TOUT EST DIT

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ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

jeudi 7 juillet 2011

Socialistes, oubliez DSK !

Hervé Gattegno, rédacteur en chef au "Point", intervient sur les ondes de RMC du lundi au vendredi à 7 h 50 pour sa chronique politique "Le parti pris". 

Vous revenez sur l'interminable feuilleton de l'affaire Strauss-Kahn. Le procureur de New York a annoncé hier soir que la procédure n'était pas close. Votre parti pris : socialistes, oubliez DSK ! Vous voulez dire qu'il ne peut plus revenir en politique ?
À ce stade, j'espère pour lui qu'il ne se pose plus la question. En théorie, il peut encore avoir le choix : il est présumé innocent - et même un peu plus depuis qu'on sait que son accusatrice a énormément menti. Mais la journée d'hier montre bien l'extrême fragilité de sa situation. DSK n'a plus de bracelet électronique, mais il reste entravé, enchaîné à la procédure américaine. Personne ne sait combien de temps ça va durer, mais tout le monde sait que ça va laisser des traces : sur sa réputation, sur son moral, sa psychologie. Avec en plus la menace permanente d'autres accusations - comme cette plainte de Tristane Banon, qui laisse une impression étrange, huit ans après les faits qu'elle décrit. Pas grand monde y croit, mais ça oblige le parquet à ouvrir aussi une enquête en France. Rien de tout cela ne prédispose à être candidat à la présidence de la République.
Autrement dit : pour vous, c'est sûr, il a renoncé.
C'est un homme trop intelligent pour ne pas l'avoir compris. Il est capable d'une grande légèreté - il l'a déjà montré, hélas pour lui -, mais il n'est pas dans l'irrationnel. C'est un mathématicien, un joueur d'échecs. Il sait forcément que son avenir politique est plus que compromis. En fait, il est condamné à renoncer, comme le procureur de New York est condamné à abandonner les charges contre lui. Parce que dans un cas comme dans l'autre, c'est la confiance qui va faire défaut. Les jurés américains ne croiront plus la femme de chambre - même si la justice ne retient plus que des délits mineurs. Et l'opinion française ne pourra plus voir en DSK un homme capable de diriger le pays. C'est peut-être injuste, cruel, triste, mais c'est ainsi.
C'est cruel aussi pour les socialistes. Ils n'en peuvent plus de voir les primaires gâchées par les rebondissements de l'affaire...
On peut les comprendre ! Pour eux, le feuilleton américain tourne au supplice chinois. Déjà que la désintégration du favori a causé un choc et que leur campagne n'est pas passionnante, ce sont les soubresauts de la procédure de New York qui focalisent l'attention. Ce n'est pas l'idéal pour donner envie d'aller voter aux primaires. Ni pour faire valoir des idées, des projets. Quand la télévision diffuse une série policière américaine en même temps qu'un débat de fond sur la fiscalité des entreprises ou l'avenir des universités, on sait très bien ce qui fait le plus d'audience...
Pour en finir, est-ce que DSK ne devrait pas annoncer très vite qu'il n'est plus dans la course ?
Certainement. On voit bien que ses partisans ont brièvement repris espoir et que, maintenant, ils anticipent son retrait. Ils se répartissent peu à peu entre le camp Hollande et le camp Aubry. La page se tourne. DSK lui-même sortira de l'ambiguïté dès qu'il le pourra - aussitôt que le dossier américain sera refermé. Il ne dira rien avant, parce qu'il ne veut pas que ce soit interprété comme un aveu de culpabilité ni même comme le signe qu'il est prêt à une procédure longue. Mais je suis sûr qu'il aura à coeur de montrer qu'il a le sens des responsabilités. Et que, s'il ne peut pas faire gagner son camp en 2012 - comme il en avait vraiment le désir -, il ne veut pas risquer de le faire perdre.

