TOUT EST DIT

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samedi 28 mai 2011

DSK : pourquoi ils n'ont rien dit

Ceux qui savent ne parlent pas. Ceux qui parlent ne sont pas entendus. Connivence ? Autocensure ? Légitime respect de la vie privée et de la loi ? Le «cas DSK» pose la question de l'omerta à la française.
Quinze jours après l'annonce de l'arrestation de Dominique Strauss-Kahn par la police de New York, la stupéfaction a laissé place à la polémique. Pour la grande majorité des Français, c'est une certitude: journalistes et politiques savaient et n'ont rien dit. Ils ne pouvaient ignorer les pulsions de DSK mais, comme d'habitude, ont refusé d'en parler dans leurs médias, dans le seul but de le protéger. La réalité est évidemment plus complexe.
Cette censure volontaire de la presse n'est pas uniquement liée à une volonté de protéger les puissants. Elle est dictée par la nécessité de respecter la loi. L'article 9 du Code civil est souvent brandi pour empêcher la parution d'articles ou de livres dévoilant des secrets intimes: «Chacun a droit au respect de sa vie privée. Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée: ces mesures peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées en référé.» De quoi faire réfléchir plus d'un directeur de rédaction ou d'un éditeur avant de faire tourner les rotatives.
Ainsi, pour Dominique Strauss-Kahn, les rédactions n'ont-elles pas souhaité franchir le pas. Si le journaliste Jean Quatremer a publié sur son blog un article où il explique que «le seul vrai problème de Strauss-Kahn est son rapport aux femmes. Trop pressant, il frôle souvent le harcèlement», c'est parce que son journal, Libération, n'a pas voulu le faire, «au nom de la loi sur la protection de la vie privée», explique Laurent Joffrin, son directeur à l'époque. Quand Le Nouvel Observateur veut raconter en 1998 l'histoire du passage de DSK à une soirée particulière dans un club échangiste de la capitale, l'hebdomadaire prend bien soin de ne pas publier de nom. Mais procède par allusions : «Ce soir, il y a un plus: le ministre doit venir. Un vrai ministre. (...) soudain il arrive. C'est bien lui. Un léger frémissement parcourt les troupes. Deux femmes l'accompagnent, jeunes, grandes et minces. "Il fait plus gros qu'à la télé, tu trouves pas?" Son sourire est presque électoral. Il entre dans le salon, serre quelques mains, l'habitude sans doute. Une blonde d'une cinquantaine d'années le salue par son prénom. Il fait semblant de la reconnaître puis, sans plus s'attarder aux mondanités, s'engouffre dans la pièce du fond, traînant derrière lui ses deux compagnes, dont une qu'il commence à lutiner chaudement, dès le couloir. (...) "Tu crois qu'il peut vraiment devenir président?" murmure une des spectatrices à sa voisine.» Le Tout-Paris politique et médiatique comprend immédiatement. Le lecteur, c'est moins sûr.
Bien sûr, les couloirs des journaux bruissaient des rumeurs d'infidélité chronique qui couraient sur le compte de DSK. Bien sûr, les journalistes qui côtoyaient les services de police revenaient régulièrement avec des «tuyaux» un peu particuliers. DSK aurait été surpris par une patrouille en mauvaise posture un soir dans un endroit fréquenté par des prostituées. Rien d'illégal, même s'il s'agit d'un comportement peu compatible avec celui que les Français peuvent attendre d'un prétendant à l'Elysée. Mais comment vérifier une telle information? Comment être sûr qu'il ne s'agit pas d'une manipulation politique ? Officiellement, personne n'est au courant d'une telle histoire. Impossible d'avoir une confirmation de l'événement.
Jusqu'à son arrestation à New York, DSK a toujours su ou pu éviter le grand déballage. Grâce à ses communicants bien sûr, mais aussi à son réseau et ses amis. Il suffit de voir comment BHL, Jean-François Kahn et les autres se sont immédiatement mobilisés, cette semaine, pour le défendre, négligeant la victime présumée, une simple femme de ménage.
