TOUT EST DIT

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samedi 8 octobre 2011

PS: Depardieu séduit par Montebourg

Dans une interview à paraître demain dans Le Parisien/Aujourd'hui en France, Gérard Depardieu affirme avoir trouvé Arnaud Montebourg "assez bon et intéressant" lors des débats de la primaire socialiste.

"Je me trouvais ces derniers jours en Roumanie, où je tourne un film avec Harvey Keitel. Mais j’ai suivi les primaires du PS à la télévision", explique l'acteur. "Même si je ne m’intéresse pas beaucoup à la politique, je les ai trouvées assez passionnantes à suivre, poursuit-il. Notamment parce que d’habitude on assiste à ce que j’appelle l’incompétence des petites phrases, qui prennent trop d’importance dans la campagne". "Là, ce n’était pas le cas dans les déclarations des candidats. Parmi eux, j’ai trouvé Arnaud Montebourg assez bon et intéressant", a-t-il ajouté.

RIDICULE !!!

Ivan Levaï, dernier avocat de Dominique Strauss-Kahn

Il ne lui consent qu'une faute. Ne lui adresse qu'un seul reproche, et encore, glissé du bout des lèvres. "Dominique, je lui en veux d'avoir fait pleurer Anne. Je ne supporte pas de voir une femme pleurer." Ivan Levaï a posé sur la table du bistrot Chronique d'une exécution (Cherche Midi, 190 p., 15 €), le livre qu'il vient d'écrire, au fond, pour Anne Sinclair, cette ex-femme qu'il appelle sa "soeur". Sur la couverture de l'ouvrage sourit un Dominique Strauss-Kahn du temps de sa splendeur. Sans menottes. Un DSK d'avant ce 14 mai, jour où ce scandale planétaire a étêté d'un même coup le Fonds monétaire international (FMI), la gauche française... mais aussi cette "famille recomposée" où lui, Ivan Levaï, tient la place étrange du confident, de l'ex-mari, du tuteur, du journaliste politique, du grand-père et du lobbyiste.

