TOUT EST DIT

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jeudi 19 mai 2011

DSK : Les Français face à la théorie du complot

Pourquoi succombons-nous à la thèse du coup monté ? Décryptage par un historien et un psychologue criminologue.

Dominique Strauss-Kahn serait « victime d'un complot ». C'est ce que pensent 57% des Français, et 70% des sympathisants socialistes, selon un sondage CSA réalisé lundi, publié mardi. Naïveté, incrédulité, déni, paranoïa ? Christian Delporte, historien (*), et Jean-Pierre Bouchard, psychologue et criminologue, apportent leur éclairage.

Pourquoi adhérons-nous à la théorie du complot ?
Christian Delporte : « Ce sondage a été réalisé lundi, avant la comparution de Strauss-Kahn. On était alors sidérés face à cette nouvelle incroyable, sans précédent. On ne voit jamais d'homme politique menotté, encadré de policiers. DSK bénéficiait d'une charge affective importante, les sondages le donnaient quand même à 60% en cas de second tour ! Comme lors de catastrophes naturelles, lorsqu'on ne comprend pas, on cherche une explication, et celle-ci n'est pas forcément rationnelle. Les mots “tsunami” ou “chaos” ont d'ailleurs été employés pour décrire son arrestation. »
Jean-Pierre Bouchard : « J'ai suivi des centaines d'affaires d'agressions sexuelles. L'agresseur cache le plus souvent sa déviance derrière une vie sociale très ouverte. La défense classique suit cette règle : il commence par nier les faits, puis quand les preuves tombent, tente de s'en sortir avec des arguments du type “Elle est folle, elle était consentante, elle se venge, c'est un complot...” En face, les gens sont tellement surpris qu'ils ne croient pas à la culpabilité de ce “bon père de famille”. Il suffit qu'on leur fournisse une explication le disculpant pour qu'ils y adhèrent. »

Quels éléments nourrissent la thèse du coup monté ?
Christian Delporte : « On ne l'a pas entendu lui, ni ses avocats, on ne sait rien de sa défense. Moralement, c'est assez inacceptable de n'avoir qu'un son de cloche. Cela crée un phénomène d'empathie, qui mène à la thèse du complot, elle-même renforcée par un faisceau de raisons. La réputation de séducteur de DSK, c'était sa vulnérabilité. Or cet événement survient au moment où il apparaît déjà comme l'homme à abattre, après l'histoire de la Porsche et des costumes. Cela pousse à croire qu'il a été piégé. Et puis les faits se déroulent aux États-Unis. Cet éloignement nourrit l'imaginaire. Devant les images du tribunal, on se croit dans une mauvaise fiction, comme on en voit tous les soirs à la télé. Alors où est la réalité ? »
Jean-Pierre Bouchard : « On a aidé les gens à y croire. De nombreux leaders du PS ont argumenté à fond sur le déni. Ils ont dit que “ça ne collait pas”, et balancé cette thèse dans les médias. En réalité, les vrais complots sont rarissimes. »

Pourquoi cette empathie à son égard, et ce manque de compassion pour la victime présumée?
Christian Delporte : « On s'identifie toujours aux hommes politiques. En quelques heures, Strauss-Kahn est passé du statut d'homme providentiel, celui qui allait sortir le pays de la crise, à celui de criminel présumé. On n'a jamais vu une telle dégringolade pour une histoire de moeurs. Ce choc psychologique est si fort qu'il balaie tout. Comment s'avouer qu'on s'est trompé ? A qui faire confiance après cela ? Les gens de gauche sont d'autant plus incrédules qu'ils avaient placé une charge affective très forte sur ses épaules, après une série de déconvenues depuis 1995 : la sortie de Delors, la défaite de Jospin, l'éviction de Royal... On cherche toujours des raisons à ce qui sonne comme une fatalité. »
Jean-Pierre Bouchard : « Quand on est novice en matière de justice, on se fie à la tête du client. Le public s'étonne du décalage entre cette image qu'on lui vend, celle du super homme politique, économiste, socialiste, et celle du supposé prédateur. Quant aux sympathisants de gauche, ils continuent de soutenir celui qu'ils voulaient comme leader pour des raisons politiques, pour protéger leur mouvement. »

L'Adam va-t-elle faire tomber Hermès dans les griffes de LVMH ?