Dans leur ensemble, les médias français refusent de s'engager dans la voie des tabloïds anglo-saxons pour lesquels la vie privée peut s'afficher en une. Au fond, même les journaux people de France n'ont pas cherché à enquêter sur la vie secrète des hommes politiques en général et de DSK en particulier. Tout le monde s'en tient à la ligne rappelée la semaine dernière par Le Canard enchaîné : «DSK courait les jupons et les boîtes échangistes. La belle affaire! C'est sa vie privée et elle n'en fait pas un violeur en puissance. Pour Le Canard, l'information s'arrête toujours à la porte de la chambre à coucher.»
L'affaire Tristane Banon aurait certes dû alerter davantage. Quand ce jeune écrivain a raconté l'agression dont elle assure avoir été la victime, peu de journaux ont relayé son histoire. Elle l'a racontée dans l'émission de Thierry Ardisson sur Paris Première en présence de journalistes politiques, mais au fond, elle-même ne souhaitant pas porter plainte contre DSK, comment embrayer sur ses attaques? D'autant qu'en face, les équipes de Strauss-Kahn ont su habilement déminer l'affaire. Grâce à ses communicants, DSK réussit à passer entre les gouttes.
«On est resté sur l'idée que ce n'était pas une pathologie et que le comportement de DSK correspondait à l'image d'Epinal de l'homme politique, le séducteur», analyse un spécialiste en communication. Anne Sinclair, l'épouse de DSK, a elle-même mis fin aux débats en répondant à L'Express, qui lui demandait en 2006 si elle ne souffrait pas de la réputation de séducteur de son mari: «Non, j'en suis plutôt fière! C'est important de séduire, pour un homme politique. (...) Je suis un peu blindée sur le pouvoir de la rumeur.»
Une rumeur qui ne l'a pas épargnée. Comment celle qui a été au cœur de la vie politico-médiatique pendant plus de vingt ans pouvait-elle ignorer ce qui se disait ou s'écrivait sur DSK? En 2000 sort le livre de deux journalistes, Vincent Giret et Véronique Le Billon, Les Vies cachées de DSK. Les auteurs racontent dans un chapitre qu'«un soir de septembre 1992, Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'Industrie et du Commerce extérieur, et Martine Aubry, ministre du Travail, de l'Emploi et de la Formation professionnelle, sont les invités d'honneur d'une réception donnée par l'ambassadeur de France à Tokyo. (...) Ces deux-là s'adorent. (...) Ils distillent un même humour vachard, se relaient sans temps mort dans les karaokés de la capitale nippone jusqu'aux premières lueurs du jour et rejettent avec le même dédain l'esprit de sérieux de leurs aînés. Ils savourent la douce insouciance de ceux qui savent que l'avenir leur appartient. De cette folle équipée naît une rumeur colportée dans toutes les salles de rédaction: Martine et Dominique filent le parfait amour...»
DSK se situe dans la lignée des grands hommes politiques français qui arborent leurs conquêtes féminines comme les généraux leurs médailles. Après tout, pour ne parler que des présidents de la Ve République, Valéry Giscard d'Estaing et Jacques Chirac n'ont-ils pas aussi une réputation de grands séducteurs? Bernadette Chirac a expliqué dans son livre Conversation, paru en 2001, à propos de son mari, qu'«il avait un succès formidable. Bel homme, et puis enjôleur, très gai. Alors les filles, ça galopait (...). Mon père m'avait dit: "Vous êtes son point fixe." La suite lui a donné raison. Mon mari est toujours revenu au point fixe.»
