dans sa phase finale à Athènes. C’est alors que "l’autre" Grèce prononcera le verdict de l’Histoire.
Les élites politiques devront répondre du chaos qu’elles ont créé, et que l’on impute largement à ceux qui résistent aujourd’hui. Les deux partis dynastiques qui se succèdent à la tête du pays depuis près de quarante ans, sont précisément ceux qui sont à l’origine de ce secteur public aussi pléthorique qu’inefficace.
L’émergence – incontestable – des difficultés ne les a pas empêchés de continuer à accumuler les dettes, poussant ainsi l’Europe à intervenir dans les affaires grecques. Selon un représentant, jamais la troïka – Fonds monétaire international, Union européenne et Banque centrale européenne – n’a demandé la fin des négociations collectives dans le secteur privé, la seule mesure suscitant quelques résistances au sein du parti au pouvoir. Pas plus que ces institutions n’ont exigé la réforme universitaire. A croire que les élites grecques n’avaient pas de plus cher désir que d’orchestrer le démantèlement de l’Etat-Providence pour transférer des avoirs publics vers le secteur privé.
Le gouvernement Papandréou se verra accusé d’incompétence et de cynisme. Tous les régimes autoritaires rêvent de bouleverser radicalement la société. Ce gouvernement avait pour mission de remplacer la solidarité par l’indifférence, l’hospitalité par l’exploitation. Il a échoué, et maintenant, l’élite n’est plus séparée du peuple en colère que par une épaisse ligne d’hommes en bleu.

Les gens réagiront de plus en plus violemment

Le chômage des jeunes grimpe en flèche et menace d’atteindre les 50 %. Pendant des décennies, la Grèce va payer le prix de la destruction de toute une génération. La troïka se verra accusée d’arrogance néocoloniale. Il n’est pas nécessaire de connaître le mythe de Sisyphe pour comprendre que des mesures qui aboutissent à une croissance de -7 % ne peuvent pas réduire le déficit.
Pas besoin non plus d’avoir lu Platon pour savoir qu’en diminuant de moitié les salaires et les retraites, les gens ne pourront pas payer les nouvelles taxes exorbitantes. Pas besoin d’être versé en histoire de la Grèce pour deviner que plus on répètera que la souveraineté d’un pays est réduite, plus les gens réagiront violemment.
La manifestation du 20 octobre dernier s’est terminée par une tragédie, la mort d’un syndicaliste. C’en est fini des derniers lambeaux de légitimité du pouvoir, et le gouvernement ne devrait pas tarder à plier bagages. Le déficit démocratique dont souffrent tous les gouvernements est irréversible en Grèce. C’est à "l’autre" Grèce qu’il revient de se doter d’une constitution de justice sociale et de démocratie pour le XXIe siècle. Voilà ce que la Grèce peut offrir au monde.

Vu d’Athènes

Violences dans le pays, cacophonie en Europe

Violences dans le pays, cacophonie en EuropePour Ta Nea, le vote par le Parlement du nouveau plan d’austérité, censé ouvrir la voie à la nouvelle tranche d’aides internationales, constitue "le troisième acte de la tragédie grecque" qui s’est jouée le 20 octobre. Les deux autres actes sont "la cacophonie qui continue en Europe", alors que le sommet "résolutif" de la crise de la dette du 23 octobre "n’a pas été reporté, mais doublé d’un second le 26 pour décider de la restructuration de la dette" grecque, tout cela sur fond de marchés "nerveux". Et les violences, avec la mort d’un manifestant, qui ternissent le message fort d'un peuple au bord du gouffre.

Ne pas perdre son AAAme

Quelle que soit l’opinion que l’on porte sur les agences mondiales de notation, elles exercent un rôle d’arbitre et de juge dans le système économique et financier mondial. On ne peut pas les trouver justes et bonnes quand on reçoit la meilleure note AAA et les trouver injustes et malhonnêtes quand elles nous sanctionnent par une mauvaise note ou un avertissement annonciateur de dégradation. Ce qui arrive actuellement à notre pays, la menace sur le triple A, est tout à la fois un constat de la situation actuelle et une anticipation de l’avenir.– Les socialistes, et parmi eux l’ancien ministre Michel Sapin, très proche de François Hollande, rejette la responsabilité sur la politique de Nicolas Sarkozy en déclarant que c’est la politique du gouvernement qui vient d’être placée sous surveillance. On peut répondre à cela que sans la réforme des retraites, la France aurait déjà été sanctionnée ! Mais sans doute que l’effort de rigueur et d’austérité est insuffisant. Il va falloir en rajouter une nouvelle couche qui frappera les classes moyennes et supérieures et le Premier ministre Fillon s’y emploie déjà.

