TOUT EST DIT

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dimanche 24 avril 2011

Le régime libyen est-il en train de vaciller ?

Selon plusieurs observateurs, l'envoi d'instructeurs français, anglais et italiens et de drones américains en Libye, l'acheminement d'armes aux insurgés, via des Etats comme le Qatar, puis la reprise de places stratégiques par les rebelles, laissent penser que le régime libyen vacille. Si ce scénario se confirme, le choix – au départ fort risqué – de Nicolas Sarkozy de soutenir la rébellion constituera un succès de la diplomatie française. Il est vrai que le président français a beaucoup misé sur la Libye et a pris de court ses alliés, y compris les Etats-Unis, enlisés en Irak et en Afghanistan. La crise libyenne a marqué le retour des puissances ouest-européennes sur la scène internationale, surtout le couple franco-anglais (appuyé par l'Italie), même si le président de l'Union européenne, Herman Van Rompuy, et la haute représentante de l'UE pour les Affaires étrangères et la Sécurité, Catherine Ashton, en sont les grands absents...
Mécontents de cet activisme franco-anglais, certains annoncent un enlisement, tel le ministre des Affaires étrangères russe, Serguei Lavrov, qui a dénoncé l'envoi d'instructeurs européens en Libye, assimilé à une "opération terrestre". De son côté, le chef d'état-major interarmes américain, l'amiral Mike Mullen, parle de risque d'enlisement. Mais il a lui-même reconnu que les frappes aériennes ont réduit de 40 % les forces terrestres de Kadhafi. Certes, l'envoi d'officiers instructeurs français et anglais pose un problème d'interprétation de la résolution onusienne 1973, qui ne prévoit pas d'intervention au sol ou de changement de régime.

Mais, les insurgés étant très mal équipés et peu formés face aux forces pro-Kadhafi (qui ont su s'adapter aux bombardements aériens en adoptant des techniques de guérilla et en misant sur leur supériorité au sol), que proposent les pacifistes qui exigent une stricte application de la résolution de l'ONU ? Empêcher les insurgés de s'armer et de bénéficier d'instructeurs et laisser les mercenaires de Kadhafi les écraser au nom de la « neutralité » et de la « légalité » ? Ce scénario est connu. Tant de massacres ont été commis à la barbe des soldats onusiens « neutres », au Liban, en Afrique ou ailleurs. En réalité, une fois « qu'on y est », on est condamné à agir jusqu'au bout. Et si l'on n'aide pas les insurgés au sol, la situation finale sera bien pire qu'avant l'intervention. On peut donc saluer la position, certes risquée, de la France en vue d'un règlement rapide de la crise libyenne, qui aura valeur d'exemple pour les autres despotes tentés de massacrer leurs oppositions, notamment en Syrie.

La peur en campagne

Dans un an, les Français diront à qui ils font confiance pour porter leurs aspirations et répondre à leurs inquiétudes. Tous les symptômes d’un pays profondément malade s’expriment. Cette maladie a un nom: la peur.
Cette peur se nourrit d’éléments objectifs. Le pouvoir d’achat est rongé par le coût du chômage de longue durée, par l’explosion des dépenses de vie quotidienne et par les brisures familiales. L’industrie est sinistrée et nos produits se vendent moins dans une économie mondiale en croissance. Le sentiment d’insécurité prédomine.

L’importance des intentions de vote pour Marine Le Pen dans le monde ouvrier en constitue le symptôme le plus spectaculaire: la candidate du Front national rassemble dans cet électorat plus que le PS et l’UMP réunis.

Quatre ans après son élection, Nicolas Sarkozy affiche un bilan non négligeable (universités, environnement, retraites). Mais les espérances de la "rupture" se sont fracassées sur la crise mondiale auquel le pays paie un lourd tribut, à cause des nondécisions des décennies précédentes. Et l’homme de la France du travail n’a pu vaincre une société d’assistance incontrôlée, souvent abusive.

Aujourd’hui, les tabous volent en éclats. Le président en est le premier pourfendeur. Les Français demandent-ils plus de justice et de partage? Il invente cette étrange prime sur les dividendes. L’inquiétude montet- elle d’une immigration incontrôlée? Il défend la révision d’un traité européen. Dans le même temps, il compte sur la politique internationale pour affermir sa stature. Et sur les faiblesses de ses adversaires pour gagner le combat. Comme dans les années 1930, la peur d’un monde ouvert alimente le protectionnisme, la xénophobie et le rejet des élites. Le message de la France peut être un appel à la fraternité, cette part de notre devise républicaine a encore de l’avenir. Une société ne tient pas sans tabous.