Et François Mitterrand? L'homme qui a collectionné les conquêtes et réussi à cacher pendant des années l'existence de sa seconde famille. Cette histoire est emblématique du fonctionnement des médias. Tant que c'est l'extrême droite et sa presse, comme Minute, qui évoque ces sujets, aucune reprise n'est tolérée. Ce système a de nouveau fonctionné quand Marine Le Pen a mis en cause le comportement de Frédéric Mitterrand pendant ses voyages en Thaïlande. Au lieu de s'intéresser aux faits, la plupart des commentateurs se sont insurgés contre les attaques de l'extrême droite et ont sommé les politiques comme les médias de ne pas les suivre.
Concernant François Mitterrand, les journalistes se sont retranchés derrière ce prétexte de la vie privée pour justifier leur refus de publier des informations sur l'existence de sa fille Mazarine. Occultant totalement le fait que le Président utilisait allègrement les moyens de l'Etat, donc l'argent des contribuables, pour loger sa seconde famille. Et qu'il a été jusqu'à mettre sur écoute téléphonique des journalistes, notamment Edwy Plenel, alors au Monde, voire des artistes comme Carole Bouquet, totalement étrangère à cette histoire...
Seul moyen de contourner l'obstacle, le roman. Françoise Giroud publie en 1983 Le Bon Plaisir, où elle raconte l'histoire d'un président amené à cacher sa double vie à la presse. Toute ressemblance avec des personnages existants est-elle fortuite? La maison d'édition, Mazarine, est-elle une clé de l'énigme? Difficile d'imaginer que Françoise Giroud, très introduite dans les cercles du pouvoir, ignorait totalement la situation de Mitterrand. Sa biographe, Laure Adler, assure que ce roman n'est pas inspiré de la vie du Président mais raconte une histoire similaire vécue par un dirigeant socialiste encore en activité. Mais son nom ne sera pas dévoilé. Au nom du respect de la vie privée...
Faute de pouvoir donner les informations, on s'en remet alors aux humoristes. Des «Guignols de l'info» à Nicolas Canteloup, de Laurent Gerra à Stéphane Guillon, ceux-ci s'en donnent à cœur joie. Puisant leur inspiration au cœur même des salles de rédaction, à l'affût de tout ce que peuvent leur raconter les journalistes. Ils sont d'autant plus drôles que tout le monde devine que sous leurs exagérations perce un morceau de la vérité. Le 28 mars, Nicolas Canteloup-DSK explique qu'«au FMI, on (lui) a donné une mission en trois points: sauver le monde, aider les pays émergents et repeupler la planète en fécondant les femmes. C'est comme ça, je n'y peux rien, c'est ma mission». Eclats de rire dans le studio de la rue François-Ier. A RTL, Laurent Gerra n'est pas en reste. Le 26 avril, l'humoriste met en scène le directeur du FMI le jour de Pâques. «J'ai beau être directeur du FMI, je suis un homme comme tout le monde. Le week-end de Pâques, je m'emmerde car le FMI est fermé et les secrétaires aussi. Alors j'attends mardi, la réouverture des bureaux, car il y a des stagiaires, des interprètes à talons...» Là encore, les rires éclatent dans le studio de la rue Bayard.
Les humoristes à la place des éditorialistes? En février 2009, Stéphane Guillon n'hésitait pas à endosser ce rôle, quand il officiait sur France Inter le matin. Juste avant l'arrivée de DSK, invité de la matinale, au lendemain des révélations sur l'affaire Piroska Nagy, l'humoriste écrit un billet qui fera date: «Dans quelques minutes, Dominique Strauss-Kahn va pé-né-trer (silence) dans ce studio. Evidemment, des mesures exceptionnelles de sécurité ont été prises au sein de la rédaction. Pardon, sein est un mot que je n'ai pas le droit de prononcer aujourd'hui pour ne pas réveiller la bête. Cinq seuils d'alerte sont prévus dans cette matinale. Le dernier étant l'évacuation pure et simple du personnel féminin d'Inter vers d'autres étages...» DSK est en route vers la station quand il entend la chronique. Son premier réflexe est de faire demi-tour et d'annuler sa participation. Finalement, le directeur général du FMI se rend à la radio mais commence par cette déclaration : «J'ai assez peu apprécié les commentaires de votre humoriste. Les responsables politiques comme moi ont le droit, même le devoir, sans doute, d'être critiqués par les humoristes. Mais l'humour, c'est pas drôle quand c'est principalement de la méchanceté.»