Il a posé un autre livre devant lui : Le viol, un crime presque ordinaire, de deux femmes, Audrey Guiller et Nolwenn Weiler, à paraître le 20 octobre au Cherche Midi (224 p., 15 €), son éditeur. "Notre société a une fâcheuse tendance à excuser les violeurs", énonce l'argumentaire. Qui égrène : "Une femme sur six victime de viol ou de tentative aujourd'hui en France"... "Moins de 10 % d'entre elles portent plainte..." De ces statistiques, Ivan Levaï n'a retenu qu'un chiffre : 10 % des plaintes concernent d'abord des viols imaginaires. C'est à ce pourcentage et à son "intime conviction" qu'il s'accroche. "Sur Dominique, j'ai le regard de nos enfants qui est un éclairage intéressant. C'est un bon père et un bon grand-père." Et, puis, surtout, une certitude : "Anne ne resterait pas avec un violeur."
En trente-cinq ans, Ivan Levaï ne s'est jamais éloigné d'elle. Quand la star de "7 sur 7" a rencontré celui qui n'était encore qu'un jeune économiste du Parti socialiste, le couple Levaï a divorcé "sans une fâcherie, sans un cri. Nous avions pris un seul et même avocat". C'est à Anne qu'il a présenté en premier sa "dernière épouse", Catherine, au Divellec, le restaurant parisien fétiche de François Mitterrand. C'est ensemble que les deux couples sont partis en vacances ou en week-end à Marrakech. Et c'est aussi ensemble qu'ils ont fêté dans les appartements de Bercy la nomination de DSK au ministère de l'économie, en 1997. Ivan Levaï se réjouissait de l'ascension du couple Strauss-Kahn comme s'il s'agissait de la sienne. Le journaliste avait vécu le 10 mai 1981 dans la chambre d'hôtel de François Mitterrand, à Château-Chinon (Nièvre). Il comptait bien vivre dans la même intimité l'élection de DSK à l'Elysée. D'ailleurs, le livre qu'il devait initialement écrire s'appelait La Troisième Victoire de François Mitterrand. Ce devait être celle du mari d'Anne.
Pour elle, le journaliste a longtemps bâti des plans sur la comète. "L'été prochain, tu iras à Brégançon ou à Rambouillet ?", riait-il. Elle, gênée et inquiète : "Arrête, Ivan... Tu imagines, première dame ?" Des faiblesses de DSK, ils n'ont jamais parlé, dit-il, que de manière fugitive. Après la liaison, révélée au grand jour, avec une économiste du FMI, Piroska Nagy, Ivan Levaï avait glissé à Anne Sinclair : "Tu es dans la situation de Simone quand Montand avait eu une liaison avec Marilyn.""Pas du tout !" s'était insurgée cette dernière. Depuis, Ivan Levaï comptait les jours qui le séparait de mai 2012, convaincu que l'Elysée est ensuite un abri sûr. "Dans notre système, un président monarque a les moyens d'un "parc aux cerfs" où personne ne va voir. La dissimulation perdure pour les puissants."
Mais voilà "Dominique", son champion, exhibé "en boucle" sur ces télés "tenues par des pharisiens". "Dominique" jeté en prison à Rikers Island, "sans rien, même pas un rasoir, Anne m'a raconté. Le marquis de Sade, sous Louis XVI, à la Bastille, était mieux traité". Sans la prévenir, elle qui était partie en catastrophe à New York, il a pris rendez-vous à l'Elysée. "Je bouillais. Je tournais en rond. Et je n'imaginais pas un moment que Nicolas puisse se réjouir", justifie-t-il.
Nicolas Sarkozy le reçoit dans le parc, la chemise ouverte, sans cravate. "Nous nous connaissons depuis longtemps. Il est d'origine hongroise, moi aussi. Pour moi, d'ailleurs, ce n'est pas un homme de droite." Le chef de l'Etat demande des nouvelles d'"Anne". Ivan Levaï se risque à l'ironie : "Tu es tranquille, maintenant !""Ne crois pas ça", élude le président, énigmatique, avant de rappeler qu'il avait mis "plusieurs fois en garde Dominique" contre ces aventures d'un soir qui, aux Etats-Unis, peuvent vous traîner devant les tribunaux. "T'inquiètes, je fais", rassure Nicolas Sarkozy avant de prendre congé. Quoi, comment ? Mystère. Le journaliste notera seulement que "le consul, en tout cas, est allé voir Dominique en prison".
Avant, il comptait les jours le séparant de mai 2012. Son calendrier a été chamboulé. Dans l'agenda d'Ivan Levaï, une nouvelle éphéméride soulignée de jaune fluo est venue se substituer au calendrier grégorien. Au 14 mai, à 5 heures du matin, il a écrit : "Sofitel Manhattan (hélas). Jour 1." En ce jour 142, devant sa tasse de café, il constate : "Cette histoire m'a changé. Dans quelques jours j'arrête la promo, je ferme le magasin. Mais si je n'avais pas écrit ce livre je me serais considéré comme un salaud." Et de dénoncer le nouveau "maccarthysme sexuel ambiant", de se demander si un jour on osera encore publier en France Milan Kundera, chantre du "libertinage et de la fidélité", de rappeler opportunément les mésaventures de Bill Clinton, victime de "tant de menteuses", comme Juanita Broaddrick ou Paula Jones.
"Cette histoire va changer la politique, vous n'imaginez pas. Il y aura des tribunaux d'inquisition, ceux de l'opinion. Pour être élu président, il va falloir obéir à des critères nouveaux. Les qualités qui seront exigées, peu d'hommes les possèdent."
En ce week-end de primaire, l'homme de gauche rêverait d'une femme présidente. Au fond, il aimait cette époque où, journaliste politique, il passait ses week-ends à Latche (Landes), chez le président François Mitterrand, dont il avait écrit, le 10 mai 1981, la déclaration d'élu à l'hôtel du Vieux-Morvan. A 74 ans, il garde la nostalgie de ces temps où, de retour à Paris par la nationale, il déposait le président rue Jacob, au pied de l'appartement d'Anne Pingeot, sans poser de questions. "Ne vous mettez pas à la place d'Anne Sinclair", conjure-t-il.
Il ne veut pas croire que "Dominique" soit rayé pour toujours de ce Paris qui l'a tant courtisé. Avec sa belle voix grave, il raconte, le regard de nouveau pétillant, cette scène qui lui a tant plu. Il déjeunait avec Jean-François Kahn, un autre ami des Strauss-Kahn, chez L'Ami Louis, célèbre bistrot gastronomique du coeur de la capitale. A quelques tables d'eux, Bill Clinton partage un coûteux poulet-frites avec sa fille, Chelsea. Les deux journalistes ne parlent anglais ni l'un ni l'autre, impossible d'aborder l'ex-président américain. "Mais au moment où ils ont quitté le restaurant, toute la salle s'est levée et a applaudi bruyamment, raconte-t-il radieux. Cet homme dont Le Monde avait publié le rapport du procureur Kenneth Starr, avec tous les détails de sa relation avec la stagiaire Monica Lewinsky !" Un tel épilogue, on le devine, Ivan Levaï, dernier avocat de la famille Strauss-Kahn, en rêverait

N’oubliez pas la Grèce

En réponse au bloc-notes de Bernard-Henri Lévy dans Le Point de cette semaine.