Tiers état

Ce qu’ils sont capables de faire simplement, les Américains, quand Barack Obama s’en va parler économie sur Facebook et dialogue avec Mark Zuckerberg, tycoon de 26 ans, sans l’ombre d’une condescendance…
Ils ont tous les défauts du monde, mais il leur reste ceci qui rattrape tout le reste: Obama chez Facebook, Clinton jadis sur MTV, la culture rap à l’unisson des autres, Internet dans le réel, la jeunesse égale au cœur de la cité… Une capacité à se mouvoir dans le monde, tel qu’il est… En comparaison, nous sommes des arthritiques de la politique, enkystés dans nos vieilles formes, et nos adultes gouvernants des largués du jeunisme…

C’est pour cela qu’un appel lancé par Bruno Laforestrie, 38 ans, patron d’une radio rappeuse, Générations, mérite d’être entendu. L’intitulé est convenu, "l’appel du 21 avril", qui s’inscrit dans l’obsession française pour les commémorations morbides; et ce que les médias en ont retenu, la demande d’une candidature unique des gauches en 2012, est basiquement tactique. Mais c’est notre plaie médiatique de tout ramener à l’angle politicien. Il faut aller à l’essentiel, et lire les textes qui accompagnent l’appel. On y trouvera un manifeste brut et brouillon du nouveau tiers état, qui exige l’union au nom de sa survie: tiers état des jeunesses précarisées, qui payeront les dettes des adultes, jeunes retenus en marge des pouvoirs, jeunes condamnés à l’apartheid des ghettos ethniques et sociaux, jeunesse dont la culture Internet, le rap, les réseaux restent folkloriques dans les médias dominants. Tandis que la France estampillée surveille ses frontières et ferme ses écoutilles, assassine son futur et nie son présent…

Ce sont des textes d’ambitieux, experts de Terra Nova ou jeunes cadres du PS, qui gémissent d’impatience dans une gauche en mal de renouveau. Ils percutent notre société-étouffoir mais oublient au passage que la planète alentour brûle sous nos pieds – et c’est pour cela que Hulot est allé leur parler, pour verdir leur avenir… Mais ce mouvement, même imparfait, pose les dilemmes essentiels d’une classe politique qui ne peut plus jouer, dans un pays qui doit retrouver des raisons de s’aimer.

Un défaut des Américains, puisqu’on en parlait, c’est d’écrire négligemment sur les pays de moindre importance: c’est ainsi que le magazine Time a installé Marine Le Pen parmi les 100 personnes les plus influentes dans le monde, ce qui est une plaisanterie: servie par son talent et quelques idiots utiles, la cheftaine frontiste déboussole la France en lui rendant l’extrême-droite tolérable, mais elle est loin de toiser la planète! Time, en l’honorant, nous rappelle simplement à quel point nous pouvons inspirer l’inquiétude, Gaulois apeurés, fatigués que nous sommes. Mais il ne tient qu’à la France d’être à nouveau aimable au monde.

Un avion pour Benghazi

Nicolas Sarkozy envisagerait de se rendre pour quelques heures à Benghazi dans un avenir proche. Le président de la République serait le premier chef d’Etat à se rendre en Libye depuis le début de la guerre et ce serait un acte symbolique et de grande portée politique. La guerre en Libye n’est pas la guerre de Sarkozy comme se plaisent à ironiser certains, c’est une guerre de la France des droits de l’homme qui est en cette affaire la fille aînée de la communauté internationale puisqu’il s’agit, avec l’aval de l’ONU, de protéger un peuple contre son dictateur.Dans cette guerre juste, M. Sarkozy a su, à partir d’une alliance militaire étroite avec l’Angleterre de David Cameron, entraîner un président américain qui au départ traînait les pieds. On comprend les réticences d’Obama qui sort à peine d’une guerre en Irak et continue celle d’Afghanistan. Le syndrome de la guerre du Vietnam reste omniprésent dans la tête des Américains et a tendance à se réveiller lorsque l’on décide d’envoyer des conseillers militaires sur place comme Lyndon Johnson le fit autrefois à Saigon.