 

Merde


Pardonnez-nous la vulgarité de ce mot, mais il est de saison. Vous le savez, si vous avez regardé hier soir «L’Etoffe des champions» sur la télévision publique: durant de longues minutes, deux personnages se hurlent «merde» de plus en plus fort, de plus en plus durement. L’un d’eux se nomme Raymond Domenech, embauché comme coach de cette émission de téléralité qui nous rappelle un peu les stages de motivation des années 80, avec cadres dynamiques marchant sur le feu... Il aurait pu y penser dès Knysna, Raymond Domenech, et demander à ses footballeurs de sortir de leur bus pour pousser un grand «merde» libérateur. On pourrait aussi conseiller la méthode à tous les hystériques du cas DSK, qu’ils soient journalistes, politiques ou avocats: dites «merde» très fort, ensemble, une fois - cela vous motivera peut-être pour parler enfin d’autre chose.

Quand l'Europe parle polonais

Depuis vendredi, la Pologne assure la présidence tournante de l'Union européenne. Une présidence désuète ? Pas si sûr. Car s'il est une capitale où l'adhésion à l'Union européenne a été vécue, en 2004, non pas comme un élargissement, mais comme une juste recomposition de l'espace européen, après les terribles fractures du XXe siècle, c'est bien Varsovie.

Par sa démographie ¯ 40 millions d'habitants ¯, son étendue territoriale ¯ qui en fait une puissance agricole ¯, sa position aux confins de l'Union (enjeu stratégique majeur), la Pologne, même si sa richesse par habitant n'est encore qu'à 60 % de la moyenne européenne, est destinée à jouer un rôle de plus en plus important dans la gouvernance du continent.

C'est d'ailleurs son intention. On l'a constaté ces derniers jours depuis que Varsovie a pris, pour la première fois, et pour six mois, les rênes de l'Union. Après un semestre hongrois déplorable ¯ qu'on aurait tort d'oublier tant les germes d'une dérive antidémocratique semblent tenaces sur les bords du Danube ¯ la Pologne a, elle, aussitôt affiché ses ambitions.

Son Premier ministre, le libéral Donald Tusk, multiplie les proclamations de foi en l'Europe, soucieux de « rétablir un langage commun ». Au Parlement de Strasbourg, il a parlé, hier, du renforcement des institutions, du danger que représentent le nationalisme ou la recherche d'un bouc émissaire, de la nécessité de plus d'intégration. Ce ton engagé d'un chef de gouvernement est devenu si rare en matière européenne que nombre d'eurodéputés ont été, hier, comme sortis de la torpeur morose distillée par la crise.

Comment expliquer cette rupture si nette des dirigeants de Varsovie par rapport à la méfiance qui dominait du temps des frères Kaczynski ? La bonne santé économique d'un pays donne toujours des ailes à ses ambitions diplomatiques. En 2009, la Pologne a été le seul des Vingt-Sept à ne pas connaître la récession. Joli pied de nez pour tous les plombiers polonais. Belle performance pour Donald Tusk, convive serein des conseils européens.

Aussi, ce semestre de présidence ne pouvait-il être perçu que comme un tremplin pour faire sortir la Pologne des seconds rôles et la poser en authentique pilier de l'édifice européen. Au risque, d'ailleurs, de forcer quelques portes, comme celle de l'Eurogroupe. Varsovie a imposé, de façon vigoureuse, d'assister aux réunions des ministres des finances devant décider du sort de l'euro, alors que la monnaie unique n'a pas encore cours sur les rives de la Vistule.

À un an de l'Euro 2012, ce sommet européen du football qui aura lieu en Ukraine et en Pologne, le partenariat oriental avec les pays voisins de l'Union, ainsi que la procédure d'adhésion de la Croatie, seront autant de cartes à jouer pour Varsovie si la crise de l'euro n'occulte pas tout.

Enfin, en matière de défense européenne, le gouvernement Tusk espérait faire un coup d'éclat en proposant à ses partenaires de concrétiser la coopération renforcée prévue par le traité de Lisbonne. Le refus de Paris ¯ qui indique, au passage, que les freins ne sont pas seulement britanniques ¯ a refroidi les ambitions de Varsovie, desservie il est vrai par son refus de participer à l'opération en Libye. La Pologne n'a pas encore tous les moyens de ses ambitions, mais elle affiche clairement sa vocation européenne. La stabilité et la prospérité du continent en dépendent.