Grèce: Le Premier ministre Papandreou envisage un gouvernement d'union nationale

Le Premier ministre socialiste grec George Papandreou pourrait proposer la formation d'un gouvernement d'union nationale à l'opposition afin de tenter de sortir son pays de la crise financière, rapporte un journal local samedi.  Le gouvernement a toutefois démenti les informations publiées par le quotidien financier Imerisia qui évoque la possibilité d'une démission de Papandreou afin de dégager un consensus politique et de rassembler une large majorité au parlement soutenant un gouvernement de coalition. «Cela n'est pas vrai», a déclaré Ilias Mosialos, porte-parle du gouvernement, à Reuters.

Au mois de juin, le Premier ministre socialiste avait proposé à l'opposition conservatrice d'Antonis Samaras de démissionner pour ouvrir la voie à un gouvernement d'union nationale. Mais Samaras, qui s'oppose à la politique d'austérité, avait refusé l'offre.  Le Pasok de Papandreou dispose d'une courte majorité de quatre sièges au parlement.
Les dirigeants européens doivent se retrouver les 17 et 18 octobre à Bruxelles pour examiner le deuxième plan d'aide à la Grèce mis au point le 21 juillet. Ils pourraient demander aux banques de renoncer à une plus grande part des créances qu'elles ont sur la Grèce.

Ce que les candidats à la primaire PS n'ont jamais dit

Ségolène Royal, Manuel Valls, Jean-Michel Baylet et François Hollande se sont prêtés au jeu de notre questionnaire décalé.

Dernier week-end avant le premier tour. Dimanche, Ségolène Royal, Arnaud Montebourg, Manuel Valls, François Hollande, Martine Aubry et le PRG Jean-Michel Baylet sauront lesquels d'entre eux sont qualifiés pour la finale de la primaire PS.
Pendant des mois, ils ont sillonné la France à la rencontre des électeurs, et des débats télévisés ont permis de populariser leur projet pour la France. Cette semaine, ils ont - presque - tous accepté de répondre à un questionnaire plus intimiste qui révèle une part secrète de leur personnalité. Arnaud Montebourg et Martine Aubry n'ont en effet pas souhaité se prêter au jeu.
Les autres ont pris le temps de le faire - par mail, à l'exception de François Hollande dont l'entretien a été réalisé en face à-face -, avec sérieux, humour parfois. Retrouvez toutes leurs réponses.
RETROUVEZ LES RÉPONSES DE SÉGOLÈNE ROYAL
RETROUVEZ LES RÉPONSES DE JEAN-MICHEL BAYLET
RETROUVEZ LES RÉPONSES DE MANUEL VALLS
RETROUVEZ LES RÉPONSES DE FRANÇOIS HOLLANDE

 

Des femmes à mains nues

Deux pays méconnus, le Yémen et le Liberia, mis en évidence. Trois femmes saluées. Mais une seule méthode récompensée, la non-violence. Ce prix Nobel de la paix 2011, décerné sur le mode ex aequo, ne déçoit pas. Mais il surprend. Après l’extraordinaire bouleversement politique et culturel que représente la révolution en Tunisie ou en Egypte, on attendait que soit distingué(e) l’un(e) de ces jeunes courageux (ou courageuses) qui ont réussi ce qui, il y a un an encore, semblait impossible : écarter le clan Ben Ali et le clan Moubarak.

En Tunisie comme en Égypte, le mouvement démocratique est à peine au début du chemin. Les prédateurs que sont les islamistes ou les tenants d’un pouvoir strictement militaire sont aux aguets. Un prix accordé aux pionniers du printemps arabe aurait donc été une utile bouffée d’oxygène et un joli coup de pouce. Car un Nobel de la paix a deux dimensions. C’est soit une récompense a posteriori, soit un encouragement a priori. En 2009 le Nobel de la paix était bien allé à un Barack Obama en début de mandat qu’on voulait stimuler alors qu’à la vérité il n’avait pas fait grand-chose de tangible…