Pour éviter que la guerre ne s’enlise – elle n’est qu’à moitié gagnée face à Kadhafi qui s’accroche –, il faudra faire un effort supplémentaire : conseillers militaires, drones américains et forces spéciales. C’est bien, mais il faudra peut-être aller au-delà et l’expliquer aux Français. Nicolas Sarkozy a donné la légitimité politique aux insurgés, s’il se rend sur place, le régime de Kadhafi prendra un nouveau coup et il est de toute façon trop tard pour reculer, la présence de l’ancien adversaire d’Obama, John Mc Cain, à Benghazi, étant déjà un signal encourageant.

Le corps de Marie-France Pisier retrouvé dans sa piscine

La comédienne a été retrouvée inanimée dans la piscine de son domicile du Var, dans la nuit de samedi à dimanche.

L'actrice Marie-France Pisier, 66 ans, a été retrouvée morte dans la nuit de samedi à dimanche dans la piscine de son domicile à Saint-Cyr-sur-Mer (Var), et les circonstances de son décès restaient encore indéterminées. Son corps a été découvert par son mari "vers 4 heures", selon le parquet de Toulon qui a ouvert une enquête pour "recherche des causes de la mort", et précisé qu'il ne s'agissait pas "d'une enquête criminelle". Les premiers éléments n'ont pas laissé apparaître un état dépressif chez l'actrice, qui "avait des projets professionnels et avait confirmé sa présence à l'hommage qui sera rendu à Jean-Paul Belmondo, en mai au Festival de Cannes", a souligné une source proche de l'enquête.
Le décès de Marie-France Pisier, actrice au regard clair et teinté d'ironie et à la voix si singulière, a "surpris tout le monde", a déclaré le journaliste Vincent Perrot, l'un des derniers à l'avoir interviewée il y a quelque semaines chez elle, dans le cadre d'un documentaire sur Jean-Paul Belmondo. "Ça fait partie de ces nouvelles dont on ne peut pas se douter, surtout quand on a croisé quelqu'un quelques semaines précédemment en super forme (...) Elle était belle, resplendissante, extrêmement cultivée, très maligne, taquine, pleine d'humour", a-t-il déclaré dimanche sur RTL.
"Comédienne rare"
Le président Nicolas Sarkozy a rendu hommage à l'actrice en la décrivant comme "la suprême élégance qui naît de la plus parfaite simplicité". "En nous quittant brutalement, Marie-France Pisier nous rejoue L'amour en fuite et, pas plus qu'Antoine Doinel, les Français ne s'en consoleront", écrit-il dans un communiqué. Le metteur en scène et réalisateur Robert Hossein, avec lequel l'actrice a notamment fait ses débuts au cinéma, s'est déclaré "très touché" par le décès de son "amie dans la vie". Le ministre de la culture Frédéric Mitterrand et Gilles Jacob, le président du Festival de Cannes, ont déploré chacun la perte d'une "comédienne rare". "La manière inimitable dont elle usait de sa voix pour paraphraser le chic snob de la Parisienne comme dans son célèbre "foutaises !" chez Techiné ou pour s'identifier à Madame Verdurin chez Ruiz, restera dans les annales du cinéma français", a estimé ce dernier.
Marie-France Pisier avait débuté sa carrière d'actrice en 1961, repérée par François Truffaut pour donner la réplique à Jean-Pierre Léaud alias Antoine Doinel dans Antoine et Colette, l'un des sketches de L'amour à vingt ans. Après des films de genre de Robert Hossein, elle était devenue égérie de la Nouvelle Vague, apparaissant dans les univers oniriques de Robbe-Grillet, Luis Buñuel, Jacques Rivette et surtout André Téchiné. Elle a obtenu deux fois le césar du meilleur second rôle, pour Cousin, cousine de Jean-Charles Tacchella et Barocco d'André Téchiné en 1976 et 1977.
Intellectuelle engagée
Intellectuelle et féministe engagée, Marie-France Pisier a aussi pris part à plusieurs succès populaires, comme dans L'as des as en 1982 aux côtés de Jean-Paul Belmondo. Plus rare dans les années 90, elle a trouvé cependant l'un de ses plus beaux rôles, celui d'une bourgeoise en mal d'enfant, dans Marion de Manuel Poirier en 1996. Derrière la caméra, elle s'était penchée sur son enfance (Le Bal du gouverneur, adaptation d'un de ses romans en 1990) et le décès de ses parents (Comme un avion en 2002). Tournant pour des jeunes auteurs comme Christophe Honoré, elle était apparue en 2006 à l'affiche du film Dans Paris. L'actrice a également tourné dans de nombreux téléfilms et joué au théâtre.