L'action judiciaire de l'association des actionnaires minoritaires (Adam), contestant le verrouillage du capital d' Hermès, risque, en cas de succès, d'offrir à LVMH, actionnaire minoritaire contesté par la direction, l'occasion de contrôler l'assemblée générale, a estimé ce jeudi le groupe familial.

Hermès a fait savoir ce jeudi que l'association de défense des actionnaires minoritaires (Adam) avait assigné en référé la société et les membres du groupe familial "afin de priver ces derniers de l'essentiel de leurs droits de vote lors de l'assemblée générale" du 30 mai.
Hermès, dans un communiqué, dénonce cette procédure en expliquant que la demande de l'Adam aboutirait au transfert du contrôle de l'assemblée d'Hermès à LVMH, qui détient 20% du sellier de la rue du Faubourg Saint-Honoré.
Hermès rappelle que les conditions dans lesquelles LVMH est entré à son capital font actuellement l'objet d'une enquête de l'Autorité des marchés financiers (AMF).
"Hermès International considère cette assignation sans fondement et constate dans cette tentative de déstabilisation de son assemblée une nouvelle agression", poursuit le groupe. Il "confirme à l'ensemble des actionnaires et du personnel d'Hermès son contrôle de la société et sa détermination à le conserver durablement".
LVMH avait dévoilé en octobre dernier avoir pris 17% d'Hermès via des instruments financiers (equity swaps) qui lui ont permis de ne pas déclarer les franchissements de seuils réglementaires. Il a depuis porté sa part à 20%, en assurant ne pas vouloir prendre le contrôle d'Hermès.
Les héritiers du fondateur Thierry Hermès, qui détiennent environ 73% du capital du groupe Hermès mais ne sont liés par aucun pacte d'actionnaires ou droits de préemption, ont organisé la riposte en obtenant de l'AMF une dérogation pour sécuriser leur participation via la création d'une holding détenant plus de 50% du capital du sellier sans avoir à lancer une offre publique d'achat sur le solde du capital.
L'Adam conteste la décision de l'AMF.

Le déni et la douloureuse évidence

Pourquoi les Français ont-ils eu autant de mal à accepter l’hypothèse, de plus en plus sérieuse, d’une culpabilité de Dominique Strauss-Kahn ? Lundi, en dépit de charges apparemment accablantes contre le directeur général du FMI, ils étaient encore 57 % à croire à une machination pour le faire tomber.

Comme s’il était inconcevable qu’un favori à la présidentielle puisse être capable d’une tentative de viol ! Il était forcément victime d’une manipulation... Ou alors, il y avait une provocation. Forcément une explication pour expliquer un geste «qui ne lui ressemble pas»: comme si on ressemblait à la face la plus sombre de sa personne ! Quant à la prudence de nos élites et de certains médias, au nom de la très respectable présomption d’innocence, elle a étonné nos voisins, surpris par la gêne et les périphrases des commentaires bien obscurs au pays des Lumières. Comme l’a souligné justement l’avocate et féministe Gisèle Halimi, la classe politique, toute en retenue, a donné l’impression d’être en quelque sorte solidaire du calvaire de l’un des siens honteusement livré en pâture aux caméras du monde entier «comme n’importe quel justiciable» (horreur suprême ?).