Mais c’est vers le Yémen que le jury du Nobel s’est tourné, comme pour inclure de la façon la plus large les révolutions arabes en gestation. La jeune journaliste (32 ans) Tawakkol Karman est de ce point de vue une parfaite lauréate. Avec le concours de son mari, elle a bravé non seulement le président en place, mais aussi tous ses cousins, voisins et anciens camarades de classe qui pensent bêtement normal que les femmes doivent rester à la maison. En s’érigeant en figure centrale de la révolution yéménite, Tawakkol Karman jaillit en pleine lumière dans un pays où, comme en Arabie saoudite, la presque totalité des femmes ne sort dans la rue que vêtue de noir et voilée de la tête aux pieds. Le jury du Nobel s’honore d’avoir distingué cette vraie révolutionnaire.

Les deux autres lauréates, les Libériennes Ellen Johnson Sirleaf et Leymah Gbowee, complètent le palmarès. Elles aussi ont pour credo la lutte non-violente, ce qui justifie pleinement un prix Nobel de la paix. Alors que beaucoup d’hommes n’envisagent le combat contre la dictature que les armes à la main, elles ont installé avec ténacité, intelligence et lucidité une stratégie fondée sur l’éradication de la violence. Il y a forcément du Gandhi dans ce choix. Cette référence indienne n’est pas le moindre éloge qu’on peut adresser à ces femmes de bonne volonté. Car se bagarrer à mains nues contre une guerre civile est le type même du défi absolu.

Méfions-nous des sauveurs de l’euro

Si l'on veut sauver le projet européen, il faut se lever contre les projets de la chancelière Merkel et du Président Sarkozy qui font la promotion d'une union faiblement démocratique, axée sur la compétitivité fiscale et le dumping social, écrit un journaliste allemand. 
Les grandes crises qui ont frappé le capitalisme, le grand historien des sociétés Jürgen Kocka l’a rappelé récemment, ont souvent servi de catalyseurs pour des réformes profondes du capitalisme. Ce qui suscite à la fois l’espoir et l’inquiétude : si nous avons la chance de faire de la crise de l’euro une crise "constructive", nous devons la saisir maintenant.
Les crises du passé ont permis – ou tout au moins favorisé – la mise en œuvre de changements structurels. Les crises ont ainsi rendu possible l’institutionnalisation des règles nationales, l’apparition de la protection sociale et surtout l’installation du paradigme longtemps dominant de la pensée keynésienne. Cela s’inscrivait dans un contexte général. Il arrivait toujours un moment, toutefois, où les "aspects positifs" de la crise retombaient sous le joug d’intérêts privés supérieurs. Le fait qu’ils aient été malmenés dans l’Allemagne rouge-verte, la dérégulation et l’abandon de la redistribution des richesses participent à la confusion ambiante.
Tirera-t-on les enseignements de la crise de la dette européenne ? Manifestement pas. Car ce que l’on vend à l’opinion publique angoissée comme la "gestion de la crise" ne comporte aucun des "aspects constructifs" au sens où les entend Jürgen Kocka. Dans la concurrence pour sauver l’euro face aux "marchés", les gouvernements montrent simplement qui tient véritablement les rênes du pouvoir. Au lieu d’agir sur les causes économiques et politiques de la crise, celles-ci sont érigées en solutions. Et depuis 2008, l’Etat doit supporter le poids social d’une crise financière du secteur privé. A peine avait-on transféré le coût de l’enrichissement du secteur privé sur les comptes publics que l’on prescrivait un nouveau régime destiné à résoudre une crise devenue "publique".