Le plan grec en retard, le Portugal au placard

La zone Euro reste plus que jamais sous la menace de la crise de la dette, avec de nouvelles turbulences financières autour du Portugal et de grandes difficultés pour boucler un deuxième plan d’urgence en faveur de la Grèce.
Au bord du précipice il y a huit jours, l’Union monétaire a soufflé lorsque le Parlement grec a voté un plan d’austérité, condition pour garder ouvert le robinet de l’aide.

Las, il n’aura pas fallu 24 heures pour comprendre que le deuxième plan d’aide à moyen terme promis à Athènes, allant au-delà de prêts d’urgence pour lui permettre de passer l’été, serait plus tardif qu’escompté. Il dépasse 100 milliards d’euros, comme le premier il y a un an. Or, cette fois, les Européens veulent faire contribuer les créanciers privés.
Mais l’exercice est délicat. Cette semaine, l’agence de notation Standard and Poor’s a estimé que le plan conduirait "probablement à un défaut de paiement", ce que l’Europe veut éviter à tout prix.
La zone euro a repoussé le plan à septembre. Mais le retard pris risque d’indisposer le FMI, qui ne débloquera sa part de 3,3 milliards d’euros qu’avec l’assurance que les besoins grecs seront couverts jusqu’en 2012.
Pour ne rien arranger, le Portugal se retrouve sous la pression. L’agence de notation Moody’s l’a relégué dans la catégorie des investissements "spéculatifs", estimant que le pays pourrait avoir besoin d’un deuxième plan d’aide alors que le premier, de 78 milliards d’euros, vient tout juste d’être décidé.
Moody’s a abaissé de quatre crans sa note à long terme, car elle estime que le pays pourrait - comme la Grèce - avoir besoin d’un deuxième plan d’aide avant de retourner sur les marchés s’y financer seule. L’agence craint aussi, après analyse, que le Portugal ne parvienne pas à tenir les engagements en matière de réduction de son déficit.
Furieuse, la Commission européenne a lancé une mise en garde aux agences de notations, dont les décisions issues de constats financiers font vaciller plusieurs pays surendettés de l’Union monétaire. José Manuel Barroso, son président, "regrette particulièrement cette dégradation à cause du moment choisi et de son ampleur".
Il faut "briser l’oligopole des agences de notation", a martelé le ministre allemand Wolfgang Schäubele. La presse portugaise parle de dégradation "insultante" et "irrationnelle", car survenant avant la mise en place du nouveau gouvernement. Mais l’inquiétude est palpable. "Les Portugais paient les atermoiements de l’Europe sur l’implication du secteur privé" pour aider la Grèce, juge une source européenne proche du dossier. L’euro restera durablement en état d’urgence.

Le commentaire politique de Christophe Barbier




Etats-Unis et Europe dans la même galère

Des deux côtés de l'Atlantique, on tente désespérément de trouver une issue à la crise économique, chacun à sa manière. Une erreur monumentale, affirme Gideon Rachman, car en fait, ils souffrent des mêmes maux. 

A Washington, on se dispute au sujet du plafond de la dette ; à Bruxelles, c’est un gouffre que l’on contemple. Mais fondamentalement, le problème est le même. Tant aux Etats-Unis que dans l'Union Européenne, les finances publiques échappent à tout contrôle et les systèmes politiques sont trop dysfonctionnels pour accoucher d’une solution. L’Amérique et l’Europe sont dans le même bateau, et il est en train de couler.
Les débats sur la dette qui font rage aux Etats-Unis et en Europe sont tellement égocentriques et hystériques que fort peu de gens sont à même de voir les liens. Ils devraient pourtant sauter aux yeux tant ils font de cette crise occidental un désastre généralisé.
Sur les deux rives de l’Atlantique, il est désormais évident qu’une grande partie de la croissance économique des années d’avant la crise s’expliquait par un boom intenable et délétère dans le secteur du crédit. Aux Etats-Unis, c’étaient les petits propriétaires qui étaient dans l’œil du cyclone ; en Europe, ce sont des pays entiers, comme la Grèce et l’Italie, qui ont profité de faibles taux d’intérêt pour contracter des emprunts qui n’étaient pas viables.