– Pour autant les socialistes auraient tort de s’exonérer de responsabilités : l’annonce de l’agence Moody’s survient au lendemain même de l’élection de M. Hollande, celui qu’un sondage voit vainqueur dans six mois avec 62 % contre Nicolas Sarkozy. Les marchés et les agences de notation, comme beaucoup de Français, anticipent une victoire socialiste suivie d’un programme de dépenses mirobolant. Car même si l’UMP exagère largement le coût du programme socialiste pour le quinquennat en parlant de 255 milliards d’euros de dépenses nouvelles, ce programme a un coût très élevé. Tout le monde, majorité comme opposition, a intérêt à préserver la situation de la France car perdre son triple A, on l’a vu l’été dernier aux Etats-Unis, c’est pour un grand pays commencer à perdre son âme.

Abracadabrantesque

Les sondages réalisés depuis le sacre de François Hollande dimanche dernier se suivent et se ressemblent : 35 puis 39 % au premier tour pour le candidat socialiste, 62 puis 64 % au 2e tour. Le différentiel avec Nicolas Sarkozy serait donc de 24 à 28 % ce qui est abracadabrantesque. Pour remettre les choses en place il suffit de rappeler que l’écart du second tour oscille toujours entre 1 et 8 % depuis les débuts de la Ve République à l’exception du Chirac-Le Pen de 2002. Ces chiffres inouïs sont la conjonction de deux phénomènes. D’abord la surexposition massive des primaires socialistes à la télévision dont le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) n’a pris conscience qu’après coup, alors que l’on semblait baigner pendant un mois dans une France socialiste avec une télévision monocolore sans aucun contradicteur. Cela s’appelle tout simplement de la propagande et la série aurait dû s’intituler « les socialistes parlent aux socialistes ».Le deuxième phénomène est purement politique, c’est un rejet profond massif et souvent irrationnel de la personne du chef de l’Etat. On lui reproche tout à la fois ce qu’il a fait et ce qu’il n’a pas fait, son comportement et ses erreurs du début du quinquennat, sa fébrilité sur tous les terrains et l’absence de résultats en matière de chômage et de pouvoir d’achat. Les sondages ne sont pas un plébiscite de François Hollande mais un jeu de massacre contre Nicolas Sarkozy. Une partie de la droite déçue et du centre rejoint la gauche et le Front national dans cet exutoire « tout sauf Sarkozy ».

En sera-t-il de même dans six mois ? A l’épreuve des difficultés de la France et de l’Europe la statue du commandeur Hollande risque fort de se lézarder et son programme de devenir obsolète. Si dans le même temps l’actuel président réussit à éviter une catastrophe européenne il peut espérer revenir dans le match.

Une semaine en enfer

Entre la grève générale, les violentes manifestations contre l’austérité et le sommet européen pour chercher encore une fois une solution à la crise de la dette, le gouvernement grec vit des moments difficiles. Et ses partenaires ne font rien pour arranger les choses... 

Ce jeudi sera un jeudi "d’enfer" pour le gouvernement. Après le non scandé par des milliers de Grecs hier, dans les manifestations à Athènes et dans de nombreuses villes, la majorité socialiste au Parlement doit voter un projet de loi de rigueur. Même si cette majorité a dit "oui" en première lecture, des refus ne sont pas exclus. Et pour preuve, certains députés qui ont été ministres [du gouvernement de Georges Papandréou], ont annoncé qu’ils voteraient contre.
Le gouvernement, tremble encore devant les images d'hier de foules et la forte participation à la grève. Il doit pourtant tout faire pour faire passer cette loi et se rendre à Bruxelles bien armé. Parce qu’au sommet européen de dimanche, la décote de la dette grecque et l’avenir du pays pour de nombreuses années seront sur la table des négociations.
Ce dimanche sera encore "une journée infernale" pour la Grèce, mais aussi pour l’Europe, puisque se jouera la capacité des partenaires européens à maitriser les menaces que la crise fait peser sur la zone euro et qui risque de s’étendre au-delà. La crise menace déjà l’Italie en plus de la Grèce, du Portugal et de l’Irlande, et la France est entrée dans la ligne de mire des agences de notation. Ceci est un signal d’alarme pour l’UE.
D’ailleurs, la menace sur la construction européenne est mise en lumière par l’un des pères fondateur de l’Europe. Il dénonce le poker de Merkel et Sarkozy, lesquels devraient comprendre qu’en sauvant la Grèce, ils sauveront l’Europe. Il a essayé de montrer que l’Europe n’est pas menacée par les pays qui ont des problèmes de dettes ou, en tout cas, pas seulement. Mais l’Europe est menacée par des pays qui ont perdu l’esprit européen à l’heure où la construction européenne change.
Dimanche, à Bruxelles, le sort de la Grèce sera peut-être scellé. C’est le destin des générations futures qui sera décidé. Mais le sort de l'eurozone sera aussi décidé. Sauf si ces dirigeants, le moment venu, font mentir Jacques Delors...