Cette attitude dominante a mis en évidence un trait psychologique embarrassant. Une certaine indulgence gauloise pour le «séducteur» un peu trop insistant dans lequel on refusait de reconnaître le harceleur occasionnel. Et une certaine insensibilité pour sa victime, une simple femme de chambre ravagée par l’assaut de son agresseur, et dont on met en doute la véracité du récit. Le scénario de la suite 2 805 du Sofitel de Times Square, pourtant, est probablement l’histoire tragique d’une obsession banale qui, cette fois, sous le jeu des circonstances, aura mal tourné.

Mais, à l’instar de BHL, nombreux sont ceux qui peinent encore à admettre qu’un surdoué puissant, brillant et apprécié de ses amis pour son tempérament sympathique - bref un membre de la caste dirigeante - puisse basculer dans quelques minutes de folie et se transformer en violeur.

Il s’agit bien d’un double déni. Celui qui serait prêt à passer en pertes et profits d’une ambition suprême, un de ces abus ancestraux que les femmes subissent dans toutes les civilisations. Et l’autre, qui refuserait d’envisager froidement le pire : la réalité d’une agression gravissime commise par un homme de pouvoir.

Cette attitude, à la fois machiste et corporatiste sans le dire, ne peut qu’accentuer la méfiance de l’opinion à l’égard d’un personnel politique désormais soupçonné de dissimuler ses pires turpitudes derrière de grands principes protecteurs. Et de faire corps en cas de tempête. Une vague d’interrogations qui déferle au pire moment sur une démocratie française fatiguée, vulnérable à tous les discours simplistes et prête, par lassitude, à se laisser abuser.

Aux États-Unis, le casse-tête de la dette


Ces jours-ci, les États-Unis feront officiellement faillite ! Cela ne changera rien dans l'immédiat parce que, comme chacun de nous lorsque nous atteignons la limite des crédits permis par notre carte bleue, le Trésor va repousser les échéances, prenant de l'argent dans d'autres paniers. L'agence de notation qui a tiré la sonnette d'alarme sur la situation américaine l'a fait, non à cause de la dette elle-même, mais de l'incapacité de la classe politique à s'attaquer au problème. Il faut distinguer entre la dette nationale et le déficit budgétaire, bien qu'ils soient reliés.

Depuis 1917, au moment où les États-Unis décident de participer à la Première Guerre mondiale, le Congrès a fixé une limite à la dette nationale, façon de réaffirmer la responsabilité du Président devant les représentants du peuple. Or, le pays est actuellement engagé dans deux, voire trois guerres. Cette fois, le Parti républicain menace de refuser d'augmenter le plafond de la dette si le Président et son Parti démocrate qui contrôle le Sénat n'acceptent pas des coupes drastiques dans les dépenses courantes. Leur argument est que le poids de la dette ruinera le pays dont hériteront nos enfants.

Comment est-on arrivé à cette extrémité ? Quand Bill Clinton a quitté le pouvoir, au début de 2001, le budget montrait un surplus de 230 milliards de dollars, et la dette nationale avait été réduite de 360 milliards. La direction s'est inversée sous George W. Bush, qui fit voter deux réductions massives des impôts. Dans la foulée du 11-Septembre 2001, il avait aussi augmenté massivement le budget de la défense, avant d'engager le pays en Afghanistan et d'envahir l'Irak. S'ajoutèrent, en 2008, le coût du premier sauvetage de l'économie, puis les mesures prises sous la présidence Obama.

Le Parti républicain joue sur la peur d'une faillite pour remettre en question la réforme du système de santé votée par les démocrates en 2010. Mais ce n'est qu'un début. Le budget qu'ils proposent pour 2012 entamerait la législation sociale votée sous Roosevelt pendant la Grande Dépression et étendue sous Kennedy et Johnson pendant les années 1960.

Le Président, et son parti au Sénat, résistent aux coupes trop dures. Ils sont d'accord avec les républicains sur le danger d'une dette excessive, mais ils soulignent que ceux-ci veulent attaquer le système social dans son ensemble. Les démocrates veulent des investissements pour l'avenir. Or investir, c'est dépenser, disent les républicains ! Mais, répondent les démocrates, la dette diminuera avec la croissance économique qui apportera de nouveaux revenus fiscaux.