Les deux faces d'une même crise

Le krach financier de 2008 et ses conséquences ont porté un rude coup aux finances des Etats tandis que la dette publique montait en flèche. Aussi bien en Europe qu’en Amérique, ce choc exceptionnel est aggravé par la pression démographique, qui accentue la pression budgétaire alors que la génération des baby-boomers commence à partir à la retraite.
Enfin, d’un côté comme de l’autre, la crise économique polarise la politique, et il devient donc plus difficile de développer des solutions rationnelles au problème de la dette. Les mouvements populistes ont le vent en poupe — qu’il s’agisse des Tea Parties aux Etats-Unis, ou du Parti pour la Liberté (PVV) néerlandais ou des Vrais Finlandais en Europe.
L’idée que l’Europe et les Etats-Unis représentent deux faces d’une même crise a mis du temps à se faire jour parce que, pendant des années, les élites sur les deux rives de l’Atlantique ont mis l’accent sur les différences entre les modèles américain et européen. J’ai perdu le compte du nombre de conférences auxquelles j’ai assisté en Europe, et où deux camps se déchiraient : un qui brûlait d’appliquer un “marché du travail flexible” à l’Américaine, l’autre défendant avec ferveur un modèle social européen qui se définissait comme en opposition aux Etats-Unis.
Il en allait de même du débat politique en Europe. Un groupe souhaitait que Bruxelles imite Washington et devienne la capitale d’une véritable union fédérale ; d’autres soutenaient qu’il était impossible de mettre en place des Etats-Unis d’Europe. En revanche, les deux camps avaient en commun une conviction : sur le plan économique, politique et stratégique, les Etats-Unis et l’Europe vivaient sur deux planètes distinctes — “Mars et Vénus”, comme le disait l’universitaire américain Robert Kagan.
Dans le débat politique américain, l’altérité de “l’Europe” sert de point de référence. On accuse ainsi Barack Obama de vouloir importer un “socialisme à l’Européenne” pour brocarder le président en tant qu’anti-américain. A gauche, quelques-uns estiment effectivement que l’Europe fait les choses autrement, et mieux dans certains domaines — avec ses systèmes de santé universels, par exemple.
Or, les similitudes entre les dilemmes que connaissent les deux régions sont aujourd’hui plus marquantes que leurs différences. Ils ont entre autres en commun la croissance de la dette, la fragilisation de l’économie et une vie politique dans l’impasse.
Les Etats-Unis peinent à juguler les coûts de la protection sociale et de Medicare [le programme fédéral d'assurance santé pour les plus de 65 ans], un combat qui n’a rien de nouveau pour les responsables européens, lesquels se démènent également afin de réduire les dépenses dans les secteurs des retraites et des prestations de santé.