Manifestations

Le risque du chaos

Le risque du chaosDans toute la Grèce, le 19 octobre, c’est "la colère du peuple" qui s’est exprimée, constate To Ethnos, qui estime à 200 000 le nombre de manifestants. Alors que la grève générale se poursuit ce 20 octobre, en particlulier dans le secteur public et parapublic, l’éditorialiste Georges Delastik note que "le fossé se creuse entre l’appareil d’Etat et le gouvernement Papandréou". "Le climat permanent d’instabilité sociale et politique peut dégénérer en chaos incontrôlable", prévient Delastik après les affrontements du 19 octobre à Athènes, tandis que le Premier ministre "apparaît comme un dirigeant en fin de règne".

Il est temps de faire de la politique

Par peur comme par ignorance, les dirigeants s’échinent à battre les marchés avec leurs propres armes. Mais, faute de ressources illimitées, ils vont devoir renouer avec les règles politiques pour espérer remporter cette épreuve de force. 
Depuis le début de la crise financière et la faillite, voilà quelques années, d’une banque de taille relativement modeste, Lehman Brothers, les politiques ont peur. Peur d’un ennemi qu’ils ne connaissent pas et dont ils ne maîtrisent pas les codes. Depuis le début de la crise financière, la politique tente de comprendre les règles des banques, des hedge funds, des bourses, des spéculateurs. Et pas seulement. Elle essaie aussi, depuis lors, de les battre à leur propre jeu.

Ce a été le début de la fin. Non pas qu’il n’y ait jamais eu de situations analogues auparavant. Il y eut la "crise de la tulipe", au XVIe siècle, lorsque l’éclatement de la bulle spéculative sur ces bulbes éphémères a ruiné une nation toute entière. Le Moyen-Âge a connu des banqueroutes. Les maisons royales se sont mises à la merci des gros banquiers de l’époque : les Welser, les Fugger, les Médicis. La grande dépression des années 1930 a libéré des forces destructrices. Nous ignorons où nous mènera la crise financière de l’année 2011. Nous savons simplement, ou plutôt nous sentons, que la politique est désemparée.

Des politiques en dehors du terrain démocratique

Nous voyons les politiques, les économistes et les soi-disant experts énoncer des convictions et donner des réponses avec une mine qui trahit leur perplexité. Plus les réponses avancées sont simples, plus la pertinence de telle ou telle solution est martelée avec aplomb, moins le discours convainc. La politique semble impuissante. Elle l’est. Et si elle est impuissante, c’est qu’elle a voulu battre son adversaire avec ses propres armes.

La démocratie vit de la transparence, de la franchise, du pouvoir de persuasion et du fait que les citoyens peuvent voir ce que font leurs élus, même quand ils ne sont pas d’accord avec eux. Or, aujourd’hui, la politique joue en dehors du terrain démocratique. Elle se comporte comme un acteur de ces marchés internationaux anarchiques dont la seule logique est celle de la multiplication des profits. Elle s’est engagée dans une épreuve de force dont elle ne peut que sortir vaincue.

Pourquoi le fonds de sauvetage de l’euro n’en finit-il pas de gonfler ? Parce que la politique croit que seul un fonds gigantesque sans équivalent possible peut empêcher les spéculateurs de s’attaquer aux devises et aux Etats. Pourquoi les chefs d’Etat européens ne se réunissent-ils que lorsque les bourses sont fermées ? Parce qu’ils ont peur des marchés et du cours des actions. Pourquoi le Parlement allemand est-il presque systématiquement exclu des décisions liées au fonds de sauvetage de l’euro ? Parce que nos hauts dirigeants ne sont plus très sûrs de pouvoir convaincre les parlementaires. La politique a oublié les citoyens.
L'Europe est bien peu de chose

Nous assistons à l’autodestruction de la politique. Les dirigeants ne font plus de politique. Faire de la politique, qu’est-ce que c’est ? C’est en premier lieu concevoir des règles, élaborer des lois et les faire appliquer. En l’occurrence empêcher les spéculateurs de spéculer. Il ne s’agit pas pour les Etats de se mettre à spéculer contre les spéculateurs. Or, le fonds de sauvetage ne fait pas autre chose. C’est un rempart contre les spéculateurs appelé à s’élever sans cesse au même rythme que le risque induit par la spéculation. Deux mille milliards [le montant auquel pourrait être porté le Fonds européen de stabilité financière] ne seraient-il pas trop peu ? Peut-être envisagera-t-on de doubler ce chiffre lors d’un prochain sommet européen, dans quatre semaines ? Peut-être existe-t-il un moyen de renforcer encore davantage ce "levier", comme on l’appelle. Une telle logique est absurde.