Une discussion réduite au sauvetage de l'argent

Pendant la crise, le principe allemand de plafonnement de la dette a été étendu au reste de l’Union européenne. Cette décision découle-t-elle de la parcimonie proverbiale de la chancelière allemande ? Nenni. "Ce que nous devons nous garder de faire", a mis en garde Angela Merkel, "c’est de saper au passage la confiance des investisseurs". Voilà qui montre à qui va sa loyauté et à quoi se réduit le débat européen : à une discussion sur le sauvetage de l’argent, des prétentions d’ordre patrimonial, de la compétitivité. Les appels à davantage d’"enthousiasme pour l’Europe" finissent toujours par des sanctions sur la mise en œuvre de la discipline budgétaire, par des règlements sur l’insolvabilité des Etats, etc. Les querelles partisanes au sein de la coalition sur la politique européenne à mener ne suffisent pas à la cacher. Le fait que le parlement soit bientôt davantage impliqué dans les décisions relatives au sauvetage de l’euro n’est pas une réponse à la question de savoir ce que les députés contribueront à "sauver".
"L’échec de l’euro serait aussi l’échec de l’Europe", a déclaré la chancelière, propageant ainsi une menace qui devrait avoir autant d’effet sur les députés des groupes parlementaires de la majorité que sur les petits épargnants, les bénéficiaires d’allocations, les salariés et les écoliers, les médecins et les artistes, les retraités et les femmes au foyer. Cette phrase ne dit toutefois qu’une partie de la vérité. Car les fondements d’une meilleure Europe seraient aussi détruits : une Europe qui était encore au cœur du débat dans les querelles qui ont émaillé la signature du Traité de Lisbonne – une Europe la protection sociale, des droits fondamentaux applicables. Les gens qui ont envie de sauver l’Europe, qui aspirent à autre chose qu’un projet élitiste fondé sur de seuls intérêts économiques et marqué par le recul de la démocratie, la concurrence fiscale et le dumping social, doivent désormais se retourner contre les "sauveurs" que sont les Merkel, Sarkozy et consorts.
C’est nécessaire, parce que les décisions prises dans le cadre de la gestion de la crise préfigurent ce que sera la future constitution européenne. Mais ce ne sera pas aussi simple, car un "non" social et solidaire à la politique de sauvetage du gouvernement est bien trop facilement confondu avec ce populisme eurosceptique qui fait actuellement tache d’huile dans la société. Ces faux détracteurs de l’Europe ont trouvé dans le journal Bild leur organe officiel – reste à leur trouver un mouvement politique.

Des conditions de travail dégradées

D’après un sondage, les deux-tiers des Européens estiment que le marché unique n’a profité qu’aux grandes entreprises ; la moitié d’entre eux ont le sentiment que le statu quo européen a dégradé les conditions de travail et que l’intégration politique n’a pour l’heure rien apporté aux couches défavorisées. Voilà qui en dit long sur le tempérament de cette Europe qu’Angela Merkel et d’autres entendent sauver.
Et pourtant, ce serait une erreur d’abandonner l’idée d’Europe et de laisser le champ libre à ceux qui voient l’issue dans le retour du mark, la désolidarisation et le repli national.
L’enjeu est de taille : ou bien l’on sort de la crise de l’euro "par le haut", avec un régime européen menant une politique d’austérité autoritaire, ce qui supprimerait immédiatement toute marge de manœuvre pour la construction politique de l’Union et conforterait les mouvements sociaux dans leur orientation eurosceptique. Ou bien une pression exercée "par le bas" contraint les gouvernements à revoir leur action.
Une campagne publicitaire orchestrée par les syndicats n’y suffira pas. Les appels seuls n’ont jamais suffi à rendre une crise constructive. Pour que ce soit le cas, Jürgen Kocka l’a également rappelé, deux choses ont toujours été nécessaires : la critique du capitalisme et l’engagement politique assorti d’une mobilisation sociale. La critique est largement répandue dans les colonnes des journaux. Mais on ne lit pas encore que ce n’est pas suffisant.

Du ras-le-bol des uns à celui des autres

Il se trouvait peu de monde pour, en première réaction, condamner l'usage du droit de retrait des contrôleurs de la SNCF, dès jeudi soir. Pourtant, ils ont encore une fois montré qu'ils possèdent le pouvoir de bloquer le pays et de semer la pagaille en un temps record. Le peuple des égarés du rail a eu comme premier réflexe de penser d'abord à la victime d'un acte odieux. Un homme qui se fait poignarder par un déséquilibré, qui plus est dans l'exercice de sa fonction et représentant l'autorité publique, voilà qui indigne les Français. Le fait divers leur rappelle leur propre sentiment d'insécurité ; la « boule au ventre » décrite par les syndicats de contrôleurs est un peu celle de nombreux citadins susceptibles de croiser, dans le train ou ailleurs, la route d'un déséquilibré. Phase II : la colère monte. Le droit de retrait, cette semaine, s'est exercé de manière abusive, comme c'est devenu l'usage dans les transports (lire page 5). Un signe de solidarité. Une mini grève sans préavis, payée, sur un ras-le-bol. C'est là que la grogne des usagers - pardon des clients - de la SNCF reprend le dessus. Victimes collatérales, les voyageurs qui ont passé une nuit blanche, loupé un entretien d'embauche, sacrifié une journée de congés… savent pourtant que le blocage ne sert à rien. L'opinion et les pouvoirs publics sont déjà alertés sur la question de l'insécurité. Mais si demain, par indignation, les passagers se mettaient à ne pas payer leur billet, sans préavis, ces mêmes contrôleurs agiraient-ils avec largesse et compréhension ?