Une politique encore plus dysfonctionnelle à Washington

Beaucoup d’Européens pensaient que les hommes politiques américains jouissaient d’un grand avantage parce qu’ils travaillaient dans le cadre d’un système authentiquement fédéral. D’aucuns prétendent encore que la seule façon de stabiliser l’euro à long terme serait de se tourner vers un “fédéralisme fiscal” calqué sur les Etats-Unis. Toutefois, pour l’instant, la politique semble encore plus dysfonctionnelle à Washington qu’à Bruxelles. Le système politique américain est paralysé par son apparente incapacité à débattre sérieusement de la dette et des dépenses publiques (pour ne rien dire d’une éventuelle solution). Il est donc risible de croire qu’il puisse servir de modèle à l’Europe.
Certes, il existe encore de nettes différences dans les débats qui se déroulent de part et d’autre de l’Atlantique. La crédibilité du dollar repose sur un passé robuste, alors que l’euro n’est parmi nous que depuis guère plus de dix ans. La cause principale de la paralysie européenne tient à la fracture politique entre les nations. Car rien, dans le débat américain, ne ressemble à l’amère querelle entre les Grecs et les Allemands. En Europe, l’idée qu’une hausse des impôts fasse partie de la solution à l’explosion de la dette ne suscite pas la controverse. En Amérique, l’opposition des républicains à la moindre évocation d’une augmentation des impôts est au cœur de la discussion politique.
Obsédés par leurs propres problèmes et par leurs différences, les Américains et les Européens ont tardé à prendre conscience de ce qui relie leurs crises jumelles. Mais ailleurs dans le monde, des analystes sont mieux à même d’identifier cette tendance commune. Dans les rangs des responsables et des intellectuels chinois, il est désormais courant de suggérer aux Occidentaux, quels qu’ils soient, qu’il serait judicieux de cesser de “donner des leçons à la Chine” — compte tenu de la gravité de leurs propres problèmes politiques et économiques.
Les Chinois qui critiquent l’Ouest observent les dilemmes de l’Europe et des Etats-Unis avec la cruelle acuité que leur accorde la distance. Mais leur orgueil et leur assurance risquent de leur faire oublier à quel point l’ascension de la Chine, de l’Inde et des autres a dépendu d’un Occident prospère et sûr de lui. Si ses maux s’aggravent, l’Ouest pourrait céder à la tentation de tester de nouveaux remèdes, plus radicaux. Comme un retour au protectionnisme et aux contrôles du capital. Si la mondialisation fait machine arrière, la Chine pourrait bien se retrouver confrontée à sa propre crise économique et politique.

Des trous dans le grand réseau

La Commission européenne a identifié dix projets d'infrastructures ferroviaires prioritaires. Leur but : faciliter le flux des passagers et des marchandises et accélérer l'intégration au coeur de l'Europe. Une ambition menacée par des oppositions politiques et citoyennes. 

Tous les jours, un train de 750 mètres de long quitte la gare de Barcelone pour Lyon. Il avance à 40 kilomètres à l’heure, ce qui est peu, mais la vitesse n’est pas la première vertu des convois de marchandises. Dans quinze heures, il arrivera à destination, ce qui, jusqu’à l’année dernière, n’était encore qu’un rêve : la ligne était vieillissante et, surtout, des problèmes d’écartement des voies imposaient de transborder les marchandises à la frontière française.
Les Espagnols ont travaillé d’arrache-pied à la réfection des voies, et en décembre, un premier convoi de containers a traversé les Pyrénées, trois fois par semaine au départ, puis sept, entraînant ainsi une réduction des émissions polluantes et du trafic autoroutier. Aujourd’hui, l’Espagne envisage de doubler ce chiffre, convaincue que l’offre crée la demande. Malgré des débuts laborieux, Bruxelles pense que les grands réseaux espagnols sont sur la bonne voie. "Ils sont au cœur du processus d’intégration continentale", observe-t-on à la Commission européenne. L’année prochaine, la ligne à grande vitesse arrivera en Catalogne et de là, desservira directement Madrid.

Dix projets prioritaires

Un projet de liaison avec Valence est prévu en 2020, qui reliera ensuite Carthagène. A long terme, puisque c’est ainsi qu’il faut raisonner, tous les ports méditerranéens de la péninsule ibérique seront reliés par une ligne à grande capacité. De là, les marchandises pourront aisément rejoindre l’ensemble du marché européen. Et au-delà.
Dans les étages supérieurs des immeubles bruxellois, les experts du RTE-T, le nom donné au réseau de transport transeuropéen, sont modérément satisfaits. Ils assurent la gestion de trente projets prioritaires, soit 11 000 kilomètres de voies routières, 32 800 de lignes ferroviaires, et 3 660 de voies fluviales. Fin 2010, ils représentaient un volume d’investissement de 395 milliards d’euros, dont 62% devraient être dépensés d’ici à 2013. "Pour les parcours de plus de 300 kilomètres, nous devons reporter un tiers du fret et des passagers sur le rail d’ici à 2030", rappelle la Commission. Rien que ça.
Fin juin, Bruxelles a révisé son budget prévisionnel et sélectionné dix projets à mettre en avant. Parmi les quatre projets principaux figurent la liaison ferroviaire du Fehmarn Belt entre Copenhague et Hambourg, le canal Seine-Escaut, le tunnel du Brenner et la liaison Lyon-Turin – un seul, le quatrième, est au point mort pour des raisons largement relayées dans la presse depuis quelque temps, et qui ne sont pas uniquement économiques. Le tunnel prévu sous les Alpes fait partie de l’axe numéro 6 qui relie le Rhône à Budapest en traversant la plaine du Pô.