Le débat devient âpre, mais chacun oublie que le déficit annuel aussi bien que la dette nationale peuvent être réduits par une augmentation des impôts. Pourquoi ? Parce que chaque Américain croit au fond de son coeur qu'un jour il sera riche. Et il ne voudrait pas payer des impôts pour soutenir un gouvernement fainéant ! En attendant, on va voir comment réagiront les marchés. Peut-être la pression imposée par la limite légale de la dette contraindra les partis à la négociation. Dans ce cas, on peut imaginer un compromis qui éliminera des niches fiscales sans augmenter le barème individuel de l'impôt. Mais cela ne sera qu'une façon de reculer les échéances.



Le casse-tête de la dette grecque

Restructurer la dette pour sauver la Grèce : peu à peu l'idée fait son chemin, même si les économistes et les gouvernement ne sont pas tous d'accord. Pour la presse européenne, il est avant tout urgent de trouver une solution durable.
C’est par un euphémisme que les ministres des Finances de la zone euro ont ouvert la voie à une restructuration de la dette grecque, le 17 mai. “Reprofilage” : un mot choisi pour ne pas faire peur aux créanciers, il signifie que l’Eurogroupe pourrait opter pour une "restructuration light", remarque en Une le Handelsblatt. 


Pour le quotidien économique, 4 sorties de la crise grecque sont possibles :
- de nouveaux prêts pour permettre à la Grèce de renouer avec la croissance, c’est-à-dire la poursuite de la même politique, un scénario jugé irréaliste par les économistes ;
- une “restructuration douce” où les créanciers accordent volontairement un plus long délai de remboursement et des intérêts moins élevés ;
- une restructuration plus dure de la dette, par laquelle une partie des créances est effacée ;
- la sortie de la zone euro.


Pour les créanciers, le compte à rebours vers une participation à une restructuration, et donc à des pertes, est lancé, assure le Handelsblatt. Le gouvernement allemand aurait même commencé à s’entretenir avec les banques, les assurances et autres fonds détenant des obligations grecques.
En interne, la Deutsche Bank a accepté de renoncer à ses créances à hauteur de 20 à 30% [...] et s’est préparée à des pertes. [...] Mais cette restructuration light – il n’y a pas de consensus entre Etats membres pour procéder de manière plus radicale – n’est qu’un pas intermédiaire vers des mesures plus dures. Il n’y presque plus d’économistes pour recommander l’effacement partiel de la dette. 

Incertaine, la situation actuelle constitue un "test de patience pour les investisseurs", remarque de son côté le Financial Times Deutschland. Mais pour l’autre grand quotidien économique allemand, le plan de restructuration "douce" de la dette a échoué avant même d’avoir été adopté.


La prolongation du délai de remboursement ne peut pas résoudre les problèmes du pays. Pour cela le soulagement [financier ] est trop faible. On ne peut pas attendre grand-chose des Grecs. Même si le gouvernement aime affirmer lors de ses visites à Berlin et Bruxelles qu’il veut économiser plus, il n’y réussira guère. Plus que sur les Grecs, il faudrait alors compter sur le reste des Européens – et surtout sur l’Allemagne. Ce n'est que si ces derniers affirment clairement qu’ils prennent au sérieux le sauvetage de la Grèce et qu’ils rejettent une 'restructuration dure’ que les investisseurs auront de nouveau confiance dans le débiteur grec sur les marchés financiers. Pour cela, il faut aussi de nouveaux prêts, mais surtout pas d’intérêts élevés.
A Athènes, ces discussions sont observées avec inquiétude. Ta Nea évoque en Une "les jeux européens pour le consentement". Car l'UE exige que les conservateurs, le principal parti d'opposition, accepte les mesures de rigueur avant d'octroyer un nouveau prêt de 50 à 60 milliards d’euros. "Bruxelles joue avec le feu", considère l'éditorialiste Giorgos Papachristos.
Pour la première fois le président de l’Eurogroupe [Jean-Claude Juncker] parle d’un éventuel rééchelonnement de la dette, mais avant cela, il faut des mesures, plus de privatisations et surtout un consentement. Le consentement de l’opposition conservatrice. En accentuant la pression sur la nécessité d’un consentement de la classe politique, Bruxelles en fait une condition. Mais en cas d’échec, nous aurons des élections législatives anticipées.
Vu de Londres, il est pourtant urgent de trouver une solution. Car la Grèce, estime The Guardian, pourrait être "le prochain Lehman Brothers", la banque dont la faillite en 2008 déclencha la crise financière. Le journaliste Larry Ellliot voit deux manière de procéder :