Nous voyons d’ores et déjà à quel point le tissu financier, aujourd’hui devenu mondial, est fragile, instable, et qu’il menace de céder. Nous voyons l’Europe tenter de toutes ses forces de s’immuniser contre les conséquences de ce délitement. L’Europe est bien peu de chose. Elle n’est même pas capable de s’entendre avec la Grande-Bretagne sur l’introduction d’une taxe sur les transactions financières. Elle n’a permis de dégager aucun consensus sur la participation des banques à la crise. Les Etats n’ont pas conscience de s’être eux-mêmes jetés en pâture aux spéculateurs monétaires en s’endettant à outrance. Et tous, nous n’avons pas encore compris, loin de là, que nous sommes les artisans de notre propre vulnérabilité en souhaitant que l’argent ne soit uniquement le fruit du travail, mais puisse aussi s’autogénérer.

Quiconque prend des risques doit en assumer les conséquences. Beaucoup souscriraient à cette maxime. Pas la politique, qui suit aujourd’hui le principe suivant : quiconque prend des risques doit être prémuni contre le risque. Les Etats sont renfloués, les banques épaulées et les citoyens téméraires avec elles. Seuls les gens qui ne mettent pas leur budget en jeu encourent le risque maximum. Et il faudrait être d’accord avec cela ?

Opinion

"Un pacte avec le diable"

En renforçant le Fonds européen de stabilité financière, "l’Europe s’apprête à signer un pacte avec le diable", c’est à dire avec les institutions financières, qui "au-delà des lois", assure l’analyste financier slovaque Valér Demjan dans Hospodárske noviny. "Le temps des solutions rationnelles (la faillite de la Grèce en 2010) est dépassé, et les démarches non systémiques de Bruxelles se termineront par un effondrement plus dur". Le FESF, qui n’est qu’une solution pour gagner du temps et calmer les marchés, ne suffira pas pour stabiliser la situation. Pas plus que le Mécanisme européen de stabilité (MES), qui sera probablement mis en place dès l’année prochaine, au lieu de 2013. Car les marchés ne se satisfont pas des garanties et veulent voir les vrais ressources, representeés par un FESF élargi.
Pour l’analyste, "il est temps d’engager des reformes structurelle agressives", c’est-à-dire faire quitter la zone euro à ses membres non fiables et mettre certaines banques en faillite.  Demjan critique également l’attitude des banques centrales, qui "doivent arrêter d’imprimer de l’argent sans limite""L’histoire est plein d’exemple, que l’imprimerie de l’argent n’a jamais aidé de résoudre les problèmes de dettes." Si, en plus, les agences de notations baissent la note de la France, l’Allemagne sera peu disposée à financer tout le système de sauvetage, conclut-il.

La victoire cachée de Ségolène Royal

Ironique, partiale et souvent injuste, cette chronique du directeur délégué de la rédaction du "Point" est à consommer avec modération...
Malheur aux vaincus. C'est, on le sait, la règle qui prévaut partout dans les sociétés humaines. Le perdant est piétiné, déchiqueté façon puzzle, exilé. Partout ? Pas au PS en tout cas, qui se révèle un havre de fraternité et de camaraderie, où l'on n'entend dans les bouches des uns et des autres que les mots de rassemblement, ce qu'il faut traduire, toute pudeur mise à part, par amour réciproque.

Le PS nous offre une formidable leçon d'humanité. Ce n'est pas Ségolène Royal qui dira le contraire. Sévèrement battue au premier tour des primaires et très affectée par cette défaite, elle aurait pu s'attendre à une curée. L'occasion était belle : depuis le temps qu'elle embêtait tout le monde avec son charisme et ses idées iconoclastes, depuis le temps qu'on la détestait, qu'on la méprisait, qu'on la traitait d'idiote sinon de folle, enfin, elle était à terre, à portée de pieds.

Émouvant en diable

Mais non, ce ne sont qu'amour, compassion et estime qui se manifestent à son endroit. Laurent Fabius qui l'écrasait de son arrogance et de son sexisme se précipitait le premier (radiophoniquement) à son chevet pour lui prendre le pouls, tapoter ses joues et l'assurer de son indéfectible soutien. Émouvant en diable. Martine Aubry, François Hollande, jetant à la rivière la rancune qu'ils pourraient légitimement avoir vis-à-vis de celle qui les a traités respectivement de tricheuse et de mollasson, disent à quel point Ségolène Royal reste importante, et c'est d'ailleurs un poste d'importance qu'ils lui promettent tous deux.

Tout cela, encore une fois, fait chaud au coeur et contredit cette idée toute faite que la politique serait un jeu impitoyable où il ne s'agirait que de combattre l'autre à défaut de le tuer. Ségolène Royal, au fond, et malgré elle, a révélé au PS sa vraie nature, toute de charité. C'est pourquoi, malgré les apparences, elle est la grande gagnante des primaires et reste la madone du PS.