Après la mort de Steve Jobs, une tristesse collective étonnante


L'annonce de la mort de Steve Jobs, cofondateur d'Apple, a suscité un flot de réactions élogieuses, comme peu de décès en ont provoqué. Des consommateurs de la marque aux hommes politiques de tous bords en passant par d'anciens concurrents, tous ont salué un génie qui a bouleversé l'humanité.

Pour Nicolas Herpin, sociologue de la consommation, cet engouement posthume est une réaction collective étonnante, pour ne pas dire démesurée. "Certes, c'est un industriel de génie mais il y en a d'autres et ils ne mobilisent pas autant les esprits", rappelle le chercheur à l'observatoire sociologique du changement, le laboratoire sociologique de Sciences Po Paris.

Le sociologue explique cet emballement, qui n'est pas que médiatique, par le parcours de Steve Jobs. Un héros mythologique des temps modernes. "Voilà un homme qui incarne l'image de quelqu'un qui est capable de sortir des produits du néant", estime-t-il. De son garage jusqu'à la une des journaux, le créateur de l'iPhone a une histoire qui fascine, un parcours qui fait rêver les foules. "Il est ce que tout le monde veut devenir, dans une époque où tout le monde est anonyme", estime Nicolas Herpin.

UNE MORT ANNONCÉE

Tout le monde savait que Steve Jobs était en mauvaise santé. Il l'a lui même rappelé en abandonnant la direction du groupe de Cupertino, en août. Et pour Nicolas Herpin, cette mort annoncée change tout. "C'est encore plus touchant. Il nous dit 'Je m'en vais parce que je vais mourir' et le voilà qui meurt tout de suite. Il serait mort vingt ans après, les éloges auraient été moins nombreux", argue le chercheur avant de rappeler que la mort de François Mitterrand, quelques semaines après la fin de son mandat, avait suscité le même type de réactions. Un engouement qui laisse peu de place à la critique constructive.

Si certains ont rappelé le mauvais caractère de Steve Jobs ou pointé du doigt les conditions de travail des ouvriers chinois de l'usine de Foxconn, d'autres comme le maire de New York, Michael Bloomberg, ou des centaines d'utilisateurs de Twitter n'hésitent pas à comparer Steve Jobs aux plus grands scientifiques, comme Einstein ou Léonard de Vinci. "Du délire !", s'insurge Michel Dubois, sociologue des sciences au CNRS, pour qui Steve Jobs n'est qu'"un industriel" parmi d'autres.

Selon lui, Steve Jobs n'a rien d'un homme de sciences. Parce qu'il ne s'est pas attaqué à la recherche fondamentale, la plus prestigieuse. Mais surtout parce que sa logique industrielle est contraire à l'esprit scientifique. "Apple s'est construite sur une logique de propriété avec des verrouillages de tous les côtés. Steve Jobs n'a jamais joué le jeu académique de la diffusion des idées", rappelle l'universitaire.

LA PERTE DE STEVE JOBS, LA PERTE DE SOI ?

Si l'émotion a étreint l'espace public, c'est bien parce que "l'attachement à un iPhone ou à son ordinateur portable relève sans doute d'une logique comparable à celle qui régit l'attachement à un souvenir de famille ou un objet de collection", présume Thierry Bonnot, sociologue à l'Ecole des hautes études en sciences sociales, qui analyse notre rapport aux objets.

Nicolas Herpin abonde. "Son mérite est d'avoir poussé le consommateur à s'identifier aux objets. Autrefois, personne n'aurait imaginé que le téléphone devienne un produit individualisé." Et comment s'est-il personnalisé ? "Grâce à la culture", explique le sociologue. En incluant musique et cinéma dans un objet aux vertus principalement utilitaires, Steve Jobs a permis à ses consommateurs d'y mettre un peu de leur personnalité. En perdant Steve Jobs, les consommateurs de ses produits doivent-ils faire le deuil d'une part d'eux-mêmes ?

Si le deuil est collectif, il ne concerne qu'une minorité. "Il y a des milliards d'êtres humains que la disparition de Steve Jobs laisse froids, soit qu'ils n'en aient jamais entendu parler, soit qu'ils n'utilisent jamais ni iPhone, ni iPad, parce qu'ils n'ont pas les moyens de le faire", rappelle Thierry Bonnot.