«S'irriter d'un reproche, c'est reconnaître qu'on l'a mérité», écrit Tacite dans les Annales. Est-ce pour cette raison que la réaction de DSK est aussi virulente? En tout cas, il ne se contente pas de cette remarque et décide de ne plus répondre aux invitations de la station publique. Même quand les journalistes lui proposeront de l'inviter les jours où Stéphane Guillon n'officie pas à l'antenne. Refus catégorique. Pas question de revenir tant qu'il sera employé par la radio.
Cette stratégie du boycott est un moyen de pression relativement classique pour contraindre les médias à éviter les sujets qui fâchent. Quand L'Express a publié la lettre de Piroska Nagy, son directeur, Christophe Barbier, a dû affronter la colère des communicants de DSK. Pressions sur les actionnaires, pressions par l'intermédiaire de la publicité, toutes les armes sont utilisées par les politiques pour contraindre un média à être plus compréhensif. Le contact direct est aussi efficace. Avant d'accéder à l'Elysée, quand Nicolas Sarkozy rencontrait un jeune journaliste, il ne manquait pas de lui dire sur un ton parfaitement courtois qu'il connaissait très bien son directeur de la rédaction, voire son actionnaire. Mais il n'était pas le seul à user de cet artifice pour impressionner les journalistes.
Lors de son dernier passage à Paris, dans le but de préparer sa prochaine candidature à l'Elysée, DSK a déjeuné avec les rédactions de trois journaux: Libération, Le Nouvel Observateur et Marianne. Son objectif était clair, ainsi que Denis Jeambar l'a raconté dans Marianne la semaine dernière: DSK «dit que Mariannen'a pas d'autre choix que de le soutenir dans ce combat. Il se découvre peu soucieux à cet instant précis de l'indépendance des journaux, pas du tout menaçant, mais pressant. Il est clair que son propos est délibéré et pas du tout improvisé. (...) Si la requête est choquante, elle a le mérite d'être claire et de montrer la conception qu'a Dominique Strauss-Kahn de la presse: c'est un rapport de soumission qu'il sollicite, un engagement militant.» En fin de compte, DSK demande à ces journaux de ne pas entrer dans les polémiques que pourrait lancer la droite pendant la campagne présidentielle, même si elles pouvaient être fondées sur des vérités, au nom de leur volonté commune de se débarrasser de Nicolas Sarkozy !
Et, pour les convaincre d'adhérer à sa stratégie, DSK leur révèle, à en croire les propos off qui lui sont attribués, qu'effectivement il en a «sans doute fait un peu trop dans le passé» avec les femmes. Mais qu'au fond, ce n'est plus le sujet. Comme le confirme un dirigeant d'Euro RSCG: «Les études montraient que les Français savaient. Il n'y avait pas tromperie sur la marchandise puisqu'on n'a jamais cherché à montrer DSK comme un homme vertueux.» Les amis politiques de DSK brossaient le portrait d'un séducteur certes compulsif, mais jamais violent. L'un d'eux assurait même récemment qu'il s'était «calmé» depuis l'affaire Piroska Nagy. «La vraie question, pour un spécialiste en communication, est de savoir pourquoi personne ne lui a conseillé de se soigner si ces pulsions atteignaient de telles proportions.» «Cette page est tournée», assurait DSK. Comment, dès lors qu'il ferme lui-même la porte, entrer dans sa part d'ombre sans le froisser?
A André Rousselet, qui estimait connaître 30 % de la vie de François Mitterrand, l'ancien Président répondit: «30%, c'est beaucoup!» Pour un ami du couple, Anne Sinclair ne connaissait «que 40% de ce que faisait DSK».