Des chantiers contestés

Notre convoi de 750 mètres de long devrait y rouler à partir de 2025, espère la Commission. Les Français comptent dessus au point qu’au cours des dernières semaines, ils se sont pris à imaginer un tunnel sous le Montgenèvre. "La région Rhône-Alpes ne veut pas être laissée à l’écart", commente-t-on à Bruxelles.
En effet, la carte d’Europe fourmille de chantiers en cours. Sarkozy veut que le canal Seine-Nord Europe soit opérationnel d’ici à 2017 et vient de donner son feu vert. Les travaux du tunnel du Brenner ont débuté au printemps pour une mise en service promise en 2024.
Au tunnel ferroviaire du Saint-Gothard, la phase de percement est terminée et l’on travaille actuellement à l’aménagement de l’ouvrage en tablant sur une fin du chantier en 2017. Pour sa part, le prolongement du tunnel du Ceneri devrait être terminé en 2019. Aura-t-il une utilité ? "Regardez le Simplon, répond-on à Bruxelles, les deux tunnels sont déjà saturés, le nouveau voit passer 110 convois par jour". Idem pour le Brenner. Les lignes ferroviaires sont surchargées et l’autoroute engorgée.
La Belgique, la Pologne et l’Allemagne sont en pleine effervescence, ce qui ne va pas sans frictions politiques. Un mouvement de protestation bloque le projet de liaison Stuttgart-Ulm à cause de la nouvelle gare de Stuttgart qui, aux dires des opposants, bouleverse le paysage urbain de la capitale allemande de l’automobile. "Une procédure de médiation est en cours, rassure-t-on à Bruxelles, nous en connaîtrons l’issue au milieu du mois".
Le bras de fer est suivi avec grand intérêt en Italie, et particulièrement dans le Piémont. Par Stuttgart doit en effet passer le Projet 17, qui relie Paris à Vienne et Bratislava via Strasbourg, destinée à devenir le terminal de fret du continent. Y défileront les convois en provenance de Lyon (et donc de Marseille) et de Genève à destination d’Anvers et Rotterdam.
Dans la capitale alsacienne se croiseront donc le trafic reliant la mer Tyrrhénienne à la mer du Nord et celui reliant l’Atlantique à la mer Noire. "Sans le tunnel du Fréjus, Turin est condamnée à devenir un cul-de-sac, une impasse", reconnaît un fonctionnaire européen, une ancienne capitale débordée par l’Ouest et par l’Est, laissée à l’écart des flux commerciaux pour l’après 2030 et par conséquent vouée au déclin. "On peut aussi dire que tout va bien – c’est la conclusion de Bruxelles – mais il faut peser les conséquences. L’Europe, par la volonté de la Commission et des gouvernements nationaux, est déterminée à aller de l’avant".

SUEURS FROIDES ?



Un plan Marshall sinon rien

Pour enfin sortir de la crise de la dette, l'Europe a besoin d'un projet aussi ambitieux que le plan américain d'après-guerre. Mais cette fois, elle devra trouver les ressources en elle-même et favoriser la redistribution à l'échelle du continent. 
En 1947, le plan Marshall américain a permis de faire redémarrer l’économie européenne. Aujourd’hui, certains appellent les Européens à lancer leur propre plan. José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, et Donald Tusk, Premier ministre polonais et président du Conseil de l’Union européenne, ont en effet tiré un signal d’alarme, déclarant que les citoyens de Grèce et d’autres pays ne pourront bientôt plus accepter de nouvelles mesures d’austérité sans perspective de croissance et de renouveau. Le vote [au palrement grec] de la semaine dernière a permis à tout le monde de gagner du temps, mais guère plus. Un nouveau plan Marshall est-il envisageable ou ne s’agit-il que d’un vœu pieux ? Un petit retour en arrière dans l’Europe des années 40 permet de remettre les choses en perspective et d’identifier les véritables problèmes du continent. 
A l’époque, le président Truman et son secrétaire d’Etat, George Marshall, étaient convaincus que la crise était avant tout un défi lancé aux gouvernements. Marshall était prêt à prendre des mesures audacieuses pour remettre les économies européennes sur pied. L’éclatement de la guerre civile grecque en 1947 le poussa à agir et il engagea les Etats-Unis dans une campagne inédite en temps de paix pour sauver le vieux continent.
Comparés aux problèmes que connaissait alors l’Europe, les nôtres paraissent bien insignifiants. Dans l’Allemagne occupée, ancien moteur économique du continent, la population frôlait la famine et le revenu national ainsi que la production industrielle avaient été divisés par trois en l’espace de dix ans.