La fin d’un despote insaisissable

La révolution permanente. Mouammar Kadhafi y tenait plus que tout. C’était son inspiration initiale, dans les années 1960, pour prendre le pouvoir sur les traces de Nasser, son modèle. La révolution, c’était aussi son astuce suprême pour envelopper d’un semblant de théorie politique son emprise totale, durant quarante-deux ans, sur le peuple libyen. Sa révolution est finie. Stoppée par une autre révolution qu’il n’avait pas vu venir. Celle des sociétés civiles arabes.

Fantasque, pittoresque, cruel. Kadhafi était un peu tout à la fois. Oscillant entre les figures classiques de la tyrannie et la psychopathologie politique. Produit de la guerre froide, il a été de tous les grands mouvements du demi-siècle passé. Socialisme, panarabisme, panafricanisme, islamisme. Il a même prétendu en être le Guide, son autre obsession.

Personne, en fait, ne l’a jamais vraiment suivi. Longtemps paria de la Ligue arabe, moteur encombrant
pour l’Afrique sub-saharienne, Kadhafi a surtout su naviguer à chaque changement d’époque. Fort, tantôt, des soutiens de Moscou, tantôt de ses pétrodollars.

Kadhafi aura aussi bénéficié des dix ans d’hiver sécuritaire que le 11-Septembre a provoqués dans toute la Méditerranée. L’obsession de la stabilité, de l’approvisionnement énergétique et de l’endiguement des flux migratoires a fait sortir les sociétés civiles nord-africaines des radars européens. Elle a amené les dirigeants occidentaux, français compris, à renouer les relations avec le Guide. Malgré les violations systématiques des droits de l’homme. Malgré le souvenir des victimes des attentats télécommandés par Tripoli.

Le rôle déterminant de l’Otan

Ce qui, toutefois, aura distingué la dictature kadhafiste de ses voisines maghrébines, ce sont les spécificités de la Libye. Pays immense. Riche en ressources naturelles. Conservateur dans l’âme. Sans tradition étatique, si ce n’est quelques vestiges fragiles de la colonisation italienne. L’économie de rente a rendu moins nécessaire la structuration de la société. Kadhafi en a usé et abusé. L’État, c’était lui. Mouammar. Sa sortie de scène laisse d’ailleurs un vide réel particulièrement délicat pour les prochains mois.

Le déroulement des derniers mois donne raison aux protagonistes de l’opération militaire de l’Otan. Elle a joué un rôle déterminant dans le renversement de cette dictature. Nicolas Sarkozy voit là sa diplomatie des manoeuvres audacieuses récompensée, de façon beaucoup plus substantielle que dans le cas de la crise géorgienne.

Nul ne peut regretter le Guide, évidemment, et quiconque a contribué à sa chute, même tardivement, peut à bon droit revendiquer une part du mérite. Contrairement au déplorable comportement français dans le cas tunisien, Paris a su ici peser dans le bon sens. Dont acte.

La mort de Kadhafi vient compléter le processus de libération de toute une frange de l’Afrique du Nord. Le semblant d’équilibre que les dictatures tunisienne, égyptienne et libyenne, prétendaient garantir dans les années 2000 a vécu. Partout, l’heure est à la transition, avec ses espoirs de démocratie mais aussi ses incertitudes et ses fragilités extrêmes. Jamais, depuis la décolonisation, une telle page blanche n’a été à écrire en Méditerranée.

