TOUT EST DIT

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jeudi 28 avril 2011

Populisme, nationalisme et égoïsme


Le succès des « Vrais Finlandais », le seul parti qui progresse aux législatives du 17 avril, marque une nouvelle avancée des populistes. Cette tendance concerne désormais presque tous les pays européens. La crise économique la nourrit ; l'immigration, dont l'Europe est devenue le premier continent d'accueil, l'entretient.

Mais ses racines sont ailleurs. Ce repli identitaire est d'abord un refus de la globalisation, de la liberté de circulation, une angoisse face à une compétition économique internationale plus rude, une peur du déclin. Le vieillissement de la population européenne l'amplifie.

Depuis le tournant du siècle, les partis extrémistes ne cessent d'enregistrer des succès en accusant les élites d'être les artisans d'une mondialisation qui détruit les emplois traditionnels. Ils magnifient l'État-nation comme le seul véritable rempart contre un prétendu « complot mondialiste » qui enrichirait quelques-uns sur le dos des peuples au mépris de leurs racines et de leurs spécificités.

L'immigration est accusée d'être la cause du chômage. Or, l'effondrement démographique de l'Europe n'est même pas compensé par l'immigration nette d'un million de personnes par an, de moins en moins acceptée faute d'une intégration, aujourd'hui en panne. Le discours populiste est aussi un discours anti-immigrés et d'exclusion. Moralement condamnable, il est surtout totalement contraire aux intérêts nationaux et européens. Une étude américaine de Daniel Hamilton explique ainsi que, pour garder la même force de travail, l'Union européenne (moins de 20 millions d'étrangers pour 501 millions d'habitants) devrait tripler le rythme actuel de son immigration.

Parler aux peuples

Le populisme, c'est enfin un euroscepticisme sans nuances, qui accuse la construction européenne d'être le « cheval de Troie » de la mondialisation et l'élément le plus destructeur des identités nationales. Il plaide pour une fermeture des frontières, l'instauration de droits de douane et souvent la fin de l'euro. Autant de contre-vérités que les responsables politiques européens ont du mal à combattre.

Les institutions de l'Union, pour leur part, ne sauraient se contenter de gérer l'ouverture du continent, sans corriger, ou plus exactement sans mieux assumer, leur rôle de promotion et de défense de l'Europe dans le monde. Elles doivent parler aux peuples et pas seulement aux États. La question migratoire doit être abordée franchement et pas seulement sous l'angle technique d'accords de Schengen dont l'application n'est trop souvent contrôlée que sur le seul papier.

En outre, on ne peut sans danger continuer à n'envoyer aux Européens qu'un seul message « punitif », celui de la rigueur, des économies, de la baisse des salaires et des garanties sociales, avec des arguments techniques définitifs. Pour que les disciplines soient acceptées, elles doivent s'inscrire dans des solidarités plus effectives et des objectifs politiques crédibles de redressement économique. Ce message d'espoir fait défaut. Il serait pourtant justifié par les atouts d'une Europe qui garde de puissants leviers d'action sur la scène mondiale, une économie forte, un niveau et une qualité de vie sans équivalent dans le monde développé. Et, surtout, une certaine conception de l'homme et de la société où les libertés, les solidarités et la générosité ont encore leur place.





Deux poids, deux mesures

Au moins 400 morts depuis le début de la répression des manifestations à Deraa, en Syrie, des blindés contre une population désarmée... « C'est inacceptable », comme l'a déclaré Nicolas Sarkozy à Rome, et c'est une situation qui ressemble comme deux gouttes d'eau à celle de l'Egypte au début de la révolution et à celle de la Libye avant l'intervention de la communauté internationale à l'ONU.

Dans ces conditions, peut-on envisager un processus analogue, à moins que le mort syrien ne pèse moins lourd que le mort libyen ? C'est malheureusement la seconde attitude, celle du deux poids, deux mesures, qui risque de prévaloir, et pour plusieurs raisons.

– Ecartons d'abord un argument facile et démagogique : on n'interviendrait pas en Syrie parce que ce pays n'a pas, lui, les immenses ressources pétrolières de la Libye.
– On n'interviendra pas en Syrie parce que le vote de l'ONU obtenu à l'arraché par MM. Sarkozy et Juppé n'est pas renouvelable en raison des liens étroits entre la Russie et la Syrie. La Russie, la Chine et même les Etats-Unis n'ont aucune intention de se laisser embarquer dans un nouveau conflit à caractère militaire au Proche-Orient.
– Mais la raison de fond tient à la géopolitique : depuis près d'un demi-siècle, la Syrie est la garante d'un équilibre régional, elle est proche de l'Iran, du Hezbollah libanais et même de la Turquie. Les grandes puissances redoutent un coup de torchon à Damas et ménagent Bachar al-Assad comme elles ont ménagé son dictateur de père, qui fit pourtant assassiner un ambassadeur de France, 241 militaires américains et 58 parachutistes français à Beyrouth en 1983.

Ames sensibles, tournez la tête, car la realpolitik sent souvent mauvais.

Le commentaire politique de Christophe Barbier