La première est de transformer l’union monétaire en union politique, et de créer les mécanismes budgétaires pour transférer les ressources dans un espace fiscal unique. Cela satisferait l’ambition des concepteurs de l’euro et admettrait que l’actuel compromis est par nature instable. 
La seconde serait d’admettre la défaite en annonçant des plans prudemment élaborés pour une Europe à deux vitesses, dont la partie périphérique serait liée au noyau par des taux de changes fixes mais ajustables.
 Aucune de ces options ne semble probable, même si la chute de Lehman montre les limites du bricolage actuel. L’avenir de la zone euro ne sera pas décidé à Athènes ou Lisbonne mais à Paris et en Allemagne. Les deux poids lourds ont investi des tonnes de capital politique dans "le Projet" et insistent pour qu’ils n’y ait ni faillite ni sortie du club.

A Madrid, El País note que 
:
Le paradoxe de l’ajustement fiscal qui tourmente la Grèce et angoissera probablement l’Irlande :  la rigueur fiscale exigée réduit la possibilité de croissance et donc limite les possibilités de remboursement de la dette des pays sauvés. Il n'y a qu'une sortie à cette impasse : une forte réduction des salaires réels dans les pays sauvés qui doit accompagner les ajustements et les réformes.
 Bruxelles redoute que la Grèce ne soit l’avant-garde de ce qui peut arriver à l’Irlande et au Portugal. Mais ce qui est certain, c’est que Berlin et Paris ne peuvent accepter l’échec du sauvetage grec. Ce serait un précédent démoralisateur. Et pour cette raison, ils commencent à se montrer 'compréhensifs' envers un plan additionnel de sauvetage de la Grèce.
Mais à Amsterdam, le juriste et historien Thierry Baudet et l'économiste David Hollanders rappellent dans le Volkskrant que :
La plupart des citoyens néerlandais, allemands, britanniques et finlandais – ce qui n’est pas complètement négligeable – ne croient pas vraiment à la solvabilité des Grecs. (…) Pour éviter des crises de ce genre à l’avenir, il faudrait, comme l’a écrit [l'économiste néerlandais] Harrie Verbon, envisager une ‘instance puissante’ pour imposer une discipline budgétaire. (…) Petit à petit, nous nous dirigeons vers des Etats-Unis européens. Est-ce bien ça ce que nous voulons ? Si c’est le prix à payer pour une monnaie unique, il est peut-être trop élevé.

La vérité mise aux voix

Selon un sondage CSA pour BFM-TV, RMC et 20 Minutes (*), la plupart des Français (57 %) estiment que Dominique Strauss-Kahn est victime d’un complot, contre 32 % qui rejettent cette thèse. Ce résultat contredit l’opinion, parfois étayée par d’autres « baromètres », que les Français auraient, globalement, une mauvaise opinion de leurs hommes politiques.