Le piège Hollande

Élu face à Aubry, c’est le député de Corrèze que Sarkozy va devoir affronter. Un sacré cactus pour l’UMP. Et le pire des scénarios pour le président sortant.
«  Regardez ce sucre, il paraît solide. Mettez-le dans votre café, il disparaît. C’est comme Hollande. » Devant ses proches, Nicolas Sarkozy fait mine de s’accommoder, voire de se réjouir, de la désignation du député de Corrèze comme candidat PS à la présidentielle. « Hollande ? Ce n’est rien », commente encore Jean-François Copé. « Sans épaule », « sans stature », « sans carrure », « sans caractère », « sans expérience internationale » : hors quelques exceptions, comme Patrick Devedjian, pointant un « candidat dangereux », voilà ce qu’on entend aujourd’hui en boucle à l’UMP. Il n’y aurait, à les écouter, « pas photo » entre le chef de l’État et son futur adversaire – tellement insignifiant que les Français, ouvrant enfin les yeux, le “zapperont” aussi sûrement dans six mois qu’ils l’avaient fait avec Ségolène Royal en 2007. Jusqu’à ce conseiller de l’Élysée qui « n’exclut pas » un « nouveau 21 avril », éliminant Hollande du second tour ! La vérité est tout autre : l’ancien premier secrétaire du PS est tout sauf le candidat idéal pour le chef de l’État. Sa désignation constitue même le pire des scénarios pour Sarkozy. Un véritable piège…
Pour s’en défaire, la droite aurait tort, comme elle le fait aujourd’hui, de traiter Hollande par le mépris. Ceux qui, à gauche, s’y sont risqués, comme Laurrent Fabius si convaincu, lui aussi, de sa supériorité, en sont réduits à jouer les supplétifs.
« Flamby », « Chamallow », « Monsieur petites blagues » : on ne compte plus les quolibets dont a été victime, dans son propre camp, celui qui, pourtant, s’est toujours “rêvé” à l’Élysée. « Dès 10 ans, a raconté sa mère, récemment décédée, il disait qu’il voulait être président. » Loin, très loin, de son image de « gros méchant mou » – un autre de ses surnoms – , c’est un adversaire hypercoriace que va devoir affronter Sarkozy. Nullement “mitterrandolâtre”, c’est d’abord le conquérant qui l’a séduit chez l’homme du 10 mai. « En dépit des apparences, confie-t-il, je n’ai guère aimé Mitterrand. Sa pratique du pouvoir m’a souvent scandalisé. Son cynisme m’a longtemps heurté. Je garde un souvenir très mitigé du passage que j’ai fait, en 1981 et 1982, à son cabinet de l’Élysée. La suite ne m’a pas dé menti. Mais, en dépit de tout cela, je le considère comme un modèle. Non pour sa politique. Très peu pour sa vision de la gauche. Mais pour son acharnement, son coup d’oeil, son professionnalisme, sa capacité à entraîner les hommes et les foules. »
Dans son livre, François Hollande, Itinéraire secret (Fayard), Serge Raffy raconte cette anecdote qui confirme la détermination sans faille du personnage. Nous sommes en 1981. Alors âgé de 27 ans, totalement inconnu, il est pour la première fois candidat aux législatives en Corrèze contre Jacques Chirac… qu’il décide d’aller “provoquer” dans l’une de ses réunions : « Qui êtes-vous, monsieur ? lui lance Chirac. Ayez au moins l’amabilité de vous présenter ! – Je suis François Hollande, monsieur le premier ministre, je suis conseiller à la Cour des comptes et le candidat du Parti socialiste. Je suis celui que vous comparez au labrador de Mitterrand… »
« Un ange passe dans la salle tendue comme un arc, écrit Raffy. Les regards, alentour, se durcissent. Quel toupet, ce gamin ! Venir narguer Chirac, le seigneur et maître des lieux ! »
Crédité de… 3 % dans les premiers sondages sur la primaire socialiste, c’est avec la même condescendance dont l’affuble aujourd’hui la droite que Hollande était accueilli il y a moins de sept mois dans les fédérations PS. Gare, donc, à ne pas reproduire la même erreur ! Gare, aussi, à ne pas partir trop tard en campagne : pas sûr, face à ce marathonien, que la stratégie de la « campagne la plus courte possible » préconisée à l’Élysée soit la mieux adaptée : il n’y a pas que dans la fable que le lièvre ne rattrape pas la tortue… Que n’entend-on, encore, sur sa posture de “monsieur Tout-le-monde” censée se fracasser, durant la campagne, sur le mur des réalités ? « Les circonstances actuelles nécessitent plus que jamais un homme exceptionnel, pas