La valeur avant tout psychologique du Plan

Le Programme de rétablissement européen (dénomination officielle du plan Marshall) coûta près de 13 milliards de dollars et joua un rôle fondamental dans la réalisation du « miracle » économique de la décennie suivante.  En 1948, ces 13 milliards de dollars représentaient environ 5% du revenu national américain. (L’équivalent aujourd’hui dépasserait les 800 milliards de dollars). Les Etats-Unis effaçèrent la dette de la France d'avant guerre et tout le monde fit de même quelques années plus tard avec l’Allemagne pourtant responsable de la guerre qui les avait opposés peu de temps auparavant.
Marshall avait compris que la véritable valeur des décisions cruciales qu’il défendait était avant tout psychologique et non quantitative. Seule la confiance qu’inspiraient de puissants dirigeants tournés vers l’avenir, pouvait rassurer les marchés. Il avait raison : si le miracle économique a transformé l’Europe, ce fut grâce à une heureuse concomitance entre des investissements privés et l’engagement des gouvernements en faveur de la croissance.
Voyons à présent les défis auxquels est confrontée l’Europe aujourd’hui. Le PIB n’a pratiquement pas baissé dans l’UE depuis 2008. Le véritable problème de dette provient de trois petits pays – la Grèce, l’Irlande et le Portugal – dont les contributions cumulées représentent moins de 5% du PIB de l’UE. L’économie allemande est en plein essor. Si les enjeux de cette crise sont considérables – ni plus ni moins que l’avenir de l’Union -, les sommes nécessaires pour en sortir ne le sont pas.
La solution à la crise n’a rien de mystérieux. Pour donner une chance aux Grecs de réduire le poids de leur dette, il faut simplement abaisser les taux d’intérêt. Parallèlement, la commission européenne devrait également augmenter les fonds de développement destinés à la Grèce.
En échange, Athènes devrait s’engager à procéder à des réformes fiscales et institutionnelles et accepter un renforcement des contrôles étrangers. Un tel cocktail de mesures permettrait aux Grecs de voir une lumière au bout du tunnel. Sans cela, le programme d’austérité du gouvernement est condamné à échouer avant l’hiver.