Bruxelles n'est pas le nombril de l'Europe

Le gouvernement hongrois et les électeurs finlandais viennent de démontrer leur volonté de sortir du consensus européen. Mais c'est peut-être parce que l'on répète qu'il n'y a pas d'alternative au projet européen que celui-ci est en crise. 

Comme l’Europe est politiquement faible ! Elle est loin des empires que l’Histoire a produit – de l’Empire romain à celui de Chine en passant par les Etats-Unis. La faute à l’histoire. Le continent européen a été façonné par les conflits, et le passé laisse des marques profondes. L’époque bénie de l’unification européenne a été bien trop courte pour mettre un terme définitif à des querelles centenaires.
Cherchant à tout prix à neutraliser cet héritage, les pères de l’Europe conçurent la CEE (puis l’UE) comme un véritable bloc. Certes reconnaissait-on – du moins Helmut Kohl – une règle d’or affirmant l’égalité de chaque pays membre, grand ou petit. Ce projet historique devait être pluriel et égalitaire.
Les discours sur le couple franco-allemand et les fondements très carolingiens de cette entreprise laissaient pourtant déjà entrevoir combien cette nouvelle Europe était une construction élaborée depuis un centre. C’est cette concentration obstinée des pouvoirs, représentée aujourd’hui par Bruxelles, qui fait bégayer l’Europe. Et cela ne date pas d’hier.

Même les bons élèves montrent des signes d'agitation

Ce constat vaut pour tous les pays, surtout ceux de la périphérie. Récemment, c’est la Hongrie qui s’est illustrée en opérant un grand revirement national sous la houlette du parti Fidesz de Viktor Orbán. Membre du Club Europe depuis peu, le pays joue la carte magyare et son gouvernement reprend des discours aux accents nationalistes incompatibles avec l’Europe de la raison et de l'administration à la bruxelloise.
La nouvelle Constitution hongroise rédigée et décidée par la majorité au pouvoir sans processus constituant est une anomalie dans l’ensemble européen. Son préambule, particulièrement pathétique et dégoulinant de fierté nationale, ancre la Hongrie – qui reste une république ! – à des souvenirs du XIe siècle, la rattachant à la couronne impériale, à la chrétienté et à la famille (de préférence nombreuse). L’exemple hongrois montre que dans la périphérie de l’Europe, dans des pays sous protection de l'UE et dans le corset de l'UE, d’autres idées que celles de Bruxelles ont cours.
Même les bons élèves de l’Europe manifestent des signes d’agitation. Les Pays-Bas en ont donné la preuve, de même que les Finlandais qui viennent d’ajouter un chapitre au désordre européen. Les Finlandais ne sont pas réputés pour leur extrémisme. Malgré le déclin de Nokia, le pays champion des études PISA sur les systèmes scolaires se portait bien. Et pourtant, un nouveau parti tapageur, les Vrais Finlandais, ou plutôt les Finlandais ordinaires, sont parvenus à devenir la troisième force politique du pays grâce à leur rhétorique de droite et populiste. Ils entreront probablement au gouvernement. Faut-il y voir l'un de ces accès de fureur qui peuvent parfois secouer les familles les plus civilisées et les plus pacifiques?

Les Européens ordinaires ne veulent plus rester sur le pas de la porte

On s’est rapidement accordé à dire que c’était la faute au plan de sauvetage de l’euro. Chez tous les peuples européens sommeille le sentiment que le voisin est davantage un parasite qu’un allié. C’est peut-être vrai mais cela n’explique pas tout. Partout en Europe, on est prêt, en principe, à assumer et à payer pour une Europe qui a du sens. L’Europe n’est pas contre les Grecs. Mais à la longue, les Européens n’aiment pas qu’on leur présente la construction européenne comme une machine fonctionnant sans alternative, tellement compliquée qu’il faut être un Bruxellois endurci pour pouvoir la servir, tandis que les gens ordinaires restent sur le pas de la porte.
Le philosophe Jürgen Habermas a récemment déploré "l’état lamentable" de l’Europe. Il appelle au renouvellement démocratique et, ce faisant, surestime la capacité des Européens à se donner un nouveau départ. Il a toutefois raison sur un point : "La construction européenne, qui a toujours été décidée au-dessus des peuples, est aujourd’hui dans une impasse car elle ne peut pas continuer sans passer des modes administratifs à une plus grande implication des citoyens."