La personne : une imprenable citadelle


Prisonniers oubliés dans des geôles qui sont soit d'un autre temps, soit ultramodernes et qui, trop souvent, dans les deux cas, ne respectent pas la dignité de la personne. Disparus, faussement recherchés, parfois par ceux-là même qui les ont éliminés.

Individus arrêtés qui ne savent même pas ce qui leur est reproché et qui croupissent dans des culs-de-basse-fosse en attendant des mois, des années que leur procès ait lieu et qu'ils puissent enfin se défendre.

Torturés, massacrés, parce qu'ils sont d'une autre ethnie, d'un autre parti.

On pourrait ainsi poursuivre la litanie des malheurs infligés à l'homme par l'homme et cela malgré la déclaration des droits de l'homme ratifiée par presque tous les gouvernants du monde. Comme il est vaste, l'écart entre les droits proclamés et les faits, les tristes faits vécus...

« Les prisonniers oubliés », c'était le titre de l'article qu'un avocat britannique, Peter Benenson, publiait, le 28 mai 1961, dans le journal The Observer. L'auteur y demandait l'amnistie (suppression d'une peine pénale) pour deux étudiants portugais emprisonnés sous la dictature de Salazar, pour avoir porté un toast à la liberté. Ce jour-là, la célèbre organisation Amnesty International était née. C'était il y a cinquante ans. C'est cet anniversaire qui est fêté aujourd'hui par les quelque trois millions de sympathisants et d'adhérents, qui militent dans plus de 150 pays.

Amnesty International, qui s'est vu décerner le Prix Nobel de la Paix en 1977, a rendu quelque 20 000 rapports et mené plus de 3 000 missions. Protestations, campagnes publiques de soutien, manifestations, lettres aux autorités font partie de l'arsenal de l'association, mais la médiatisation n'est pas toujours la meilleure méthode, car elle peut accroître le péril pour les personnes concernées.

Le champ d'actionreste immense

Aussi, Amnesty International recourt également à la médiation, aux négociations diplomatiques. Le résultat est, globalement, que de nombreux prisonniers d'opinion ont été libérés grâce à ses actions. Rappelons-nous Sakharov, le dissident soviétique, ou Rigoberta Menchu, porte-parole des Indiens du Guatemala. Aujourd'hui, ce sont les 172 prisonniers restant à Guantanamo, ce sont les prisonniers politiques en Syrie, en Libye ou les massacrés de Côte d'Ivoire sur lesquels se porte l'attention.

Le champ d'action reste immense : l'abolition de la peine de mort dans le monde entier, la défense de la liberté d'expression, l'exigence de réparations pour les victimes, l'obligation de rendre des comptes pour les gouvernants qui commettent des exactions, etc.

Aujourd'hui, Amnesty International rassemble, en France, plus de 400 groupes et antennes qui militent aux quatre coins du pays pour faire avancer les campagnes menées au national ou à l'international.

La mondialisation, qui crée tant de problèmes, appelle aussi cette mondialisation des intelligences et des coeurs. Amnesty International fut parmi les premières organisations à savoir rassembler ces bonnes volontés, ces lucidités, ces courages qui permettent à l'indignation, non seulement de s'exprimer, mais aussi de rétablir cette dignité qui fait de chaque personne une « imprenable citadelle ».
François Régis Hutin

Imposer la liberté

Les transitions démocratiques ne sont jamais simples, l'Irak, l'Iran, l'Afrique en sont les témoins sanglants. Dans les pays arabes, sans croissance et sans classes moyennes, l'aide des Occidentaux est indispensable pour faire triompher l'émancipation des peuples et la justice sociale. En quittant l'incantation pour proposer la construction de nouveaux équilibres, les chefs d'État ont, à Deauville, écarté les principales menaces qui pèsent sur les jeunes démocraties. Ils ont aussi envoyé un message clair de soutien à ceux qui luttent en Syrie, en Libye et au Yémen. Les escarmouches diplomatiques et la raideur des relations franco-américaines n'ont pas entravé la très concrète priorité accordée au soutien des printemps arabes. Il n'y a pas de meilleur moyen pour rendre la liberté contagieuse.