L'Europe a besoin de vision politique à long terme

Voici par ordre croissant, les trois principaux problèmes de l’Europe. Le moins grave est l’hostilité des opinions publiques des pays riches du nord à la mise en place de nouveaux plans de sauvetage. Cette opposition n’est pas insurmontable. A chaque crise récente – la faillite de Lehman Brothers en 2008, la crise de 2010 -, les dirigeants des pays du nord ont apporté leur soutien à d’importants plans de sauvetage et les ont défendus avec de bons arguments auprès de leurs électeurs. Le seul problème est qu’ils l’ont fait trop tard et de manière peu convaincante.
Le pouvoir des marchés financiers représente une contrainte plus problématique. On se demande ce qu’aurait fait le général Marshall s’il avait dû s’inquiéter de l’opinion de S&P sur ses projets européens. Il n’a heureusement pas eu à s’en préoccuper. Aujourd’hui toutefois, des responsables de niveau intermédiaire peuvent exercer par le bais des agences de notation une influence paralysante sur les politiques européennes en annonçant très exactement ce qu’ils jugeraient comme des défaillances. L’immense pouvoir – sans responsabilité – qu’a accumulé le secteur privé ne fait que compliquer la tâche des décideurs politiques.
Cette difficulté n’est toutefois pas infranchissable. Après tout, rien n’empêche – théoriquement – les responsables européens de prendre les mesures qu’ils veulent pour encadrer le rôle des banques privées, des fonds d’investissement et autres institutions financières. Leur réticence à le faire témoigne en réalité d’une profonde ambivalence vis-à-vis de leur propre pouvoir. C’est là que se situe le plus grand obstacle à une véritable gouvernance européenne : dans les esprits des responsables politiques eux-mêmes.
A la fin des années 40, chaque pays du continent s’est lancé dans un programme de reconstruction de la même manière qu’il s’était lancé dans l’effort de guerre : en mobilisant la nation autour de l’Etat en tant qu’arbitre, planificateur et coordonnateur. C’est dans les années 70 et 80 que s’est volatilisée la foi en la puissance de l’Etat. Les membres de la classe politique européenne d’aujourd’hui sont les héritiers de Margaret Thatcher et non de George Marshall. Ils ont du mal à comprendre qu’il faut protéger les marchés d’eux-mêmes si l’on veut sauver l’Europe telle que nous la connaissons aujourd’hui. Ils oublient que ce n’est qu’après avoir vu ses dettes effacées en 1953 que l’Allemagne a connu une véritable croissance économique et que d’autres pays, comme la Pologne en 1991, n’ont accédé à la prospérité qu’après avoir pu faire de même.
Ce dont l’Europe a besoin aujourd’hui, c’est de vision politique à long terme et d’une nouvelle volonté de défendre les avantages de la redistribution à l’échelle du continent. C’est ce que Barroso avait commencé à faire avant que les rabat-joie de Downing Street ne l’attaquent sur la taille du budget européen. Angela Merkel, Nicolas Sarkozy et Jean-Claude Trichet, directeur de la Banque centrale européenne, n’ont toutefois guère montré d’empressement non plus. Les appels lancés depuis Washington n’ont pas été entendus. La seule lueur d’espoir pourrait venir de la présidence polonaise du conseil des ministres qui pourrait apporter une énergie nouvelle et un sens de l’histoire à un processus jusqu’à présent incapable d’avancer autrement qu’à tout petit pas.
Les Américains ne voleront pas au secours des Européens cette fois, ces derniers devront agir par eux-mêmes. En sont-ils capables ? Le temps presse : le prochain plan de sauvetage de la Grèce devrait être annoncé en septembre. Il s’agira alors d’un moment décisif tant pour la Grèce que pour l’Union européenne.

Grèce : la croissance doit être davantage soutenue (ministres Fin.)

Les ministres allemand et grec des Finances ont estimé qu'Athènes doit davantage soutenir sa croissance économique, si la Grèce veut retrouver son équilibre budgétaire, au cours d'un dîner à Berlin, mercredi soir.
"Les deux ministres sont d'accord sur le fait que les mesures (du plan d'austérité voté par le Parlement grec) doivent être mises immédiatement en oeuvre, pour remettre la Grèce rapidement sur la voie d'une situation économique saine", a écrit le ministère allemand des Finances, dans un communiqué au terme de la rencontre.
"Mais en plus de cela, d'autres mesures pour soutenirla croissance devront être prises. Ce n'est qu'avec une économie privée plus forte et avec des investissements privés que la Grèce pourra atteindre un budget équilibré à moyen et long terme", ajoute le communiqué.
Il s'agissait de la première rencontre entre Wolfgang Schäuble et son homologue grec, Evangelos Venizelos, depuis la prise de fonction de celui-ci.
Cette cinquième tranche intervient dans le cadre du plan de sauvetage UE-FMI mis sur pied pour la Grèce en mai 2010, qui prévoit au total 110 milliards d'euros de prêts sur trois ans.
Sur ce total, 80 milliards d'euros doivent être fournis par les Etats européens, dont quelque 22 milliards d'euros par l'Allemagne, principal pays contributeur devant la France.
En tant que premier contributeur au plan d'aide, l'Allemagne met souvent en garde Athènes sur une éventuelle non-application du plan d'austérité voté par le Parlement.