un “président normal” », affirme notamment Claude Guéant. Non sans raison. Il n’empêche : se raccrocher à ce constat, comme à une bouée, ne règle pas “le” problème de Sarkozy : son impopularité record reposant, en grande partie, sur sa propre personnalité. Pour l’heure, l’hostilité à l’encontre du président emporte tout sur son passage, y compris ses succès sur la scène internationale. À la question “Nicolas Sarkozy défend-il bien les intérêts de la France à l’étranger ? ”, 69 % des Français, interrogés par l’Ifop, répondent “oui”. Mais ils sont dans le même temps, et selon la même étude, quasiment le même nombre (65 %) à… “ne pas approuver” sa politique ! Confirmation de ce désamour qui profite à son adversaire : selon un autre sondage Ipsos-le Point, Hollande, pourtant néophyte, devance aujourd’hui Sarkozy de vingt points (48 % contre 28 %) en matière de “crédibilité” pour “sortir la France de la crise” ! Plutôt que de s’appliquer à dénigrer la “normalité” de François Hollande, l’UMP ferait mieux de s’interroger sur les raisons de ce rejet sans précédent du chef de l’État. Et d’y trouver des réponses. Vite.
Après avoir dénoncé, puis raillé l’organisation de la primaire socialiste, espéré que l’affaire DSK la plomberait, rêvé que les candidats en lice s’étriperaient, puis tablé sur une victoire de Martine Aubry, voire un succès “ric-rac” de Hollande, l’UMP s’est lancée dans un pilonnage en règle du programme socialiste. Il y a de quoi (lire page suivante). Mais, là encore, le député de Corrèze a tout du “candidat piège” pour la droite. Comment l’attaquer, par quel bout le prendre ? En en faisant “l’otage” d’Arnaud Montebourg et de ses « dingueries », comme l’a fait Copé ? C’est oublier que Hollande, contrairement à Aubry, a refusé de céder à une quelconque “surenchère gauchiste”. Dans sa lettre adressée entre les deux tours de la primaire au chantre de la “démondialisation”, Hollande écrit : « La France a besoin du monde et celui-ci a besoin d’elle, mais les Français ont besoin d’être protégés contre les excès de la mondialisation. » Presque mot pour mot ce qu’affirmait… Sarkozy dans son programme de campagne de 2007 : pas question, estimait-il alors, « d’une mondialisation réduite à la circulation des capitaux et des marchandises, [l’Europe devant] protéger ses peuples dans la mondialisation ». Difficile, dans ces conditions, de faire pas ser Hollande pour un disciple de Montebourg !
Pour la première fois (primaire “ouverte” oblige), c’est par la droite, et non par la gauche, que le PS a été conquis. Inutile de le nier : avec Hollande, c’est l’aile sociale-démocrate du parti qui l’a emporté. La revanche de la “deuxième gauche” de Michel Rocard. S’il doit continuer de pointer, comme Sarkozy s’apprête à le faire, son déni des réalités en matière sociétale (immigration et islamisme notamment), le discours de l’UMP sur les “vieilles lunes” égalitaristes et étatistes du PS doit, lui, être entièrement revu. Faute d’apparaître lui-même totalement dépassé. À nouveau candidat, nouveaux arguments.
“Incapable de prendre une décision courageuse”
Reprenant les critiques d’Aubry, la droite qualifie désormais Hollande de représentant de la “gauche molle”. “Mou” : sous-entendu manquant d’autorité… Les sondages commandés par l’Élysée font apparaître une vraie faiblesse du candidat PS sur ce point. Révélée par le Figaro, une étude polémique identifie Hollande au film le Corniaud. Saura-t-il, comme Sarkozy, décider et trancher ? imposer ses choix ? Selon Copé, le candidat PS « a une caractéristique : il est incapable de prendre une décision courageuse ». Ses onze ans à la tête du PS ne plaident pas en sa faveur. « Quand il dit “oui, oui” en regardant ailleurs, ça veut dire non », ironise l’un de ses proches.
L’angle d’attaque est jugé « porteur » par les proches de Sarkozy, qui attendent la « grande confrontation » entre les deux hommes pour démontrer la « faiblesse » du premier au regard de « l’autorité » du second. Mais gare, là encore, au retour de manivelle : la “gauche molle”, ce n’est pas celle qui fait peur. Et puis, c’est aussi le centre. Les électeurs de Bayrou, les orphelins de Borloo… Ceux-là mêmes dont Sarkozy aura un besoin vital au second tour ! 