 
Opinion

Habermas contre les élites

Dans un article paru dans la Süddeutsche Zeitung, Jürgen Habermas s'inquiète de "l'état lamentable""héros nationaux affrontent 'les autres'“. Conséquence : même dans la supposée europhile Allemagne, la réputation de l'UE sombre, et les élites font l'autruche. de l'Union européenne. Le philosophe allemand déplore que sur les questions budgétaires, les parlements nationaux se trouvent relégués au rang de chambres d'enregistrement des décisions de la Commission européenne, tandis que les citoyens assistent sur la scène européenne à une lutte où les
Pour Habermas, trois raisons expliquent le manque de souffle du projet européen : la redécouverte de l'Etat-nation par l'Allemagne, qui se recentre sur elle-même; l'instrumentalisation des élections et référendums européens à des fins de politique nationale; la collusion entre la politique et les médias, qui ne traitent la crise de l'euro que dans leurs pages économiques hautement spécialisées et négligent sa dimension politique. "Mais peut-être qu'en se tournant vers le haut, vers les élites politiques et médiatiques, le regard se dirige dans la mauvaise direction, remarque Habermas. Ce ne peut être que du bas, de la société civile, que peut venir la motivation qui fait défaut", les récents mouvements de protestations en Allemagne, comme Stuttgart 21, pouvant servir d'exemple.

Collecte pour une sépulture

La conférence des pays donateurs penchés sur le chevet de la centrale nucléaire de Tchernobyl s’est achevée, hier, dans la capitale ukrainienne Kiev. Elle a fait fleurir les communiqués de victoire comme muguet à l’approche du 1er mai. Ce n’est pas rien, en effet, de voir la communauté internationale réunir plus d’un demi-milliard d’euros pour entreprendre, enfin, le projet dont il est question depuis de nombreuses années : la construction d’un nouveau sarcophage pour enfermer les ruines hautement contaminées du réacteur n° 4 de la centrale, qui a explosé le 26 avril 1986.

La première enceinte avait été assemblée dans des conditions héroïques, et à l’enseigne d’un mélange d’improvisation et de savoir-faire, dont la défunte Union Soviétique a souvent donné le spectacle. Mais l’ouvrage ne pouvait pas être parfait, et surtout pas durable. Son remplacement est une urgence.

Or, l’Ukraine n’a pas les moyens de gérer seule un projet de ce coût et de cette dimension : une arche de 108 mètres de haut et de 20 000 tonnes. La contribution russe est importante, mais ne comble pas la différence, en disproportion avec la responsabilité primordiale de l’ex-État soviétique, dont la Russie est l’héritière juridique.

En effet, c’est à Moscou qu’étaient décidés les choix des filières nucléaires, le calendrier de réalisation des centrales, les mesures d’économies qui permettaient de gagner du temps et de limiter les dépenses, et qui se sont parfois avéré être des impasses pour la sûreté et la sécurité.

Un quart de siècle après la catastrophe, un bel élan des donateurs peut ainsi être observé, mais il manque encore près du quart des fonds pour être assuré de pouvoir achever le second sarcophage de Tchernobyl. La crise financière et économique est passée par là, certes, mais elle montre surtout que les sommes nécessaires à remettre à flot le système bancaire, mille fois plus importantes, ont été réunies bien plus rapidement que celles du devis visant à donner une sépulture aux ruines nucléaires les plus inquiétantes de la planète.

Une salade grecque qui ne passe pas


Cela fait exactement un an que, face à l'envolée de sa dette, la Grèce a dû demand er l'aide de l'Union européenne et du FMI. Cet « anniversaire » là semble bizarrement oublié. Il est vrai que les opérations financières sont complexes et guère aisées à décrypter. Sauf quand leurs conséquences directes viennent à frapper les peuples. C'est ce que vivent depuis bientôt deux ans les Grecs. Depuis, l'Islande, puis plus récemment l'Irlande et le Portugal, ont vu à leur tour leur économie fragilisée et leur état déstabilisé. Et il n'est pas dit que la France sorte totalement indemne de cette crise financière rampante qui se diffuse au sein de l'Europe. Si Nicolas Sarkozy, chef de guerre, a pu faire tomber Gbagbo et, peut-être, demain Kadhafi, il a clairement perdu la bataille contre les marchés financiers, qu'il se proposait de « moraliser » et de discipliner. L'économie-casino se porte au mieux. Pire, les spéculateurs, en pariant sur la faillite des pays, font payer aux États… l'argent que ces derniers ont dû investir pour les sauver du krach de 2008 ! L'Europe n'est certes pas restée inerte face à cette crise de la dette, en parvenant par exemple - non sans difficultés - à créer son Fonds de secours, qui acte une solidarité financière. Mais ce renforcement de la cohésion entre les pays membres s'accompagne de la mise en place, avec le « pacte pour l'Euro », d'un plan d'austérité au niveau européen, qui se traduira inévitablement par une rigueur budgétaire, sociale et salariale accrue. Avec les risques d'explosion sociale et de frein à la fragile reprise économique qui vont avec. Et avec la crainte que cette dette soit très inégalement payée, entre les pays, et à l'intérieur de chacun d'eux.