En stabilisant la situation des pays fragilisés par les révoltes, les aides permettent de limiter les dysfonctionnements inévitables. De nombreux facteurs peuvent faire évoluer ces sociétés ? qui viennent de se libérer et sont donc vulnérables ? vers des situations incontrôlables. Les Occidentaux n'aiment pas l'inconnu. On l'a bien vu avec l'assistance qu'ils apportaient aux tyrans en les considérant comme leurs alliés sûrs. L'intérêt des soutiens est de résorber le plus rapidement possible les difficultés et de relancer les mécaniques démocratiques.

Le pire pour ces populations serait de faire le douloureux constat qu'elles ne vivent pas mieux qu'avant et qu'elles n'ont rien gagné dans une révolte qui a coûté beaucoup de vies. Si le désordre politique rejoint l'insatisfaction économique, le danger est réel d'une fuite en avant qui peut ramener ce que l'on a voulu « dégager ». Ceux qui se sont battus et ont vu tomber leurs compagnons ne doivent jamais avoir le sentiment qu'on leur vole leur révolution.

Il y a une vraie noblesse de la part du G8 à se ranger du côté de la liberté et à favoriser le passage à une ère nouvelle. Mais les pays donateurs cherchent aussi à s'exonérer de leurs hésitations et des soutiens aux régimes dictatoriaux. La France devra multiplier les chèques pour faire oublier la visite de Kadhafi, Bachar al-Assad au 14 juillet et l'avion de Ben Ali.

Un leadership qui se perd

Franchement, à quoi aura servi ce G 8 à Deauville, peut-être un des derniers car Barack Obama serait réticent pour organiser une prochaine rencontre aux Etats-Unis ? A un grand show politique où les puissants de ce monde s’offrent en spectacle après avoir confronté leurs positions bien connues ? L’aide au printemps arabe a-t-elle vraiment été décidée après de fébriles palabres en Normandie ?

Il s’agit pour l’essentiel de prêts multilatéraux et bilatéraux depuis longtemps négociés et auxquels s’ajoute la contribution des pays du Golfe. Pour l’après-Fukushima et la sûreté du nucléaire, que de généralités ! Et sur la Libye, rien de vraiment nouveau en exigeant le départ de Kadhafi…

L’importance très relative de ce club des puissants se mesure également au nombre des manifestants. Par exemple, au G8 - G7 de Gênes en 2001, les antimondialistes se comptaient par dizaines de milliers dans des affrontements meurtriers avec les forces de l’ordre. En 2007, pour la rencontre de Heiligendamm, l’Allemagne du nord avait été placée en état de siège. A Deauville, les policiers étaient beaucoup plus nombreux que les manifestants… Parce que le vrai gouvernement du monde, dans ses pouvoirs économiques, financiers et même politiques, se situe désormais au niveau du G 20 où siègent aussi la Chine et les « émergents ». Et la prochaine réunion de cet aréopage en novembre à Cannes ne passera pas inaperçue aux yeux des opposants au néolibéralisme régissant la planète !

Les statistiques économiques confirment aussi ce glissement. Dans les années 1980, les pays du G 7 (sans la Russie) accaparaient à peu près les deux tiers du Produit intérieur brut mondial. Aujourd’hui, beaucoup, beaucoup moins…

Certes, la « puissance » réelle ou supposée ne relève pas seulement des performances économiques. Elle repose aussi sur l’organisation des Etats, sur la démocratie et les libertés. Des valeurs que Deauville a célébrées en constatant que le printemps arabe veut les faire siennes. Le « modèle occidental », bien que cette évocation soit taboue, triompherait-il ? Curieusement en association avec la Russie, une grande démocratie comme chacun sait…