Dans cette affaire, la tentation pourrait être grande de jeter l’opprobre sur un haut responsable français de dimension internationale, impliqué, qui plus est, dans des politiques économiques des plus rigoureuses, donc impopulaires. Au lieu de cela, la majorité des citoyens, d’après l’échantillon interrogé, dédouane donc le suspect et lui manifeste sa sympathie. En fait, cette enquête est cohérente avec tous ces sondages qui faisaient de M. Strauss-Kahn le favori du scrutin présidentiel de 2012.

Mais elle n’a pas d’autre signification. En matière de consultations, passe encore de demander au public si l’équipe de Bémol va battre celle de Bécarre ; cela s’appelle un jeu de pronostics. Mais lui demander, comme cela arrive, si la guerre va éclater entre deux pays voisins permet, au plus, de mesurer le niveau d’inquiétude des gens, mais ne détermine pas comment l’histoire va évoluer. En matière pénale, les sondages ne nous disent rien non plus de la vérité qui est recherchée. Certes, la justice est rendue au nom des peuples, à travers les jurés. Mais ceux-ci ne se prononcent qu’après avoir vécu tout un procès ; reçu les arguments de l’accusation et ceux de la défense ; écouté des réponses à des questions précises ; vu, entendu et peut-être ressenti le ou les justiciables. Ce qui ne les met néanmoins pas à l’abri d’une erreur de jugement.

Dans l’affaire DSK, force est de rappeler qu’à ce stade des événements, et à notre niveau, nous ne savons rien. Il n’y a pas d’autre mot. Cela est maigre pour se forger une opinion.

(*) Sondage réalisé par téléphone, le 16 mai, auprès d’un échantillon national représentatif de 1007 personnes âgées de 18 ans et plus, dont ont été extraites 838 personnes inscrites sur les listes électorales en France selon la méthode des quotas, après stratification par région et catégorie d’agglomération.

Fossés franco-américains

Dominique Strauss-Kahn menotté. Les images ont choqué en France. Pas aux États-Unis, où la compassion n’est pas, comme de ce côté de l’Atlantique, pour le directeur général du FMI mais pour la femme de chambre qui l’accuse d’agression sexuelle et de tentative de viol. Le cas DSK est révélateur de nombreux fossés entre l’Amérique et nous…

Fossé judiciaire : là-bas, les célébrités ne sont pas traitées avec plus de mansuétude que les citoyens ordinaires ; elles le sont même plus durement quand on leur impute des délits, des crimes ou tout simplement des écarts sexuels. Souvenons-nous de l’affaire Clinton !

Les Français sont les premiers à se plaindre d’une justice à deux vitesses, sévère avec les pauvres, tendre avec les puissants. Étrangement, c’est le VIP qui touche leur cœur quand il est arrêté sur des charges pourtant très lourdes. Dominique Strauss-Kahn est présumé innocent, pas plus, ni moins, que la jeune femme qui affirme avoir été agressée. Faut-il la passer par pertes et profits sous prétexte que le FMI perd un patron irremplaçable (tout le monde l’est) et que le PS est privé de son champion ?

Fossé politique : la police et la justice américaine seraient-elles à ce point incompétentes qu’elles sauteraient à pieds joints dans le piège d’un prétendu « complot international » ? Les séries américaines sont très prisées en France. À la télévision elles font passer de bons moments. Quand elles deviennent réalité, et quand, de surcroît, le rôle principal, mais peu glorieux, est tenu par un Français, elles scandalisent ou inquiètent.

Fossé culturel enfin : pays latin, la France s’arc-boute sur le tabou de la vie privée, tout en considérant avec indulgence – et d’un œil grivois — les frasques de ses dirigeants. Comme si les « exploits plumardiers » de la France d’en haut rejaillissaient sur l’ensemble de ses mâles. Les Anglo-Saxons, eux, sont à la fois prudes et inquisiteurs. Ils prônent la morale par l’exemple. C’est hypocrite ? Sans doute. Chez nous on préfère le cynisme, voire le sexisme. Les deux visions sont irréductiblement antagonistes.