Les démocraties et la rue syrienne

Un autre dictateur en sursis ? Le jeune raïs auquel la dynastie Al-Assad a donné la Syrie subit de plein fouet la vague des révoltes arabes. Le processus enclenché à Damas est peu ou prou semblable à ceux connus à Tunis et au Caire : un soulèvement populaire spontané ; pas d'opposition structurée (et pour cause, l'état d'urgence étouffe les libertés publiques) ; une jeunesse qui entend participer à l'Histoire, fédérée par les réseaux sociaux ; une revendication démocratique visant à liquider les attributs d'un régime autoritaire. Pour la rue, seule la fin d'un demi-siècle de parti baasiste pourra amener un changement effectif. Réformer ou réprimer, telle est l'alternative - désormais éprouvée - posée à Bachar Al-Assad. S'il s'engage sur le chemin de vraies réformes, il se condamne. Aussi simule-t-il, non sans brutalités, des concessions qui ne satisfont pas les opposants. Alors ceux-ci se radicalisent et la répression s'amplifie. La police a tiré sur la foule lors du « Vendredi saint », vendredi sanglant. Elle a recommencé hier. Face à cette nouvelle tragédie, la communauté internationale a prononcé une condamnation ferme. Toutefois, elle ne semble pas montrer le même empressement à « sauver la Syrie », la même empathie qu'envers le peuple libyen. Car Bachar Al-Assad n'est pas Kadhafi le banni. L'éclatement de la Syrie est redouté. Alliée de l'Iran, interlocutrice de la Russie, elle joue un rôle de « stabilité » dans une région en voie d'atomisation. Elle ne veut certes pas la paix avec Israël, elle ne veut pas non plus la guerre. Est-ce à dire que l'on craint que le remède - sous la révolution, le désordre - soit pire que le mal ?

Charles le Grandiose

L’hymen national du prince William et de mademoiselle Kate Middleton doit être l’apothéose de la semaine à venir. Le fait que le jeune marié est le fils de la princesse Diana amplifie l’émoi des cœurs et des médias. La cérémonie rappellera le mariage des parents princiers, en 1981, qui leur vaut d’illustrer des ouvrages sur les « plus grandes histoires d’amour ». Il est l’heure de dissiper ce malentendu. Charles et Diana, c’est, statistiquement, l’histoire d’un échec conjugal tel qu’il sanctionne plus du tiers des unions dans nos sociétés occidentales. Banal, si ce n’était douloureux. D’un tout autre calibre est la romance de mère-grand, qui n’avait que 14 ans quand elle reconnut l’homme de sa vie dans le bel Hellène à la blondeur germanique - les charmes du métissage - qui était son cousin marin. Sept décennies plus tard, Elizabeth et Philip sont toujours ensemble.

Mais le roman majeur est évidemment titré... « Charles et Camilla ». Tant pis pour les ignares ricanant. Rien de lisse, sous une apparence de thé de cinq heures permanent, mais 41 ans de passion et de dévotion, qui s’entrechoquent avec les rebondissements les plus sulfureux, rupture et adultère compris. Le scénario idéal. Las, l’actrice n’a pas reçu en don la beauté d’un top modèle; elle n’affole pas les zooms qui font les icônes selon les critères des pubs pour dentifrices ou crèmes antirides. À Westminster, ce couple, qui serait né dans un wagon-lit du train royal (à l’arrêt), repensera peut-être aux âneries qui l’ont visé : pour épouser sa queen of heart, Charles renoncera à ses prérogatives et se retirera en Cornouailles ou à la Barbade. Mais un jour, lassé des lazzi, le prince de Galles est sorti du bois. Le Premier ministre Tony Blair a été commis pour lire son communiqué aux Communes. En substance : j’épouse Camilla et elle partagera toutes mes obligations et tâches d’héritier de la Couronne. Là, il a été grandiose, en mettant tout le monde au pas : ses parents, pas chauds pour cette « briseuse de ménage » ; l’opinion, qui a démonté les pancartes « You’ve killed Diana ! » (Tu as tué Diana !) des débuts ; et même l’Église anglicane, qui a modifié son droit canon pour autoriser deux personnes divorcées, et notoirement vagabondes durant leurs unions, à se marier... et à régner. Une révolution royaliste, faite avec amour.