Hollande, le nouveau favori

Pour la gauche et les médias, c’était l’élection idéale. Depuis la chute de Dominique Strauss-Kahn, François Hollande était leur favori. La primaire socialiste se jouait exclusivement entre candidats de gauche, on était entre soi – et le prétendant le plus à droite, Manuel Valls, n’y représentait que 6 % des voix. C’était donc bien une élection idéale.
Sauf que ce n’était pas l’élection présidentielle. À partir de maintenant, tout change. La campagne commence, la bataille n’a plus le même sens.
Le point le plus intéressant dans le succès de François Hollande est celui-ci : pour la première fois, un candidat socialiste ne s’impose pas aux socialistes en les prenant par la gauche – mais par la droite, ou plus exactement par le centre. Depuis le début de sa candidature, François Hollande faisait campagne sur un argument qui le différenciait des autres : je ne m’adresse pas aux socialistes, je m’adresse aux Français. Cela n’avait pas échappé à Martine Aubry qui, la veille du second tour, déclarait au Parisien : « Je n’aime pas quand un homme de gauche reprend les mots de la droite. » Elle évoquait le mot de François Hollande sur « la gauche sectaire », mais sa phrase allait bien au-delà : elle qui ne s’était adressée qu’à son parti, elle dénonçait le discours “ouvert” de son concurrent. Or c’est elle qui a perdu et lui qui a gagné. Un succès qu’il doit notamment au fait qu’étant nettement en tête au premier tour, les sympathisants de gauche sont allés vers lui, en se portant sur le vainqueur.
Mais cette victoire “par la droite” a des raisons plus profondes. Dominique Reynié, directeur de la Fondation pour l’innovation politique, les détaille
dans un article de la dernière livraison de la revue Commentaire à propos de la situation de la droite en Europe. La gauche sociale-démocrate, dit-il, est partout en perte de vitesse, à cause de la globalisation, de l’épuisement de l’État-providence, du vieillissement avec ses effets idéologiques (sur la sécurité) ou démographiques (immigration et conséquences) : « L’histoire ferme la porte du pouvoir à la gauche ; la crise de la dette la verrouille à double tour. » À partir du moment où Dominique Reynié vous dit : « dans ce mouvement historique, la gauche perd sa raison d’être – et ses électeurs », comment fait-on quand on s’appelle François Hollande et que l’on a de l’ambition ?
Eh bien on fait le choix délibéré d’adopter certains thèmes jusque-là familiers de la droite : la réforme fiscale, la solidarité entre générations, et surtout la rigueur budgétaire – tout en associant à ces sujets la distribution de sucres d’orge classiques de la gauche (augmentation du Smic, recrutement de fonctionnaires, enseignants, policiers), même si cela n’empêche pas Martine Aubry de vous accuser d’incarner la « gauche molle » – molle par son virage au centre. L’essentiel est de l’emporter. Avec quels électeurs ? Ceux du vaste ensemble conservateur des avantages acquis, préservé de la compétition mondiale, cet électorat « arc-en-ciel » décrit par Olivier Ferrand pour la fondation Terra Nova, plus féminin, plus coloré, et essentiellement composé par des agents et cadres de la fonction pu­blique, des magistrats, des enseignants et des pro­fessions intermédiaires.
Par cette manœuvre tactique et la position qu’il occupe désormais, Hollande asphyxie le centre ; mais il laisse à découvert un premier espace sur sa gauche au front de Jean-Luc Mélenchon qui a absorbé les communistes et fait disparaître les trotskistes. Surtout, il abandonne un espace beaucoup plus large à droite où se situent désormais ces classes moyennes et populaires, confrontées, elles, à la mondialisation, à la concurrence des immigrés, à l’insécurité, à l’affaissement de l’autorité, à la baisse de la qualité de l’école, etc. Ces classes populaires dont la gauche entend réduire le poids électoral et l’influence en préconisant le droit de vote aux immigrés et le multiculturalisme imposé par la loi.
Voilà pourquoi la désignation de François Hollande, sa situation sur l’échiquier politique sont en train de changer le sens de la bataille. L’enjeu est évident pour la droite : elle n’a d’avenir que dans la reconquête de l’électorat populaire qui avait fait l’élection de 2007 et qui a en partie déserté. En même temps, François Hollande, devenu le favori, va dorénavant s’attirer les feux nourris de tous ses concurrents, de gauche, des Verts, du centre et de droite, feux qui se concentraient jusqu’à présent (à l’exception de la majorité naturellement) sur Nicolas Sarkozy. Le voici qui va pouvoir respirer.       

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Gers : Une fessée déculottée au cœur d'une enquête dans une école

Le parquet d'Auch a ouvert une enquête pour traiter des accusations de maltraitance portées par quatre familles contre une maîtresse qui enseigne depuis vingt ans. 

Des parents, sur la foi de déclarations de leurs enfants, soupçonnent une maîtresse de maltraitances, à Nogaro, petite localité du Gers. Ce sont précisément quatre familles, dont les enfants sont scolarisés dans l'école maternelle de la commune de 2.000 habitants, qui soupçonnent l'enseignante d'avoir notamment donné une fessée déculottée à l'un d'entre eux et de mauvais traitements comme des cheveux tirés et des pincements. Ils devaient portés plainte ce jeudi.

« Une enquête judiciaire a été ouverte mercredi et confiée à la gendarmerie de Nogaro suite à des accusations de violences sur mineur de moins de 15 ans », a indiqué la procureure de la République d'Auch, Alix-Marie Cabot-Chaumeton. En outre, l'Inspection académique du département a ouvert une enquête interne pour faire la lumière sur les faits. « S'ils sont avérés, nous agirons en conséquence. Les pratiques de type fessées sont totalement hors de propos dans l'école », a déclaré René-Pierre Halter, inspecteur d'académie et directeur des services de l'Education nationale du Gers en précisant qu'il n'avait « aucune raison de travailler à charge ». Il a cependant relevé que « l'enseignante nie la totalité des faits ».

Une enseignante sans antécédent

L'enseignante mise en cause serait chevronnée puisqu'elle exercerait depuis près de vingt ans. Elle qui avait mentionné dès vendredi à sa hiérarchie qu'elle faisait l'objet d'accusations de maltraitance, a porté plainte mercredi pour dénonciation calomnieuse. « Dans son dossier administratif ne figure aucune trace de questionnement, de problème ou de difficulté par rapport à ses relations avec les enfants et leurs parents », a ajouté M. Halter. Dans le cadre de l'enquête interne, l'inspecteur d'académie a indiqué qu'il allait rencontrer la directrice de l'école maternelle, l'enseignante concernée, ainsi que le psychologue scolaire. Il recevra par ailleurs les quatre familles à l'origine des accusations de maltraitance jeudi à 18 heures.