Qui a raison ? Qui a tort ? En l’espèce, la réponse n’est pas subjective, mais dépend des résultats de l’enquête et du procès qui visent Dominique Strauss-Kahn. De quelque côté des fossés franco-américains que l’on se place, il n’y a qu’une solution, c’est de laisser la justice suivre son cours.

Le scénario d'une restructuration de la dette grecque se précise

Le Premier ministre du Luxembourg a jugé ce mardi que la Grèce pourrait finalement être contrainte de restructurer sa dette. Jean-Claude Juncker, qui préside également l'Eurogroupe, penche pour une "restructuration douce".

Jean-Claude Juncker n'est pas homme à parler à la légère. Or ce mardi, le Premier ministre luxembourgeois a, en marge de la réunion des ministres des Finances de l'UE, laissé clairement entendre que le scénario d'une restructuration de la dette grecque devenait, à ses yeux, assez vraisemblable. "Si la Grèce fait tous ces efforts, alors nous devons voir s'il est possible de réaliser une restructuration douce pour la Grèce. Je suis totalement opposé à une restructuration majeure" a-t-il affirmé.
Les efforts mentionnés par Jean-Claude Juncker seraient la mise en oeuvre complète des réformes structurelles auxquelles Athènes s'est engagé lors de l'octroi d'un plan d'aide de 110 milliards d'euros en mai 2010 et une nouvelle série de mesures qui seraient annoncée dans les prochains jours. Les autorités grecques devront par ailleurs préciser très rapidement la nature et le calendrier de leur programme de privatisations de 50 milliards d'euros annoncé en début d'année.
Les propos du Président de l'Eurogroupe constituent un virage à 180 degrés dans le traitement de la crise grecque, mais plusieurs autres ministres européens se sont montrés plus réservés sur le sujet.  Christine Lagarde, la ministre française de l'Economie, a notamment indiqué qu'un rééchelonnement de la dette était exclu s'il s'apparentait à un "événement de crédit". "Toute restructuration ou rééchelonnement qui constitueraient un défaut, ce qu'on appelle un événement de crédit, est hors de question", avait-elle insisté lundi soir.
Ce mardi, plusieurs diplomates ont par ailleurs indiqué que Jean-Claude Juncker était allé trop loin en employant le mot "restructuration", d'autant que des discussions à ce sujet n'ont pas encore vraiment eu lieu. Lors de la conférence de presse finale de l'Ecofin, le commissaire européen aux Affaires économiques et monétaires Olli Rehn a d'ailleurs tenu à préciser que seul un "reprofilage" pourrait être envisagé.
"Si une restructuration de la dette ne fait pas partie des options, une initiative qui aurait pour but de maintenir l'exposition des investisseurs privés à la Grèce est possible", a-t-il déclaré. "Dans ce contexte, un allongement volontaire des maturités des créances, aussi appelé 'reprofilage' ou rééchelonnement volontaire, pourrait être examiné", a-t-il poursuivi.
70% de la dette est détenue à l'étranger
Quel que soit le scénario retenu par les responsables de la zone euro, les analystes estiment qu'il ne s'agit qu'une question de temps avant que la décision ne soit prise. Ils considèrent toutefois qu'il y a une différence importante entre une restructuration forcée impliquant une perte de valeur pour les créanciers et un rééchelonnement volontaire de la dette n'impliquant pas d'"événement de crédit" déclenchant le paiement de contrats d'assurance détenus sur la dette.
Les répercussions pourraient toutefois être de grande ampleur alors qu'environ 70% de la dette grecque est détenue à l'étranger, principalement par les banques françaises, allemandes et américaines, ainsi que par la Banque centrale européenne, qui est vivement opposée à cette perspective. Une restructuration de la dette grecque pourrait aussi immédiatement inciter les marchés à mettre la pression sur l'Irlande et le Portugal, qui bénéficient eux-aussi d'un plan d'aide international afin de réorganiser leurs finances publiques.