Âme légère et actualité lourde

Que l’on soit chrétien ou non, qu’on croie au ciel ou qu’on n’y croie pas, Pâques est l’une des plus belles fêtes de l’année. Une fête optimiste. Une fête lumineuse, religieuse et profane, où l’âme, tout à coup insolente et légère tourne le dos à l’hiver et se met à jouer avec le soleil. Cette année, le printemps est son complice, séducteur irrésistible avec ses petits airs d’été, qui l’emmène dans le soir chaud jusque sous les étoiles pour lui chuchoter à l’oreille des mots d’espoir.

L’anniversaire de la résurrection du Christ est aussi un symbole universel de renouveau. Dans un pays laïque qui a calé les jours fériés de son calendrier civil sur les temps forts des évangiles, les piliers d’une foi peuvent aussi soutenir les élans les plus prosaïques. Ce n’est pas le moindre des atouts de notre vivre ensemble, qui s’enrichit à l’infini de la diversité de nos valeurs et de nos convictions. Une éternelle leçon de renaissance ?

Dans nos rêves les plus fous, on rêverait que l’actualité puisse offrir elle aussi une telle parenthèse d’espérance. Cruelle, elle réduit cette utopie simple et délibérément enfantine à l’état de chimère, nous ramenant du même coup à la conscience de nos privilèges de citoyens libres jouissant de ce trésor inestimable : la paix. La répression féroce en Syrie et le calvaire de Misrata, en Libye, sont autant de tragédies qui nous rappellent que la démocratie reste un luxe dont nous profitons à domicile quand elle n’est qu’un horizon, tout au bout d’un très long chemin, pour la plupart des peuples.

La terre elle-même, qui tremble aux Îles Salomon après avoir ébranlé le Japon, ne se prive pas de souligner notre fragilité collective et au-delà, nos devoirs de solidarité. Quand internet fait irrésistiblement de nous des citoyens du monde, l’empathie ne suffira pas à panser à distance les plaies des injustices de la vie, ni à corriger les hasards de la naissance et de la géographie.

Et c’est ce moment de grande incertitude que la France choisit pour envisager de suspendre – fût-ce provisoirement – les accords de Schengen. S’il se résignait à bombarder l’un des plus beaux et des plus courageux acquis de la construction européenne – la libre circulation des personnes – c’est un message de peur du monde tel qu’il va, et de méfiance à l’égard de l’Europe que Paris enverrait. Pendant que la Tunisie affaiblie ouvre ses portes aux réfugiés libyens, notre pays serait-il, lui, si gravement menacé par un risque mortel pour envisager une mesure aussi radicale ? En le retranchant dans une citadelle qui serait assiégée par l’immigration, l’Élysée ne combat-il pas plutôt le péril Le Pen en lui subtilisant sa bannière antieuropéenne plutôt que de s’armer de courage ? Non, on ne peut le croire. Ce serait désolant en ce jour qui exalte l’idée de partage. Car si «la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde», comme l’affirma Michel Rocard dans une formule régulièrement tronquée, «elle doit en prendre fidèlement sa part».

Vers un royal fiasco ?

Il paraît qu’ils vont se marier. La plupart des gens ordinaires, remarquez bien, s’en moque un peu. Pourtant, on s’épuise à les persuader de l’importance de la chose. Un médiatique battage, entre conte de fées et quinzaine commerciale, claironne l’événement. Tant de pages spéciales en guise de faire-part ! La cérémonie doit exploser l’audimat, les produits dérivés submergent le marché. Ça court du briquet Windsor au service à thé Buckingham.