A l’heure où de nombreux théoriciens dissertent de nouveau sur le « déclin de l’Occident », ne faut-il pas voir en le G 8 un club qui se hérissonne pour défendre ses valeurs sous l’impulsion d’une avant-garde idéologique… anglo-saxonne ? Le discours de Barack Obama mercredi au Westminster Hall à Londres est significatif. Dans une véritable ode à l’Angleterre qui a donné au monde les droits de l’homme, la démocratie et la libre entreprise, il a célébré le modèle anglo-saxon en décrivant un axe Washington-Londres « indispensable à ce moment de l’Histoire », le Royaume-Uni étant « le plus important et le plus fidèle allié des Etats-Unis »…

Pour Obama, avec une exception polie pour la France (« notre plus ancien allié »…), l’Europe continentale et institutionnelle passe visiblement au second plan politique derrière ce leadership anglo-saxon. Il est vrai qu’à Deauville, l’Europe a une fois de plus étalé ses divisions en la personne de la chancelière Merkel opposée à l’intervention en Libye et faisant cavalier seul dans la question nucléaire.

Bref, l’UE reste un conglomérat flou autorisant même un comble de la part du président des Etats-Unis, le pays le plus endetté de la planète : Français, Allemands et Italiens ont surtout été priés de régler le problème de la dette grecque pour éviter une nouvelle tourmente monétaire sous le signe de l’euro…

Recherche en Grèce d'un consensus politique sur la rigueur

Le Premier ministre grec, George Papandréou, a réuni vendredi les représentants des partis politiques pour tenter de dégager un consensus sur les mesures d'austérité nécessaires pour sortir le pays de la crise.

Ce consensus est jugé indispensable avant le déblocage d'une nouvelle tranche de l'aide allouée par l'Union européenne et le Fonds monétaire international (FMI), soit 12 milliards d'euros.

L'opposition s'est pour l'heure déclarée hostile aux mesures proposées par le gouvernement pour sortir de la crise résultant d'un endettement massif. Après les avoir rencontrés un par un, le Premier ministre a demandé au président Karolos Papoulias de convoquer les chefs de file de tous les partis.

Le conservateur Antonis Samaras, dirigeant de la Nouvelle démocratie, qui a voté contre le plan sauvetage adopté l'an dernier, a déjà fait savoir qu'il continuerait à s'opposer au plan d'austérité.

Ses homologues de la Coalition de gauche et du Parti communiste, qui n'hésitent pas à boycotter ce genre de rencontres, ont également accepté l'invitation du Premier ministre, tout comme le dirigeant du LAOS, formation d'extrême gauche.

Selon le quotidien Kathimerini, le Premier ministre envisage de remanier son équipe et pourrait inviter des personnalités de l'opposition à y siéger moyennant leur soutien au plan d'austérité.

Le gouvernement a démenti mercredi avoir l'intention de procéder à un référendum sur les nouvelles mesures d'austérité ou sur l'euro.

Les syndicats du personnel des entreprises publiques menacées de privatisation ont par ailleurs annoncé une grève de 24 heures le 15 juin.

Athènes a annoncé lundi une série de nouvelles mesures budgétaires visant à économiser plus de cinq milliards d'euros et à ramener le déficit public à 7,5% du produit intérieur brut (PIB) en 2011.

Les marchés financiers continuent toutefois à douter de la crédibilité du plan d'assainissement d'Athènes. Ceci alimente les spéculations sur la possibilité d'un nouveau plan d'aide et d'une restructuration de la dette publique qui pourrait forcer les prêteurs à renoncer à une partie de leurs créances.

Le FMI pourrait décider de ne pas verser sa contribution à la prochaine tranche d'aide que doit recevoir la Grèce s'il n'a pas l'assurance que les pays européens tiendront leurs engagements sur les douze prochains mois, a averti jeudi Jean-Claude Juncker, président de l'Eurogroupe. (