Nul n’ignore, désormais, le conjugal dessein du petit-fils d’Élisabeth II. Vendredi, dans un cliquetis de têtes couronnées, William épousera Kate. Le premier, de noble extraction, roule carrosse depuis le berceau. La seconde, gracieuse roturière, a pris des cours d’élocution afin de mieux s’intégrer à la haute société. On leur souhaite d’heureuses noces, of course. Mais de là à partager un émerveillement béat, presque rendu obligatoire…

Même l’Anglais moyen, en dépit d’une royale propagande, traîne les pieds. Le cyclone annoncé, au bout du compte, pourrait se résumer à une brise légère. À tel point qu’on redoute un fiasco populaire.

David Camerone, le Premier ministre, incite les sujets du royaume à se mobiliser. Ceux-ci renâclent encore à organiser les traditionnelles “fêtes de rue”… Au jour J, sur la route de Westminster, la foule attendue risque de manquer. Trop casaniers, les Britanniques ? Pas toujours. Le mois dernier, ils étaient 250 000 à battre le pavé londonien… pour protester contre une précarité grandissante.

« Ne permets pas que nous devenions un non-peuple ! »

Du mystère du Jeudi Saint aux ténèbres du Vendredi Saint, jusqu’à l’éclatante lumière de Pâques : chaque année, l’Eglise nous fait vivre en temps réel l’immolation et la résurrection de notre Sauveur, vrai Dieu et vrai homme, rappelant à chaque homme sa condition de pécheur et la réalité de son rachat. Tous son appelés à devenir enfants de Dieu, lavés dans le Sang du Christ, tous sont appelés à entrer avec Lui dans la gloire, qui est aussi la gloire de la Croix.

Pendant de longs siècles, ces trois jours saints ont marqué profondément la vie, l’intelligence, les âmes de nos ancêtres sur cette terre d’Europe dont les hommes aussi ont été façonnés par l’adhésion au Christ.

Les sociologues nous apprennent que partout, l’homme finit par ressembler au dieu qu’il adore. A idole sanguinaire, peuples de mœurs sauvages et brutales ; à dieu – ou Allah – sans amour, soumission d’esclaves zélés pour soumettre à leur tour en son nom ; à Mammon, société de marchands prêts à écraser leurs semblables pour gagner un peu plus ; à Dieu Père, Fils et Saint-Esprit, aspiration bien plus exigeante à la communion, la charité, la compassion.

Cela est bien plus exigeant et difficile car il nous coûte de donner notre vie pour ceux que nous aimons, et l’imitation de Jésus-Christ comporte des passages obligés qui nous feraient oublier la promesse du ciel, des renoncements qui ne conviennent pas lorsqu’on ne veut plus servir.

Benoît XVI l’a dit avec force lors de la messe chrismale qu’il célébrait, jeudi, à Rome : rappelant que le peuple élu qui avait pour mission « d’être comme un sanctuaire de Dieu pour la totalité », d’« exercer une fonction sacerdotale pour le monde », il a en quelque sorte mis en parallèle avec ce devoir la mission de l’Occident.

« Les chrétiens devraient rendre visible au monde le Dieu vivant, en témoigner et conduire à Lui. Quand nous parlons de notre charge commune, en tant que baptisés, nous ne devons pas pour autant en tirer orgueil. C’est une question qui, à la fois, nous réjouit et nous préoccupe : sommes-nous vraiment le sanctuaire de Dieu dans le monde et pour le monde ? Ouvrons-nous aux hommes l’accès à Dieu ou plutôt ne le cachons-nous pas ? Ne sommes-nous pas, nous – peuple de Dieu –, devenus en grande partie un peuple de l’incrédulité et de l’éloignement de Dieu ? N’est-il pas vrai que l’Occident, les Pays centraux du christianisme sont fatigués de leur foi et, ennuyés de leur propre histoire et culture, ne veulent plus connaître la foi en Jésus-Christ ? »

Cette apostasie désabusée est forcément une mort lente, une déclinaison de La vieillesse du monde qui renonce à tout ce qui le vivifie, l’irrigue, et lui donnerait une jeunesse sans fin.

Et le Pape de s’écrier :

« Nous avons raison de crier vers Dieu en cette heure : ne permets pas que nous devenions un non-peuple ! Fais que nous te reconnaissions de nouveau ! »

Un non-peuple, à peine l’ombre de lui-même, perdu dans le néant de son auto-idolâtrie mortelle. Ce non-peuple dans ses aspects les plus paroxystiques n’hésite pas à sacrifier les vieux, les faibles, les jeunes, les enfants à naître et sa pierre de construction elle-même – la famille – à son non-dieu.

A l’heure où nous sommes, nos nations charnelles n’ont pas de chance de subsister, elles se meurent de ce refus de Dieu.